150 ans après L`Origine des espèces de Darwin, que peut apporter

Actes du 25
e
Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009
150 ans après L'Origine des espèces de Darwin, que peut apporter la théorie
de l’évolution au marketing ?
Ziad MALAS
Université Paris Dauphine - DRM-DMSP
Actes du 25
e
Congrès International de l’AFM – Londres, 14 et 15 mai 2009
150 ans après L'Origine des espèces de Darwin, que peut apporter la théorie de
l’évolution au marketing ?
Résumé (FR):
Nous montrons que la pensée évolutionniste darwinienne peut inspirer le marketing de deux
façons très distinctes : par l’analogie entre la nature et le marché, et par la prise en compte du
caractère évolutionniste de la psychologie du consommateur. Nous rattachons cette seconde
voie à la naturalisation du marketing. Nous discutons ensuite des utilisations qui ont été faites
des modèles darwiniens dans la recherche en marketing. Enfin, nous proposons de nouveaux
champs d’applications pour des travaux futurs.
Mots clés : épistémologie, THEP (Théorie Epistémologie), histoire du marketing
150 years after Darwin’s “On the origin of species”: What can marketing learn from
evolutionary thought?
Abstract (EN):
We show how Darwinian theories may inspire Marketing research in two very different ways:
by setting an analogy between nature and market or by exploring the evolutionary aspects of
consumer psychology. We relate the second way to the naturalization of marketing. Then, we
discuss how Darwinian theories have been used in past marketing research. Eventually, we
suggest new fields for implementing Darwinian theories in future research.
Key words: theory, epistomology, history of marketing
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Introduction
Il y a 150 ans exactement (en 1859), en Angleterre, paru « L’Origine des espèces »
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, ouvrage
de Charles Darwin qui vulgarisa ce que nous appelons aujourd’hui la théorie de l’évolution.
Cette théorie et ses prolongements ont, au cours de ces dernières années, inspiré un nombre
non négligeable de travaux en marketing. Le recours en sciences sociales au vaste champ
théorique lié à la théorie de l’évolution pose de nombreuses questions, notamment d’ordre
épistémologique et politique (par exemple, certains verront chez Darwin un défenseur de la
diversité des formes d’organisation quand d’autres, focalisant sur l’idée de sélection naturelle,
perçoivent surtout une justification d’un libéralisme « pure » à la Hayek). Ces questions
demeureront en arrière fond de notre réflexion. Le but de cette communication est bien plus
modeste puisqu’il s’agit de montrer les possibles liens entre la théorie darwinienne de
l’évolution et le marketing. Notre exposé sera composé de trois principaux points :
- Nous détaillerons d’abord les deux conceptions de la théorie de l’évolution mobilisées par
les recherches en marketing ;
- nous verrons ensuite les applications qui en ont découlé et les résultats trouvés ;
- enfin, nous discuterons de l’intérêt que peuvent avoir les recherches en marketing à
s’inspirer des travaux évolutionnistes. Nous indiquerons alors de possibles questions qui
gagneraient à mobiliser les approches mentionnées.
1. Les deux conceptions de la théorie de l’évolution mobilisées en marketing.
La théorie de l’évolution telle que formulée en des termes très proches, à la fois par
Darwin et Wallace (lors d’une conférence en 1858) est d’abord une théorie explicative de la
diversité des espèces et de sa dynamique temporelle et géographique. Elle a la particularité
d’introduire le hasard pour expliquer l’émergence d’un système écologique relativement
stable.
n fait, ce que nous appelons la théorie de l’évolution est selon Mayr (1991) un cadre
recouvrant 5 théories distinctes :
- La théorie de l’évolution à proprement parler. Elle énonce que la nature change
constamment et que les espèces évoluent au cours du temps ;
- la théorie de l’origine commune qui avance que tous les groupes d’organismes vivants
descendent d’un même ancêtre.
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Le titre initial complet est en anglais : “On the Origin of Species by Means of Natural Selection, or
the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life”.
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- la théorie de la multiplication des espèces qui explique la diversité du vivant, d’une part, par
une adaptation aux différents écosystèmes rencontrés et d’autre part, par l’isolement
géographique de populations issues de l’espèce initiale. Combinée aux deux précédentes
théories, elle prédit une complexification croissante des organismes vivants.
- le gradualisme qui postule que les changements dans l’évolution se font par des
changements graduels des caractéristiques des populations.
- la théorie de la sélection naturelle qui montre que les changements dans l’évolution
proviennent d’une combinaison de variations aléatoires des organismes et par le fait qu’un
nombre relativement limité d’individus transmet des caractéristiques héritables adaptées.
