NOVEMBRE 2012 VOL. 59 N° 7 QUÉBEC PHARMACIE 13
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Traitements anticancéreux oraux
des tumeurs solides (1re partie)
Le nombre de cas de cancer diagnostiqués au Canada augmente d’année en année, notamment à cause de la population vieillissante.
Les nouveaux traitements commercialisés sont de plus en plus orientés vers la chimiothérapie et autres thérapies à prendre à à domicile, ce qui
comporte plusieurs avantages pour le patient. Le but de cet article en deux parties est de permettre aux pharmaciens communautaires d’être plus
à l’aise en matière de prise en charge, de conseils et de suivi des effets indésirables liés à la chimiothérapie per os dans le traitement des tumeurs
solides. Cette première partie abordera l’incidence des différents cancers et les molécules utilisées dans le cancer du poumon, les tumeurs du
système nerveux central, le cancer du foie et le mélanome métastatique. La deuxième partie se concentrera sur les molécules utilisées dans
le traitement du cancer du sein, du cancer colorectal et du cancer du rein, et sur le rôle du pharmacien dans l’adhésion au traitement.
Le cancer constitue la principale cause de mor-
talité au Canada. On estime qu’il y aura eu, à la
n de 2012, 186400 nouveaux cas de cancer (à
lexclusion du cancer de la peau autre que le
mélanome) et 75700dés1. La hausse du nom-
bre de nouveaux cas est principalement attri-
buable à laccroissement et au vieillissement de
la population. À cet eet, 69 % des nouveaux cas
de cancer et 62 % des décès touchent des person-
nes de 50 à 79 ans. La forte prévalence de cette
maladie ainsi que la morbidité et la mortalité
associées font en sorte que le cancer pose plu-
sieurs dés pour notre système de santé. Dans la
perspective du patient, il a un eet profond sur
la qualité de vie à court, moyen et long termes.
Selon le type et le stade du cancer au moment
du diagnostic, un traitement de chimiothérapie
peut être débuté en tenant compte de la volonté
et du statut de performance du patient. Celui-ci
est déterminé par le médecin à l’aide de léchelle
du Eastern Cooperative Oncology Group
(ECOG) qui cote le patient de 0 (pleinement
actif) à 4 (alité au lit en permanence). Les patients
recevant la chimiothérapie ont un statut ECOG
entre 0 et 2. Généralement, les doses d’agents
cytotoxiques conventionnels sont calculées à
partir de la surface corporelle, avec des formules
comme la règle de Dubois datant de 1916
(0,007184 x taille0,725 x poids0,425), alors que les
doses des récentes molécules ciblées sont xes
pour la majorité des patients. Les traitements
sont dons majoritairement par voie intravei-
neuse à lhôpital. Cependant, la chimiothérapie
et les nouvelles thérapies ciblées jouent un rôle de
plus en plus important, que ce soit en monothé-
rapie ou en association avec des agents cytotoxi-
ques intraveineux. Lapproche thérapeutique du
cancer est en pleine révolution. Au cours de la
dernière décennie, des progrès majeurs ont été
accomplis dans la compréhension des causes
génétiques du cancer, ce qui a permis de com-
mercialiser des molécules ciblant les cellules
cancéreuses2. Par exemple, limatinib (Glee-
vecMD) a révolutionné le traitement de la leucé-
mie myéloïde chronique en prolongeant la sur-
vie chez les patients atteints dune mutation au
niveau du chromosome de Philadelphie.
Pour une prise en charge des eets indésira-
bles, plusieurs outils sont mis à la disposition
des pharmaciens communautaires. Le guide de
traitement des nausées et vomissements induits
par la chimiothérapie du Comité de lévolution
des pratiques en oncologie (CEPO) passe en
revue les agents antiémétiques et leur utilisation
selon le potentiel émétisant des différentes
chimiothérapies. Bien que la dernière version de
ce guide date de mai 2009, une nouvelle mise à
jour est attendue durant la prochaine année3.
Écrit par un comité dexperts de pharmaciens
en oncologie, le guide ONCible passe en revue
tous les eets indésirables des thérapies ciblées
et leur prise en charge4. Les sites Internet du
Groupe détude en oncologie du Québec
(GEOQ), de la British Columbia Cancer Agency
(BCCA) et du Cancer Care Ontario (CCO) sont
dautres sources de référence très complètes
pour les pharmaciens communautaires5,6.
