¶ 37-290-A-10 Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie M. Simonet, P. Brazo Le modèle cognitivocomportemental prend en compte le patient souffrant de schizophrénie dans la totalité de son écologie pour lui permettre un fonctionnement adéquat dans son environnement. Il est ancré dans le concept de vulnérabilité qui a mis en lumière le rôle des facteurs de stress et des troubles cognitifs dans le déclenchement des symptômes, et l’importance des facteurs de protection contre les rechutes. De nombreux travaux, depuis plus de 40 ans, ont montré que les patients sont capables d’apprendre grâce à la thérapie comportementale des comportements sociaux utiles qui leur font défaut. Ces modifications comportementales (entraînement des habiletés sociales) se font grâce aux techniques du conditionnement opérant, et peuvent s’appuyer sur des modules structurés s’adressant à de petits groupes de malades. La psychoéducation orientée vers les familles réduit les rechutes et les réhospitalisations. Car il est nécessaire d’adapter l’environnement pour qu’il provoque moins de stress chez le patient. Les techniques de « case management », ou « projet de soins », le mobilisent ainsi que son entourage vers un avenir à construire, après avoir conduit une évaluation fonctionnelle précise qui permet de s’appuyer sur ses points forts comportementaux et cognitifs. Les techniques utilisées sont personnalisées et appliquées dans la durée. Elles sont maîtrisables par l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire. Les objectifs à long terme des soins issus du modèle cognitivocomportemental se confondent avec ceux de la réhabilitation sociale, et permettent le maintien dans la cité avec une qualité de vie acceptable. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Schizophrénie ; Modèle cognitivocomportemental ; Modèle stress-vulnérabilité ; Case management ; Psychoéducation ; Habiletés sociales ; Résolution de problème ; Coping Plan ¶ Introduction 1 ¶ Historique Techniques de l’économie de jetons Abord comportemental des symptômes École de la réadaptation psychiatrique ou psychosociale 2 2 2 3 ¶ Modèles de vulnérabilité Origines du concept Modèles Marqueurs neurocognitifs de vulnérabilité Stresseurs sociaux et environnementaux Facteurs de protection 3 3 4 5 5 6 ¶ Évaluation fonctionnelle du patient : problèmes, besoins et compétences Identifier les problèmes et les objectifs Outils d’aide à l’évaluation Mise en place du projet de soins 6 6 7 7 ¶ Entraînement aux habiletés sociales et modifications comportementales Techniques comportementales Modèle conceptuel des différentes variables liées aux habiletés et aux compétences sociales Remédier aux déficits des fonctions de bases Améliorer la capacité à résoudre les problèmes interpersonnels Modification des stratégies d’adaptation (coping) ¶ Entraînements aux habiletés sociales et modifications cognitives Psychiatrie 7 7 8 8 9 9 10 ¶ Thérapie psychoéducative et programmes structurés cognitivocomportementaux Principes de la thérapie psychoéducative Validation des résultats des thérapies psychoéducatives individuelles et familiales Modèles pour l’avenir ? ¶ Conclusion 10 10 11 11 11 ■ Introduction En préambule, les auteurs soulignent qu’ils se sont attachés à préciser dans cet article l’intérêt des approches comportementales dans la schizophrénie au point de parler de modèle cognitivocomportemental. Nous n’avons donc pas volontairement développé, dans un souci de clarté, l’aspect cognitif au sens de la psychothérapie cognitive, même si le but ultime de chaque prise en charge reste celui d’un accompagnement psychothérapique tant que le patient en accepte les buts et le principe. [1] « L’évolution d’un schizophrène est le fait non de sa schizophrénie mais de son entourage, de ses soignants et précisément de ce qui n’est pas schizophrénique chez le malade lui-même ». [2] Les moyens thérapeutiques se sont améliorés, et sur le plan pharmacologique et dans les modalités de prise en charge psychosociale. Pourtant, la proportion des patients schizophrènes souffrant d’une évolution sévère de leur maladie reste élevée 1 37-290-A-10 ¶ Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie et plus de 20 % d’entre eux subissent une altération majeure de leur qualité de vie. Ces mauvais résultats ont stimulé d’autres voies de recherche pour l’élaboration de programmes thérapeutiques. L’approche cognitivocomportementale en fait partie. [3] Ancré dans le concept de vulnérabilité, ce modèle prend en compte le patient dans la totalité de son écologie pour lui permettre un fonctionnement adéquat dans son environnement. Son élaboration a intégré les concepts suivants : • l’économie de jetons expérimentée dans les services de long séjour ; • le concept d’ « habileté sociale » ainsi que les techniques inspirées des théories de l’apprentissage et de résolution de problèmes, permettant de développer les capacités à vivre dans la cité ; • la psychothérapie cognitive des symptômes psychotiques ; • l’aide aux familles grâce à l’approche systémique, à la thérapie familiale comportementale ou à des groupes d’information destinés aux familles (Profamille), développée à partir de la notion d’émotion exprimée et de ses conséquences en termes de risque de rechutes. Les outils fournis par ce modèle facilitent l’évaluation objective et rationnelle du fonctionnement du patient. La prise en charge s’adapte à ses troubles cognitifs et vise à compenser ses handicaps les plus sévères. Les techniques du renforcement ou de l’apprentissage peuvent être utilisées sans craindre un accroissement de ses symptômes (psychotiques ou dépressifs). La mise en place de soins planifiés avec sa collaboration potentialise son retour à une vie sociale satisfaisante. Au-delà de la prise en charge comportementale, l’apprentissage de la résolution des problèmes interpersonnels et de l’affirmation de soi facilite la progression vers une démarche psychothérapeutique. Grâce à l’IPT (Integrated Psychological Therapy), [4] la reconnaissance et l’adaptation aux émotions peuvent être améliorées. La reconstruction d’un « moi » du patient s’appuie sur la psychothérapie cognitive. Rien de ce qui peut aider le malade (apprentissages, compensation) et renforcer la protection contre les rechutes (aides aux familles) ne doit être négligé. ■ Historique Techniques de l’économie de jetons En 1968, l’ouvrage de Ayllon et Azrin [5] a fait connaître l’économie de jetons. Ces techniques sont désormais désuètes, car les malades et l’environnement institutionnel ont changé. Mais cette expérience reste très instructive. Les auteurs, à partir de la théorie du renforcement, ont imaginé un environnement qu’ils ont tout entier impliqué dans la prise en charge du malade, et ont ciblé les comportements utiles à développer (et non les symptômes à réduire). Les procédures de recueil des données comportementales étaient précises. L’évaluation continue prenait en compte la quantité de comportements utiles et l’engagement du malade dans ces comportements. Aucune action punitive ou dégradante ne devait être envisagée même dans un but d’amélioration. Pour Ayllon et Azrin, une vision coercitive des modifications comportementales était toujours une mise en échec. « La philosophie générale qui se dégage de nos tentatives met l’accent sur les aspects positifs dans le comportement du malade. Tous les efforts tendirent à structurer chez le malade des comportements constructifs et fonctionnels. Si les comportements complexes avaient du mal à s’établir, on consacrait tous ses efforts à en établir de plus simples pour servir de marchepied (…) Le problème des symptômes fut remis à une date ultérieure (…) À notre surprise, nous vîmes que, dès que les procédures furent efficaces pour établir des comportements fonctionnels, nombre de comportements symptomatiques avaient disparu et ne pouvaient plus être étudiés (…) Il semble que les comportements symptomatiques, 2 de par leur nature destructive, furent réduits par cela même qu’ils ne pouvaient exister à côté de comportements fonctionnels ». Le personnel était volontaire mais interchangeable defaçon à respecter un renouvellement naturel des équipes. Il était formé à appliquer les règles simples de cet « environnement motivant » dans un « langage clair et usuel ». Le recueil biographique de chaque patiente était réalisé. « La sélection des malades s’est faite en acceptant les malades les plus réticentes aux soins traditionnels, chaque pavillon proposant ses propres cas, hospitalisées en moyenne depuis plus de 16 ans, 50 % ne prenaient aucun traitement tranquillisant, et étaient socialement isolées ». Les auteurs ont donc mis en lumière que les programmes de soins comportementaux doivent être personnalisés et appliqués sans interruption. Ils espéraient pouvoir diminuer progressivement la valeur en jetons des comportements fonctionnels adaptés, ou transformer les gratifications en possibilité de sortir de l’hôpital. Mais cette étape fut rarement possible. Ils reconnurent donc et soulignèrent les limites de leur méthode. La généralisation des acquis comportementaux et cognitifs est un problème qui perdure. C’est pourquoi il est nécessaire de les relancer dans des programmes de révision. Puisque les déficits cognitifs liés à la schizophrénie persistent toute la vie du patient, il faut prendre conscience de cette dimension continue dans tout programme de soins. Abord comportemental des symptômes Agathon, en 1981, rappelait que la psychiatrie pensait la schizophrénie comme une entité englobant la structure de la personne, et imputait l’essentiel des troubles à un noyau psychotique sur lequel peu de psychothérapies pouvaient être efficaces. [6, 7] Or, la thérapie comportementale est utile si on approche la maladie sous l’angle symptomatique (au sens du DSM). Le thérapeute construit un programme de modification du comportement qui est appliqué par l’équipe soignante, si possible en extrahospitalier. En fait, le terme de