H i g H l i g H t s 2 011 : n e u r o p é d i at r i e Lorsque seules l’anamnèse et la clinique donnent le diagnostic Epilepsies partielles bénignes du nourrisson Jürg Lütschga, Harald Schoberb a b Abteilung für Neuropädiatrie, Universitäts-Kinderspital beider Basel, Basel Landeskrankenhaus Feldkirch, Österreich Watanabe et al. [1] ont décrit pour la première fois en 1987 des épilepsies partielles sans étiologie déterminée se manifestant au cours de la première année de vie. Cette forme d’épilepsie peut être source d’hésitations diagnostiques et éventuellement d’examens invasifs inutiles. Seront discutés ci-dessous la manifestation clinique, le diagnostic différentiel et une marche à suivre diagnostique la plus efficace possible à l’exemple d’un patient typique. Patient Chez ce garçonnet de 9 mois maintenant, normalement développé, sont apparues à l’âge de 8 mois des crises avec immobilité subite, déviation gauche du regard et mouvements brusques du bras gauche. Ces crises duraient généralement 2 à 3 minutes. Il en a présenté 5 pendant 2 jours, puis plus aucune pendant une semaine. Après quoi nouvelle série de crises pendant 3 jours. Les EEG, y compris l’EEG sur 24 heures et l’IRM étaient normaux et aucune anomalie métabolique n’a été décelée. L’anamnèse familiale est vierge de toute épilepsie. Jürg Lütschg Les auteurs ne déclarent aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêt en relation avec cet article. Discussion Ce petit patient montre le tableau clinique typique (tab. 1 p) d’une épilepsie partielle bénigne du nourrisson [2–4]. Cette forme d’épilepsie apparaît le plus fréquemment entre le 5e et le 8e mois (extrêmes 3e et 10e mois). Les crises se caractérisent chez 60–80% des patients par une fixité du regard, une déviation oculaire et une cyanose, et chez 20–40% par une immobilité, des automatismes oraux et un cri initial [5]. Elles se déclenchent la plupart du temps à l’état de veille en «clusters» (2–10/jour) pendant 1–3 jours, suivis de 1–3 semaines sans crise. L’EEG interictal est normal. Le diagnostic est confirmé par les pointes sur l’EEG ictal [6]. La plus grande chance d’enregistrer une crise sur l’EEG est un enregistrement sur 24 heures pendant une phase de clusters. A part les crises partielles complexes ci-dessus certains nourrissons peuvent avoir des crises partielles avec généralisation secondaire. Sur la base des résultats de l’EEG ictal nous devons admettre que ces deux types de crise partent de régions du cerveau différentes (les partielles complexes du lobe temporal et les secondairement généralisées des régions centropariétales) et qu’elles ne sont donc pas tout à fait identiques. Le pronostic est excellent dans les deux formes, c.-à-d. que ces enfants sont libérés de toute crise par un traitement de carbamazépine et ont un développement psychomoteur normal même après avoir fait des crises. Vigevano et al. [7] ont en outre décrit en 1992 des épilepsies partielles bénignes familiales héréditaires, autosomales, chez des nourrissons (benign familial infantile seizures, BFIS). Les premières crises se déclenchent entre les 4e et 8e mois de vie. Ces petits patients ont eux aussi un développement psychomoteur normal. Elles se présentent également en «clusters» de 8–10/jour pendant 1–3 jours. Elles durent de 3 à 5 minutes et se manifestent par un arrêt brusque de toutes les fonctions psychiques et motrices, une hypotonie généralisée, une déviation de la tête et du regard et des mouvements brusques unilatéraux, pouvant s’étendre controlatéralement de manière synchrone ou asynchrone. La déviation de la tête et du regard peut varier d’une crise à l’autre. Sinon ces crises sont très stéréotypées. L’EEG interictal est normal et ne révèle des ondes delta ou sharp waves pariéto-occipitales que pendant les jours de crises sérielles. La génétique moléculaire a permis de distinguer différentes formes de BFIS. Pour la BFIS1 elle a trouvé des mutations sur le chromosome 19q12-13.1 et pour la BFIS2 sur le chromosome 16p. Les patients ayant la variante BFIS3 ont montré des mutations du gène SCN2A (perturbation du canal du Na+) sur le chromosome 2q24.3. Dans cette variante les crises peuvent apparaître avant le 4e mois déjà et parfois être plus difficiles à contrôler par un traitement. L’anamnèse familiale comporte plus Tableau 1. Caractéristiques cliniques de l’épilepsie bénigne du nourrisson non familiale [5]. Epilepsie partielle bénigne avec crises partielles complexes Epilepsie partielle bénigne avec crises généralisées secondaires Développement