Cancer du poumon
Au Canada, en 2012, 25600 nouveaux cas
(13,7%) de cancer du poumon ont été diagnos-
tiqués; il constitue ainsi le deuxième cancer le
plus fréquent chez les hommes (après le cancer
de la prostate) et les femmes (après le cancer du
sein)1. Le cancer du poumon est souvent décou-
vert de façon tardive et demeure le plus meur-
trier des cancers avec une survie à cinq ans après
le diagnostic denviron 15%. Le tabagisme pri-
maire et secondaire est responsable à 85% des
décès associés au cancer du poumon. On pré-
voit que l’incidence mondiale augmentera dans
les prochaines années, surtout à cause de lutili-
sation du tabagisme dans les pays en émergence
(Chine, Inde, etc.). En tant que pharmacien, il
est très important dintervenir auprès du patient
fumeur, car le risque de développer un cancer
du poumon diminue de 80 % à 90% après 15 ans
de cessation tabagique7. Si le patient ne désire
pas arrêter de fumer, il est possible de réévaluer
ses intentions périodiquement ou de lui propo-
ser de diminuer sa consommation. Dans une
étude de cohorte observationnelle dune durée
de 31 ans, une réduction de 25% de la mortalité
secondaire au cancer du poumon a été observée
Texte rédigé par Jean-Philippe Adam, B. Pharm.,
M. Sc., Département de pharmacie du CHUM.
Texte original soumis le 10 septembre 2012.
Texte final remis le 23 octobre 2012.
Révision : Nathalie Letarte, B. Pharm., M. Sc., DESG,
BCOP, pharmacienne en oncologie, Département
de pharmacie du CHUM, et professeure adjointe de
clinique à la Faculté de pharmacie de l’Université
de Montréal; et Stéphanie Biron, B. Pharm.
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chez les patients réduisant leur consommation
de moitié – dans le cas où ils fumaient plus de
15 cigarettes par jour8. Les bénéces quant à la
survie sont également visibles chez les patients
ayant un diagnostic de cancer du poumon et
recevant un traitement de chimiothérapie.
Les symptômes non spéciques sont la toux,
une perte de poids, une douleur thoracique, de
la dyspnée, de lhémoptysie et une voie rau-
que9. On distingue deux catégories de cancer
du poumon : cancer du poumon à petites cel-
lules (CPPC) (13-20%) et cancer du poumon
non à petites cellules (CPNPC) (80-87%). Le
CPPC, très agressif s’il n’est pas traité, présente
souvent des syndromes paranéoplasiques et
est généralement plus sensible à la radiothéra-
pie et à la chimiothérapie. Le traitement est
principalement la chimiothérapie intravei-
neuse composée dun doublet de platine
(cisplatine ou carboplatine) et d’étoposide avec
ou sans radiothérapie. Le CPNPC a une
croissance plus lente et est plus résistant à la
chimiothérapie et à la radiothérapie. Sur le
plan histologique, on peut diviser le CPNPC
en adénocarcinome (37-47%), en cellules épi-
théliales (25-32 %) et à grandes cellules
(10-18 %)10. Le traitement standard pour les
stades 1, 2 et 3A consiste en une résection du
lobe ou du poumon touché. La chimiothérapie
adjuvante a des bénéces seulement pour les
stades 2 et 3A. Dans le stade 3B et 4, le traite-
ment standard reste une chimiothérapie intra-
veineuse associant un doublet de platine en
première intention11. Le gétinib est indiqué
dans le traitement de première intention du
cancer du poumon chez les patients avec une
mutation du récepteur du facteur de crois-
sance épidermique (EGFR). Lerlotinib, plus
utilisé que le géfitinib, peut être employé en
deuxième ou troisième intention de traite-
ment, sans égard au statut EGFR.
Erlotinib (TarcevaMD)
Lerlotinib est un inhibiteur réversible des tyro-
sines kinases et spécique au récepteur du fac-
teur de croissance épidermique12. L’activation
de la tyrosine kinase EGFR a été identifiée
comme étant la clé dune cascade de réactions
menant à l’augmentation de la prolifération, de
la motilité et du potentiel invasif de la cellule
cancéreuse. Ce récepteur est surexprimé dans
10 % à 15% des CPNPC, en plus d’être présent
dans plusieurs autres types de cancer. Lerlotinib
a été étudié dans plusieurs intentions de traite-
ment (première, deuxième et troisième inten-
tions), de même qu’en entretien chez les patients
avec un CPNPC non résécable ou métastatique
(stade 3B ou 4) à la dose de 150 mg par jour en
continu.
Lerlotinib a été étudié en première intention
chez les patients ayant une mutation au niveau
du récepteur EGFR et a montré des bénéces
limités, quoique significatifs13. En traitement
dentretien après quatre cycles dun doublet de
platine, lerlotinib a permis dobtenir de minces
bénéfices sans impact sur la qualité de vie14.
