Sylvie MARTIN VÉDRINE INITIATION AU MARKETING Les concepts-clés © Éditions d’Organisation, 2003 ISBN : 2-7081-2857-4 CHAPITRE 4 L’ÉLABORATION DE LA STRATÉGIE MARKETING La stratégie marketing correspond à un ensemble de décisions prises dans le but d’atteindre un objectif préalablement fixé (hausse des parts de marché, chiffre d’affaires à atteindre…). Les décisions de nature stratégique sont fondamentales car elles engagent les activités et l’organisation d’une entreprise à moyen et long terme. Ainsi, pour élaborer une stratégie marketing, il convient tout d’abord de se placer au niveau de l’entreprise, afin de cerner ses grandes orientations, puis au niveau de chaque activité afin de définir leur stratégie de base, et enfin au niveau du produit où les décisions sont conditionnées par les choix précédents. Objectifs du chapitre Au terme de ce chapitre, vous serez en mesure de : ➥ ➥ ➥ ➥ ➥ ➥ évaluer les différentes activités d’une entreprise, connaître les activités ou les produits à privilégier, choisir entre plusieurs stratégies marketing, savoir à quel(s) segment(s) du marché s’adresser, comprendre la nécessité du positionnement d’un produit, arbitrer entre les variables du mix. Initiation au marketing SECTION 1 – LA STRATÉGIE MARKETING AU SEIN DE L’ENTREPRISE 1 – Les fondements A – La démarche Il existe deux niveaux de réflexion stratégique : celui relatif à la stratégie générale de l’entreprise et celui relatif aux stratégies de fonctions (marketing, production, financière…). Nous nous situons évidemment dans le second cas. L’élaboration d’une stratégie marketing s’effectue selon une démarche séquentielle comme le fait apparaître le schéma ci-dessous. Schéma n° 1 : La démarche stratégique Choix du mix Choix du marché cible Niveau du produit Stratégies de base Objectifs d’activité Niveau de l’activité Diagnostic d’activité Portefeuille d’activités Métier Niveau de l’entreprise Le responsable marketing va tout d’abord comprendre le métier de son entreprise, puis repérer les différentes activités, les regrouper en domaines d’activités stratégiques (DAS). Pour chaque DAS, des objectifs sont fixés ainsi que la stratégie marketing adéquate en fonction de la cible retenue. La stratégie marketing concerne donc l’entreprise dans sa globalité, puis chacune de ses activités et enfin une catégorie de 124 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 clientèle. Le marché représente le point de convergence de toute stratégie marketing, aussi bien celle menée par l’entreprise que celle menée par ses concurrents. Tous cherchent à conquérir une position sur le marché ou à la maintenir. Enfin, lorsqu’elle définit l’offre commerciale répondant aux besoins de sa cible, l’entreprise prend alors des décisions qualifiées d’opérationnelles car elles lui permettent de s’adapter plus rapidement aux situations rencontrées et relèvent du court terme. Il s’agit des quatre politiques du mix : la politique de produit, la politique de prix, la politique de distribution et la politique de communication. B – Le métier Toute entreprise doit commencer par identifier son métier avant de définir sa stratégie marketing. Le métier est la raison d’être de l’entreprise. C’est ce qui lui confère sa spécificité et son identité. Ce sera sa référence dans toutes ses décisions. De façon plus précise, le métier se définit comme le savoirfaire possédé par une entreprise, c’est-à-dire les compétences distinctives qu’elle détient et pour lesquelles elle bénéficie d’un avantage particulier par rapport à la concurrence. Identifier le métier d’une entreprise revient à répondre à la question suivante : qu’est-ce que l’entreprise fait mieux que ses concurrents ? Ainsi, la technologie est une des composantes principales du métier, mais celui-ci peut s’exprimer sur d’autres dimensions, telles que le procédé de production, le mode de distribution ou encore la compétence spécifique du personnel. En fait, toutes les fonctions de l’entreprise sont susceptibles d’être à l’origine d’une compétence distinctive. © Éditions d’Organisation 125 Initiation au marketing Exemples Sur le marché des stylos, les sociétés Mont Blanc et Bic n’ont pas le même métier. La première produit des articles avec des matériaux de qualité (laque, or, argent…), un design recherché et revendique une image de luxe. Bic commercialise des stylos économiques, jetables, de qualité moyenne mais à bas prix. Même si elles offrent toutes les deux des produits financiers, la Banque du Louvre et son personnel spécialisé dans la gestion des gros patrimoines possède un savoir-faire et proposent des services différents de ceux des Caisses d’Épargne. Avec le temps, l’entreprise peut s’être éloignée de son métier d’origine et s’être orientée vers des activités très différentes. Dans ces conditions, elle peut éprouver parfois des difficultés à gérer son développement. Il