modification du comportement est plus adéquat que celui de thérapie comportementale, car excluant une dimension psychothérapique à laquelle le patient ne pourrait pas toujours formuler son consentement. Boisvert et Trudel [8] se sont intéressés aux modifications des comportements psychotiques obtenues en changeant le contexte, en utilisant le milieu de vie comme facteur de renforcement. Ces programmes s’appuient sur l’analyse des besoins comportementaux de chaque sujet (comportements ciblés : apathie, travail, interactions sociales, soins personnels) et sur la diversité des moyens mobilisables. L’accroissement des comportements verbaux adaptés avec diminution des expressions délirantes est corrélé aux renforçateurs sociaux (sourire, expression du visage, encouragement) émis par le thérapeute. Ullmann et Krasner [9] évoquent la nécessaire installation d’un climat de confiance entre le thérapeute et le client. Liberman et al. [10] ont exposé un plan de traitement comportemental en réponse aux questions incessantes d’un malade présentant une psychose infantile vieillie. La stratégie mise en place associait un entraînement par façonnement à la conversation avec renforcement par des jetons et une technique de coût de la réponse si le patient avait des verbalisations incessantes. Les auteurs insistent sur la généralisation rapide des progrès à d’autres domaines dès qu’il fut admis en foyer et centre de jour. La conviction délirante, la fréquence et l’intensité des hallucinations auditives sont diminuées grâce à la restructuration cognitive, à l’affirmation de soi et à l’autocontrôle des symptômes. A contrario, Agathon [6] rappelle l’inefficacité de l’autoapplication volontaire de légers chocs électriques (grâce à un petit appareil) dès que le patient « entend des voix ». L’entraînement aux habiletés sociales, lors des premières études, est jugé d’efficacité réduite quand les patients sont trop déficitaires ou sans espoir de sortie de leur institution. Dans ce Psychiatrie Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie ¶ 37-290-A-10 cas, l’économie de jetons au long cours et la mise en place de techniques du coût de la réponse inadéquate sont indispensables pour maintenir les modifications obtenues. Mais, malgré ces indéniables succès, les thérapies comportementales ont buté sur les difficultés cognitives des patients (concentration, autocontrôle, auto-instructions pour se guider dans une tâche). Ces difficultés, mal comprises à l’époque, ont limité leur impact. École de la réadaptation psychiatrique ou psychosociale Dans les années 1980 s’est organisée une réflexion cohérente basée sur le concept de réadaptation psychiatrique. L’approche de la schizophrénie doit être pluridisciplinaire et non stigmatisée, la plus proche possible du monde normal, mais elle ne doit en aucun cas être démédicalisée. Elle doit assurer une meilleure évaluation initiale et continue du patient, le repérage précis et objectif des problèmes d’adaptation à la vie quotidienne. L’expérience des premiers programmes de réadaptation professionnelle a montré leur impact positif sur la santé des patients. Legeron, [11] se référant aux travaux de Liberman, intitule ses propos « le développement de la compétence sociale chez les schizophrènes », et rappelle que les neuroleptiques, quoique indispensables, ne sont pas un traitement satisfaisant car ils ne modifient pas pleinement la vie sociale et professionnelle des patients. Il faut leur adjoindre des actions psychosociales ou psychothérapeutiques pour atteindre le but de la réinsertion. Il précise que le « handicap majeur que sont les importants déficits du fonctionnement social du patient schizophrène a longtemps été considéré comme la conséquence de la maladie et négligé comme cible d’interventions thérapeutiques spécifiques par des thérapeutes trop préoccupés d’agir sur un hypothétique noyau ou trouble fondamental de la schizophrénie, et ce, sans grand résultat d’ailleurs ». Or, la désinstitutionnalisation brutale a montré les incapacités des patients à vivre dans le monde réel, incapacités que les praticiens ont dû évaluer pour déterminer les priorités de la réadaptation sociale, par exemple grâce à l’échelle Independant Living Skills Survey [ILSS] de Wallace. [12] Glynn [13] a analysé 20 ans d’études contrôlées concernant ce qu’il est convenu d’appeler - la réadaptation psychiatrique qui englobe les interventions psychosociales, l’aide aux familles, la conception d’environnements protégés et adaptés, etc… Sans entrer dans de longues discussions sémantiques sur les mots utilisés, disons que la prise en charge des patients s’appuie d’abord sur la « pierre d’angle » du traitement pharmacologique et psychiatrique, et ensuite sur un ensemble de mesures qui les aident à récupérer un bon niveau de fonctionnement social et la meilleure qualité de vie subjective possible. Car, au-delà des contraintes économiques défavorables et de la stigmatisation de la maladie, les altérations cognitives conduisent à diminuer les comportements orientés vers un but et la participation à des activités planifiées et organisées. Les patients préfèrent souvent s’isoler pour diminuer leur niveau de stimulation. Il ressort aussi de son analyse que les stratégies efficaces pour réduire les rechutes et atténuer les symptômes sont les interventions orientées vers les familles et la psychothérapie cognitive. L’aide aux familles, surtout si elle s’étend sur plus de 2 ans, réduit leur souffrance et leur épuisement et diminue notablement le taux de réhospitalisation des patients. La thérapie cognitive des symptômes persistants les rend supportables dans la vie quotidienne mais n’améliore ni le taux de réhospitalisation ni le niveau des compétences sociales. Pour les améliorer, sont nécessaires des programmes de relance des cognitions de base (attention, mémoire) et d’apprentissage de savoir-faire dans un environnement aussi réaliste que possible. Le point difficile reste la généralisation des acquis au-delà des structures thérapeutiques, bien que le retour au travail ou aux études reste un but important pour les patients. Le respect de cet objectif est pourtant nécessaire au maintien d’une bonne estime de soi. Psychiatrie La coordination de tous ces processus qui évoluent de façon synergique nécessite de s’appuyer sur la « boîte à outils » de la réadaptation psychiatrique. Anthony, [14] porte-parole de « l’école de Boston », insiste sur l’utilité de la technique du « case management ». Cette technique ne réduit pas le « case manager » à la gestion de « cas ». Nous préférons donc parler de « plan de soin », de « réunion de projet de soin », et de personne référente coordonnatrice, avec la personne soignée, de la mise en œuvre des soins décidés. Anthony évoque la résistance du corps psychiatrique américain à l’utilisation de cette méthode pourtant validée. Pour tenter encore une fois de convaincre son public, il rappelle qu’il n’y a pas de relation forte entre l’intensité des symptômes et les pertes fonctionnelles du patient. En revanche, il y a une relation significative entre la qualité des compétences, du soutien environnemental et le devenir de la réadaptation. Les évaluations initiales du patient sont donc fondamentales et doivent être faites avec les proches dans l’environnement réel, non hospitalier. Enfin, le fort désir des patients impliqués dans la réussite de leur réadaptation est un moteur important. Cette technique permet de réunir le patient, ses proches, les professionnels, dans un même moment autour d’un même projet. Dix années plus tard, la revue de Mueser et al. [15] a montré l’expansion de cette méthode et confirmé son caractère central dans la prise en charge du patient schizophrène. ■ Modèles de vulnérabilité Origines du concept Le terme est actuellement employé comme synonyme de susceptibilité, de prédisposition ou de fragilité. Il est fréquemment question de facteurs de vulnérabilité, au sens de facteurs de risque pour l’apparition de la maladie ou d’une incapacité à résister aux contraintes de l’environnement. Le concept postule l’existence d’un risque variable à manifester un épisode schizophrénique. La vulnérabilité apparaît donc comme une dimension. Elle repose sur le principe d’une continuité du normal au pathologique et serait présente chez tous, certains sujets étant très vulnérables, d’autres faiblement, voire invulnérables à la schizophrénie. Dans les modèles de vulnérabilité, seule la décompensation épisodique est conceptualisée, et non la maladie au sens classique du terme. Ce n’est pas la schizophrénie qui serait un trouble chronique, mais la vulnérabilité à produire des épisodes psychotiques. Les modèles ont pour intérêt d’intégrer les déterminismes génétiques et biologiques des troubles et les influences environnementales identifiées dans leur évolution. Ils reposent sur l’hypothèse que la survenue du trouble serait déterminée par des interactions complexes entre plusieurs facteurs. Ils sont donc multifactoriels et en rupture avec la conception traditionnelle de la maladie comme pathologie chronique d’origine monofactorielle. Leur élaboration a tiré argument de l’hétérogénéité de la maladie mise en évidence par les études longitudinales et génétiques. D’une part, les états terminaux sont polymorphes et non pas sévèrement chroniques de façon inéluctable. Plusieurs enquêtes catamnestiques ont montré que l’évolution est favorable dans plus de la moitié des cas et qu’elle associe épisodes et périodes de rémission dans environ 50 à 70 % des cas. [16-19] Or, la majorité des patients inclus étaient hospitalisés avant l’ère des neuroleptiques. Les rémissions et guérisons observées étaient donc indépendantes des médicaments. Un récent travail a repris les résultats de l’étude de Bleuler à la lumière des systèmes actuels de classification diagnostique. [20] Après exclusion des patients dont le diagnostic de schizophrénie ne fut pas confirmé (30 %), la distribution des modes d’évolution au