cas, l’économie de jetons au long cours et la mise en place de
techniques du coût de la réponse inadéquate sont indispensa-
bles pour maintenir les modifications obtenues. Mais, malgré
ces indéniables succès, les thérapies comportementales ont buté
sur les difficultés cognitives des patients (concentration,
autocontrôle, auto-instructions pour se guider dans une tâche).
Ces difficultés, mal comprises à l’époque, ont limité leur impact.
École de la réadaptation psychiatrique
ou psychosociale
Dans les années 1980 s’est organisée une réflexion cohérente
basée sur le concept de réadaptation psychiatrique. L’approche
de la schizophrénie doit être pluridisciplinaire et non stigmati-
sée, la plus proche possible du monde normal, mais elle ne doit
en aucun cas être démédicalisée. Elle doit assurer une meilleure
évaluation initiale et continue du patient, le repérage précis et
objectif des problèmes d’adaptation à la vie quotidienne.
L’expérience des premiers programmes de réadaptation profes-
sionnelle a montré leur impact positif sur la santé des patients.
Legeron,
[11]
se référant aux travaux de Liberman, intitule ses
propos « le développement de la compétence sociale chez les
schizophrènes », et rappelle que les neuroleptiques, quoique
indispensables, ne sont pas un traitement satisfaisant car ils ne
modifient pas pleinement la vie sociale et professionnelle des
patients. Il faut leur adjoindre des actions psychosociales ou
psychothérapeutiques pour atteindre le but de la réinsertion. Il
précise que le « handicap majeur que sont les importants
déficits du fonctionnement social du patient schizophrène a
longtemps été considéré comme la conséquence de la maladie
et négligé comme cible d’interventions thérapeutiques spécifi-
ques par des thérapeutes trop préoccupés d’agir sur un hypo-
thétique noyau ou trouble fondamental de la schizophrénie, et
ce, sans grand résultat d’ailleurs ». Or, la désinstitutionnalisation
brutale a montré les incapacités des patients à vivre dans le
monde réel, incapacités que les praticiens ont dû évaluer pour
déterminer les priorités de la réadaptation sociale, par exemple
grâce à l’échelle Independant Living Skills Survey [ILSS] de
Wallace.
[12]
Glynn
[13]
a analysé 20 ans d’études contrôlées concernant -
ce qu’il est convenu d’appeler - la réadaptation psychiatrique
qui englobe les interventions psychosociales, l’aide aux familles,
la conception d’environnements protégés et adaptés, etc… Sans
entrer dans de longues discussions sémantiques sur les mots
utilisés, disons que la prise en charge des patients s’appuie
d’abord sur la « pierre d’angle » du traitement pharmacologique
et psychiatrique, et ensuite sur un ensemble de mesures qui les
aident à récupérer un bon niveau de fonctionnement social et
la meilleure qualité de vie subjective possible. Car, au-delà des
contraintes économiques défavorables et de la stigmatisation de
la maladie, les altérations cognitives conduisent à diminuer les
comportements orientés vers un but et la participation à des
activités planifiées et organisées. Les patients préfèrent souvent
s’isoler pour diminuer leur niveau de stimulation.
Il ressort aussi de son analyse que les stratégies efficaces pour
réduire les rechutes et atténuer les symptômes sont les inter-
ventions orientées vers les familles et la psychothérapie cogni-
tive. L’aide aux familles, surtout si elle s’étend sur plus de 2 ans,
réduit leur souffrance et leur épuisement et diminue notable-
ment le taux de réhospitalisation des patients. La thérapie
cognitive des symptômes persistants les rend supportables dans
la vie quotidienne mais n’améliore ni le taux de réhospitalisa-
tion ni le niveau des compétences sociales. Pour les améliorer,
sont nécessaires des programmes de relance des cognitions de
base (attention, mémoire) et d’apprentissage de savoir-faire dans
un environnement aussi réaliste que possible. Le point difficile
reste la généralisation des acquis au-delà des structures théra-
peutiques, bien que le retour au travail ou aux études reste un
but important pour les patients. Le respect de cet objectif est
pourtant nécessaire au maintien d’une bonne estime de soi.
