Médecine du Maghreb 1998 n°69
16 A. BIYI, N. BENRAIS , A. ALBOUZIDI S. BENOMAR
quant re s p e c t ivement des sul-fo t ra n s f é rases, des glucuro -
ny l t ra n s f é rases, et des glutathion -s- tra n f é rases). Il ex i s t e
chez l’homme de fo rtes va ri ations d’ex p ression des gènes
codant pour ces enzymes de détox i fi c a tion. Ce poly m o r-
phisme détermine l’existence de variations dans la suscep-
tibilité individuelle aux carcinogènes. Il faut noter que des
mutations des gènes des glutathion-s- tranférases sont éga-
lement impliquées dans le phénomène de résistance aux
antinéoplasiques.
5. Les gènes de prédisposition au cancer
Il existe une cinquième catégorie de gènes que l’on n’arrive
pas encore à classer dans l’une des cat é go ries précédem-
ment citées. Les mu t ations de tels gènes déterminant une
prédisposition à certains cancers et peuvent être tra n s m i s -
sibles. Les mieux caractérisés sont les gènes cancers mam-
maires et ovariens (12), et BRCA - 2 localisé en 13 p dont
les mu t ations prédisposent au cancer du sein (et ne sem-
blent pas être impliqués dans le cancer de l’ovaire).
D’autres gènes candidats sont en cours d’étude, en particu-
lier les gènes RAR α(récepteur de l’acide rétinoïque α) et
le gène EDH - 17b qui code pour 17 Bêta Estradiol Déshy-
d rogénase cat a lysant la conve rtion de l’estrone en 17 b
estradiol.
D - MÉCANISME DE LA CARCINOGENÈSE
Juste après la fécondation, l’œuf (monocellulaire) disposant
d’une capacité proliférative très importante, ne tardera pas
à donner deux blastomères tout à fait identiques. Cette divi-
sion comme tout autre mitose met en jeu de nombre u s e s
protéines codées par des proto-oncogènes et des anti-onco-
gènes entre autres. A l’état normal ces deux catégories de
gènes se trouvent en parfait équilibre : un signal mitotique
met à pro fit les pro t o - o n c ogènes, alors que le ra l e n t i s s e -
ment ou l’arrêt des divisions suscite l’entrée en action des
anti-oncogènes (4).
Cet équilibre repose en principe sur un terrain cellulaire
solide déterminé par l’intégrité des systèmes de réparation
de l’ADN et des systèmes de détoxification et par l’absence
de mu t ations héritées re s p o n s ables quand elles ex i s t e n t
d’une prédisposition aux cancers.
Au stade huit blastomères commence la première différen-
ciation : quatre macromères dont sont issues les structures
fœtales et quatre micromères à l’origine du futur placenta.
Cette première différenciation fait perdre aux cellules une
p a rtie de leurs capacités pro l i f é rat ives par répression de
c e r taines portions du génome. Tout au long des tro i s
p re m i e rs mois de la ge s t ation ap p a raissent les tissus qui
vont constituer les différents organes fonctionnels du futur
n o u veau-né, toute division aboutissant à des cellules fi l l e
plus diff é rentiées et moins pro l i f é rat ives que les cellules
m è res. Déjà à ce début, l’instabilité ch r omosomique des
premières mitoses blastomériques peut aboutir à des muta-
tions constitutionnelles prédisposant au cancer. Au fur et à
m e s u re que ces cellules se divisent elle deviennent sénes-
centes (sénescence à l’échelle cellulaire, même s’il s’agi t
de l’organisme d’un enfant).
La sénescence entraîne une perte progressive des télomères
( re s p o n s a ble d’une incidence élevée de ch ro m o s o m e
d i c e n t riques re flet de fusion ch romosomiques des cellules
t ra n s fo rmées) et constitue également au terrain favo ri s a n t
l’éclosion du cancer. Une fois venu au monde (et par fois
même in utero), cet être se trouve exposé à différents agents
susceptibles d’entraîner des lésions au niveau du génome :
rayonnements ionisants, produits chimiques, virus … etc.
Lésions ayant entre autres conséquences, une éve n t u e l l e
ru p t u re de l’équilibre oncogène - anti-oncogènes (sch é m a
n°1). Une approche in vitro a été réalisée dans ce sens dans
le but d’établir une relation entre l’action des cancérogènes
et l’induction des mutations ponctuelles : des mutations ont
été ainsi localisées au niveau des codons 12 et 61 du gène
ras dans l’ADN de cellules exposée au benzo -a- py r è n e
(13). Il faut en plus noter quelques exemples d’activation de
ce gène dans des tumeurs bénignes comme les ke r at o -
acanthomes, les adénomes coliques ou thy r oï-diens et
même dans les nœvi plaçant ainsi la mu t ation de ce gène
très tôt dans la succession des événements géniques
générateurs de tumeurs malignes (14). Les tumeurs «avan-
cée», les plus agressives, sont celles qui généralement ont
c u m ulées un grand nombre de mu t a tions. Ces cancers
apparaîtraient et s’aggraveraient par le mécanisme de l’évo-
lution clonale (15) : d’abord une cellule subirait une muta-
tion génétique qui va lui conférer un potentiel pro l i f é rat i f
supplémentaire par rapport à ses congénères. La cellule va
pouvoir ainsi se diviser dans des conditions où les cellules
n o rmales cessent de pro l i f é re r. Les cellules filles ayant le
même ADN contiendraient les mêmes mutations et se mul-
t i p l i e raient également de façon incontrôlée. Puis une des
cellules issues de la première subiraient une nouvelle muta-
tion qui la déréglerait d’ava n t age, l’accélération de la
cadence mitotique serait re s p o n s able encore de nouve l l e