est alors nécessaire, à travers une stratégie de mission, de se recentrer sur ce qu’elle sait le mieux faire et abandonner certaines activités. Identifier un métier n’est pas toujours facile. Dans les cas les plus simples, le métier correspond parfaitement avec une industrie. Mais plus fréquemment, une industrie est associée à plusieurs métiers. De même, des industries apparemment différentes peuvent relever du même métier. Exemples Dans le cas des industries d’extraction, le métier et l’industrie sont identiques. Par contre l’industrie automobile se décompose en plusieurs métiers : la conception et la fabrication de véhicules de tourisme, de véhicules de compétition ou de véhicules utilitaires. L’industrie électronique et l’industrie des télécommunications correspondent à un même métier : celui de la communication. L’intérêt de la notion de métier est qu’elle permet de raisonner en terme de compétences distinctives et de mieux situer l’entreprise par rapport à son environnement concurrentiel. C’est une notion qui s’inscrit parfaitement dans le contexte d’élaboration d’une stratégie marketing. 126 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 C – Les domaines d’activités stratégiques Identifier un métier ne permet pas toujours d’apprécier la position concurrentielle de l’entreprise sur un marché, ni de détecter les choix stratégiques à faire. Il est nécessaire de se placer à un niveau inférieur et de considérer en plus du métier, l’ensemble des différentes activités de l’entreprise (ou portefeuille d’activités). C’est l’analyse des perspectives relatives à cet ensemble qui permet de porter une appréciation sur la situation générale de l’entreprise. Pour cela, il est nécessaire de procéder à un découpage (ou segmentation stratégique, ou macro-segmentation) qui consiste à diviser les activités de l’entreprise en segments homogènes, appelés domaines d’activités stratégiques (DAS). Exemple L’entreprise Michelin possède plusieurs domaines d’activités stratégiques : les pneumatiques, les cartes routières, les guides touristiques et les produits dérivés. L’activité de Bic peut être divisée en DAS suivants : rasoirs, stylos, briquets… Pour définir les différents DAS, on se sert de trois critères : la technologie utilisée, les besoins à satisfaire chez les consommateurs et les catégories de clientèle visées. Exemples Si l’on raisonne à partir des différentes technologies mises en œuvre par Yamaha, on aboutit aux DAS suivants : les motos, les pianos, les raquettes de tennis… En tenant compte des types de clientèles visées, les DAS de la société Honda sont les automobilistes, les motocyclistes, les jardiniers… Le repérage des DAS peut également se faire en utilisant la notion de couple produit-marché. Les couples produit-marché résultent du croisement entre © Éditions d’Organisation 127 Initiation au marketing les différentes catégories de produits (chacune satisfaisant des besoins spécifiques), et les différentes catégories de marchés (chacune correspondant à des clients spécifiques). Exemples Les DAS de Biotherm peuvent être identifiés à partir des couples produitmarché auxquels l’entreprise s’adresse. L’entreprise cible trois marchés : la femme, l’homme, la famille. Elle propose des produits adaptés à divers besoins : crèmes hydratantes, crèmes antirides, laits démaquillants, lotions, eaux de toilette… mousses à raser, produits après rasage, déodorants…crèmes solaires, pommades labiales, laits apaisants… Le croisement des deux dimensions (produits et marchés) détermine les DAS. Enfin, on peut intégrer un troisième élément : la technologie du produit. On aboutit alors à la notion de triade « technologie-besoin-marché ». Exemple Waterman répond à plusieurs besoins (l’écriture, le cadeau, l’objet publicitaire), s’adresse à des marchés différents (les adultes, les enfants, les adolescents, les entreprises) et recourt à plusieurs technologies (la mine de carbone, le feutre, la bille, l’encre). En croisant les possibilités offertes sur ces trois dimensions, on aboutit à la définition de 36 DAS. Le DAS est l’élément fondamental auquel l’entreprise se réfère quand elle formule sa stratégie, c’est-à-dire chaque fois qu’elle réfléchit aux orientations à prendre à moyen et long terme, ainsi qu’aux actions qui en découlent comme la répartition des ressources financières, humaines ou productives. Une entreprise possède très souvent plusieurs domaines d’activités stratégiques et doit donc effectuer des choix dans la mesure où ses ressources sont limitées. Avant de convenir d’une stratégie pour chaque DAS, il est nécessaire de les analyser. Différents outils ont été conçus à cette fin. 128 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 2 – Les outils d’analyse A – Le cycle de vie du marché Les marchés et les secteurs d’activités auxquels les DAS appartiennent connaissent des