La décision d’une sédation, qu’elle soit ou non en phase terminale, doit
avoir pour seule intention de soulager le patient, et obéir à des critères
médicaux et éthiques sensibles qui relèvent de la compétence des médecins,
à l’issue d’un dialogue avec le patient et ses proches. La sédation ne doit pas
devenir la solution de facilité, car elle annihile toute relation et toute
liberté. La présenter comme un nouveau droit est un artifice.
Mais, ne soyons pas naïfs. Pour d’autres, ce nouveau « droit à la sédation »
est une façon de promouvoir l’administration de la mort sous anesthésie
générale. Il suffira pour une personne qu’on dira condamnée à court terme
(comment le vérifier ?), ou dont les traitements la maintiennent
« artificiellement en vie » (qui en décidera ?), de réaliser une sédation
terminale, assortie d’un arrêt d’alimentation et d’hydratation, avec
l’intention délibérée de provoquer le décès.
On parle d’un « droit » du patient, mais comment éviter qu’un tel droit ne
se transforme pour lui en devoir, voire en peine ? Sous la pression
économique ou sociale, l’étiquetage « fin de vie » pourrait encourager des
protocoles de sédation visant le décès.
Si le texte de loi ne précise pas qu’il faut écarter toute intention de
provoquer la mort, il servira aussi de prétexte à des revendications
euthanasiques. Dans tous les cas, ni le mot euthanasie ni celui de suicide
assisté ne seront cependant prononcés, et les médecins seront donc privés
de tout droit à l’objection de conscience. Nous serions contraints de
pratiquer un geste que nous réprouvons.
Faut-il rappeler que le serment d’Hippocrate est né d’une réflexion de bon
sens, dont les personnes en bonne santé ne mesurent peut-être plus toute la
portée ? Le plus faible (la personne malade) a toujours besoin d’être
protégé par le plus fort. D’où l’encadrement de la relation entre un soignant
et un soigné par un principe intangible : « Je ne donnerai à personne du
poison même si on m’en fait la demande et ne prendrai l’initiative d’une
pareille suggestion. »
Quels que soient les mots utilisés (euthanasie, suicide assisté, sédation
terminale), l’interdit de tuer pose une limite fondamentale – vitale ! – pour
toute pratique médicale. Sans ce principe, notre système de santé est
menacé. Parce que, sans lui, toute personne malade, âgée, dépendante,
peut soudain douter de ceux qui la soignent et se sentir à la merci d’une
tentation de toute-puissance, dont nous devons tous être gardés. C’est
pourquoi nous demandons au législateur de protéger les Français du
basculement vers ce danger d’« euthanasie » masquée.
Olivier Claris (Professeur de néonatologie et réanimation
La médecine est sous la menace d’un danger d’euthanasie http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2015/03/09/la-medecine-est-sou...
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