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Editorial
La comorbidité psychiatrique « al dente »
Dr Jacques BOUCHEZ, Bagneux
Ce Flyer hors-série propose la traduction intégrale d’un article de synthèse du Pr Icro
Maremmani sur la comorbidité psychiatrique. Le choix de cette publication inaugure une série
de réflexions et de points de vue sur les liens entre la psychiatrie et les abus et dépendances
aux produits qui se prolongera dans un numéro prochain. Il ouvre aussi une réflexion sur
d’autres pratiques européennes.
La psychiatrie italienne a suivi une phase de remise en question profonde. Le courant induit
par le Dr Basaglia dans les années 60, a permis de réformer un lieu de soins psychiatrique trop
éloigné de la vie sociale. Il a amené à des évolutions institutionnelles de fond mais localement
inégales. La question du soin psychiatrique est devenue une question politique entraînant
réformes et résistances. Jusqu’en 1980, la pathologie psychiatrique pouvait apparaître sur le
casier judiciaire. Les lieux de soins se sont ainsi ouverts progressivement sur la ville et la
maladie mentale a été mieux considérée. La prise en charge des usagers de drogue en Italie a
connu, comme dans bien d’autres pays européens, des évolutions finalement récentes.
L’orientation générale vers des projets d’abstinence à court terme, des programmes de
traitement par un antagoniste opiacé, la naltrexone, ont longtemps servi de référence pour la
médecine de ville et la psychiatrie institutionnelle. Les perspectives de réduction des risques
ont longtemps été bloquées par le statut judiciaire de la dépendance à l’héroïne. Le
développement de la substitution en Italie doit beaucoup au Pr Maremmani tout comme
l’évolution des soins psychiatriques aux usagers. Ses travaux pharmacologiques ont été
novateurs, ses études cliniques sur les comorbidités psychiatriques ont aussi fait évoluer les
idées en permettant de sortir les usagers d’héroïne du cadre trop restrictif et stigmatisant de la
maladie mentale.
En faisant la revue de la littérature sur la comorbidité psychiatrique des addictions aux
substances psycho-actives et en intégrant les résultats d’études personnelles, cet article permet
d’avoir une vision complète et plus complexe des liens entre psychiatrie et addiction aux
produits. Il n’est pas réservé aux spécialistes car cette complexité n’est qu’apparente. Il faut le
lire comme un argumentaire et non comme un manuel. Dans chaque sous chapitre, l’auteur
exprime pour commencer les données les plus générales et les plus anciennes. Il argumente
ensuite avec les articles plus récents et aboutit à une synthèse qui résume bien la question
soulevée et parfois à l’opposé des premières idées. C’est donc souvent l’ensemble de la
discussion qui permet d’avoir une vision claire même si elle nécessite une lecture assidue et
parfois patiente. Elle aboutit à une compréhension plus fine et plus réaliste des expériences
cliniques de chacun.
Cette revue permet de distinguer les troubles induits par les substances elles-mêmes, des
pathologies associées à réellement traiter. Elle apporte aussi une réflexion sur les origines
communes possibles des troubles psychiatriques et des conduites addictives. Ces bases
communes sont particulièrement décrites dans le domaine des personnalités, qu’elles soient
pathologiques ou avec des dimensions sur-représentées comme la recherche de sensation,