
Il s'agit d'une université dans laquelle l’étudiant peut choisir à la carte. Prenons l'exemple de 
la  maîtrise.  Il  lui  est  proposé  de  nombreux  cours  et  travaux  dirigés  dans  des  disciplines 
connexes.  S'il  le  souhaite  il  peut  combiner  de  l'économie  et  de  la  sociologie,  avec  des 
mineures en philosophie politique et en anthropologie ; ou combiner de l'économie et de la 
psychologie, de la sociologie et de la philosophie, etc. Une organisation modulaire souple, un 
travail  en  petits  groupes,  de  nombreux  coordonnateurs  permettent  la  réalisation 
d'appariements variés. On demande seulement à l'étudiant de justifier ses choix par un projet 
personnel argumenté. Cette justification réside le plus souvent dans l'intérêt intellectuel et/ou 
professionnel. porté à un objet d'étude, dans une perspective de recherche ou d'action (sociale, 
politique,  culturelle...).  L'étudiant  s'intéresse  par  exemple  à  la  ségrégation  spatiale,  à  la 
délinquance, au racisme, à un groupe ethnique, etc. Un certain pragmatisme n'est pas interdit : 
il est autorisé de chercher à comprendre dans l'intention d'agir plus efficacement. On peut dire 
d'une telle université, sans paraître trop démagogique, qu'elle «place l'étudiant au centre». Le 
but est de lui fournir les outils intellectuels nécessaires à la réussite de son projet. C'est donc 
essentiellement une logique de la demande qui oriente le fonctionnement de l'institution, et 
non une logique autarcique de la reproduction, comme on peut la voir à l'œuvre ailleurs... 
L'un des effets pervers possibles d'une organisation qui laisse autant de liberté aux étudiants, 
c'est le risque de dispersion, de fragmentation de l'apprentissage des savoirs fondamentaux, 
l'incitation  à  un  mauvais  dilettantisme.  Pour  combattre  ces  effets,  existent  des  cours 
transversaux,  synthétiques,  structurants,  qui  apportent  les  repères  et  les  problématiques  à 
partir desquels l'étudiant pourra situer, relier, articuler les connaissances parcellaires acquises 
dans plusieurs disciplines. 
Voici  un  exemple  de  ce  type  de  cours  (obligatoire).  Il  s'intitule  tout  simplement  ; 
«Perspectives en sciences sociales». L'idée sous-jacente est que chacune de ces perspectives 
éclaire, à sa façon, l'une des facettes de l'objet étudié. En voici quelques-unes : les théories de 
l'action  rationnelle  (dont  la  micro-économie),  le  fonctionnalisme,  le  structuralisme, 
l'interactionnisme,  les  théories  de  la  modernisation  (Weber,  Habermas,  etc.),  le  marxisme 
(sic),  l'herméneutique,  la  psychanalyse...  Pour  chacune  d'entre  elles,  le  professeur 
coordonnateur fait venir les spécialistes concernés, qui planchent devant des petits groupes à 
partir de la même grille d'items : genèse, pères fondateurs, théories de la société, types de 
données utilisées, méthodologie, formes d'institutionnalisation, critiques. 
Interdisciplinarité, travail sur des «objets-problèmes », pédagogie incitant l'étudiant, souvent 
en petit groupe, à être actif dans le processus d'appropriation des connaissances, apprentissage 
du débat rationnel et de la critique, etc., tout ceci ressemble trop aux sciences économiques et 
sociales pour que cela paraisse vrai ! 
Pourtant, cela existe. 
À l'université de Chicago. 
 Pascal Combemale, Editorial de numéro 118 de DEES, décembre 1999.