Médecine du Maghreb 1998 n°69
RÉSUMÉ
Évoquer la pathogénie des cancers conduit actuellement
à illustrer l’importance des données acquises durant les
deux dern i è res décennies dans la comphension des
processus génétiques de la transformation néoplasique.
La conve r gence de multiples et fécondes voies de
re ch e rche se basant sur l’étude, de grandes ries de
malades atteints de syndromes néoplasiques héréditai-
res, du caryotype des cellules tumorales, et surtout des
événements mutationnels cumulés par de telles cellules
à l’échelle génique, a permis une modélisation de la
p rogression tumorale basée sur la notion du déséquili-
bre oncogènes / anti - oncogènes induit par les différents
agents mutagènes et favorisé par un état cellulaire délé-
t è re, vision unifi c at r ice où de nombreuses facettes de
l’oncogenèse trouvent leur place.
grâce à l’essor considérable qu’à connu la cytogénétique.
L’étude des tumeurs ex p é rimentales (d’ori gine animale)
puis humaines a aboutit à l’une des principales percées de
la biologie et de la médecine durant ces deux dern i è re s
décennies : l’élab o r ation d’un modèle unifi c ateur des
mécanismes de la carcinogenèse basé sur la notion du désé-
quilibre oncogènes / antioncogènes causé par les différents
agents carc i n ogènes. Ces pert u r b a tions s’opèrent parfo i s
sur un terrain cellulaire déjà délétère du fait de l’existence
de gènes de prédisposition au cancer ou d’une fragilité du
matériel génétique par défaut de réparation de l’ADN.
B - QUELQUES PAGES D’HISTOIRE : (1)
• 1908, BOREL penché sur l’étude de tumeurs hépatiques
de rats présumées en rapport avec un parasite découvre que
celles-ci étaient tra n s m i s s i bles par injection de broyat s
cellulaires (provenant de tumeurs malignes).
1911, PEYTONS ROUS voulait démontrer l’impossibi-
lité de transmission de telles tumeurs sans cellules néopla-
siques, mais réussit à son grand étonnement à obtenir
d’authentiques cancers chez le poulet par la seule injection
de filtrat de sarcome aviaire (donc acellulaire). Il émit alors
d ’ e m blée l’hypothèses selon laquelle un agent viral sera i t
capable d’induire de tels cancers, hypothèse certes très pro-
voquante mais qui allait tomber dans loubli pendant des
années. (un prix Nobel viendra récompenser le ch e rch e u r
un demi siècle plus tard).
• 1936 : BITTNER met en évidence un facteur transmis par
le lait et reconnaît sa re s p o n s abilité dans la genèse de
tumeurs mammaires chez la souris. Cet agent sera identifié
plus tard comme étant le virus MMTV (mouse mammary
tumor virus).
• Durant les années 1950, une vingtaine de virus capables
d ’ i n d u i re des sarcomes, des carcinomes et des leucémies
MÉCANISME DE LA CARCINOGENÈSE À
LA LUMIÈRE DES DONNÉES
DE LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
A. BIYI*, N. BENRAIS* , A. ALBOUZIDI**, S. BENOMAR**
*Service de Médecine Nucléaire - CHU Ibn Sina- RABAT.
**Service d’Anatomie Pathologie Hôpital Militaire Mohammed V. RABAT.
A - INTRODUCTION
M a l gle nombre immense des cellules de l’orga n i s m e
adulte, leur prolifération physiologique reste un processus
s t rictement contrôlé qui permet le re n o u vellement ou la
répartition des tissus lésés. Parmi ces milliards de cellules
une seule n’obéit plus à cette organisation et prolifère sans
le moindre contrôle. Quand une pro l i f é ration cellulaire
mono ou oligo clonale a tendance à persister, à s’accroître,
à détruire les tissus avoisinants et à diffuser sous forme de
métastases, on parle de cancer.
La maladie cancéreuse résulte d’une perturbation générale-
ment acquise, et transmissible de l’ensemble des mécanis-
mes de contrôle de la prolifération et de la position des cel-
lules. Ces deux anomalies définissent le phénotype tumo-
ral. Cette hérédité à l’échelle cellulaire suggère très forte-
ment l’existence d’anomalies géniques à la base du proces-
sus néoplasique. Des anomalies ch romosomiques spécifi -
ques de tumeurs malignes ont été décrites dès l’année 1960
Médecine du Maghreb 1998 n°69
aiguës furent isolés avec les travaux de GROSS, FRINED
et MOLONEY.