Quoiqu’indiqué au Canada en traitement den-
tretien, ses bénéces de survie d’à peine un mois
par rapport au coût du traitement limitent son
utilisation. La principale utilisation de l’erloti-
nib est en deuxième ou troisième intention; les
gains sur la survie médiane (deux mois) et la
qualité de vie y sont les plus importants15. Dans
ce contexte, l’impact de lerlotinib est semblable
à celui de la chimiothérapie standard (docétaxel,
pemetrexed, etc.)16. Pour des options compara-
bles, le choix du traitement en deuxième ou troi-
sième intention devrait être fait avec le patient
en fonction du prol de toxicité.
Parmi les eets indésirables les plus fréquents,
notons les éruptions cutanées et les diarrhées
(tableau III). La présence de rash peut compro-
mettre lecacité du traitement par réduction
de la dose ou interruption dénitive. An d’évi-
ter cette situation, il est démontré qu’une prise
en charge rapide et concertée est nécessaire17.
Les éruptions cutanées se présentent générale-
ment sous forme acnéique durant les deux à
quatre semaines suivant le début du traitement
et seraient un facteur de bonne réponse au trai-
tement. Habituellement, les patients peuvent
ressentir une sensation de brûlure, de rougeur
et dœdème; dans de rares cas, des surinfections
bactériennes peuvent survenir. Une sécheresse
de la peau peut apparaître quatre à six semaines
suivant le début du traitement sur les régions
atteintes par le rash dû à une perte de rétention
hydrique au niveau de lépiderme. En tout
temps, les mesures non pharmacologiques doi-
vent être appliquées; elles consistent en une
bonne hydratation orale et locale à laide dune
crème émolliente sans parfum ni irritant, au
moins trois à quatre fois par jour18. Dès lappari-
tion d’un rash de grade 1, la plupart des auteurs
suggèrent l’utilisation dun antibiotique et de
corticostéroïdes topiques de faible intensité. Sil
y a progression ou apparition dun rash de
grade 2, un traitement par antibiotique oral ou
corticostéroïde topique d’intensité modérée à
élevée doit être envisagé. Au grade 3 ou 4, le trai-
tement doit être suspendu et la dose réévaluée. Il
faut de plus envisager la prednisone per os chez
certains patients (tableau I). Les diarrhées sont
généralement maîtrisées par linstauration de
Tableau I
Algorithme de traitement pour le rash secondaire aux inhibiteurs de l’EGFR18
(selon l’ordonnance collective du CHUM disponible sur le site Internet du GEOQ5)
Grade 1A ou 1B Grade 2A ou 2B Grade 3A ou 3B *
Clindamycine topique 1 % Clindamycine topique 1 % Recommandations selon
+ + la décision médicale :
Crème d’hydrocortisone 1 % Crème d’hydrocortisone 1 % au visage Cesser le traitement et réévaluer la dose
+ +
APPLICATION BID Crème de bétaméthasone valérate 0,1 % ailleurs sur le corps Analgésiques si rash douloureux
aux régions affectées jusqu’à +
résolution du rash (grade 0) APPLICATION BID Si inflammation et douleur importante :
aux régions affectées jusqu’à résolution du rash (grade 0) prednisone 25 mg PO DIE x 48 heures
+ puis 10 mg PO DIE x 10 jours
Minocycline* 100 mg PO BID pour 4 semaines minimum ou selon suggestion du médecin traitant
et poursuivre si le rash demeure symptomatique +
Si surinfection possiblement à
Si lésions au cuir chevelu : ajouter une lotion capillaire Staph. Aureus : céfuroxime axétil,
de bétaméthasone valérate 0,1 % HS jusqu’à résolution céphalexine, TMP/SMX
* Consulter le médecin traitant en s’assurant que le plan d’intervention tel que décrit pour un grade 2 a été appliqué et poursuivre les médicaments prescrits en prophylaxie.