évolutions qu’il est nécessaire de prendre en compte. On a pour habitude de schématiser leur évolution en quatre phases, chacune caractérisée par un rythme d’évolution de la demande. Ainsi en phase de lancement, le taux d’évolution de la demande est faible. En phase de croissance il s’accélère, pour être proche de zéro en phase de maturité, puis devenir négatif dans la phase de déclin. D’autres éléments caractérisent chaque phase. Le tableau n° 1 en fait la synthèse. Tableau n° 1 : Les caractéristiques du cycle de vie d’un marché Lancement Croissance Maturité Déclin Taux d’évolution des ventes Faible Élevé Faible ou proche de zéro Négatif Nombre de concurrents Faible En croissance Important En baisse Types de clients Innovateurs Majorité précoce Majorité tardive Retardataires État des liquidités Besoin de liquidités Équilibre des liquidités Excédent des liquidités Équilibre des liquidités Nature du résultat Pertes ou proche de zéro Apparition d’un bénéfice Bénéfice moyen maximum Bénéfice faible ou pertes L’analyse du responsable marketing le conduit à voir dans quelle phase se situent les DAS de son entreprise, puis à © Éditions d’Organisation 129 Initiation au marketing rechercher un équilibre du portefeuille d’activités entre ses différentes phases. Par exemple, n’avoir aucune activité en phase de déclin, plusieurs en maturité et peu en lancement. Pour chaque phase, des objectifs et des décisions stratégiques spécifiques vont être mis en place (abandon, relance, développement). B – La matrice du BCG La matrice du Boston Consulting Group (BCG) permet de positionner les activités selon deux dimensions : le taux de croissance du domaine d’activité stratégique et la part de marché relative détenue par l’entreprise. La part de marché relative est mesurée par rapport aux concurrents principaux (cf. Chapitre 1, page 24). Cette approche est fondée sur les deux idées suivantes : ✔ Une activité à croissance forte provoque des dépenses d’investissement qu’il faudra financer. ✔ Une activité ne bénéficiant pas d’une part de marché suffisamment forte supportera des coûts élevés et aura du mal à produire des liquidités. Cette dernière idée est issue des développements concernant la loi d’expérience, selon laquelle le coût d’un produit est une fonction décroissante de sa production cumulée. Si une activité ne détient qu’une faible part de marché, l’entreprise sera désavantagée par rapport à un concurrent mieux placé. Le croisement des deux dimensions, taux de croissance du DAS et part de marché dans le DAS, permet de faire apparaître quatre catégories d’activités. Chaque DAS est symbolisé par un cercle dont la surface est proportionnelle à la part du chiffre d’affaires de l’activité dans le chiffre d’affaires total de l’entreprise. 130 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 Schéma n° 2 : La matrice du BCG Forte Taux de croissance du DAS Activités et produits Dilemmes Activités et produits Vedettes Act. B Activité A Activité E 10 % Activités et produits Vache à lait Act. F Activités et produits Poids morts Faible Activité C 10 PMR forte 1 PMR faible 0 Part de marché relative de l’entreprise au sein du DAS Les activités dilemmes, avec une croissance forte (la norme utilisée est généralement 10 %, mais peut varier selon le secteur) et une part de marché faible (inférieure à celle du concurrent principal), consomment beaucoup de liquidités à la fois pour suivre la croissance du secteur et pour augmenter leur part de marché. Les activités vedettes, avec une croissance forte et une part de marché importante, créent du cash-flow mais sont en même temps fortement consommatrices d’investissement pour soutenir leur taux de croissance. Il s’agit d’anciens DAS dilemmes qui ont réussi à percer sur le marché et à obtenir une part importante. Si le taux de croissance du domaine faiblit, ces activités passent dans la catégorie des vaches à lait. Les activités vaches à lait ont une croissance faible mais une forte part de marché qui leur assurent un cash-flow élevé. Comme elles demandent peu © Éditions d’Organisation 131 Initiation au marketing d’investissements, elles sont fournisseurs nets de liquidités pour les autres activités. Les activités poids morts sont mal classées sur les deux dimensions. Ces DAS ne représentent aucun intérêt et l’entreprise est amenée très souvent à les abandonner. La matrice obtenue donne une représentation visuelle très suggestive des différentes activités et permet d’évaluer l’équilibre du portefeuille. Un portefeuille est équilibré s’il comprend suffisamment d’activités vedettes et vaches à lait avec, le moins possible de poids morts. L’approche du BCG a le mérite d’intégrer à la fois des préoccupations commerciales et financières. Elle est surtout utilisable dans les industries de volume, où la production est très standardisée et pour lesquelles la loi