• 1963 : R. DULBECCO démontre qu’une infection virale
transforme en cellules cancéreuses des cellules normales en
cultures. Cette transformation est le fait de la seule adjonc-
tion de DNA viral (Prix Nobel 1975). A partir de ces expé-
riences est née la notion de virus oncogène (virus capable
de s’intégrer dans le génome cellulaire et de détourner ses
mécanismes de synthèse pour pro d u i re des protéines re s -
ponsables de l’acquisition du phénotype tumoral).
M a l gce succès un pro b lème épineux restait toujours
i n s o l u ble : comment certains rétrov i rus, celui du sarc o m e
de Roux entre autres, sont ils capables d’induire de telles
tumeurs ? La compréhension des mécanismes par lesquels
ces virus à RNA s’intègrent dans le génome cellulaire
devra attendre la découverte de la transcriptase inverse par
TEMIN et BALTIMORE en 1970 (Prix Nobel 1975).
En 1975, Wang et ses collab o rat e u rs identifi è rent dans le
génome du virus sarc o m at o gène de Roux, la séquence
génétique lui conférant son pouvoir oncogénique et utilise
pour la désigner l’ab r é v i ation v - src (v = viral, src =
sarcome).
• 1976 : plusieurs équipes (BISCHOP, STEHELIN) décou-
vrent l’équivalent cellulaire de ce gène et le désignent c -
src (c : cellulaire).
En 1978, BISCHOP et ses collab o rat e u rs re c o n n a i s s e n t
cette séquence dans le génome de tous les vertébrés y com-
p ris l’homme (prix Nobel 1989). R. HUBNER intro d u i t
alors la notion d’oncogènes (non pas comme adjectif déjà
utilisé pour désigner des agents cancérigènes mais pour
désigner des gènes capables d’entraîner une transformation
néoplasique). Ce fut alors le début d’une longue dynastie.
C - GÈNES ET CANCERS : (2)
Cinq cat é go ries de gènes peuvent être impliqués dans la
genèse d’un néoplasme : les oncogènes, les anti-oncog è -
nes, les gènes de répartition de l’ADN, les gènes du méta-
bolisme des carcinogènes, et les gènes de prédisposition à
certains cancers.
1. Les oncogènes
On regroupe sous le vocable d’oncogènes des gènes dont il
a été démontré ex p é rimentalement qu’une ex p re s s i o n
a n o r male puisse conduire à l’acquisition du phénotype
t u m o ral (perte du contrôle de la mu l t i p l i c a tion et de la
position des cellules au sein d’un tissu).
Par référence à leur ori gi n e, on distingue les oncog è n e s
v i r aux (V. onc) de ceux cellulaires (C. onc ou pro t o -
oncogènes).
Les événements qui conduisent les proto oncogènes dans
des formes réellement transformantes sont dit événements
d ’ a c t ivation. Sch é m a tiquement deux hypothèses (non
ex cl u s ives lune de l’autre) actuellement largement véri -
fiées permettent d’expliquer comment un pro t o - o n c og è n e
devient transformant ; l’une qualitative, l’autre quantitative
(3). Selon cette dern i è re, la tra n s fo rm a tion néoplasique
s e rait le résultat de l’hyper ex p ression peut être le fa i t
d’une infection vira l e, d’une amplifi c ation génique, ou
d’un réarra n g ement ch r omosomique (tra n s l o c a tion et
inversion, chromosomes dicentriques).
L’hypothèse qualitative attribue l’acquisition du phénotype
tumoral à la production d’une protéine anormale. Celle-ci
codée par un «pro t o - o n c o gène» muté dev r a assurer une
fonction différente de celle qui lui est initialement destinée.
Selon la nat u re et la fonction des protéines qu’ils codent,
les oncogènes peuvent être classées en cinq familles diffé-
rentes ( tableau n°1).
Tableau n°1 : Exemple de classification
fonctionnelle des oncogènes
Réf.2.
Les facteurs de croissance
sis, int-1, int-2, hst
Les kinases
Thyrosines kinases : src, abl, yes, erb-B, neu, fms, ret
Serine / théonine kinases : mos, raf-mil
Les protéines G
ras, bcr
Les facteurs de transcription
fos, jun, myc, erb-A, rel, myb, tax
Non classifiés
bcl-2, cycline A, tat
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Médecine du Maghreb 1998 n°69
Ces oncogènes, très conservés dans un large spectre d’es-
pèces, sont impliqués outre la carc i n o genèse dans le
contrôle de nombreuses fonctions clefs de la vie cellulaire :
synthèse de fa c t e u rs de cro i s s a n c e, transduction des mes-
s ages ex t ra - c e l l u l a i res (4), gulation positive du cy cl e
c e l l u l a i re grâce aux cy clines et aux cy clines-kinases (5),
déroulement de certaines phases de l’embryogenèse (6,7).