long terme n’a pas changé de façon significative et est restée marquée par 3 37-290-A-10 ¶ Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie l’hétérogénéité. Parmi les patients ayant une schizophrénie strictement définie, la moitié d’entre eux avait une évolution de la maladie oscillante avec des rémissions et 12 à 15 % étaient considérés comme rétablis. Les études ont aussi étayé le caractère artefactuel de la chronicité. Un changement de milieu ou l’introduction d’une stimulation sociale adéquate, le rôle thérapeutique joué par les attentes positives du patient ou de son entourage à l’égard de la maladie et du traitement peuvent faire évoluer des situations apparemment déficitaires et enkystées. D’autre part, les données génétiques de la schizophrénie sont contradictoires. Le risque morbide chez les collatéraux (parents, enfants ainsi que fratrie) est supérieur à l’incidence de la schizophrénie dans la population générale. Les enfants adoptés avant l’âge de 1 an dont un des parents biologiques est schizophrène ont une fréquence de l’affection de 3 à 10 fois plus élevée que les enfants de parents biologiques sains. Mais les études gémellaires mettent en évidence que les taux de concordance chez les jumeaux monozygotes varient entre 40 et 60 % et n’excèdent pas 20 % chez les dizygotes. Modèles Zubin et Spring [21] furent les premiers à proposer que la maladie puisse résulter de l’interaction entre une vulnérabilité permanente et des évènements « provocateurs ». La vulnérabilité est présente à des degrés variables, déterminant un seuil de tolérance individuel qui définit le niveau maximal de contraintes auquel un sujet peut résister en sollicitant ses compétences adaptatives. Elle est multifactorielle, soit innée, soit acquise. La vulnérabilité innée est génétique, conditionnant le « terrain » organique. La vulnérabilité acquise est d’origine environnementale. L’environnement est ici conçu de manière élargie et recouvre à la fois la notion de milieu interne et la notion de contexte externe, familial ou social. Elle résulte de complications obstétricales et périnatales, de certaines affections, de traumatismes comme les déracinements et défaut d’acculturation, des expériences développementales comme la complexification des interactions à l’adolescence. Les évènements « provocateurs » sont de même multifactoriels, soit endogènes, soit exogènes. Ils perturbent l’homéostasie de l’individu, l’obligeant à mettre en œuvre des réponses adaptatives. Les évènements endogènes concernent le fonctionnement de l’organisme et sont en lien par exemple avec l’adolescence, la prise de toxiques. Ils fragilisent le sujet et diminuent sa tolérance au stress. Les évènements exogènes se réfèrent aux évènements de vie sources de stress, qui est lié à une discordance entre la sollicitation de l’organisme et la perception que celui-ci a des réponses possibles. Comme ils sont plus faciles à identifier que les évènements endogènes, le modèle a fini par se résumer à celui d’une vulnérabilité au stress. Cela revient à affirmer qu’évaluer le rôle du stress et des stresseurs dans la schizophrénie, c’est indirectement mesurer la vulnérabilité des patients. Plus que d’un modèle de vulnérabilité, il s’agit donc d’un modèle stress-vulnérabilité. Tant que le stress créé par l’évènement demeure inférieur à son seuil de tolérance, l’individu peut répondre grâce à ses compétences à s’adapter, à faire face (capacités de « coping »), et il se maintient dans les limites de la normalité. Quand il excède le seuil, les stratégies de coping deviennent insuffisantes. Il génère alors un état de crise repérable à l’existence d’une tension ou d’une détresse subjective, d’un retrait, d’un comportement inapproprié ou inefficient, de modifications des réactions émotionnelles et d’une perturbation des interactions 4 affectives et cognitives avec l’environnement. C’est une période à risque qui passe sans conséquence si la vulnérabilité est faible. Si elle est élevée, l’évolution vers un épisode psychotique est possible. Un patient peut développer un épisode en réaction à des évènements mineurs, et même s’il n’est pas exposé à un niveau élevé de stress psychosocial. Car le stress produit chez lui des effets plus marqués en raison de la limitation de ses capacités biologiques, psychologiques et sociales d’adaptation. À l’opposé, un individu peu vulnérable ne déclenche un épisode (souvent bref) que lors de certaines situations. Chacun d’entre nous, du fait de circonstances spéciales (biologiques : LSD ; infectieuses ou sociales : guerre) peut présenter des symptômes psychotiques plus ou moins persistants en fonction de la sévérité du stress qui vient déborder nos capacités de coping. Quand le stress diminue en dessous du seuil, par exemple grâce à l’intervention thérapeutique, l’épisode cesse et le sujet peut retourner à un niveau antérieur d’adaptation. Zubin propose donc un modèle seuil-dépendant où la durée des épisodes psychotiques est limitée dans le temps. Zubin et al. [22] ont établi une liste a priori des marqueurs potentiels, susceptibles d’orienter la recherche. La vulnérabilité étant la probabilité empirique pour un individu de vivre un épisode pathologique, elle est permanente. Un marqueur de vulnérabilité (marqueur de trait) est donc stable : il est présent avant, pendant, et après l’épisode. Il peut être d’origine environnementale, il est génétique le plus souvent (dit endophénotypique). Dans ce cas, il est aussi présent chez les apparentés du 1er degré apparemment sains. Le marqueur d’épisode (marqueur d’état) est présent durant l’épisode, seulement chez le patient et non chez les apparentés sains du 1er degré. Les modèles ultérieurs ont gardé le même esprit, décrivant des marqueurs de vulnérabilité et d’épisodes. Leurs hypothèses sousjacentes et les méthodes de validation les différencient. Ainsi, on distingue des modèles : [23] • basés sur la réflexion clinique ; [23-26] • axés sur la recherche de marqueurs spécifiques de vulnérabilité ; [27, 28] • proposant l’approche bio-psycho-sociale comme méthode thérapeutique. [29, 30] Pour Ciompi, [24] la vulnérabilité est liée au traitement altéré des situations cognitives et affectives complexes lié au trouble des « systèmes référentiels cognitivoaffectifs » qui le soustendent. Il distingue trois phases. [31] La première est prémorbide, de la conception au premier épisode. C’est le temps d’élaboration du terrain vulnérable sous l’influence interactive et prolongée de facteurs biologiques et psychosociaux qui fragilisent certains systèmes référentiels dans leur constitution, compromettant leur activation ultérieure dans le contexte approprié. En effet, à chaque stade du développement infantile, des affects et des émotions se sont liés à des possibilités opératoires pour réaliser des systèmes référentiels cognitivoaffectifs, véritables « programmes » de pensées, de sentiments et de comportements qui se sont stabilisés sous l’effet de la répétition et des interactions avec l’environnement. Ils constituent un réseau hiérarchique complexe, permettant au sujet de forger son sens de la réalité, de construire son identité par la différenciation progressive des réalités intérieure et extérieure, et d’élaborer une représentation d’objet. La neuroplasticité (facilitation et fixation de la transmission neuronale par le biais de stimulations répétées) serait le phénomène cellulaire clé dans la constitution et l’activation de ces programmes. Par ce mécanisme de mémorisation et « d’inscription » neurobiologique des effets de l’environnement, la répétition de l’exposition aux stresseurs psychosociaux faciliterait l’utilisation de voies neuronales privilégiées impliquées dans les symptômes psychotiques. [32] Le support des systèmes référentiels serait le système limbique en raison de son implication dans les phénomènes de Psychiatrie Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie ¶ 37-290-A-10 mémoire et d’apprentissage, et du rôle qu’y jouent les affects. Cette hypothèse est étayée par la richesse de ce système en neuromédiateurs, en particulier dopaminergique, et l’abondance de ses projections, notamment vers le cortex préfrontal. Le rôle des projections dopaminergiques préfrontales (mésocorticales) serait d’augmenter l’activité métabolique dans le cortex préfrontal et de lui fournir des informations sur le niveau d’activité des neurones mésolimbiques que ce cortex modulerait. Dans la schizophrénie, une désafférentation du cortex préfrontal avec une inversion de la balance cortico/sous-corticale aboutirait à une hypoactivité mésocorticale et à une hyperactivité mésolimbique. Les facteurs de fragilisation d’origine biologique peuvent être génétiques, périnataux, ou survenir à une phase ultérieure du développement. Parmi les facteurs psychosociaux, le rôle des séparations précoces et prolongées, de certains traumatismes infantiles et des perturbations du milieu familial est souligné. La seconde phase survient quand ce terrain vulnérable décompense sous l’influence de facteurs de stress additionnels alors que les capacités de coping sont réduites. Ceux-ci peuvent être liés aux étapes du développement (départ de la maison, entrée dans la vie professionnelle, choix d’un partenaire, grossesse, naissance d’un enfant), à des modifications hormonales ou à l’usage de drogues. Le système bascule d’un état fonctionnel à un régime psychotique aigu. La troisième phase concerne l’évolution. Elle va de la rémission complète et durable à la chronicité en passant par la survenue de multiples exacerbations, conduisant à divers degrés d’états résiduels. Ces types évolutifs variés correspondent à des modalités d’auto-organisation distinctes, propres à la dynamique des systèmes complexes dont Ciompi s’inspire par ailleurs pour son modèle. Dans leur modèle, Nuechterlein et Dawson [27, 28] intègrent quatre composantes : les caractéristiques durables de vulnérabilité, aussi appelées marqueurs ; l’effet stressant des stimulations