
Lundi 12 janvier 2015 ♦ page 19
Correspondance de la Publicité
Si toute association agréée a qualité à agir, est-elle pour autant en mesure d'agir ? Encore faut-il
que, dans ses statuts, son objet social en prévoit la possibilité. C'est une exigence qu'a rappelée
dans un autre cadre la Cour de cassation : une association peut agir dès lors que cette faculté figure
dans son objet social. Evidemment, a pointé Me Hervé LECUYER, un tel oubli ne vaudra qu'une
fois, l'association complétant alors ses statuts pour combler ce vide.
Dans ce même registre on assiste, comme l'a souligné Me Michel RASLE dans son propos
introductif, à des tentatives de contournement de la loi du fait de certains avocats qui essaient de
s'immiscer dans le processus alors que le législateur les a pourtant écartés des personnes ayant
qualité à agir. Ainsi voit-on quelques-uns d'entre eux tenter de contourner la difficulté en s'abritant
derrière des sites Internet, a-t-il averti. Ceux-ci, pilotés en fait par des avocats, entreprennent sous
couvert d'assistance technique, d'agréger une multitude de demandes individuelles pour faire
masse avec à l'arrivée une sorte de collectivisation des recours individuels, a relevé pour sa part
Me LECUYER. Celui-ci a rejoint M. Philippe SAULT, directeur du contentieux et du recouvrement
au CIC, pour qui il s'agit là en fait d'une fraude civile, sanctionnable par des dommages et intérêts.
Alors que le Conseil de l'Ordre est déjà saisi de cette question sous l'angle professionnel et
déontologique, la question mériterait en effet d'être posée en droit sous l'angle de la théorie de la
fraude, à savoir une règle obligatoire qu'on contourne à dessein par l'emploi d'un moyen valable
juridiquement.
D'autres pistes peuvent également être explorées par le jeu du
code de procédure civile, a détaillé Me LECUYER.
Ainsi en est-il de la notion d'intérêt à agir. En effet, celui-ci ne se
présume pas, il doit être prouvé. L'action est ouverte à tous ceux
qui y ont un intérêt légitime. De ce point de vue, la question
pourrait être posée dans le cas d'une réparation qui, ramenée à
chaque individu membre du groupe, s'avèrerait dérisoire. Cette
notion est d'ailleurs reprise par l'Autorité de la concurrence qui exige un seuil plancher pour
examiner une plainte. Se plaçant au plan des principes, on a là un changement substantiel quant à
la finalité de la responsabilité civile, a pour sa part considéré Me Michel RASLE. En effet, dans les
procédures classiques, il s'agit de réparer un préjudice. Dans le cas présent, on pourra faire face à
une quantité importante de "mini" préjudices. Et d'illustrer son propos en évoquant deux affaires
aux Etats-Unis, l'une concernant des taxis dans laquelle chaque personne a reçu 7 dollars ; une
autre contre un club de golf où chaque membre du groupe a reçu une consommation gratuite. Si
prise individuellement, la réparation paraît symbolique, elle peut être très lourde pour le
professionnel si le groupe de consommateurs est important. Ne basculerait-on pas alors d'une
notion de réparation du préjudice vers une notion punitive, à l'image de ce qui existe aux Etats-
Unis avec les "punitive damages", ou dommages punitifs, s'est-il interrogé. Un précédent existe
déjà en France avec la récente loi sur la contrefaçon (loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre
la contrefaçon) aux termes de laquelle les dommages et intérêts doivent désormais être fixés en
prenant également en considération les bénéfices réalisés par le contrefacteur.
Autre moyen de défense à examiner, a relevé Me Hervé LECUYER, l'intérêt doit être né et actuel,
écartant de facto un intérêt futur. C'est ce qu'a dit la Cour de cassation dans un arrêt de 1985 dans
un tout autre domaine, celui de la clause de conscience applicable aux journalistes, faisant valoir
qu'on ne peut provoquer un contentieux en l'absence de litige ou de différend. Transposée à
l'action de groupe, la question serait de savoir si l'on peut provoquer une telle procédure en
l'absence de sollicitation, de litige préexistant provenant des membres de la classe que l'on