Pa ra d o xalement, lex p ression de certains oncogènes peut
déclencher le processus de mort cellulaire programmée ou
apoptose (8).
2. Les anti-oncogènes
Dans le paragraphe précédent, nous avons insisté sur le fait
que la genèse d’un cancer peut être la conséquence d’un
événement mutationnel modifiant soit quantitativement soit
qualitativement l’expression d’un oncogène.
Or, un certain nombre de néoplasmes, dont ceux héréditai-
res, et plus part i c u l i è rement les cancers embryo n n a i re s
s e m blent éch apper à cette règle : on y re t ro u ve des délé-
tions de gènes plutôt que des activations. Ces régions délé-
tées portent des séquences génétiques différentes des onco-
gènes, et dont la fonction serait d’assurer le contrôle néga-
tif de la pro l i f é ration cellulaire, doù le nom pro p o s é
d ’ a n t i - o n c o gènes. Selon le modèle de KNUDSON, la
t ra n s fo rm ation par modifi c ation d’anti-oncogènes s’effe c -
tue en deux étapes successives : un premier événement
altère un locus sur un chromosome (mutation sub-micros-
copique ou délétion cytogénétiquement visible) et inactive
un anti-oncog è n e . Cette lésion demeure latente et ne se
démasque que si un second événement fait passer la cellule
à l’état homozygote (perte de l’hétéro z y gotie). Si le pre -
mier événement s’est produit dans l’ADN germinal, il est
générateur d’une prédisposition dans la descendance (can-
c e rs familiaux). S’il s’est produit dans une cellule soma-
t i q u e, il donne lieu à une fo rme sporadique de cancer à
condition que le deuxième événement survienne dans le
même clone cellulaire (2).
Les anti-oncogènes sont à leurs tour impliqués dans de
n o m b reux processus phy s i o l o giques et pat h o l o gi q u e s .
L’ a n t i - o n c one p 53, fréquemment muté dans un gra n d
nombre de cancers, se comporte comme un des «gardiens
du génomes» contre l’accumulation d’anomalies : il bloque
la réplication jusqu’à ce que les enzymes dites de «vigilan-
ce» les cy clines et les cy clines pendent kinases s’assu-
rent de l’intégrité du mat é riel génétique. Si ce système
s ’ av è re défaillant ou dépassé, p 53 induit une mort cellu-
laire par apoptose (1), participant ainsi à l’élimination des
mutations. Les inhibiteurs des métaloprotéinases protègent
le cartilage contre la dégradation. La perte de leur fonction
précipiterait ainsi l’installation de lésions arthrosiques.
Classification des anti-oncogènes
Kinases NM 23
Protéines GAP NF 1
Molécules d’adhésion DCC
Facteurs de transcription RB 1 ; P 53 ; WR 1
Anti-enzy lytiques TIMP ;
inhibiteurs du plasminogène
Non classifiés APC, ETS, MTS - 1
3. Les gènes de répartition de l’ADN
Les cellules des organismes supérieurs (et même de certai-
nes bactéries) sont dotées de systèmes capables de réparer
les lésions de l’ADN induites par les différent agents muta-
gènes. Quelques maladies ra res sont dues à une fragi l i t é
extrême du mat é riel génétique. Les sujets qui en sont
atteints accumulent dans leurs cellules des mutations pou-
vant toucher notamment des oncogènes et des anti-oncogè-
nes et transmettent ce défaut de répartition à leur descen-
dance sur le mode autosomique récessif.
Entrent dans cette catégorie, le xeroderma pigmentosum dû
à une carence en ADN hélicase (9,10) (fréquence accrue de
c a n c e rs cutanés) et les syndromes d’instabilité ch ro m o s o -
miques (11) qui regroupent l’anémie de Fanconi, l’ataxie -
t é l a n gi é c t a s i e, et, le syndrome de Bloom (qui eux favo ri -
sent le développement d’hémopathies malignes).
