WWW.PROFESSIONSANTE.CA NOVEMBRE 2012 VOL. 59 N° 7 QUÉBEC PHARMACIE 17
Traitements anticancéreux oraux des tumeurs solides (1re partie)
neutropénies. Le potentiel émétique du TMZ
est modéré et les nausées ont tendance à surve-
nir durant les premiers jours de traitement. La
dexaméthasone, pouvant être aussi utilisée
pour diminuer l’œdème cérébral souvent
induit par la radiothérapie, ne sut pas à elle
seule à maîtriser les nausées de façon optimale.
Le guide du CEPO et du National Comprehen-
sive Cancer Network (NCCN) recommande
l’ajout d’un antagoniste 5-HT3 (odansétron
8mg ou granisétron 1mg) avant une thérapie
modérément émétisante et l’utilisation d’une
médication de secours (prochlorpérazine
10 mg PO/IR q4-6h au besoin ou métoclopra-
mide 10 mg PO q4-6 h au besoin)3,34. La nour-
riture aecte peu la cinétique du TMZ, si bien
qu’il peut être pris avec ou sans nourriture.
Toutefois, il doit être administré une heure
avant la radiothérapie. Un léger éclaircissement
des cheveux peut se produire principalement
avec un schéma mensuel plus intense. L’éléva-
tion des enzymes hépatiques peut survenir et
un suivi des bilans hépatiques tous les mois, en
même temps que la FSC, est recommandé.
Enn, lorsque le TMZ est utilisé, une prophy-
laxie de Pneumocystis jirovecci (PPJ) est
requise31,35. En clinique, le sulfaméthoxazole/
trimétoprime (Bactrim DSMD) 800/160, à
raison d’un comprimé trois fois par semaine,
ou la dapsone 1500 mg DIE (en cas de rupture
de stock ou d’allergie) est généralement
employé. Les enzymes hépatiques ne jouent
qu’un rôle mineur dans le métabolisme du
TMZ et du MTIC, si bien qu’il n’y a aucune
interaction à prendre en compte lors de la vali-
dation du traitement. L’élimination du TMZ
est plus étroitement liée à la surface du corps et
n’est pas aectée par l’âge, la fonction hépatique
ou rénale (tableau IV). En vue d’une prise en
charge par la RGAM, il convient de faire une
demande de médicament d’exception pour les
indications mentionnées précédemment.
Lomustine (CCNU, CeeNUMD)
La lomustine est un agent nitrosuré découvert
dans les années 1950 et étudié dans plusieurs
cancers au cours des années 1970. Le CCNU est
transformé en métabolites au niveau hépatique
et du tractus gastro-intestinal. Le CCNU ne
semble pas avoir de toxicité directe sur l’ADN
comme le témozolomide, mais son alkylation
prévient sa réparation et altère la structure de
l’ARN et des protéines. Actuellement, les indi-
cations du CCNU en monothérapie sont plutôt
limitées au traitement du GBM en deuxième
intention, étant donné la toxicité hématologi-
que de la molécule. La lomustine seule a permis
d’obtenir un taux de réponse variant entre 30 %
et 50% pour une durée moyenne de six mois
dans quelques petites études. Le CCNU peut
être parfois associé avec la procarbazine et la
vincristine (protocole PCV), mais son utilisa-
tion est plutôt limitée et le traitement est fourni
par l’hôpital36.
Le CCNU doit être employé à la dose initiale
de 100-130 mg/m2 et à une fréquence minimale
de six semaines. L’écart entre les cycles est très
important à cause de l’eet retardé de la myélo-
suppression qui survient entre la quatrième et la
sixième semaine. Cet eet semble cumulatif, lié
à la dose et accentué lorsque ce médicament est
utilisé avec d’autres agents de chimiothérapie
(p. ex.,PCV). La myélosuppression peut durer
d’une à deux semaines. Si les cibles de la FSC ne
sont pas atteintes, il est possible de retarder le
cycle d’une semaine. Si la neutropénie ou
thrombocytopénie est prolongée, il est possible
de diminuer empiriquement le CCNU à 70%
ou 50% de la dose de départ. Les autres eets
indésirables à surveiller sont les nausées et les
vomissements qui surviennent après trois à six
heures et durent 24 heures. Le potentiel éméti-
que du CCNU est modéré, par conséquent, il est
suggéré de prendre un antagoniste 5-HT3 30 à
60 minutes avant la prise de la dose. Malgré la
biotransformation au niveau hépatique, il ne
semble pas avoir d’interaction avec le CCNU et
aucun ajustement en insuffisance rénale n’est
suggéré (tableau IV). La prescription de lomus-
tine n’est pas couverte par la RGAM et une
demande pour patient d’exception doit être
adressée an d’obtenir un remboursement.
