C`est l`inadaptation de notre système de santé qui a besoin d`être

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C’est l’inadaptation de notre système de santé qui a
besoin d’être réformé
Author : Maximilien Bernard
Categories : Brèves, Culture de Vie, Perepiscopus, Points non négociables
Date : 22 novembre 2014
Le 18 novembre, le quotidien La Croix publiait un entretien avec Mgr d’Ornellas, responsable
du groupe de travail de la CEF sur la fin de vie :
"Faut-il modifier la loi Leonetti ?
Il faut d’abord prendre la mesure d’une loi votée à l’unanimité il y a dix ans seulement. Cette
unanimité, parce qu’elle nous situe au-delà des postures idéologiques et des rapports de
forces, lui donne une grande valeur. Elle manifeste qu’on a su trouver un équilibre législatif,
qui, d’ailleurs, a inspiré d’autres pays. Par exemple l’Espagne, qui a modifié sa trajectoire
législative pour s’inspirer de la loi Leonetti. Il serait donc dommageable de vouloir la changer
sans réfléchir au sens de cette unanimité. S’il doit y avoir une modification, ce ne peut être que
pour consolider cette unanimité.
Sur quoi s’est fondée cette unanimité ?
Sur le devoir de prendre soin de la personne en fin de vie de telle sorte qu’elle ne souffre pas.
L’unanimité a salué la grandeur et la nécessité de la médecine palliative, ainsi que les
conséquences fondamentales qui en découlent et qui sont à garder : le refus de l’obstination
déraisonnable et de l’euthanasie, la délibération collégiale et le respect de la volonté du
patient. Bien sûr, on peut apporter certaines améliorations. D’abord, quand on parle des
proches ou de la famille, de qui s’agit-il ? Ensuite, comment tenir compte du respect de la
volonté du patient ? Faut-il renforcer les directives anticipées, et vérifier comment le corps
médical en tient compte ? Certainement, s’il s’agit de respecter le patient.
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Mais à mes yeux, il y a un point plus fondamental : penser la loi dans le cadre du concept
républicain de « fraternité ». Respecter la volonté d’un patient, c’est tenir compte de
l’autonomie de quelqu’un qui est en situation de vulnérabilité. Celle-ci appelle une fraternité
qui, en étant une relation de personne à personne, sait prendre le temps de l’écoute, de la
parole, afin que se tisse une relation de confiance et de paix pour permettre au patient
d’exprimer le plus véritablement possible sa volonté. La loi est fondée sur le bien- fondé d’un
accompagnement que je qualifierai de « fraternel ».
Les directives anticipées ne sont-elles pas une occasion pour notre société et pour chacun de
ses membres de se réapproprier un art de mourir que nous avons oublié ?
Certainement. Les directives anticipées ne devraient pas pouvoir être rédigées sans un
dialogue constant avec un médecin, dans le cadre d’un pacte de soin fondé sur la confiance, et
non pas lors d’une rencontre occasionnelle. Elles ne peuvent être sérieusement rédigées sans
bien connaître et la loi et les différents actes médicaux qui peuvent être posés en fin de vie et
qui permettent de bien mourir. En même temps, c’est toujours compliqué de rédiger ses
directives alors qu’on est en bonne santé. Je ne pense pas qu’on puisse se mettre à la place
du malade que l’on sera quand on ne l’est pas.
Peut-on imaginer qu’un jour l’Église offre son aide aux personnes dans la rédaction de ces
directives anticipées ?
Bien sûr, la fraternité est évangélique ! La personne peut être accompagnée spirituellement
dans cette démarche qui oblige à se projeter vers un avenir, par définition, inconnu. Rédiger
ces directives, c’est poser un acte de liberté et, pour le croyant, une occasion de s’interroger
sur sa finitude, de méditer sur sa relation à Dieu et son avenir avec Lui, sur la vie éternelle. A
titre personnel, il m’est arrivé de mettre par écrit, sous la dictée, les directives d’une personne
âgée. C’est un moment riche d’écoute et de paroles sur des choses essentielles, sur ce «
germe d’éternité » que, tous, mortels, nous portons en nous.
Comment l’Église se situe-t-elle devant la sédation profonde ?
Tout d’abord, la sédation profonde n’est pas un droit. Le médecin ne peut être l’otage du
patient. Ceci se discute à l’intérieur d’un dialogue fondé sur la confiance dans la relation de
soin, avec la personne de confiance si le patient ne peut plus s’exprimer. Mais surtout, il faut
être précis sur les termes. Parle-t-on de sédation pour quelqu’un qui souffre d’une maladie
incurable ou, plutôt, de quelqu’un qui, sans être malade, éprouve un mal de vivre ? Face au
mal de vivre, la sédation n’est pas la réponse juste. On ne peut enfermer quelqu’un dans le
non-sens de l’alternative : ou bien la sédation profonde ou bien le mal de vivre ! Le vrai
problème est l’accompagnement.