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Traitements anticancéreux oraux des tumeurs solides (1re partie)
lopéramide à dose régulière (4 mg immédiate-
ment, puis 2 mg à chaque selle liquide). Dans le
cas déruption cutanée ou de diarrhées très
importantes (grade 3 ou 4), il faut suspendre le
traitement jusqu’à résolution de leet indésira-
ble et reprendre lerlotinib à dose réduite, soit
100 mg. Lerlotinib doit être pris à jeun une
heure avant un repas ou deux heures après, car
la nourriture augmente son absorption. Si le
patient est incapable davaler, il est possible de
dissoudre le comprimé dans 100 mL deau pour
une administration immédiate19. Ce médica-
ment est métabolisé principalement par le cyto-
chrome 3A4 et éliminé par les fèces (90%). Par
conséquent, tous les médicaments ayant un
eet inhibiteur ou inducteur du 3A4 peuvent
changer ses concentrations plasmatiques. Si
linteraction ne peut être évitée, en présence
dun inhibiteur, il faut administrer lerlotinib à
dose réduite (50 mg DIE), tandis qu’en présence
dun inducteur, la dose standard peut être débu-
tée (150 mg DIE) puis réévaluée selon la tolé-
rance après deux semaines (tableau IV). L’ab-
sorption derlotinib est dépendante du pH
gastrique et peut être diminuée de 40 % à 61%
lorsque ce médicament est administré avec un
inhibiteur de la pompe à protons (IPP). Il est
suggéré de changer l’IPP pour un antiacide et
despacer de deux heures la prise de ces deux
médicaments. Dans le cas où l’IPP ne peut être
changé après une discussion avec le médecin, le
statu quo est préférable puisqu’une augmenta-
tion des doses derlotinib semble peu ecace
pour renverser linteraction. An que lerlotinib
soit remboursé par le régime général dassu-
rance médicaments du Québec (RGAM), il faut
dabord faire une demande de médicament
dexception pour son utilisation dans le CPNPC
de stade 3B/4 en deuxième ou troisième inten-
tion chez les patients connaissant un échec à un
doublet de platine.
Géfitinib (IressaMD)
Le gétinib est un inhibiteur des tyrosines kina-
ses réversible et spécique au récepteur EGFR,
avec une faible anité pour le récepteur du fac-
teur de croissance épithélial humain (HER-2)12.
Malgré un mécanisme daction similaire, le
niveau dactivité du géfitinib contre la cellule
cancéreuse semble plus faible que celui de lerlo-
tinib. À une dose de 250 mg en continu, le gé-
tinib a été étudié dans plusieurs intentions de
traitement du CPNPC. Les études se sont révé-
lées négatives en première intention, lorsque le
médicament était combiné à un doublet de pla-
tine (carboplatine/paclitaxel ou cisplatine/gem-
citabine), au stade 3 ou 420,21. Des analyses de
sous-groupes ont démontré que les patients avec
une mutation activatrice de lEGFR semblaient
tirer certains bénéces22,23. Par conséquent, l’in-
dication du gétinib se limite au traitement en
première intention en présence dune mutation
à l’EGFR. D’autres études ont montré des béné-
ces mitigés en monothérapie en deuxième ou
troisième intention, si bien que, dans ce
contexte, la majorité des cliniciens préfèrent uti-
liser lerlotinib.
Les eets indésirables les plus fréquents sont les
diarrhées et les problèmes cutas (tableau III).
Ils sont en lien avec le mécanisme daction, et la
prise en charge est la même qu’avec lerlotinib.
Chez les patients ayant des eets indésirables de
grade 3 ou 4, il est suggéré de suspendre la prise
du médicament pour une durée minimale de
deux semaines, puis de réintroduire le gétinib
à la même dose. Notons que seuls des compri-
més de 250 mg sont oerts dans le commerce;
il n’est donc pas possible de suggérer une dimi-
nution de dose après un échec de la réintroduc-
tion du médicament. Dès lors, il vaut mieux
envisager un changement de traitement. Chez
les patients ayant de la diculté à avaler, le gé-
tinib peut être dissous dans 125 mL deau pour
une administration immédiate24. Il peut être
pris avec ou sans nourriture. L’élimination
hépatique via le cytochrome 3A4 entraîne la
transformation en O-desméthyl gétinib, son
métabolite principal qui montre une très faible
activité cancéreuse25. Par conséquent, aucun
ajustement n’est nécessaire en fonction de lâge,
du poids, de la race, de la fonction rénale ou de
la fonction hépatique. On recommande tout de
même un suivi plus étroit chez les patients
atteints dinsuffisance rénale ou hépatique
sévère. Dans le cas où il y aurait un inducteur
du cytochrome 3A4, des études de cinétique
ont montré une diminution significative des
concentrations plasmatiques du médicament,
si bien quil doit être augmenté à 500 mg. Mis à
part cette situation, la dose de génitib à utiliser
est de 250 mg per os DIE en continu. An que la
prise de gétinib soit couverte par la RGAM,
une demande pour patient dexception doit
être faite. Le seul motif de remboursement est
son utilisation dans un contexte de première
intention des patients CPNPC de stade 3B ou 4
et présentant une mutation activatrice de
lEGFR.