environnementales ; l’existence d’états intermédiaires transitoires précédant l’épisode psychotique et les comportements résultants (les symptômes schizophréniques). Ils distinguent trois marqueurs de trait. Le déficit des ressources attentionnelles et des capacités de traitement de l’information conditionne le premier marqueur, qui est donc de nature cognitive. Le filtrage défectueux de l’information lié au défaut d’attention sélective exposerait le patient à un excès de stimulations extérieures. Ce trouble s’associe au deuxième marqueur qui est l’hyperréactivité du système nerveux autonome aux stimuli aversifs (identifiée par l’étude des réponses électrodermales) responsable d’une hypersensibilité aux situations déstabilisantes, anxiogènes. Un répertoire comportemental social réduit avec mauvais contrôle émotionnel et des capacités déficitaires à s’ajuster socialement de façon efficace (coping) entraîneraient des perturbations des relations interpersonnelles. Ces perturbations des interactions sociales constituent le troisième marqueur et ne sont donc pas que la conséquence des symptômes schizophréniques. Les évènements stressants qui interagissent avec les facteurs de vulnérabilité sont de nature sociale (évènements de vie) et familiale (mauvais étayage familial incapable de jouer un rôle de tampon). Les états intermédiaires transitoires se produisent sous l’effet de cette interaction. Ils précèdent la décompensation. Ils se manifestent par une surcharge des processus de traitement des informations, l’augmentation de l’activité du système nerveux autonome et le traitement non pertinent des stimuli sociaux. Par un effet de feed-back, ces troubles accroissent l’effet délétère des stresseurs environnementaux qui, à leur tour, surchargent la capacité de traitement, aggravent l’hyperéveil et augmentent le déficit de traitement des stimuli sociaux. Psychiatrie Ces états se manifestent cliniquement par des signes prodromiques tels que tension, irritabilité et difficultés de concentration. Leur devenir dépend des ultimes stratégies d’adaptation déployées par le patient. Il peut tenter de se protéger des stimulations par un comportement de retrait, parfois noté dans les états prodromiques. Il peut aussi affronter ces situations stressantes, ce qui a pour conséquence d’alimenter le cercle vicieux. La déficience du traitement provoquerait alors une désorganisation cognitive responsable d’une fragmentation de la pensée et de la perception qui contribuerait à briser les liens entre l’individu et son entourage. Le délire, les hallucinations et les troubles formels de la pensée se manifestent lorsque le déficit cognitif serait tel qu’il serait à l’origine d’une altération du sens de la réalité. Ce niveau correspond aux épisodes schizophréniques. Dans leur modèle, Nuechterlein et Dawson évoquent l’existence de marqueurs intermédiaires appelés facteurs médiateurs de la vulnérabilité. Présents durant et en dehors de l’épisode psychotique, ils se distinguent des marqueurs d’épisode et de vulnérabilité. Leurs variations joueraient un rôle dans l’apparition des états intermédiaires. Parmi les marqueurs de vulnérabilité, les marqueurs neurocognitifs font l’objet d’un grand intérêt. Marqueurs neurocognitifs de vulnérabilité Les études familiales comparant les performances cognitives des patients, celles de leurs apparentés et celles de sujets sains appariés constituent la méthodologie la plus intéressante. L’attention soutenue et les fonctions exécutives ont particulièrement été étudiées. Les compétences attentionnelles (attention soutenue, empan attentionnel) des patients et de leurs proches indemnes de la maladie sont altérées en comparaison de celles des sujets contrôles. [33, 34] Goldberg et al. [35, 36] ont étudié des groupes de jumeaux monozygotes. Cela leur a permis de contrôler la variabilité génétique et l’influence des facteurs environnementaux, et donc de comparer des patients à un groupe témoin strictement apparié. Ils ont montré que les patients sont altérés en comparaison de leur jumeau sain, même lorsque leurs résultats aux tests évaluant l’attention soutenue, la formation de concept et la mémoire auraient pu être considérés comme étant dans les limites normales. [35] De plus, la comparaison des sujets sains issus des couples gémellaires dont l’un des membres est schizophrène aux couples de jumeaux tous les deux sains a montré qu’ils sont caractérisés par de subtils déficits cognitifs concernant les fonctions exécutives (résolution de problème et rapidité de traitement de l’information) et la mémoire. [36] Dollfus et al. [37] avaient pour but de déterminer si les performances exécutives et attentionnelles peuvent être considérées comme des marqueurs de vulnérabilité. Le test de Stroop ainsi que les fluences catégorielle et formelle étaient significativement altérés chez les patients et leurs parents en comparaison de sujets contrôles appariés selon l’âge et le sexe, alors que les performances au Modified card sorting test (MCST) et au Trail making test (TMT) ne différaient pas. Ils ont conclu que les altérations cognitives mises en évidence par les tests de Stroop et de fluence pourraient être considérées comme des marqueurs endophénotypiques. Stresseurs sociaux et environnementaux Ces évènements transitoires ou ambiants nécessitent une adaptation que l’individu ne peut plus fournir, dépassant ses capacités à faire face. [38] Parmi les stresseurs déjà cités, certains méritent une attention particulière. L’arrêt du traitement antipsychotique est le premier stress. En supprimant la protection médicamenteuse, il abaisse le seuil de déclenchement des symptômes. 5 37-290-A-10 ¶ Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie Les travaux de Vaughn et Leff [39] ont démontré l’importance du contexte émotionnel familial. Le concept d’« émotion exprimée » (EE) renvoie à la nature et à l’intensité des interactions entre un patient et les membres de sa famille. On parle de forte EE si l’environnement manifeste de façon verbale ou non verbale beaucoup d’hostilité, des commentaires critiques et intrusifs à l’égard du patient. On peut aussi observer une surimplication émotionnelle (attitude d’hyperprotection, sacrifice personnel d’un des membres de la famille, identification au patient). Le niveau d’EE joue un grand rôle dans le déclenchement des rechutes, [40] qui doit cependant être tempéré par la prise en compte du temps de contact entre le patient et sa famille, et de son observance ou non d’un traitement neuroleptique. La pression de performance aux études ou au travail est souvent un facteur d’angoisse et de déclenchement de symptômes psychotiques. La disparition des liens familiaux et sociaux (marginalité, migration, défaut d’acculturation), l’isolement conduisent à une « atrophie » des compétences sociales par manque d’usage. [38] Enfin, la prise de toxiques (drogues et alcool), les abus de médicaments sont des stresseurs importants. Facteurs de protection Selon Zubin, il existe des variables modératrices qui interviennent dans l’adaptation au stress. Il s’agit en particulier des capacités de « coping » qui peuvent être, selon les individus, élevées ou basses. La vulnérabilité au stress se manifeste lors d’évènements hautement stressants chez les premiers, lors d’évènements moins importants et plus souvent chez les seconds. La notion de stress est donc étroitement liée aux possibilités d’adaptation et d’ajustement du sujet. La potentialité stressante d’un évènement pour un individu donné dépend de la nature et de sa perception de l’évènement ; de sa perception de ses capacités ou « compétences à faire face au stresseur » et de leur niveau ; de ses efforts d’ajustement ; de sa vulnérabilité. Nuechterlein identifie des facteurs de protection personnels (coping, traitement antipsychotique) et environnementaux (stratégies familiales de résolution de problèmes, qualité du réseau psychosocial). Anthony et Liberman [41] insistent sur l’importance des facteurs qui influencent le résultat de la réadaptation sociale et donc le devenir psychologique du sujet. Leur schéma est basé sur les trois niveaux du fonctionnement psychique humain (biologique, psychologique et social) indissociables et en interaction constante (Fig. 1). En fonction de la capacité du patient et de son équipe de soins à gérer tous ces éléments, le Vulnérabilité biopsychologique Stresseurs socioenvironnementaux Facteurs de protection - Soutien social continu - Développement des compétences sociales - Médicament - Programme de soins et de réinsertion dans la communauté - Diminution plus rapide des altérations fonctionnelles liées aux symptômes schizophréniques - Moins d'incapacité sociale, meilleur respect de son potentiel de développement humain - Handicap moins important (moins de vagabondage, plus d'insertion, plus de vie amicale ou amoureuse, assume mieux ses responsabilités) Figure 1 . 