ÉVÈNEMENT Pr Farid Kacha* à Santé Mag Parmi les 900 patients hospitalisés en psychiatrie, environ, 600 souffrent de schizophrénie Propos recueillis par Tanina Ait Santé Mag: Comment se présente la prise en charge des maladies mentales, aujourd’hui? Pr Farid Kacha: Beaucoup de choses ont été faites. Aujourd’hui, la faculté de médecine forme, environ, 100 psychiatres par an, alors qu’auparavant on n’en recensait que 5. En outre, plusieurs structures, dédiées à la psychiatrie, ont été construites; ce, après celle de l’hôpital psychiatriques de Tizi-Ouzou, en 1972. Il s’agira de Constantine, Annaba, Tiaret, Sétif et Tipaza. Cependant, là où le bât blesse, c’est au niveau du personnel paramédical spécialisé, où est enregistré un déficit et c’est la difficulté de tous les hôpitaux, qui existent à travers le territoire. Ceci, en raison du fait que ces personnels n’aiment pas trop s’orienter vers la psychiatrie; car, ils estiment le travail trop pénible et préfèrent, plutôt, des disciplines prestigieuses, telles que la cardiologie, la neurologie, la pédiatrie … Il faut dire, également, que la psychiatrie est confrontée à une forte déperdition. Par ailleurs, il est à noter que les soins en psychiatrie sont organisés en secteurs; c'est-à-dire qu’une même équipe de psychiatre doit prendre en charge un bassin de population, à la fois à l’intérieur de l’hôpital qu’à l’extérieur; ce qui est une bonne chose en soi; car, la maladie mentale est chronique et des soins doivent se faire, encore, après l’hospitalisation et que la même équipe suit le malade, même une fois dehors. Ce qui rend optimal le traitement, puisque le sujet est mieux connu. Néanmoins, il se trouve que des patients abandonnent le traitement et rechutent automatiquement et leurs cas deviennent, alors, des urgences médicales; d’autant que, par moments, ils sont délaissés, par leur entourage. A ce niveau, par conséquent, se pose le problème de capacités d’accueil aux urgences, puisque nous n’avons pas l’es30 Santé-MAG N°51 - Mai 2016 La schizophrénie entraîne une espérance de vie très courte (entre 20 et 30 ans) pace, rendu nécessaire par le nombre de rechutes. Qu’en est-il de la prise en charge, en psychothérapie ? La psychothérapie fait partie du traitement et suppose prendre le temps de discuter avec le patient, pour connaître sa situation, son entourage, le milieu où il évolue; ce qui permettrait de mieux comprendre ses angoisses et de trouver les meilleurs moyens de les lui faire surmonter. Malheureusement, lorsque 30 patients se présentent en consultation - que ce soit dans le secteur privé, ou le secteur public - le médecin ne peut pas prendre le temps d’écouter tous ses patients et là, se pose, en effet, un véritable problème. Quelle est la pathologie psychiatrique la plus fréquente ? La schizophrénie est la maladie mentale la plus répandue et parmi les 900 malades hospitalisés, environ, 600 soufrent de cette pathologie chronique. En outre, elle entraîne une espérance de vie très courte (entre 20 et 30 ans) et c’est ce qu’a montré, en l’occurrence, une enquête menée au niveau de l’EHS Drid Hocine, à Alger. Plus précisément, les décès constatés sont des sujets jeunes, à prédominance masculine, célibataires, niveau scolaire élémentaire, sans emploi, sédentaires, fumeurs, vivant avec la famille. Nonobstant ceci, nous n’avons pas de données plus précises, en l’absence d’autopsie, laquelle doit être rendue obligatoire. Toujours est-il qu’une collaboration, entre psychiatres et somaticiens, est impérative, pour améliorer la santé physique des patients et diminuer, par la même, leur mortalité. Connait-on des ruptures de stocks de médicaments ? Dans l’ensemble, nous avons l’essentiel. Cependant, les neuroleptiques injectables, prescrits pour une durée d’un mois, connaissent des ruptures de stoks et c’est le cas, aujourd’hui. L’absence de tels médicament entraîne les rechutes et l’hospitalisation, y afférente, revient mille fois plus cher que le prix des médicaments * Professeur Farid Kacha, président de la Société algérienne de psychiatrie.