psychomoteur Développement psychomoteur normal normal Aucune pathologie neurologique Aucune pathologie neurologique Début au cours de la 1re année Début au cours de la 1re année Crises partielles Crises partielles complexes (immobilité subite, réactions 4, (regard fixe ou cri) automatismes, mouvements tonicocloniques) Généralisation secondaire Crises en «clusters» Crises en «clusters» EEG interictal: normal EEG interictal: normal EEG ictal: foyer temporal EEG ictal: au début foyer centrotemporal Bonne réponse à la carbamazépine Bonne réponse à la carbamazépine Pronostic très bon Pronostic très bon Forum Med Suisse 2012;12(3):50–51 50 H i g H l i g H t s 2 011 : n e u r o p é d i at r i e volontiers des patients ayant eu des convulsions fébriles. Le diagnostic de crises infantiles partielles bénignes doit être posé sur la base de critères cliniques, vu que chez ces enfants tout est normal à part l’EEG ictal, qui n’est pas facile à enregistrer. Cette forme d’épilepsie doit être distinguée des épilepsies partielles cryptogénétiques ou symptomatiques, par ex. après lésions cérébrales périnatales, dysplasies corticales ou processus expansifs intracrâniens. Un retard de développement psychomoteur, des déficits neurologiques et un EEG interictal pathologique excluent des crises infantiles bénignes [8]. Malgré les symptômes cliniques typiques il n’est souvent pas possible de se passer d’une imagerie par RM chez les petits patients présentant des crises infantiles bénignes. Dans le diagnostic différentiel ces formes doivent également être distinguées des crises non épileptiques telles que le syndrome de Sandifer, les dyskinésies ou choréoathétoses paroxystiques [2]. Dans le syndrome de Sandifer il se produit un opisthotonos paroxystique intermittent durant 1–2 minutes avec rotation tonique de la tête. L’étiologie en est un reflux gastro-oesophagien ou une hernie hiatale. Les dystonies paroxystiques se manifestent par des extensions ou flexions subites des bras et par un opisthotonos paroxystique. Les patients ne perdent pas connaissance. Le diagnostic différentiel de la choréoathétose paroxystique est un peu plus difficile, il s’agit de faire la distinction entre forme familiale, kinésiogène paroxystique et acquise. Ces patients présentent souvent dans la petite enfance déjà des mouvements paroxystiques très violents spontanés ou déclenchés par certaines activités, sans perte de connaissance, pouvant durer de quelques minutes à quelques heures. Le locus génique de la forme kinésiogène paroxystique est situé sur le chromosome 16p, comme pour la BFIS2. Les deux formes ont été décrites dans la même famille. Retenons en résumé que l’épilepsie partielle bénigne du nourrisson n’est présente que chez des enfants ayant un développement psychomoteur normal. Les crises, généralement caractérisées par immobilité subite, regard fixe avec perte de connaissance, déviation oculaire et automatismes, se produisent la plupart du temps à l’état de veille sous forme de «clusters» pendant quelques jours et sont suivies de longues pauses. La distinction se fait entre formes familiales et non familiales. L’EEG interictal, l’imagerie et tous les autres examens de laboratoire sont normaux. Le diagnostic peut être confirmé par un EEG ictal. Ces patients seront débarrassés de leurs crises sous carbamazépine. Correspondance: Prof. em. Jürg Lütschg Im Kirschgarten 5 CH-4102 Binningen juerg.luetschg[at]unibas.ch Références Vous trouverez la liste des références en ligne sous www.medicalforum.ch en annexe à l’article. Forum Med Suisse 2012;12(3):50–51 51 Wenn nur Anamnese und klinische Befunde zur Diagnose führen / Lorsque seules l’anamnèse et la clinique donnent le diagnostic Literatur (Online-Version) / Références (online version) 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. Watanabe K , Yamamoto N, Negoro T, Takaesu E, Kozaburu A, Furune S et al. Benign Complex Partial Epilepsy in Infancy Pediatric Neurology 1987;3:208–11. Espeche A Benign infantile seizures: A prospective study Epilepsy Research 2010: 89; 96 -103. Espeche A, Cersosimo R, Caraballo R.H. Benign infantile seizures and paroxysmal dyskinesia: A well defined familial syndrome Seizure 2011; 20:686–91. Specchio N and Vigevano F The spectrum of benign infantile seizures Epilepsy Resaerch 2006: 70S; S156–S167. Okumara A, Watanabe K, Negoro T, Hayakawa F, Kato T und Natsume J The Clinical Characterizations of Benign Partial Epilepsy in Infancy Neuropediatrics 2006: 37; 359 – 363. 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