Tableau II
Format, coût et statut RAMQ des médicaments cytotoxiques
Nom de Nom commercial Fabricant Formats disponibles Coût approximatif RGAM
la molécule pour un cycle ($)*
Témozolomide TemodalMD Merck Canada Inc. Capsules de 5, 20, 100, Avec radiothérapie Médicament
140, 180 et 250 mg (42 jrs) : 9145 $ d’exception
Maintien (5 jrs) :
1875 à 2664 $
Lomustine CeeNUMD Bristol-Myers Squibb Capsules de 10, 40 Monothérapie/ Patient
et 100 mg association (1 jr) 54 $ d’exception
Procarbazine MatulaneMD Sigma-Tau Pharmaceuticals Capsules de 50 mg Fournie par l’hôpital Médicament couvert
Erlotinib TarcevaMD Hoffmann-La Roche Comprimés de 25, Continu (30 jrs) : 2439 $ Médicament d’exception
100 et 150 mg
Géfitinib IressaMD AstraZeneca Comprimés de 250 mg Continu (30 jrs) : 2238 $ Patient d’exception
Étoposide VePesidMD Bristol-Myers Squibb Capsules 50 mg Monothérapie (28 jrs) : Médicament couvert
1078$
Sorafénib NexavarMD Bayer Comprimés de 200 mg Continu (30 jrs) : 5879 $ Patient d’exception
Vémurafenib ZelborafMD Hoffmann-La Roche/ Comprimés 240 mg Continu (28 jrs) : 11 103 $ En évaluation,
Genentech en discussion avec
le fabricant
* Coûts chez AmerisourceBergen ($ CAN) calculé pour un patient avec une surface corporelle moyenne de 1,73 m2
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16 QUÉBEC PHARMACIE VOL. 59 N° 7 NOVEMBRE 2012
Étoposide (VePesidMD)
Létoposide est un dérivé semi-synthétique de la
podophyllotoxine apparenté aux alcaloïdes de
la vinca. Le mécanisme d’action serait lié à lin-
hibition de la topoisomérase II. Létoposide est
également disponible par voie intraveineuse et a
démontré une activité dans plusieurs cancers
(cancer du poumon à petites cellules, testicules,
lymphome non hodgkinien, etc.). Lune des
indications de létoposide oral est pour le cancer
du poumon à petites cellules, en association
avec une platine en première intention ou en
monothérapie en deuxième intention chez des
patients non candidats à une autre chimiothéra-
pie intraveineuse conventionnelle. Cependant,
étant donné que certaines études ont été menées
presque uniquement par voie intraveineuse, la
voie per os demeure très peu utilisée.
Le fabricant recommande de doubler les doses
détoposide lorsque lon passe de la voie intravei-
neuse à la voie per os, selon des données cinéti-
ques qui estiment la biodisponibilité par la bou-
che à environ 50 % (17 %-137%) avec une
variabilité intra et inter-patients
26,27
. De plus, il
semblerait qu’il y ait une saturation dans lab-
sorption à des doses supérieures à 200 mg, si bien
qu’il faudrait fractionner les doses au-delà de ces
200 mg. Plusieurs schémas détoposide ont été
évalués, et bien qu’il semble y avoir un avantage
sur le plan cinétique en faveur dune administra-
tion étendue (durant 14 à 21 jours), les avantages
cliniques restent ous et les études à double insu
sont très peu nombreuses
28
. Notons quil est pos-
sible de concevoir une solution magistrale déto-
poside à partir de la formulation intraveineuse
dans du jus dorange, de pomme ou de limonade
chez les patients sourant de dysphagie (concen-
tration de 0,4mg/mL).
Les toxicités de létoposide sont principalement
lalopécie partielle à totale, les naues et les vomis-
sements, la neutropénie, lanémie et la thrombo-
cytopénie (tableau III). Les problèmes hématolo-
giques sont liés à la dose; par conséquent, cette
dernière doit être réévaluée à la baisse de façon
empirique (20 %-50%) lors dune myélosuppres-
sion répétée. Le potentiel émétique est léger, si bien
que la prochlorpérazine ou la métoclopramide per
os devrait être donnée avant chaque prise détopo-
side
3
. En insuffisance rénale chronique légère
à modérée (clairance de la créatinine entre
15-50 mL/min), la dose détoposide doit être
réduite de 25% et en insuffisance rénale sévère
(Clcr < 15 mL/min), de 50% (tableau IV). L’ é topo -
side gure dans la liste régulière de la RGAM, par
conséquent, sa prise est couverte demblée.