Toujours sur la terminologie, parle-t-on de sédation terminale profonde parce que c’est une
sédation en phase terminale ou plutôt parce qu’il s’agit de conduire à cette phase terminale et
donc à la mort ? Ce ne peut jamais être une sédation terminale au sens elle aurait pour
intention d’abréger directement la vie. Par contre, la sédation profonde peut être envisagée si
elle reste le seul moyen de supprimer la souffrance, même si cela a pour conséquence,
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indirecte et non voulue, l’affaiblissement de l’organisme qui réagirait moins à la maladie...
C’est elle qui donne la mort, non la sédation. Il s’agit alors d’une sédation en phase terminale.
Pour rassurer son électorat, et à défaut de résultats sur le plan économique, le gouvernement
pourrait être tenté de proposer d’engager de nouvelles réformes sociétales, notamment en
matière d’euthanasie. Craignez-vous cette hypothèse ?
J’ai effectivement lu dans la presse que monsieur Jean-Michel Baylet, le président du Parti des
radicaux de gauche, en aurait fait une condition de son soutien au gouvernement.
Personnellement, j’estime que ce serait une erreur stratégique monumentale. Le vrai problème
n’est d’ailleurs pas là comme le disent aussi bien le rapport Sicard que celui du CCNE. C’est
celui de l’inadaptation de notre système de santé qui a besoin d’être réformé. Or on se
contente de l’aménager.
Nous avons besoin non pas de réformettes, mais d’une réforme qui adapte le système santé à
toutes les avancées scientifiques et médicales, et notamment à la grande idée du prendre soin
global. Il faut un système de santé où la médecine palliative soit articulée à la médecine
curative. La question d’un pacte politique sociétal qui prendrait les Français en otage sur
l’euthanasie serait une erreur stratégique, une myopie politique gravissime et pitoyable qui
ferait, de façon coupable, le jeu des extrêmes. J’admire celles et ceux qui font de la politique
car ils ont une idée de l’homme, de sa grandeur, à promouvoir au service de tous, et non de
lobbies.
Il y a un an, la conférence citoyenne préconisait de légaliser le suicide médicalement
assisté ? où en sommes-nous sur ce dossier ?
Le rapport d’étape du CCNE précise que c’est le lieu de divergences profondes et donc ne
s’engage pas sur ce sujet. Le rapport Sicard dit qu’il est surtout urgent de ne pas légiférer.
Aucun ne s’engage donc dans cette voie. On le comprend aisément. Le suicide médicalement
assisté est en totale contradiction avec les valeurs de la République, notamment la fraternité.
Nul patient ne peut entraîner son frère en humanité dans l’acte de mort qu’il voudrait faire pour
lui-même. C’est le contraire de la fraternité. Si la fraternité n’est pas pour la vie, alors ce n’est
pas de la fraternité. La fraternité dans l’acte de soin a besoin d’un interdit que le serment
d’Hippocrate exprime : ne pas tuer signifie aussi ne pas être complice médicalement de l’acte
par lequel quelqu’un veut se donner la mort.
Dans votre premier billet sur le blog (www.findevie.catholique.fr) que vous avez lancé sous
l’égide du groupe de travail sur la fin de vie, vous dites la nécessité d’un véritable dialogue en
vue de l’amélioration de la loi Leonetti. Ce dialogue aujourd’hui manque-t-il ?
Sur un tel sujet, le dialogue est plus que nécessaire. Des peurs de la mort, des dénis sont là. Ils
sont mauvais conseillers. Il faut sortir du faux dilemme entre les partisans pour ou contre
l’euthanasie, qui est un dialogue de sourds ! Ce serait indigne au regard des personnes en fin
de vie. Le vrai dialogue consiste à chercher ensemble, en écoutant toutes les personnes
concernées, les patients, les professionnels, les familles, ce qui est le plus respectueux des
personnes en fin de vie. Il me semble que tout le monde est d’accord pour respecter les
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personnes en fin de vie et les personnes souffrant d’une maladie incurable.
Il faut donc ouvrir le dialogue pour savoir quelles seraient les meilleures voies pour les
accompagner ... Rester dans le pour ou contre, c’est prendre en otages les personnes en fin
de vie. Elles méritent beaucoup mieux, elles méritent notre recherche commune pour le bien de
notre frère ou de notre sœur en humanité, fragile et vulnérable. En lisant les commentaires des
internautes, j’ai été frappé que l’initiative du blog répondait à une attente. A l’évidence, il y a
besoin d’un lieu, d’un espace où l’on peut discuter sereinement sur la fin de vie sans
s’écharper. Il y a un besoin de sérénité pour envisager les justes réponses aux situations
diverses touchant à la fin de vie."
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