Comme on peut le constater, certains éléments du cadre ainsi formulé sont très
généraux, au point que Popper (1963) a pu dire que la scientificité de la théorie de l’évolution
posait problème car l’affirmation de la survie des individus les plus adaptés paraissait
tautologique. Popper (1976) voyait surtout dans la théorie de l’évolution un cadre intellectuel
original inspirant des raisonnements utiles à l’explication de nombreux phénomènes
scientifiques.
Cependant, un peu plus tard (en 1978), il expliquera que la théorie darwinienne dans son
acception contemporaine, c'est-à-dire, complétée des théories sur les combinaisons et la
transmission des gènes, est, elle, réfutable et par conséquent scientifique.
En fait, on a là, les deux grandes conceptions de la théorie de l’évolution que l’on va retrouver
en marketing et au-delà, dans l’ensemble des sciences sociales (Cordes, 2006) :
- le darwinisme universel : l’utilisation des théories darwiniennes procède de l’analogie. On
est ici dans la vision initiale de Popper, celle de l’outil intellectuel utilisable par tous les
scientifiques.
- l’hypothèse de continuientre la sphère sociale et la biologie. Cette hypothèse se fonde sur
l’idée que l’appartenance à l’espèce humaine des individus affecte les phénomènes sociaux
dont ils sont les sujets. On est ici dans un prolongement de l’œuvre d’Huxley (1863), le
premier auteur à avoir considéré que l’être humain était aussi un primate.
1.1. Le darwinisme universel.
Selon Nelson (2006), les idées évolutionnistes se retrouvent en sciences sociales bien
avant Darwin (chez Hume et Smith par exemple), mais elles se sont multipliées avec
l’influence croissante des théories darwiniennes jusqu’à aboutir à la formulation du
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« darwinisme universel » par Dawkins (1976 ; 1982
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). Ce dernier a développé l’analogie entre
les traits héréditaires transmis par les gènes et les caractéristiques d’une culture. Il parle alors
de « mèmes » pour évoquer les unités élémentaires de savoirs ou de croyances qui sont
sélectionnées par les sociétés. Sans recourir aussi pleinement à l’analogie biologique, la
théorie évolutionniste du changement économique de Nelson et Winter (1982) est un exemple
connu, en sciences de gestion, du recours à la taphore évolutionniste. Les routines jouent
dans cette théorie le rôle de gènes organisationnels (Arena et Lazaric, 2003).
La différence des mécanismes en jeu dans les théories sociales et dans la biologie a
conduit Cordes (2006) et Nelson (2006) à mettre en garde contre un usage naïf de cette
approche car s’ils reconnaissent la proximité de certaines notions (évolution, adaptation,
sélection, populations), des mécanismes clefs dans l’évolution culturelle, tels que le
mimétisme, ne relèvent pas du tout de la même logique que la reproduction sexuée. Par
exemple, le mimétisme est un processus volontaire alors que les gènes transmis dans la
reproduction sexuée dépendent d’abord du hasard. Plus largement, les évolutions culturelles
sont en partie conscientes et peuvent être délibérées alors qu’un individu ne peut changer ses
gènes et surtout, n’agit pas consciemment dans le but d’en maximiser la diffusion. D’ailleurs,
si c’était le cas, il y aurait des files d’attentes de donateurs devant les banques de sperme
(Buss, 1995) !
C’est pour ces raisons qu’Eyubuglu et Buja (2007) parlent de « sélection quasi-darwinienne »
pour expliquer la pérennité des relations commerciales dans leur modèle.
1.2. L’utilisation de la théorie de l’évolution dans l’hypothèse de continuité.
Ce type d’utilisation est plus récent pour la simple raison qu’il s’appuie sur
des développement ultérieurs de la théorie darwinienne : Mayr (1991) a noque l’histoire du
darwinisme avait connu au moins 8 phases depuis la mort de Darwin. Pichot (1993) estime
d’ailleurs qu’on devrait aujourd’hui parler de la théorie de l’évolution de Weismann. En effet,
ce biologiste a été le premier, vers la fin du XIX
eme
siècle, à défendre la thèse d’une
transmission exclusive des caractères par ce qu’il appelait le « plasma germinatif » et qui
préfigure l’ADN. L’essor des travaux sur la génétique a ensuite conduit Hamilton (1964) à
formuler la thèse selon laquelle la sélection ne s’opère pas au niveau des individus mais au
niveau des gênes. Profitant des apports des sciences étudiant la préhistoire, la Psychologie
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Dawkins parle de « Darwinisme universel » dans son ouvrage datant de 1982.
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