4. Les gènes impliqués dans le métabolisme des carc i -
nogènes
La plupart des carcinogènes chimiques sont en fait des pro
c a rc i n ogènes, qui pour devenir actifs, doivent subir dans
l’organisme un certain nombre de transformations métabo-
liques sous la pendance de systèmes nétiquement
contrôlés. Ces tra n s fo rm ations se sument généra l e m e n t
en deux étapes : la première dite phase d’activation et réali-
sée par les cytochromes P450. La secondes (permettent son
élimination) est une étape de conjugaison qui peut se faire
avec un sulfat e, un glucuro - n at e, ou un gluthation (impli-
MECANISME DE LA CARCINOGENESE… 15
Médecine du Maghreb 1998 n°69
16 A. BIYI, N. BENRAIS , A. ALBOUZIDI S. BENOMAR
quant re s p e c t ivement des sul-fo t ra n s f é rases, des glucuro -
ny l t ra n s f é rases, et des glutathion -s- tra n f é rases). Il ex i s t e
chez l’homme de fo rtes va ri ations d’ex p ression des gènes
codant pour ces enzymes de tox i fi c a tion. Ce poly m o r-
phisme détermine l’existence de variations dans la suscep-
tibilité individuelle aux carcinogènes. Il faut noter que des
mutations des gènes des glutathion-s- tranférases sont éga-
lement impliquées dans le phénomène de sistance aux
antinéoplasiques.
5. Les gènes de prédisposition au cancer
Il existe une cinquième catégorie de gènes que l’on n’arrive
pas encore à classer dans l’une des cat é go ries précédem-
ment citées. Les mu t ations de tels gènes déterminant une
prédisposition à certains cancers et peuvent être tra n s m i s -
sibles. Les mieux caractérisés sont les gènes cancers mam-
maires et ovariens (12), et BRCA - 2 localisé en 13 p dont
les mu t ations prédisposent au cancer du sein (et ne sem-
blent pas être impliqués dans le cancer de l’ovaire).
D’autres gènes candidats sont en cours d’étude, en particu-
lier les gènes RAR α(récepteur de l’acide rétinoïque α) et
le gène EDH - 17b qui code pour 17 Bêta Estradiol Déshy-
d rogénase cat a lysant la conve rtion de l’estrone en 17 b
estradiol.
D - MÉCANISME DE LA CARCINOGENÈSE
Juste après la fécondation, l’œuf (monocellulaire) disposant
d’une capacité proliférative très importante, ne tardera pas
à donner deux blastomères tout à fait identiques. Cette divi-
sion comme tout autre mitose met en jeu de nombre u s e s
protéines codées par des proto-oncogènes et des anti-onco-
gènes entre autres. A l’état normal ces deux catégories de
gènes se trouvent en parfait équilibre : un signal mitotique
met à pro fit les pro t o - o n c ogènes, alors que le ra l e n t i s s e -
ment ou l’arrêt des divisions suscite l’entrée en action des
anti-oncogènes (4).
Cet équilibre repose en principe sur un terrain cellulaire
solide déterminé par l’intégrité des systèmes de réparation
de l’ADN et des systèmes de détoxification et par l’absence
de mu t ations ritées re s p o n s ables quand elles ex i s t e n t
d’une prédisposition aux cancers.
Au stade huit blastomères commence la première différen-
ciation : quatre macromères dont sont issues les structures
fœtales et quatre micromères à l’origine du futur placenta.
Cette première différenciation fait perdre aux cellules une
p a rtie de leurs capacités pro l i f é rat ives par répression de
c e r taines portions du génome. Tout au long des tro i s
p re m i e rs mois de la ge s t ation ap p a raissent les tissus qui
vont constituer les différents organes fonctionnels du futur
n o u veau-né, toute division aboutissant à des cellules fi l l e
plus diff é rentiées et moins pro l i f é rat ives que les cellules
m è res. Déjà à ce début, l’instabili ch r omosomique des
premières mitoses blastomériques peut aboutir à des muta-
tions constitutionnelles prédisposant au cancer. Au fur et à
m e s u re que ces cellules se divisent elle deviennent sénes-
centes (sénescence à l’échelle cellulaire, même s’il s’agi t
de l’organisme d’un enfant).
La sénescence entraîne une perte progressive des télomères
( re s p o n s a ble d’une incidence élevée de ch ro m o s o m e
d i c e n t riques re flet de fusion ch romosomiques des cellules
t ra n s fo rmées) et constitue également au terrain favo ri s a n t
l’éclosion du cancer. Une fois venu au monde (et par fois
même in utero), cet être se trouve exposé à différents agents
susceptibles d’entraîner des lésions au niveau du génome :
rayonnements ionisants, produits chimiques, virus etc.