6 résultat de la réadaptation est plus ou moins satisfaisant. Une bonne évolution aura un feed-back positif et sera en elle-même un facteur diminuant la vulnérabilité et augmentant la résistance au stress. ■ Évaluation fonctionnelle du patient : problèmes, besoins et compétences Cette étape va confirmer la motivation et l’implication de chacun. Elle ne peut vraiment commencer qu’après l’amendement des symptômes aigus. Elle fournit des renseignements utiles sur trois points : [38] • identifier les stresseurs qui peuvent déborder les compétences adaptatives du patient dans ses rôles sociaux ; • mieux connaître les compétences susceptibles d’atténuer les effets des stresseurs ; • déterminer si les déficits des compétences d’adaptation ou de résolution de problèmes sont liés à la maladie, à la perte d’usage ou à un environnement qui renforce le malade dans ce rôle. Il est important que le patient, ses soignants et son entourage participent à l’évaluation. Le répertoire comportemental, les points forts et les déficits, ce que l’individu peut faire dans la vie quotidienne sont identifiés. L’aide des proches est utilisée pour vérifier la qualité des informations recueillies et hiérarchiser les objectifs de la réadaptation. L’objectif d’une guérison sociale possible est mis en avant, à condition de fournir une aide suffisante en quantité, qualité et durée. Identifier les problèmes et les objectifs L’inventaire des problèmes est multiaxial et concerne les savoirfaire sociaux, les cognitions et émotions, les activités de la vie quotidienne. Ils sont définis en termes concrets, descriptifs et précis. Dans quelle circonstance, où, quand, avec qui ? Le patient reconnaît-il le problème, souhaite-t-il le voir disparaître ? Quels évènements de vie stressants peuvent avoir de l’influence sur ces comportements ? Ont-ils une origine neurocognitive ? Leurs conséquences sont-elles dramatiques ? Qu’arriverait-il si on ignorait ces problèmes ? Questionner les effets de la sympathie, de l’attention ou de la coercition qu’apporte l’entourage lorsqu’ils se manifestent. Ces effets constituent-ils un renforcement qui en favorise le maintien : quels sont les bénéfices secondaires potentiels ? Les déficits comportementaux sont décrits dans des termes acceptables pour le patient et ses proches. Ce sont des comportements adaptés se produisant trop rarement ou sous une forme inappropriée. Ils sont souvent considérés comme des symptômes négatifs de la maladie (par exemple : mutisme, diminution de l’hygiène personnelle, difficultés à terminer une tâche, à maintenir une relation amicale). Les excès comportementaux qui auraient besoin d’être réduits ou supprimés sont identifiés. Ils posent problème parce qu’ils sont intrinsèquement inadaptés, ou parce qu’ils surviennent avec excès en fréquence ou en durée (par exemple : parler avec ses voix, boire du café, déambuler). Les points forts comportementaux comprennent les compétences sociales du patient, ses efforts d’adaptation et le soutien social apporté par l’entourage. Ils servent d’étayage à l’acquisition de comportements nouveaux et souhaitables. Les patients ayant un niveau d’adaptation prémorbide faible ont en général peu de points forts. Les objectifs d’amélioration sont établis de façon planifiée. Ils sont progressifs et réalistes, approuvés par le patient et ses proches. La participation du patient est encouragée car nous lui donnons des explications, lui demandons son avis, en vérifiant Psychiatrie Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie ¶ 37-290-A-10 toujours ce qu’il comprend et accepte. Le projet ne doit pas se construire « contre » le délire ou les symptômes. D’une part, des idées délirantes paranoïdes peuvent être inaccessibles à la discussion. D’autre part, nombre de ces symptômes génèrent des attitudes de réassurance de la part de la famille et des soignants, ce qui les renforce indirectement. Par exemple, l’attention portée par ses proches à ses idées délirantes hypocondriaques renforce l’inquiétude du patient. [38] Les proches et l’équipe soignante peuvent au contraire améliorer la symptomatologie en réduisant l’attention accordée aux symptômes et en se focalisant sur les points forts. En effet, proposer au patient des activités constructives l’aide à s’investir et réduit indirectement les symptômes gênants. De plus, si on renforce ses compétences sociales, les symptômes seront moins invalidants. En ce sens, il est important d’évaluer à quel point les incapacités actuelles sont mal supportées par le patient et sa famille. Cette évaluation permet d’avoir une idée de la motivation à changer. Outils d’aide à l’évaluation Elle est faite par l’équipe pluridisciplinaire, avec l’aide du patient et de son entourage. Le premier questionnaire explore les conditions de vie. Le questionnaire de qualité de vie objective de Lehman (ou sa version subjective) en est un modèle. [42] Il permet un recueil exhaustif concernant logement, argent, travail, activités quotidiennes, relations aux autres, à la famille. Le deuxième questionnaire est le Social Adjustement Scale SelfReport (SAS-SR). [43] Il dérive de l’échelle d’adaptation sociale [44] dont il est une version par autoévaluation traduite par Waintraub. [45] Il explore tous les secteurs de la vie sociale et évalue les degrés d’implication et de satisfaction sur la façon dont le patient a rempli ses différents rôles sociaux. La Morning Side Rehabilitation Schedule Scale [46] retenue par Cottraux [47] permet de suivre l’évolution de la réadaptation du patient. Elle est remplie avec le sujet ou par un professionnel le connaissant bien. Elle constitue une mesure globale du degré d’adaptation/réadaptation et explore ce que fait, vraiment, le patient dans quatre domaines de son comportement : indépendance/dépendance (peut-il vivre de façon autonome ?), activité/inactivité, intégration sociale/isolement (recherche-t-il des amis, ou protège-t-il son isolement ?) et effet des symptômes psychotiques présents. Le quatrième outil est aussi utilisé pour l’entraînement aux habiletés sociales. L’AIPSS (Assessment of Interpersonal Solving Skills) [48] a été traduit en français sous l’impulsion de Favrod et Lebigre. [49] Ce test évalue les capacités de compréhension d’une interaction sociale et débouche sur un jeu de rôle où le patient met en œuvre la stratégie de communication et de résolution de problème qu’il a choisie. Son utilisation permet de se faire une idée vivante et dynamique de ses compétences et de ses besoins, et d’apprécier les savoir-faire qu’il aura à acquérir. Ainsi, avoir du mal à parler à quelqu’un est peu handicapant s’il s’agit d’aller faire une course dans un supermarché, mais se révèle déstabilisant pour faire appel à un dépanneur pour son réfrigérateur. Les cotations ont mis en évidence le caractère très discriminant des notes obtenues entre les patients souffrant de psychose et les autres. Mise en place du projet de soins L’équipe pluridisciplinaire met en œuvre un projet global et cohérent avec l’aide du patient et de sa famille. De façon régulière, à des dates programmées, l’animateur du projet de soins et le patient font donc le point avec l’ensemble des soignants impliqués chacun dans son domaine. Un tiers extérieur est toujours présent même s’il ne s’agit que d’un curateur. Le patient, avec l’aide de l’animateur, fixe l’ordre du jour. Nous essayons qu’il puisse tenir le rôle du président de séance. Les buts des soins à court et long terme sont rappelés. Pour les buts à court terme, une date est fixée. Les moyens mis à la Psychiatrie disposition du patient pour l’aider à parvenir à ce but sont précisés (qui fait quoi, où, quand, comment). Les objectifs et les étapes sont modestes, et les marches très progressives entre chaque étape. Ainsi, le patient accomplit des progrès sans se sentir mis en difficulté. Les progrès décidés sont facilement évaluables par tous (patient et soignants). Dans la liste des compétences, certaines sont prioritaires. Ainsi, l’hygiène, la présentation doivent être acquises pour la participation à des activités de groupe. Les différentes étapes d’évaluation ne sont pas mises en œuvre de façon séquentielle, l’une après l’autre. Souvent, elles se chevauchent et se renforcent mutuellement. Car, si des cadres temporels sont fixés pour le patient et l’équipe de soins, souvent il y a des arrêts et des reprises dans l’évolution. Les étapes du projet de soins sont arrêtées jusqu’à la réunion suivante. Cette planification nécessite beaucoup de coordination entre les différents intervenants. Un résumé écrit de la rencontre est remis à chacun. Cela aide la famille à se défaire des mécanismes d’emprise, de surprotection ou de déni (du sujet et de sa maladie). La structure extrahospitalière est donc liée contractuellement avec le patient et avec ses proches. Elle devient l’institution garante de son plan de soins, révélatrice de ses compétences en étant un terrain d’expérimentation ou d’apprentissage social (au sens de Bandura). ■ Entraînement aux habiletés sociales et modifications comportementales Elles sont définies comme l’ensemble des capacités cognitives et comportementales grâce auxquelles nous pouvons clairement communiquer et réaliser nos aspirations dans le cadre de nos relations interpersonnelles. [50] De nombreux patients sont gênés aussi bien par des symptômes que par la diminution de leurs capacités à vivre en société. Même si de bonnes capacités existaient avant la maladie, celle-ci peut rendre les personnes incapables d’utiliser leur répertoire de compétences sociales. De plus, quand elle s’installe insidieusement à l’adolescence, beaucoup de compétences n’ont pas eu le temps d’être acquises. Or, des patients même très régressés peuvent apprendre des savoir-être qui leur permettront une certaine autonomie sociale. En effet, Anthony et Liberman [41] ont démontré que des compétences nouvelles peuvent être apprises et qu’un environnement social favorable facilite le succès de la réadaptation. Pour ces auteurs, l’analogie de la clé et de la serrure est une métaphore utile pour conceptualiser la réadaptation psychiatrique. Les efforts pour faire passer le patient à un niveau supérieur de son répertoire comportemental modifient la clé. Mais il est souvent nécessaire de modifier l’entourage du patient, i.e. la serrure. Des interventions auprès de la famille conduisent à de spectaculaires améliorations, car certains modèles relationnels familiaux sont facteurs de rechute dans la schizophrénie. [39, 40] Leur modification a un effet bénéfique sur le taux de rechute, le fardeau familial et l’adaptation sociale. Les ateliers protégés, les emplois de transition, les clubs psychosociaux sont d’autres exemples d’environnement modifié. Techniques comportementales Les grandes lignes de ces techniques sont l’anticipation positive (optimisme) : des changements attendus sont possibles si l’entraînement aux habiletés sociales est modulé, adapté à chacun ; croire que la motivation au changement peut être créée aussi bien par le patient lui-même (motivation interne) que par la mise en place du processus thérapeutique 7 37-290-A-10 ¶ Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie (motivation externe) ; la confiance dans les plus petits progrès qui vont servir de catalyseurs pour modifier les comportements ciblés. Car les acquisitions réduisent spontanément les comportements inadaptés. Elles sont basées sur trois approches complémentaires : le conditionnement opérant et le renforcement, les techniques de contrôle de l’anxiété et le modèle d’apprentissage social. Dans le conditionnement classique (décrit par Pavlov), le sujet réagit involontairement : son comportement est contrôlé par le stimulus qui le précède. Il subit les circonstances. À l’inverse, dans le conditionnement opérant tel qu’il est défini par Skinner, [51] le sujet accomplit volontairement un comportement en rapport avec un stimulus qui le suit. Ce conditionnement opérant permet le renforcement, opération qui augmente la fréquence d’apparition du comportement cible. Le renforcement est positif quand la manifestation du stimulus peut être majorée par la réalisation du comportement cible. Au contraire, le renforcement est négatif quand le stimulus peut être évité ou interrompu par la réalisation du comportement. Les techniques de contrôle de l’anxiété sociale sont utilisées dans les groupes psychoéducatifs grâce à l’effet d’exposition à la situation anxiogène. Les patients tirent ainsi bénéfice de toutes les techniques habituelles d’affirmation de soi. L’apprentissage social normal décrit par Bandura [52] se décompose en trois phases. La première est une phase d’acquisition par observation. Elle est renforcée par le plaisir que suscite l’identification sociale. La deuxième étape est la phase de reproduction. Elle est facilitée par la maîtrise de soi et le sentiment d’efficacité personnelle que le sujet ressent à chaque réalisation. Troisièmement, le fait d’adopter un comportement nouveau est renforcé par l’anticipation de ses conséquences positives. Pour nos patients, ces trois étapes ne sont pas simples et nécessitent la mise en œuvre d’un entraînement spécifique. En effet, les déficits neurocognitifs entravent leurs capacités à percevoir et reproduire. Le sentiment d’efficacité personnelle décroît s’il est associé à une baisse de la motivation interne, ou si le repli est favorisé par une baisse de la stimulation éducative (motivation externe). Les objectifs à long terme de ces soins se confondent avec ceux de la réhabilitation sociale : permettre le maintien dans la cité avec une qualité de vie acceptable. [11] Modèle conceptuel des différentes variables liées aux habiletés et aux compétences sociales Liberman et al. [53] ont proposé le modèle suivant de façon à asseoir leurs observations pratiques sur une construction théorique claire (Fig. 2). Les capacités à engrammer un bon répertoire comportemental sont sous la dépendance des fonctions neurocognitives de base comme la perception, l’attention, la mémoire, des émotions, mais aussi d’éléments plus psychologiques comme les biais de perception des évènements. Le répertoire ainsi constitué est d’autant plus accessible et disponible que le patient, dans ses efforts d’adaptation, a un sentiment d’efficacité personnelle et de bonnes capacités à résoudre les problèmes interpersonnels. Le sentiment d’efficacité repose sur la motivation interne pour agir, la mise en place de stratégies adaptées et le sentiment de bien comprendre la situation et les acteurs. La compétence à la résolution de problèmes interpersonnels repose sur de bonnes capacités à percevoir ses propres buts et ceux des autres dans cette situation, à traiter (générer) des solutions adaptées à la situation et à émettre (exprimer) la solution choisie avec la meilleure communication possible. Pour accroître l’efficacité du comportement social, on peut soit : • améliorer l’attention et la mémoire (entraînement des fonctions de base) ; 8 ÉVÈNEMENTS SOCIOENVIRONNEMENTAUX Difficultés neurocognitives Concepts Émotions Répertoire comportemental Schémas sociaux Cognitions sociales Coping (capacité à s'adapter) Efforts d'adaptation Sentiments d'efficacité personnelle Biais cognitifs et psychologiques Habitudes sociales Habiletés sociales Capacité à résoudre les problèmes interpersonnels Percevoir - Traiter - Émettre Compétence sociale Figure 2 . • enrichir le répertoire comportemental (apprentissage de nouvelles compétences) ; • accroître l’apprentissage à la résolution de problèmes interpersonnels ; • améliorer le sentiment d’efficacité personnelle (feed-back, félicitations) ; • diminuer les biais cognitifs (psychothérapie) ; • modifier les évènements en modifiant l’entourage. Pour chaque patient, il faut déterminer les compétences déjà existantes et quelles seront les actions prioritaires. Remédier aux déficits des fonctions de bases Lors d’une hospitalisation, on peut réentraîner des comportements de base comme les échanges conversationnels courts, l’hygiène ou une présentation adaptée. Les interactions sont courtes, répétées de nombreuses fois chaque jour. Dès qu’un degré est atteint, on passe à la difficulté juste supérieure. Dans un exercice typique, l’entraîneur peut dire « je suis allé faire des courses hier soir ». Si la personne répond par exemple : « Qu’avez-vous acheté ? », cette question ouverte correcte est immédiatement félicitée. Sinon, on lui souffle : « Posez-lui une question ». Si le patient ne sait pas, on lui souffle : « Qu’avezvous acheté ? » Dès que la question est répétée par le patient, on le félicite. L’essai se termine dès qu’il a réussi ou au bout de trois tentatives. Cette procédure peut être utilisée pour poser des questions, faire un compliment, puis faire des propositions d’activités avec d’autres. On peut aussi faire participer les patients de façon progressive à des ateliers basés sur le programme IPT de Brenner (45 minutes, 3 à 4 fois par semaine pendant 1 an) dans les trois domaines suivants : différenciation cognitive, perception sociale, communication verbale. [4] Le troisième domaine est un véritable atelier d’entraînement à converser (écouter, répéter, comprendre des phrases de plus en plus longues et difficiles), puis à répondre, à organiser une discussion sur un thème précis. La brièveté des exercices favorise le maintien de l’attention. Ces exercices se font en groupe. Le patient d’un meilleur niveau peut participer comme partenaire qui pose des questions ouvertes et écoute l’autre. Psychiatrie Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie ¶ 37-290-A-10 Selon Liberman, [38] il est important d’utiliser régulièrement avec le patient les tactiques comportementales suivantes : • établir une relation thérapeutique confiante, chaleureuse et respectueuse ; • fixer à l’avance la durée du programme de soins mis en œuvre ; • utiliser le jeu de rôle et la répétition comportementale pour simuler les situations rencontrées dans son environnement naturel ; • lui prescrire des tâches comportementales à domicile et créer des attentes optimistes ; • lui donner des informations sur les changements observés dans son comportement et réévaluer périodiquement ses progrès en établissant de nouveaux objectifs ; • renforcer ses progrès, ne pas insister sur ses échecs ; • provoquer la généralisation de ses succès en impliquant les membres de sa famille ou de son environnement naturel. Améliorer la capacité à résoudre les problèmes interpersonnels Le thérapeute identifie avec le patient les situations qui lui posent un problème interpersonnel. Quelle émotion, quelle ressource, quel comportement sont manquants ou ne sont pas exprimés de façon appropriée ? Les aptitudes verbales et non verbales à la communication sont vérifiées. Le patient apprend à reconnaître ses émotions et à les exprimer. Le chapitre concernant la gestion des émotions de l’IPT est un guide utile pour le thérapeute. [4] La qualité des expressions et des comportements sociaux est évaluée puis renforcée grâce à la technique du jeu de rôle. L’une des saynètes vidéo fournies par l’AIPSS [48, 49] où un problème interpersonnel est mis en scène peut servir de base. La scène est passée une fois. Le patient se met à la place de la personne désignée. On lui demande s’il y a un problème dans cette scène et de le définir en termes de but et d’obstacle, puis d’imaginer une solution et de nous la décrire. Est-elle réaliste, socialement adaptée ? Puis on fait un jeu de rôle bref (pas plus de 1 minute), l’évaluateur donnant la réplique. Le patient joue sa solution, l’évaluateur ne mettant pas d’obstacle à son déroulement. Si possible, le jeu de rôle est filmé, puis évalué selon une grille de cotation, en tenant compte des capacités verbales et non verbales de communication. On vérifie le degré d’efficacité de la chaîne perception-compréhension-génération d’un ou plusieurs plans d’action, manifestations d’un comportement présélectionné par le patient. Les jeux de rôle filmés en vidéo sont enrichis grâce à l’apprentissage par observation (modelage) ou façonnés par petites touches dans le cadre d’un travail en groupe. Le thérapeute donne du feed-back dès que le jeu de rôle est revu. Ses compliments et encouragements (ainsi que ceux du groupe) sont des renforcements positifs puissants. Modification des stratégies d’adaptation (coping) Le terme de coping (to cope with) n’a pas d’équivalent francophone hormis des périphrases comme : s’adapter à, faire face à, être à la hauteur de… Selon Folkman et Lazarus, cités par Lalonde et al., [54] il désigne l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux qu’une personne fait pour s’adapter aux exigences de son milieu interne ou pour répondre aux demandes de l’extérieur quand elles débordent ses capacités immédiates. Il s’appuie sur les ressources du sujet ainsi que sur les ressources disponibles dans son environnement social et a pour but de rétablir son équilibre. Il comprend à la fois un versant cognitif, émotionnel et comportemental. L’état émotionnel