Forum Med Suisse 2012;12(3):50–51 50
HigHligHts 2011: neuropédiatrie
Lorsque seules l’anamnèse et la clinique
donnent le diagnostic
Epilepsies partielles bénignes du nourrisson
Jürg Lütschga, Harald Schoberb
a Abteilung für Neuropädiatrie, Universitäts-Kinderspital beider Basel, Basel
b Landeskrankenhaus Feldkirch, Österreich
Watanabe et al. [1] ont décrit pour la première fois en
1987 des épilepsies partielles sans étiologie déterminée
se manifestant au cours de la première année de vie.
Cette forme d’épilepsie peut être source d’hésitations
diagnostiques et éventuellement d’examens invasifs inu-
tiles. Seront discutés ci-dessous la manifestation clinique,
le diagnostic différentiel et une marche à suivre diagnos-
tique la plus efcace possible à l’exemple d’un patient
typique.
Patient
Chez ce garçonnet de 9 mois maintenant, normalement
développé, sont apparues à l’âge de 8 mois des crises
avec immobilité subite, déviation gauche du regard et
mouvements brusques du bras gauche. Ces crises du-
raient généralement 2 à 3 minutes. Il en a présenté 5
pendant 2 jours, puis plus aucune pendant une semaine.
Après quoi nouvelle série de crises pendant 3 jours. Les
EEG, y compris l’EEG sur 24 heures et l’IRM étaient
normaux et aucune anomalie métabolique n’a été dé-
celée. L’ anamnèse familiale est vierge de toute épilep-
sie.
Discussion
Ce petit patient montre le tableau clinique typique
(tab. 1 p) d’une épilepsie partielle bénigne du nour-
risson [2–4]. Cette forme d’épilepsie apparaît le plus
fréquemment entre le 5e et le 8e mois (extrêmes 3e et
10e mois). Les crises se caractérisent chez 60–80% des
patients par une xité du regard, une déviation oculaire
et une cyanose, et chez 20–40% par une immobilité,
des automatismes oraux et un cri initial [5]. Elles se dé-
clenchent la plupart du temps à l’état de veille en «clus-
ters» (2–10/jour) pendant 1–3 jours, suivis de 1–3 se-
maines sans crise. L’ EEG interictal est normal. Le
diagnostic est conrmé par les pointes sur l’EEG ictal
[6]. La plus grande chance d’enregistrer une crise sur
l’EEG est un enregistrement sur 24 heures pendant une
phase de clusters.
A part les crises partielles complexes ci-dessus certains
nourrissons peuvent avoir des crises partielles avec
généralisation secondaire. Sur la base des résultats de
l’EEG ictal nous devons admettre que ces deux types de
crise partent de régions du cerveau différentes (les par-
tielles complexes du lobe temporal et les secondairement
généralisées des régions centropariétales) et qu’elles ne
sont donc pas tout à fait identiques. Le pronostic est ex-
cellent dans les deux formes, c.-à-d. que ces enfants sont
libérés de toute crise par un traitement de carbamazé-
pine et ont un développement psychomoteur normal
même après avoir fait des crises.
Vigevano et al. [7] ont en outre décrit en 1992 des épi-
lepsies partielles bénignes familiales héréditaires, auto-
somales, chez des nourrissons (benign familial infan-
tile seizures, BFIS). Les premières crises se déclenchent
entre les 4e et 8e mois de vie. Ces petits patients ont eux
aussi un développement psychomoteur normal. Elles
se présentent également en «clusters» de 8–10/jour
pendant 1–3 jours. Elles durent de 3 à 5 minutes et se
manifestent par un arrêt brusque de toutes les fonctions
psychiques et motrices, une hypotonie généralisée, une
déviation de la tête et du regard et des mouvements
brusques unilatéraux, pouvant s’étendre controlatérale-
ment de manière synchrone ou asynchrone. La dévia-
tion de la tête et du regard peut varier d’une crise à
l’autre. Sinon ces crises sont très stéréotypées. L’ EEG
interictal est normal et ne révèle des ondes delta ou sharp
waves pariéto-occipitales que pendant les jours de crises
sérielles.
La génétique moléculaire a permis de distinguer diffé-
rentes formes de BFIS. Pour la BFIS1 elle a trouvé des
mutations sur le chromosome 19q12-13.1 et pour la
BFIS2 sur le chromosome 16p. Les patients ayant la
variante BFIS3 ont montré des mutations du gène SCN2A
(perturbation du canal du Na+) sur le chromosome 2q24.3.
Dans cette variante les crises peuvent apparaître avant
le 4e mois déjà et parfois être plus difciles à contrôler
par un traitement. L’ anamnèse familiale comporte plus
Jürg Lütschg
Les auteurs ne
déclarent aucun
soutien nancier ni
d’autre conit
d’intérêt en
relation avec cet
article.
Ta bleau 1. Caractéristiques cliniques de l’épilepsie bénigne
du nourrisson non familiale [5].
Epilepsie partielle bénigne
avec crises partielles
complexes
Epilepsie partielle bénigne
avec crises généralisées
secondaires
Développement psychomoteur
normal
Développement psychomoteur
normal
Aucune pathologie neurologique Aucune pathologie neurologique
Début au cours de la 1re année Début au cours de la 1re année
Crises partielles complexes
(immobilité subite, réactions 4,
automatismes, mouvements
tonicocloniques)
Crises partielles
(regard xe ou cri)
Généralisation secondaire
Crises en «clusters» Crises en «clusters»
EEG interictal: normal EEG interictal: normal
EEG ictal: foyer temporal EEG ictal: au début foyer
centrotemporal
Bonne réponse à la
carbamazépine
Bonne réponse à la
carbamazépine
Pronostic très bon Pronostic très bon