Tumeurs du système
nerveux central
Les tumeurs primaires du système nerveux cen-
tral (SNC) représentent 3% de tous les cancers
chez l’adulte, avec un pic dincidence entre 45 et
65 ans1. Les cancers primaires du SNC sont clas-
sés par types de cellules tumorales et par le
grade histologique : les tumeurs bénignes
(méningiome, schwannome, adénome pitui-
taire), les tumeurs malignes (astrocytome,
astrocytome anaplasique, glioblastome multi-
forme), les oligodendrogliomes (<5%) et les
lymphomes primaires du SNC (3-5%)29. Les
tumeurs malignes, bien que localement invasi-
ves, créent rarement des métastases systémiques
étant donné labsence de système lymphatique
au niveau cérébral. De plus, la barrière hémato-
encéphalique est un obstacle important à une
chimiothérapie ecace, car elle restreint lacs
à la plupart des agents oncologiques.
Chez l’adulte, le glioblastome multiforme
(GBM) représente plus de 50% des tumeurs pri-
maires du SNC et ache une mortalité élevée.
Malgré les traitements actuels, la survie
médiane est généralement moins dun an sui-
vant le diagnostic et la majorité des patients
décèdent après deux ans. Le traitement stan-
dard du GBM repose sur la chirurgie (excision ≥
95% de la tumeur), le témozolomide en conco-
mitance avec la radiothérapie, puis en mono-
thérapie. En cas de récidive ou de résistance au
traitement, la lomustine peut être employée en
monothérapie ou avec la vincristine et la pro-
carbazine (protocole PCV) en deuxième inten-
tion.
Témozolomide (TemodalMD)
Synthétisé en 1984, le témozolomide (TMZ) est
un dérivé imidazole de deuxième génération30.
Ce promédicament est rapidement absorbé et
hydrolysé de façon extrahépatique en MTIC,
son principal métabolite actif. Lactivité antitu-
morale est principalement due à lalkylation de
l ’A DN31. La cellule cancéreuse peut développer
des mécanismes de résistance, notamment via
l’O6-méthylguanine méthyltransférase
(MGMT), enzyme de réparation de lADN.
Le témozolomide (TMZ) est indiqué dans le
traitement du glioblastome multiforme en pre-
mière intention de traitement, en association
avec la radiothérapie, puis en traitement adjuvant
en monotrapie32. Lorsqu’utilisé en concomi-
tance avec la radiothérapie, le TMZ doit être
administré de façon quotidienne à 75mg/m2/
jour, afin d’épuiser la quantité de MGMT, qui
peut être induite par la radiothérapie. Cela per-
mettrait dobtenir une meilleure ecacité sans
plus deets indésirables33. Une fois la radiothéra-
pie terminée, le TMZ est utilisé à raison de
150 mg/m2/jr durant 5 jours et tous les 28 jours en
maintenance. Si le patient tolère bien la dose, il est
possible de l’augmenter à 200 mg/m2/jr à partir
du deuxième cycle an dobtenir leet maximal.
En cas de neutropénie ou de thrombocytopénie
prolongée, on peut diminuer les doses du pro-
chain cycle de 50 mg/m2/jour, jusqu’à une dose
minimale de 100mg/m2/jour.
Parmi les autres eets indésirables possibles, on
note les naues, les vomissements, lalopécie,
la constipation, la thrombocytopénie et les
Tableau III
Effets indésirables communs et importants par médicament4-6
Nom de la molécule HTA Sx MP N/V D Mucosites Neutro Thrombo Anémie Rash Fatigue Céphalée Alopécie HypoT4 Toxicité Toxicité
rénale hépatique
Témozolomide ++++ +/++ ++ + + ++ +++ +/++
Lomustine +++++ +++ +++ +/++ +
Procarbazine ++ + ++ ++ +/++ +/++
Erlotinib ++ +++ ++ ++++ +/++ ++ + +
Géfitinib ++ ++++ +++ + +
Étoposide + ++ + ++ + ++ + +++
Sorafénib ++ +++ ++ ++++ + + + + +++ + ++ + +
Vémurafenib +/++ + +++ +++ +++ ++ ++/+++ +
+ = 5 à 10 % ++ = 11 à 25 % +++ = 26 à 40 % ++++ = 40 à 60 +++++ 60 et plus
Légende : HTA = hypertension, Sx MP = syndrome palmo-plantaire, N/V = nausées et vomissements, D = diarrhée, Muco = mucosite, Neutro = neutropénie, Thrombo = thrombocytopénie,
HypoT4= hypothyroïdie, Toxicité rénale = élévation de la créatinine, Toxicité hépatique = élévation enzyme AST/ALT ou élévation de la bilirubine
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Traitements anticancéreux oraux des tumeurs solides (1re partie)
neutropénies. Le potentiel émétique du TMZ
est modéré et les nausées ont tendance à surve-
nir durant les premiers jours de traitement. La
dexaméthasone, pouvant être aussi utilisée
pour diminuer lœdème cérébral souvent
induit par la radiothérapie, ne sut pas à elle
seule à maîtriser les nausées de façon optimale.