vécu lors de la situation de stress peut influencer de façon positive ou négative la résolution du problème. La tendance à éviter ou à se confronter au conflit, i.e. le style du sujet face à une situation-problème, s’exprime dans la composante comportementale. [55] Le coping pourrait donc aussi être étudié, d’un point de vue psychodynamique, comme une façon habituelle de réagir face à un stress. Ce pourrait presque être une défense ou un trait de personnalité. Psychiatrie Lazarus a émis l’hypothèse que la manière qu’a un sujet d’évaluer et de faire face aux situations stressantes serait plus importante pour sa santé psychique que la situation-problème elle-même. Car son appréciation du problème est un élément clé dans les stratégies de coping qu’il peut élaborer. Son modèle postule qu’il existe une relation continue entre l’individu et son environnement. Elle est modulée par deux processus en interaction constante : l’évaluation cognitive de la situation et le style du coping. L’évaluation cognitive de la situation peut être perturbée par des biais cognitifs, la désorganisation cognitive du patient, ses croyances irrationnelles, son incapacité à évaluer ses propres ressources adaptatives. Le coping peut être classé selon deux types de stratégie. D’une part, il peut être centré sur le problème et avoir pour but de résoudre la situation stressante de façon constructive. L’approche dirigée vers la résolution du problème sélectionne l’aspect conscient et stratégique de la façon de réagir face à telle situation chez un sujet actif. D’autre part, il peut être centré sur l’émotion. Le sujet contrôle ses émotions douloureuses réveillées par la situation stressante. Ce type de coping est plus évitant et moins adapté, sauf si la situation est réellement incontrôlable. Vitaliano, en 1985, a validé une version abrégée de l’échelle créée en 1984 par Lazarus et Folkman. [56] Elle a été traduite et validée en français par Paulhan et al. [57] Cet instrument comporte 29 items évaluant les différents types de stratégies qu’un sujet peut utiliser quand il est confronté à une situation menaçante. Les items peuvent être regroupés en cinq facteurs : “ Items des différents types de stratégie • Facteur 1 : résolution de problèmes. C J’ai établi un plan d’action et je l’ai suivi. C Je me suis battu pour ce que je voulais. C J’ai changé les choses pour que tout puisse bien finir. C J’ai négocié pour obtenir quelque chose de positif. • Facteur 2 : évitement avec pensée positive. C J’ai souhaité pouvoir changer ce qui est arrivé. C Je me suis senti mal de ne pas pouvoir éviter le problème. C J’ai espéré qu’un miracle se produise. C J’ai rêvé ou imaginé un endroit meilleur que celui où j’étais. C J’ai essayé de tout oublier. • Facteur 3 : recherche de soutien social. C J’ai parlé à quelqu’un de ce que je ressentais, pour mieux comprendre la situation. J’ai essayé de ne pas m’isoler. C J’ai accepté la sympathie et la compréhension de quelqu’un. • Facteur 4 : réévaluation positive. C J’ai souhaité être le plus fort, plus optimiste. C J’ai changé positivement. C J’ai modifié quelque chose en moi afin de mieux supporter la situation. C Je me suis concentré sur un aspect positif qui pourrait apparaître après. • Facteur 5 : auto-accusation. C Je me suis culpabilisé. C J’ai pris conscience que j’avais moi-même créé le problème. C Je me suis critiqué ou sermonné. 9 37-290-A-10 ¶ Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie Les stratégies actives regroupent les facteurs 1 et 3 et sont centrées sur le problème en l’affrontant ou en demandant de l’aide. Elles cherchent à modifier ou à éliminer la source de stress en s’attaquant à la réalité de la situation. Les stratégies passives sont centrées sur les émotions (contrôler l’émotion liée au stresseur et tenter de maintenir un équilibre affectif) ou l’évaluation cognitive (efforts faits pour définir la signification personnelle attachée à une situation). Le concept de coping est central dans le modèle de Liberman : il insiste sur les interrelations constantes entre le sentiment d’efficacité personnelle, les compétences sociales et le coping (Fig.2). Apprendre ou relancer l’utilisation de copings adaptés aux difficultés du quotidien est donc nécessaire dans le cadre d’un programme de réadaptation individualisée. Des stratégies de coping mal adaptées vont aggraver la vulnérabilité au stress et favoriser l’aggravation ou la réapparition de symptômes. La question de la motivation à s’adapter ou faire face est bien sûr centrale dans la vie quotidienne des personnes souffrant de schizophrénie. Lalonde et al. [54] ont étudié les problèmes quotidiens rapportés par 47 patients schizophrènes. Leurs réponses ont été regroupées en quatre catégories (symptômes de la maladie, organisation quotidienne, contacts avec les autres, attitude de la personne face à sa maladie) et étudiées en fonction du mode de coping utilisé. Dans un tiers des cas, le coping actif (affrontement) est utilisé, surtout pour des problèmes matériels concrets (prendre un traitement pour dormir, pour atténuer les voix). Les deux tiers restant utilisent un coping centré sur l’émotion (j’attends, je ne fais rien, je ne parle plus, je suis découragé, j’essaye de me changer les idées). Les patients s’appuient sur l’évitement passif du problème et l’acceptation d’une émotion triste liée à ce comportement, même s’ils ont correctement défini le problème (par exemple : la solitude, l’apragmatisme). Dans la discussion de leurs résultats, les auteurs recommandent d’établir des programmes de réadaptation adaptés aux besoins et demandes des patients. Ces programmes ont pour objectif d’enrichir leur répertoire de stratégies visant à affronter des situations problèmes tirées de leur vie réelle. Il faut aussi tenir compte du poids majeur de l’émotion dans leurs comportements. [58] Tout enrichissement cognitif sera inopérant si les patients n’ont pas d’abord réappris à reconnaître chez eux la colère, la tristesse et des techniques pour dépasser ces émotions. ■ Entraînements aux habiletés sociales et modifications cognitives Comme le précisent Chambon et al., [59] il semble illusoire de « tirer une ligne de démarcation absolue entre psychothérapie et réadaptation sociale dans la schizophrénie ». Selon les auteurs, les possibilités d’adaptation du patient dépendent tout autant de ses compétences sociales objectives que de l’emprise de ses croyances et de certaines règles idiosyncrasiques qui empoisonnent ses relations à lui-même et aux autres. Le développement des techniques de psychothérapie cognitive des psychoses a rendu possible l’abord de ces perturbations psychiques. [1] Cependant, ces techniques ne se déploient utilement qu’après les « techniques de dégagement du terrain » comme l’entraînement aux habiletés sociales qui fixe des buts simples, faciles à atteindre et conduit avec un maximum de probabilités au succès, de façon à renforcer l’espoir et la confiance du patient. Une fois recréée cette « base de sécurité », il est possible de l’amener, dans le cadre des situations expérimentales que sont les jeux de rôle ou les techniques de résolution de problèmes, à reconnaître ses biais cognitifs et ses schémas dysfonctionnels. Car les soignants animant ces groupes d’entraînements aux habiletés sociales doivent être capables d’effectuer un recadrage cognitif, d’amener le patient à se décentrer et à prendre en compte les émotions des autres. Ainsi, aboutir à une décentration cognitive pourrait être un des effets positifs essentiels du 10 module cognitivocomportemental « Conversation ». Lors d’une conversation, le fait de prendre le point de vue de l’autre devient possible lorsque le patient apprend à recourir à des attitudes d’écoute active, comme les questions ouvertes, et à reconnaître les émotions de son interlocuteur. Cette décentration permet de lutter contre sa tendance à tirer des conclusions prématurées sur l’autre, sans avoir essayé de comprendre son point de vue. [59] De même, nous savons bien que beaucoup de patients n’utilisent pas les solutions mises en évidence grâce aux techniques de résolution de problème à cause d’obstacles cognitivoémotionnels qu’il nous faut prendre en compte (sentiment d’impuissance, crainte des autres, sentiment que c’est d’abord aux autres de résoudre son problème). Le module cognitivocomportemental « Entraînement à la résolution de problèmes interpersonnels » a une place privilégiée dans la prise de conscience des schémas cognitivoaffectifs dysfonctionnels qui sont liés aux désordres psychotiques et générateurs de croyances erronées. Le groupe (à partir des saynètes de l’AIPSS) est basé sur les principes de l’affirmation de soi (position affirmée, passive, agressive). Les patients sont souvent convaincus que la seule façon de faire face aux difficultés interpersonnelles consiste soit à ne rien faire, se retirer et fuir (position passive), soit à impressionner l’autre par des manifestations de violence (position agressive). Il leur est difficile d’imaginer qu’ils peuvent être respectés tout en respectant l’autre. Le module leur permet d’expérimenter cette position affirmée. [59] ■ Thérapie psychoéducative et programmes structurés cognitivocomportementaux Principes de la thérapie psychoéducative Elle s’est inspirée du savoir-faire accumulé dans l’entraînement aux habiletés sociales des patients, dans le but de leur faciliter l’interprétation des informations et l’apprentissage. Deleu et Lalonde [50] la différencient de l’éducation seule qui est l’information donnée. En effet, elle englobe l’éducation (pôle pédagogique), l’accompagnement et le soutien émotionnel (pôle psychologique), l’apprentissage d’habiletés pour gérer la maladie et la vie personnelle (pôle comportemental). Elle débute au décours de la période aiguë. Elle permet d’installer une alliance avec le patient et sa famille. Le thérapeute fait verbaliser ses symptômes par le patient, en respectant ses mots et ses difficultés. Il l’aide