Procarbazine (MatulaneMD)
La procarbazine a été synthétisée à l’origine en
tant qu’inhibiteur de la monoamine oxydase
(IMAO), mais elle a été utilisée comme agent
antinéoplasique37. Son activation a lieu sur le
plan périphérique ou hépatique, au niveau des
cytochromes P450, afin d’inhiber la synthèse
d’ADN, d’ARN et des protéines de la cellule can-
céreuse. La procarbazine présente des eets thé-
rapeutiques similaires à ceux des agents alky-
lants, mais aucune résistance croisée de par sa
nature chimique diérente38. À l’heure actuelle,
l’utilisation de la procarbazine est limitée à quel-
ques cas, soit dans le GBM résistant au témozo-
lomide en association avec la vincristine et la
lomustine (protocole PCV), ou dans certains
cas de lymphomes cérébraux. Dans le régime
PCV, la procarbazine est utilisée à la dose de
60 mg/m2/jour au coucher, du jour 8 au jour 22
et pour un cycle de six semaines.
Quoiqu’aucun ajustement en insuffisance
rénale et hépatique ne soit suggéré, la monogra-
phie demande de vérifier les toxicités, car il
pourrait y avoir accumulation (tableau IV)39.
En ce qui concerne les eets indésirables, il faut
veiller à la survenue des éruptions cutanées, des
nausées et de la myélosuppression (tableau III).
Le potentiel émétique est faible, ce qui ne néces-
site pas de traitement antinauséeux d’emblée. Il
a été rapporté que la procarbazine pourrait
avoir un effet antabuse, par conséquent, le
patient ne doit pas ingérer d’alcool durant le
traitement. Étant donné les propriétés IMAO de
la procarbazine, les patients doivent éviter les
aliments riches en tyramine pendant toute la
durée du traitement (p. ex., harengs, cheddar,
bière, chou, thon). Contrairement au TMZ et à
la lomustine, la procarbazine est couverte d’em-
blée par la RGAM.
Cancer du foie
Au Canada, le cancer primaire du foie représente
1,1% de tous les cancers. L’incidence est deux fois
plus importante chez l’homme que chez la
femme avec un âge moyen au diagnostic d’entre
50 et 60 ans1. Les deux principaux facteurs de ris-
que sont l’hépatite B et C. Comme ces maladies
sont plus fréquentes dans les pays en émergence,
le cancer hépatique est le cinquième cancer en
importance au monde. Lors du diagnostic, il
importe de distinguer le cancer primaire du foie
d’une métastase hépatique d’un autre cancer pri-
maire, beaucoup plus fréquente. Les symptômes
les plus communs sont une douleur abdominale
dans le cadran supérieur droit, une perte de poids
avec impression rapide de satiété, une jaunisse,
l’élévation des enzymes hépatiques (AST/ALT,
phosphatase alcaline) et de la èvre, et ils varient
selon le stade de la maladie. Ces symptômes peu-
vent différer selon la position de la masse au
niveau hépatique. Le pronostic est très variable,
avec une survie médiane de trois à quatremois
chez les patients ne pouvant être réséqués et de
trois ans chez ceux qui sourent d’une maladie
localisée. Sur le plan histologique, le cancer pri-
maire du foie est un adénocarcinome qui se
divise en deux types, soit le cancer hépatocellu-
laire (75%) et les cholangiocarcinomes (~10-
20%), aectant surtout les voies biliaires.
Dans la maladie localisée (tumeur et absence
d’hypertension portale), la norme de traitement
reste la chirurgie avec l’excision de la tumeur, ou
la transplantation dans de rares cas. Chez les
patients en stade intermédiaire (pas de symptô-
Tableau III
Effets indésirables communs et importants par médicament4-6
Nom de la molécule HTA Sx MP N/V D Mucosites Neutro Thrombo Anémie Rash Fatigue Céphalée Alopécie HypoT4 Toxicité Toxicité
rénale hépatique
Témozolomide ++++ +/++ ++ + + ++ +++ +/++
Lomustine +++++ +++ +++ +/++ +
Procarbazine ++ + ++ ++ +/++ +/++
Erlotinib ++ +++ ++ ++++ +/++ ++ + +
Géfitinib ++ ++++ +++ + +
Étoposide + ++ + ++ + ++ + +++
Sorafénib ++ +++ ++ ++++ + + + + +++ + ++ + +
Vémurafenib +/++ + +++ +++ +++ ++ ++/+++ +
+ = 5 à 10 % ++ = 11 à 25 % +++ = 26 à 40 % ++++ = 40 à 60 +++++ 60 et plus
Légende : HTA = hypertension, Sx MP = syndrome palmo-plantaire, N/V = nausées et vomissements, D = diarrhée, Muco = mucosite, Neutro = neutropénie, Thrombo = thrombocytopénie,
HypoT4= hypothyroïdie, Toxicité rénale = élévation de la créatinine, Toxicité hépatique = élévation enzyme AST/ALT ou élévation de la bilirubine