Le guide du CEPO et du National Comprehen-
sive Cancer Network (NCCN) recommande
l’ajout dun antagoniste 5-HT3 (odantron
8mg ou granisétron 1mg) avant une thérapie
modérément émétisante et lutilisation dune
médication de secours (prochlorpérazine
10 mg PO/IR q4-6h au besoin ou métoclopra-
mide 10 mg PO q4-6 h au besoin)3,34. La nour-
riture aecte peu la cinétique du TMZ, si bien
qu’il peut être pris avec ou sans nourriture.
Toutefois, il doit être administré une heure
avant la radiothérapie. Un léger éclaircissement
des cheveux peut se produire principalement
avec un schéma mensuel plus intense. L’éléva-
tion des enzymes hépatiques peut survenir et
un suivi des bilans hépatiques tous les mois, en
même temps que la FSC, est recommandé.
Enn, lorsque le TMZ est utilisé, une prophy-
laxie de Pneumocystis jirovecci (PPJ) est
requise31,35. En clinique, le sulfaméthoxazole/
trimétoprime (Bactrim DSMD) 800/160, à
raison dun comprimé trois fois par semaine,
ou la dapsone 1500 mg DIE (en cas de rupture
de stock ou d’allergie) est généralement
employé. Les enzymes hépatiques ne jouent
qu’un rôle mineur dans le métabolisme du
TMZ et du MTIC, si bien quil n’y a aucune
interaction à prendre en compte lors de la vali-
dation du traitement. Lélimination du TMZ
est plus étroitement liée à la surface du corps et
n’est pas aectée par l’âge, la fonction hépatique
ou rénale (tableau IV). En vue dune prise en
charge par la RGAM, il convient de faire une
demande de médicament d’exception pour les
indications mentionnées précédemment.
Lomustine (CCNU, CeeNUMD)
La lomustine est un agent nitrosuré découvert
dans les années 1950 et étudié dans plusieurs
cancers au cours des années 1970. Le CCNU est
transformé en métabolites au niveau hépatique
et du tractus gastro-intestinal. Le CCNU ne
semble pas avoir de toxicité directe sur lADN
comme le témozolomide, mais son alkylation
prévient sa réparation et altère la structure de
lARN et des protéines. Actuellement, les indi-
cations du CCNU en monotrapie sont plutôt
limitées au traitement du GBM en deuxième
intention, étant donné la toxicité hématologi-
que de la molécule. La lomustine seule a permis
dobtenir un taux de réponse variant entre 30 %
et 50% pour une durée moyenne de six mois
dans quelques petites études. Le CCNU peut
être parfois associé avec la procarbazine et la
vincristine (protocole PCV), mais son utilisa-
tion est plutôt limitée et le traitement est fourni
par lhôpital36.
Le CCNU doit être employé à la dose initiale
de 100-130 mg/m2 et à une fréquence minimale
de six semaines. L’écart entre les cycles est très
important à cause de leet retardé de la myélo-
suppression qui survient entre la quatrième et la
sixième semaine. Cet eet semble cumulatif, lié
à la dose et accentué lorsque ce médicament est
utilisé avec dautres agents de chimiothérapie
(p. ex.,PCV). La myélosuppression peut durer
dune à deux semaines. Si les cibles de la FSC ne
sont pas atteintes, il est possible de retarder le
cycle d’une semaine. Si la neutropénie ou
thrombocytopénie est prolongée, il est possible
de diminuer empiriquement le CCNU à 70%
ou 50% de la dose de départ. Les autres eets
indésirables à surveiller sont les nausées et les
vomissements qui surviennent après trois à six
heures et durent 24 heures. Le potentiel éméti-
que du CCNU est modéré, par conséquent, il est
suggéré de prendre un antagoniste 5-HT3 30 à
60 minutes avant la prise de la dose. Malgré la
biotransformation au niveau hépatique, il ne
semble pas avoir dinteraction avec le CCNU et
aucun ajustement en insuffisance rénale nest
sugré (tableau IV). La prescription de lomus-
tine n’est pas couverte par la RGAM et une
demande pour patient d’exception doit être
adressée an dobtenir un remboursement.