sions ayant entre autres conséquences, une éve n t u e l l e
ru p t u re de l’équilibre oncogène - anti-oncogènes (sch é m a
n°1). Une approche in vitro a été réalisée dans ce sens dans
le but d’établir une relation entre l’action des cancérogènes
et l’induction des mutations ponctuelles : des mutations ont
été ainsi localisées au niveau des codons 12 et 61 du gène
ras dans l’ADN de cellules exposée au benzo -a- py r è n e
(13). Il faut en plus noter quelques exemples d’activation de
ce gène dans des tumeurs nignes comme les ke r at o -
acanthomes, les adénomes coliques ou thy r -diens et
même dans les nœvi plaçant ainsi la mu t ation de ce gène
très tôt dans la succession des événements géniques
générateurs de tumeurs malignes (14). Les tumeurs «avan-
cée», les plus agressives, sont celles qui généralement ont
c u m ulées un grand nombre de mu t a tions. Ces cancers
apparaîtraient et s’aggraveraient par le mécanisme de l’évo-
lution clonale (15) : d’abord une cellule subirait une muta-
tion génétique qui va lui conférer un potentiel pro l i f é rat i f
supplémentaire par rapport à ses congénères. La cellule va
pouvoir ainsi se diviser dans des conditions où les cellules
n o rmales cessent de pro l i f é re r. Les cellules filles ayant le
même ADN contiendraient les mêmes mutations et se mul-
t i p l i e raient également de façon incontrôlée. Puis une des
cellules issues de la première subiraient une nouvelle muta-
tion qui la déréglerait dava n t age, l’accélération de la
cadence mitotique serait re s p o n s able encore de nouve l l e
Médecine du Maghreb 1998 n°69
MECANISME DE LA CARCINOGENESE… 17
délétion ou mu t ation acquise au niveau des cellules en
réplication active touchant de nouveaux oncogènes et anti-
oncogène. La répétition de ces événements entraînerait une
a c c u mu l ation de mu t ations dont la succession s’ap p e l l e
progression tumorale. L’acquisition de capacités proliférati-
ves importantes s’accompagne dans certains cas de dédiffé-
renciation des cellules malignes par rapport à celles norma-
les : le rajeunissement des cellules néoplasiques est l’un
des éléments du diagnostic de celles)ci les blastes en héma-
t o l ogie à titre d’exemple (chemin inve rse du ve l o p p e -
ment embryonnaire ?).
Cette progression a été très clairement décrites dans le cas
du cancer colorectal par FEARON et ses collab o rat e u rs
(16). Une première mutation ou délétion en 5 q (locus du
gène APC) survenant dans une cellule normale aboutit à
une hy p e r plasie épithéliale. Sur cet épithélium déjà
hyperplasique peut survenir une mutation activatrice de k -
ras aboutissant à un adénome colique. Les cellules adéno-
mateuses vont perdre l’anti-oncogène p 53 par mutation on
délétion en 17 p responsable de la genèse d’un carcinome
in situ. La perte du gène DCC (situé en 18 q) confère aux
cellules coliques tra n s fo r mées des capacités inva s i ve s
(localement) et métastatiques (schéma n°2).
Dans le cas de la leucémie myéloïde chronique, à côté de la
t ra n s l o c ation aboutissant à la fo rm ation du gène hy b ri d e
BCR - ABL, l’ap p a rition de nouvelles mu t ations intére s -
sant les gènes c - myc RB et p 53 précède la transformation
bl a s t i q u e. La succession de ses événements n’est encore
pas établie (17).
Les agents cancérigènes exe rcent leur action mu t agène de
façon d’autant plus aisée que le sujet a hérité, une mutation
d’un oncogène ou un anti-oncogène (gène RB et rétino-
blastome, APC et adénomatose colique familiales, oncogè-
ne RET et néoplasies endocriniennes multiples), un gène de
prédisposition au cancer, ou une maladie de réparation de
l’ADN (terrain cellulaire déjà altéré).
Lélément crucial de la progression tumoral est géné-
ralement représenté par la mu t ation initiat ri c e. Quand un
sujet a hérité une telle mutation, celle-ci se trouve dans tou-
tes les cellules de son organisme, expliquant la survenu de
seconds cancers chez les patients souff rant de oplasies
h é r é d i t a i res (ostéosarcome primitif chez les sujets at t e i n t s
de rétinoblastome) (18).
La progression tumorale peut être avo re avant «term e »
par deux mécanismes essentiels : le premier consiste en la
mise en oeuvre des différents gènes de réparation de l’ADN
quand ils ne sont pas déficients.
Schéma n°1 : Déséquilibre Oncogènes / Anti-oncogènes
Oncogènes Anti-oncogènes
Etat normal
Gènes de réparation de l’ADN fonctionnels
Gènes de métabolisme des carcinogènes fonctionnels
Gènes de prédisposition au cancer absents
Agents carcinogènes
Déséquilibre oncogènes/ Anti-oncogènes
anti-oncogènes
Oncogènes
Gènes de réparation
de l’ADN déficient
Gènes du métabolisme des carcinogènes déficients
Etat sénéscent, gènes de prédisposition au cancer présents
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