La coordination de tous ces processus qui évoluent de façon
synergique nécessite de s’appuyer sur la « boîte à outils » de la
réadaptation psychiatrique. Anthony,
[14]
porte-parole de
« l’école de Boston », insiste sur l’utilité de la technique du
«case management ». Cette technique ne réduit pas le « case
manager » à la gestion de « cas ». Nous préférons donc parler de
« plan de soin », de « réunion de projet de soin », et de per-
sonne référente coordonnatrice, avec la personne soignée, de la
mise en œuvre des soins décidés. Anthony évoque la résistance
du corps psychiatrique américain à l’utilisation de cette
méthode pourtant validée. Pour tenter encore une fois de
convaincre son public, il rappelle qu’il n’y a pas de relation
forte entre l’intensité des symptômes et les pertes fonctionnelles
du patient. En revanche, il y a une relation significative entre
la qualité des compétences, du soutien environnemental et le
devenir de la réadaptation. Les évaluations initiales du patient
sont donc fondamentales et doivent être faites avec les proches
dans l’environnement réel, non hospitalier. Enfin, le fort désir
des patients impliqués dans la réussite de leur réadaptation est
un moteur important. Cette technique permet de réunir le
patient, ses proches, les professionnels, dans un même moment
autour d’un même projet.
Dix années plus tard, la revue de Mueser et al.
[15]
a montré
l’expansion de cette méthode et confirmé son caractère central
dans la prise en charge du patient schizophrène.
■Modèles de vulnérabilité
Origines du concept
Le terme est actuellement employé comme synonyme de
susceptibilité, de prédisposition ou de fragilité. Il est fréquem-
ment question de facteurs de vulnérabilité, au sens de facteurs
de risque pour l’apparition de la maladie ou d’une incapacité à
résister aux contraintes de l’environnement. Le concept postule
l’existence d’un risque variable à manifester un épisode schi-
zophrénique. La vulnérabilité apparaît donc comme une
dimension. Elle repose sur le principe d’une continuité du
normal au pathologique et serait présente chez tous, certains
sujets étant très vulnérables, d’autres faiblement, voire invulné-
rables à la schizophrénie. Dans les modèles de vulnérabilité,
seule la décompensation épisodique est conceptualisée, et non
la maladie au sens classique du terme. Ce n’est pas la schizo-
phrénie qui serait un trouble chronique, mais la vulnérabilité à
produire des épisodes psychotiques.
Les modèles ont pour intérêt d’intégrer les déterminismes
génétiques et biologiques des troubles et les influences environ-
nementales identifiées dans leur évolution. Ils reposent sur
l’hypothèse que la survenue du trouble serait déterminée par
des interactions complexes entre plusieurs facteurs. Ils sont
donc multifactoriels et en rupture avec la conception tradition-
nelle de la maladie comme pathologie chronique d’origine
monofactorielle. Leur élaboration a tiré argument de l’hétérogé-
néité de la maladie mise en évidence par les études longitudi-
nales et génétiques.
D’une part, les états terminaux sont polymorphes et non pas
sévèrement chroniques de façon inéluctable. Plusieurs enquêtes
catamnestiques ont montré que l’évolution est favorable dans
plus de la moitié des cas et qu’elle associe épisodes et périodes
de rémission dans environ 50 à 70 % des cas.
[16-19]
Or, la
majorité des patients inclus étaient hospitalisés avant l’ère des
neuroleptiques. Les rémissions et guérisons observées étaient
donc indépendantes des médicaments. Un récent travail a repris
les résultats de l’étude de Bleuler à la lumière des systèmes
actuels de classification diagnostique.
[20]
Après exclusion des
patients dont le diagnostic de schizophrénie ne fut pas confirmé
(30 %), la distribution des modes d’évolution au long terme n’a
pas changé de façon significative et est restée marquée par
Modèle cognitivocomportemental de la schizophrénie
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3Psychiatrie