LES ÉPILEPSIES-ABSENCES
DOSSIER
236Neurologies • Avril 2011 • vol. 14 • numéro 137
faciales et une augmentation du
seuil de réactivité à des stimuli
sensoriels (5). Dans ce modèle
animal, l’analyse des degrés
d’association statistique et des
délais temporels entre les activi-
tés critiques enregistrées simul-
tanément dans différentes ré-
gions corticales et thalamiques
révèle qu’une région restreinte
du cortex (somato-sensoriel)
mène les activités paroxystiques
dans les premiers instants de la
crise
(Fig. 1C)
(6). Ces activités épi-
leptiques initiées à partir d’un
foyer cortical se propagent à la
vitesse de 2 m/sec, vitesse com-
patible avec une propagation
des paroxysmes via des circuits
synaptiques. Lorsque la crise
est pleinement généralisée, les
relations d’association varient
suivant les crises entre le cortex
et le thalamus, les deux struc-
tures pouvant indifféremment
contrôler les activités paroxys-
tiques (6).
• Dans un autre modèle, le Ge-
netic Absence Epilepsy Rats from
Strasbourg (GAERS), modèle gé-
nétique le mieux décrit et pré-
sentant les plus fortes homolo-
gies avec la maladie humaine
(5), notre équipe a également
identifié un foyer néocortical
à l’origine des DPO. Ce foyer,
localisé dans le cortex soma-
tosensoriel primaire, présente
des décharges épileptiques qui
précèdent systématiquement
celles du cortex moteur et des
noyaux thalamiques correspon-
dants (4, 7)
(Fig. 1D)
. L’inactivation
pharmacologique de ce foyer
cortical prévient la survenue des
DPO généralisées (corticales et
thalamiques), alors que le blo-
cage fonctionnel des autres aires
corticales ou des noyaux thala-
mo-corticaux est sans effet sur
la capacité endogène du foyer
cortical à générer des décharges
épileptiques (7). De plus, l’injec-
tion d’éthosuximide (médica-
tion anti-absence de première
intention) à des doses thérapeu-
tiques a pour effet d’arrêter les
DPO et de “normaliser” les pro-
priétés ictogéniques (voir plus
bas) des neurones initiateurs des
crises (8).
CHEZ L’ANIMAL : IDENTIFICATION
DES NEURONES “ICTOGÉNIQUES”
Des enregistrements intracel-
lulaires in vivo réalisés chez le
GAERS ont permis d’identifier
une sous-population de neurones
corticaux à l’origine des évène-
ments paroxystiques. Ces neu-
rones “initiateurs” des crises sont
des cellules pyramidales excita-
trices (glutamatergiques) locali-
sées dans les couches profondes
(V et VI) du foyer (4, 7)
(Fig. 2A)
. Ils
sont plus dépolarisés et plus ac-
tifs durant les périodes critiques
et inter-critiques, comparés aux
autres neurones corticaux et tha-
lamiques. Lors des pointes sur
l’EEG, ces neurones ictogéniques
émettent des bouffées de poten-
tiels d’action à haute fréquence
(Fig. 2B, C)
, lesquelles précèdent la
décharge, souvent modérée, des
autres neurones corticaux et des
cellules thalamo-corticales cor-
respondantes
(Fig. 2C)
.
L’hyperactivité des neurones
des couches profondes du foyer
cortical pourrait provenir d’une
augmentation de la transmis-
sion glutamatergique (de type
NMDA), combinée à une réduc-
tion de l’activité GABAergique
de type A (9), ce qui pourrait
également rendre compte de
leur potentiel de membrane
plus dépolarisé. Cependant, de
récents résultats obtenus dans
notre laboratoire indiquent que
la décharge des neurones ictogé-
niques est négativement contrô-
lée par les interneurones locaux
(Fig. 2E)
, démontrant ainsi la fonc-
tionnalité du système GABAer-
gique au sein du foyer cortical,
et suggérant un effet inhibiteur
sur les neurones ictogéniques. Il
est également proposé que l’hy-
peractivité de ces neurones soit
due à une modification d’ex-
citabilité intrinsèque résultant
d’une expression accrue de ca-
naux sodiques voltage-dépen-
dants (10) et/ou d’une réduction
d’un courant cationique activé
lors de l’hyperpolarisation (11).
De manière cohérente avec leur
propriété d’initiation des crises,
les neurones des couches pro-
fondes du foyer présentent spon-
tanément des oscillations mem-
branaires
(Fig. 2D)
non signalées
sur l’EEG de surface pouvant,
par un effet de recrutement local
progressif, embraser les circuits
neuronaux du foyer (4). La com-
préhension des mécanismes cel-
lulaires sous-tendant ces oscilla-
tions “anticipatrices” des crises
permettrait de préciser les pro-
cessus dynamiques de genèse et
de généralisation des DPO à par-
tir du foyer. L’ensemble de ces
données fournit une base cellu-
laire pour l’hypothèse électro-
clinique, émergeante depuis
peu, que les crises d’absence ne
seraient pas au sens “classique”
strictement généralisées mais
“focales néocorticales”, se géné-
ralisant rapidement (10-15 ms
chez le rat, 40 ms chez l’homme)
aux deux hémisphères.
DONNÉES HUMAINES :
IMPLICATION
DU LOBE FRONTAL
De récentes investigations EEG
en “haute résolution” chez de
jeunes patients atteints d’épi-
lepsie-absence démontrent une
implication du lobe frontal dans
les processus dynamiques de ge-
nèse des DPO (3)
(Fig. 1B)
.
Par ailleurs, deux études en
magnétoencéphalographie dé-
crivent une origine frontale