Procarbazine (MatulaneMD)
La procarbazine a été synthétisée à lorigine en
tant qu’inhibiteur de la monoamine oxydase
(IMAO), mais elle a été utilisée comme agent
antinéoplasique37. Son activation a lieu sur le
plan périphérique ou hépatique, au niveau des
cytochromes P450, afin dinhiber la synthèse
dADN, dARN et des protéines de la cellule can-
céreuse. La procarbazine présente des eets t-
rapeutiques similaires à ceux des agents alky-
lants, mais aucune résistance croisée de par sa
nature chimique diérente38. À lheure actuelle,
lutilisation de la procarbazine est limitée à quel-
ques cas, soit dans le GBM résistant au témozo-
lomide en association avec la vincristine et la
lomustine (protocole PCV), ou dans certains
cas de lymphomes cérébraux. Dans le régime
PCV, la procarbazine est utilisée à la dose de
60 mg/m2/jour au coucher, du jour 8 au jour 22
et pour un cycle de six semaines.
Quoiqu’aucun ajustement en insuffisance
rénale et hépatique ne soit suggéré, la monogra-
phie demande de vérifier les toxicités, car il
pourrait y avoir accumulation (tableau IV)39.
En ce qui concerne les eets indésirables, il faut
veiller à la survenue des éruptions cutanées, des
nausées et de la myélosuppression (tableau III).
Le potentiel émétique est faible, ce qui ne néces-
site pas de traitement antinauséeux d’emblée. Il
a été rapporté que la procarbazine pourrait
avoir un effet antabuse, par conséquent, le
patient ne doit pas ingérer dalcool durant le
traitement. Étant donné les propriétés IMAO de
la procarbazine, les patients doivent éviter les
aliments riches en tyramine pendant toute la
durée du traitement (p. ex., harengs, cheddar,
bière, chou, thon). Contrairement au TMZ et à
la lomustine, la procarbazine est couverte dem-
blée par la RGAM.
Cancer du foie
Au Canada, le cancer primaire du foie représente
1,1% de tous les cancers. Lincidence est deux fois
plus importante chez lhomme que chez la
femme avec un âge moyen au diagnostic dentre
50 et 60 ans1. Les deux principaux facteurs de ris-
que sont lhépatite B et C. Comme ces maladies
sont plus fréquentes dans les pays en émergence,
le cancer hépatique est le cinquième cancer en
importance au monde. Lors du diagnostic, il
importe de distinguer le cancer primaire du foie
dune métastase hépatique d’un autre cancer pri-
maire, beaucoup plus fréquente. Les symptômes
les plus communs sont une douleur abdominale
dans le cadran supérieur droit, une perte de poids
avec impression rapide de satiété, une jaunisse,
lélévation des enzymes hépatiques (AST/ALT,
phosphatase alcaline) et de la èvre, et ils varient
selon le stade de la maladie. Ces symptômes peu-
vent différer selon la position de la masse au
niveau hépatique. Le pronostic est très variable,
avec une survie médiane de trois à quatremois
chez les patients ne pouvant être réséqués et de
trois ans chez ceux qui sourent dune maladie
localisée. Sur le plan histologique, le cancer pri-
maire du foie est un adénocarcinome qui se
divise en deux types, soit le cancer hépatocellu-
laire (75%) et les cholangiocarcinomes (~10-
20%), aectant surtout les voies biliaires.
Dans la maladie localisée (tumeur et absence
dhypertension portale), la norme de traitement
reste la chirurgie avec lexcision de la tumeur, ou
la transplantation dans de rares cas. Chez les
patients en stade intermédiaire (pas de symptô-
Tableau III
Effets indésirables communs et importants par médicament4-6
Nom de la molécule HTA Sx MP N/V D Mucosites Neutro Thrombo Anémie Rash Fatigue Céphalée Alopécie HypoT4 Toxicité Toxicité
rénale hépatique
Témozolomide ++++ +/++ ++ + + ++ +++ +/++
Lomustine +++++ +++ +++ +/++ +
Procarbazine ++ + ++ ++ +/++ +/++
Erlotinib ++ +++ ++ ++++ +/++ ++ + +
Géfitinib ++ ++++ +++ + +
Étoposide + ++ + ++ + ++ + +++
Sorafénib ++ +++ ++ ++++ + + + + +++ + ++ + +
Vémurafenib +/++ + +++ +++ +++ ++ ++/+++ +
+ = 5 à 10 % ++ = 11 à 25 % +++ = 26 à 40 % ++++ = 40 à 60 +++++ 60 et plus
Légende : HTA = hypertension, Sx MP = syndrome palmo-plantaire, N/V = nausées et vomissements, D = diarrhée, Muco = mucosite, Neutro = neutropénie, Thrombo = thrombocytopénie,
HypoT4= hypothyroïdie, Toxicité rénale = élévation de la créatinine, Toxicité hépatique = élévation enzyme AST/ALT ou élévation de la bilirubine
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