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18 La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 6 - décembre 2005
également positifs. Tous ces essais de chimiothérapie adju-
vante, quels que soient leurs résultats, se caractérisent par
une compliance médiocre, 70 % environ des patients recevant
la chimiothérapie prévue. Cela n’est pas le cas des essais de
chimiothérapie néoadjuvante, où la compliance est supérieure
à 90 %. Le concept de chimiothérapie néoadjuvante, présente
d’autres avantages par rapport à la chimiothérapie adjuvante :
le fait de pouvoir juger de l’efficacité de la chimiothérapie, la
possibilité de diminuer l’extension de la résection parenchy-
mateuse. Le seul inconvénient, si c’en est un, est de ne pas
pouvoir disposer d’une stadification chirurgicale initiale. Après
deux essais positifs publiés en 1994 concernant les stades IIIA
et ayant inclus chacun 60 patients seulement, le seul essai
d’envergure publié est français. Bien qu’il existe une tendance
en faveur du bras chimiothérapie, avec un gain de survie de
10 % à 5 ans, ce bénéfice n’est pas significatif (p = 0,14),
alors que le temps jusqu’à progression est significativement
plus long dans le bras chimiothérapie. Cette année a été pré-
senté à l’ASCO un essai nord-américain de taille à peu près
identique ; là encore, malgré une tendance à une survie plus
longue dans le bras chimiothérapie, la différence n’est pas
significative. Une récente méta-analyse a montré l’intérêt à la
fois de la chimiothérapie néoadjuvante et de la chimiothéra-
pie adjuvante ; dans ces conditions, on peut conclure que la
chimiothérapie périopératoire est devenue un standard, du
moins dans les stades IB, II et IIIA, en Europe. Nous n’avons
pas d’élément actuellement permettant de la proposer aux
stades IA. D’autres essais en cours, et notamment l’essai espa-
gnol, permettront peut-être de déterminer le meilleur moment
pour l’administration de la chimiothérapie.
Est-il possible d’identifier les patients
susceptibles de bénéficier de thérapies
ciblées ?
Dès les premiers essais de phase II du géfitinib, il est apparu
clairement que certains groupes de patients étaient davan-
tage susceptibles de répondre à cette thérapeutique : les
femmes, les non-fumeurs, les patients ayant un adénocarci-
nome (et ce d’autant plus qu’il s’agira du type pneumonique
ou bronchiolo-alvéolaire) et les Asiatiques. Au printemps
2004 sont sortis simultanément deux articles capitaux qui
mettaient en évidence l’existence de mutations sur le gène
codant pour le domaine intracellulaire de l’EGFR. Ces muta-
tions siègent essentiellement, mais pas seulement, sur les
exons 18 à 21 (et tout particulièrement les exons 19 et 21).
Ces analyses ont été effectuées rétrospectivement sur des
échantillons tumoraux disponibles chez des répondeurs et
des non-répondeurs. En novembre 2004, 192 mutations dif-
férentes avaient été identifiées, dont 165 sur les exons 19 et
21. Dans un premier temps, il est apparu que ces mutations
responsables de changements dans la conformation du
domaine intracellulaire d’EGFR étaient présentes chez prati-
quement tous les répondeurs et absentes chez les non-
répondeurs et qu’elles se rencontraient donc essentiellement
dans les sous-groupes cliniques définis plus haut. Par la
suite, des études prospectives ont montré que ces mutations
n’étaient en fait ni obligatoirement présentes chez les répon-
deurs, ni obligatoirement absentes ches les non-répondeurs.
On a également pu montrer que, lorsqu’il existait une muta-
tion de K-ras, aucune réponse au géfitinib ni à l’erlotinib
n’était observée, et qu’à l’inverse la mise en évidence (par
FISH) de plusieurs copies du gène de l’EGRF était corrélée à
la réponse. Dans la récente étude ayant comparé l’erlotinib
(un autre inhibiteur du domaine intracellulaire de l’EGFR) à
un placebo en deuxième ou troisième ligne, on retrouve une
prédominance des réponses dans les sous-groupes définis
plus haut. Néanmoins, on observe un bénéfice du traitement
par erlotinib dans tous les sous-groupes, y compris celui des
hommes fumeurs et ayant un cancer bronchique épidermoïde.
La raison de la négativité de l’essai ISEL comparant le géfi-
tinib à un placebo en deuxième ou troisième ligne, alors que
l’essai avec l’erlotinib dans la même indication est positif,
n’est pas claire. Il est possible que le géfitinib et l’erlotinib
n’aient pas tout à fait le même mécanisme d’action, que
la réaction aux mutations soit différente, que ce soit un
“manque de chance”, etc.
Ce pourrait être un problème de dose, l’erlotinib étant admi-
nistré à une dose plus proche de la dose maximale tolérée
(DMT) que le géfitinib. Quoi qu’il en soit, même si l’apparte-
nance à certains groupes cliniques permet d’espérer un taux
de réponse supérieur, dans la mesure où un bénéfice théra-
peutique est observé dans les autres groupes également, il
est actuellement impossible de sélectionner cliniquement les
patients devant recevoir un inhibiteur des tyrosines kinases.
De même, le rôle des mutations dans la survenue d’une réponse
s’est révélé moins prépondérant qu’initialement, et la recherche
de ces mutations n’est de toute façon pas pour l’instant passée
dans la routine. Il importe donc dans l’immédiat de s’en tenir
à l’autorisation de mise sur le marché (AMM) : “Tarceva®
(erlotinib) est indiqué dans le traitement des formes locale-
ment avancées ou métastatiques du cancer bronchique non à
petites cellules après échec d’au moins une ligne de chimio-
thérapie”. Il est néanmoins probable que l’on arrivera dans un
avenir plus ou moins proche à cibler les populations suscep-
tibles de bénéficier des thérapeutiques… ciblées, la recherche
n’en étant dans ce domaine qu’à ses débuts.
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