ensuite à reconnaître que sa souffrance porte un nom (délire, hallucinations) tout en respectant le fait que le patient ne puisse peut-être pas remettre en cause ses croyances. C’est progressivement qu’il amène le doute, la reconnaissance des symptômes et le diagnostic de la maladie. Ce diagnostic permet au patient, et à ses proches, de reprendre confiance. L’espoir d’une amélioration, et personne ne peut en prédire l’ampleur, doit accompagner le patient tout au long de son évolution. Cette première étape a un rôle pédagogique pour le patient et ses proches. L’information leur est délivrée de façon structurée et répétée si besoin. À la suite de la révélation du diagnostic, l’approche psychologique permet l’écoute et le soutien facilitant le travail de deuil, la diminution du fardeau émotionnel lié à la maladie et l’apparition de nouvelles attentes réalistes. Enfin, le rôle comportemental de la psychoéducation est de diminuer les rechutes en amenant le patient et sa famille à adapter leurs échanges affectifs en fonction de la notion d’émotion exprimée et à pratiquer la résolution de problèmes pour éviter des désaccords stressants. La psychoéducation n’a pas pour objet de transférer aux familles la responsabilité du projet de soins. Mais si le patient et sa famille se sentent aidés, il est possible de limiter les rechutes. Le caractère planifié des soins et des progrès attendus facilite l’accompagnement psychologique. Psychiatrie Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie ¶ 37-290-A-10 Tableau 1. Pourcentage de rechutes 1 an 2 ans Neuroleptiques + thérapie de soutien 38 % 62 % Neuroleptiques + entraînement aux habiletés sociales 20 % 50 % Neuroleptiques + éducation familiale 19 % 29 % Neuroleptiques + éducation familiale + entraînement aux habiletés sociales 0% 25 % Ce cheminement est facilité par la participation du patient à des groupes psychoéducatifs dont les programmes structurés et standardisés sont disponibles en français. [49] Par exemple, dans le module cognitivocomportemental « Gestion des Symptômes », il va pouvoir percevoir le caractère irrationnel de son vécu hallucinatoire en écoutant un autre patient décrire ses symptômes. Cette prise de conscience qu’ « on est un peu pareil, même si on est différent » dé-subjective le vécu de la maladie, en fait un vécu objectivable, connaissable, aux frontières plus claires. À l’inverse, le patient, reprenant contrôle de son vécu psychique, redevient sujet : il cesse d’être l’objet de sa maladie, agi et agité par ses délires et hallucinations. En résumé, le but de la psychoéducation est de rendre la maladie égodystone pour que, d’une part, le patient se rende compte que les symptômes interfèrent avec son fonctionnement et que cette partie malade de lui-même ne le définit pas entièrement. Sa partie saine va l’aider à prendre de la distance par rapport aux symptômes, à construire et poursuivre l’achèvement de sa personnalité. D’autre part, nous, soignants, collaborons avec une personne souffrant de schizophrénie (et pas avec un schizophrène) dans un esprit de responsabilité partagée vers l’avenir. La prise en charge de la famille complète celle du patient. Elle peut se baser sur sa participation à des modules structurés pour des groupes de parents, comme le module Profamille. [60] Cela leur permet de mieux comprendre et accompagner leur proche. Il peut aussi être nécessaire pour une famille de participer à une thérapie familiale comportementale, en suivant le modèle de Falloon [61] ou de Liberman, [62] si le travail de deuil, le fardeau émotionnel ou l’apprentissage d’habiletés de communication l’imposent. Validation des résultats des thérapies psychoéducatives individuelles et familiales Falloon a montré l’avantage sur 2 ans de suivi d’une psychoéducation familiale en termes de réduction des rechutes face à une thérapie individuelle de soutien. [63] En 1991, Hogarty a confirmé cette étude et l’a précisée (Tableau 1). [64] Puis il a complété l’entraînement aux habiletés sociales par « la thérapie individuelle personnalisée ». [65] Elle a pour but de modifier la perception que le patient a de luimême en l’amenant à identifier et contrôler ses émotions dysfonctionnelles. Une prévention des rechutes est obtenue grâce à la reconnaissance des stresseurs dangereux. Elle est facilitée par la pratique de la relaxation et du recadrage cognitif qui diminue l’impact des stresseurs. Dans leur revue de la littérature (essais contrôlés et randomisés), Bustillo et al. [66] ont confirmé l’apport de ces thérapies, notamment familiales, dans la prévention des rechutes psychotiques et des réhospitalisations. Modèles pour l’avenir ? Hogarty et Flescher [67] ont présenté la thérapie d’amélioration cognitive de la schizophrénie. Cette approche est une synthèse de l’entraînement comportemental classique aux habiletés sociales et de l’approche de Brenner. [4] Les auteurs, à Psychiatrie partir d’une meilleure connaissance des troubles neurocognitifs persistants chez les patients, établissent une progression graduelle dans la relance des cognitions non sociales (mémoire verbale, attention, logique), puis des cognitions sociales en essayant d’adapter les exercices proposés aux profils cognitifs des patients (désorganisé, appauvri, ou rigidifié). Ils copient des situations réalistes, Hogarty insistant sur le fait que la réalité est changeante, ambiguë. Ils favorisent la production d’hypothèses (savoir décider rapidement et se mettre à la place des autres pour comprendre ce qu’ils pensent). Pour favoriser la prise en compte de l’autre, ils mettent les patients en binôme. Chacun est le « coach » de l’autre, ce qui constitue un apprentissage cognitif masqué. Ces exercices pendant la période d’apprentissage non social s’appuient sur des logiciels adaptés. C’est seulement 6 à 9 mois plus tard que commence l’apprentissage social, en continuant à s’appuyer sur les interactions entre des petits groupes de patients. Velligan [68] a démontré l’utilité, pour des patients ayant des difficultés à leur domicile, des techniques de compensation cognitive par le biais d’affichettes, de simplification des tâches, de suppression des stimuli inutiles. Une évaluation neurocognitive soigneuse est nécessaire au préalable. La mémoire visuelle, préservée chez un patient désorganisé verbalement, sera le canal utilisé pour l’aider à repérer les informations pertinentes. Dans le même temps sont parus des articles concernant, par exemple, un programme de retour aux études utilisant toutes les techniques cognitivocomportementales classiques. [69] L’étape ultime de la réadaptation reste bien sûr l’accès au travail. Car, comme le souligne Petitjean, [70] il signifie pour le malade réintégration dans une position de sujet autonome et assimilé au corps social. Dans leur revue de la littérature concernant l’accession à l’emploi en milieu normal de personnes atteintes par une maladie mentale sévère (dont des patients schizophrènes), Crowther et al. [71] ont conclu que la technique de l’emploi avec soutien d’un professionnel du travail (« supported employment ») est plus efficace pour obtenir et garder un emploi qu’un programme d’entraînement avec retour progressif au travail. Cependant, pour la majorité des patients, ce retour au travail impose le recours à des techniques spécialisées. Car, si Lehman et al., [72] dans leur étude randomisée, ont démontré la supériorité d’un programme personnalisé d’embauche et de soutien par rapport à des programmes psychoéducatifs standards, les patients avaient beaucoup de mal à conserver leur emploi dans les deux groupes. Pour Gold et al., [73] il existe une relation significative entre les performances cognitives (quotient intellectuel, attention, mémoire de travail, résolution de problème) et la capacité à conserver l’emploi. De même, la mauvaise reconnaissance des émotions exprimées par la voix ou la mimique est associée à un moins bon fonctionnement psychosocial et professionnel. [74] La réinsertion professionnelle impose donc le plus souvent l’adaptation de l’environnement aux troubles cognitifs des patients et à leur sensibilité extrême aux stresseurs. En France, beaucoup de régions ne bénéficient pas d’un accès facile à des centres de réadaptation professionnelle qui vont progressivement replacer le sujet en situation de travail. Les rares centres d’aide par le travail (CAT) spécialisés dans l’accueil de patients schizophrènes permettent un accueil modulable pour accomplir des tâches précises. Tout l’art de l’encadrement consiste à renforcer la motivation et l’estime de soi des personnes au travail. ■ Conclusion L’adaptation du modèle du « case management » se généralise et les palettes de soins d’inspiration cognitivocomportementale sont de plus en plus larges. Par un dramatique retour de l’histoire, de nombreux patients (aux États-Unis), bien que traités à 45 % par de nouveaux antipsychotiques, se retrouvent hospitalisés pour de très longues durées (5 ans). Ils n’ont plus accès aux soins les plus avancés en ambulatoire pour des raisons de prise en charge. Les effets nocifs de ces séjours sont tels que, de nouveau, des équipes du 11 37-290-A-10 ¶ Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie Massachusetts [75] reconstruisent des programmes intrahospitaliers de réadaptation centrés sur le case management et les besoins du sujet, et en démontrent de nouveau l’efficacité, 50 ans après Ayllon et Azrin. Le respect des personnes malades et l’organisation des soins grâce au modèle cognitivocomportemental permettent que les personnes souffrant de schizophrénie bénéficient d’une réadaptation psychosociale indispensable à l’amélioration de leur état. ■ Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22] [23] 12 Chambon O, Marie-Cardine M. Psychothérapie cognitive des psychoses chroniques. Collection Médecine et Psychothérapie. Paris: Masson; 1994 200p. Tatossian A. Les tâches d’une génétique des psychoses. 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