d’expérience joue à plein. C – La matrice de McKinsey La matrice de McKinsey est fondée sur une approche plurifactorielle puisqu’elle prend en considération différents facteurs clés de succès (FCS). Le taux de croissance et la part de marché ne sont plus les seules variables susceptibles d’influencer la performance d’un DAS. D’autres facteurs sont également pris en compte et regroupés au sein de deux dimensions fondamentales : l’attrait du domaine et la position concurrentielle. L’attrait du domaine est mesuré par la taille du marché, les prix pratiqués, les perspectives d’évolution technologique ou encore l’importance des investissements nécessaires. La position concurrentielle au sein du DAS s’exprime à partir de la part de marché, de la qualité des produits vendus, de l’image de l’entreprise, de son avance technologique, et de façon plus générale, de tout ce qui représente un facteur de compétitivité. 132 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 Pour chacune de ces dimensions, une appréciation est portée sur une échelle en trois points : forte, moyenne et faible. Le croisement des deux dimensions permet d’aboutir à une matrice à neuf cases. A chaque case correspond une stratégie particulière, comme le montre le schéma ci-dessous. Schéma n° 3 : La matrice de McKinsey Attrait du DAS Position au sein du DAS Fort Moyen Faible Forte Investir Investir Récolter ou désinvestir Moyenne Investir Récolter ou désinvestir Sélectionner Récolter ou désinvestir Sélectionner Sélectionner Faible Il existe une variante de la matrice McKinsey : la matrice d’Arthur D. Little. Les deux dimensions sont, d’une part le degré de maturité du DAS, et d’autre part la position concurrentielle de l’entreprise. Chacune d’elles est estimée cette fois-ci sur une échelle proposant respectivement quatre et cinq possibilités. Schéma n° 4 : La matrice d’Arthur D. Little Maturité du DAS Lancement Croissance Maturité Déclin Dominante Position concurrentielle de l’entreprise Forte D Favorable C Défavorable Marginale © Éditions d’Organisation A B E 133 Initiation au marketing Avec ces deux méthodes, les informations obtenues sont assez similaires. Elles permettent de repérer les domaines d’activités où l’entreprise doit investir ou continuer son développement, et ceux dont elle doit se retirer. D – La méthode PIMS La méthode PIMS (Profit Impact of Marketing Strategy) peut être considérée comme un panel d’entreprises (environ 450 sociétés) permettant de suivre un très grand nombre de domaines d’activités (1 000 DAS de la grande consommation, 1 850 DAS industriels, 200 DAS de la distribution et des services). Le but est de mettre en évidence les facteurs explicatifs de la rentabilité financière, à partir des réponses fournies par les entreprises sur : ✔ Leur activité ; chiffre d’affaires, produits et services offerts, prix, SAV, effectifs, technologie utilisée… ✔ Leur position au sein du DAS ; part de marché, qualité perçue de l’offre, investissements en recherche et développement, dépenses publicitaires… ✔ L’intensité concurrentielle du DAS ; nombre, taille et localisation des concurrents, facilité d’implantation, croissance de la demande… La performance financière est estimée à l’aide des ratios de retour sur investissements et de marge sur ventes. D’après les résultats du PIMS, elle dépend étroitement de la part de marché détenue par l’entreprise. SECTION 2 – LA STRATÉGIE MARKETING AU NIVEAU DE L’ACTIVITÉ 1 – Le diagnostic préalable A – Le diagnostic interne Le diagnostic à deux niveaux, interne et externe, se fonde sur l’analyse SWOT qui consiste à identifier d’une part ce que l’entreprise sait faire 134 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 (Strengths/Weaknesses), et d’autre part ce que l’entreprise peut faire (Opportunities/Threats). Un bilan des forces et des faiblesses de l’entreprise doit ainsi être régulièrement dressé. Parmi les données à évaluer en priorité, on peut citer le personnel et les fonctions de l’entreprise. Le personnel est une ressource vitale. Il est à la base du savoir-faire de l’entreprise et de sa capacité d’adaptation aux évolutions de l’environnement. Il faut donc s’interroger sur ce potentiel humain afin de savoir quels sont ses points forts et ses points faibles. Exemples Le diagnostic du personnel porte sur les aspects suivants : • Taille, affectation et qualification • Organisation du travail, type • Ancienneté, mobilité et turn over de management • Circulation de l’information • Niveau de responsabilités • Programmes de formation • Procédures de contrôle • Culture d’entreprise • Capacité de réaction…… • Climat social En ce qui concerne les différentes fonctions de l’entreprise et pour chacune d’entre elles, il faut également mettre en évidence leurs points forts et leurs points faibles, non seulement dans l’absolu mais aussi par rapport à la concurrence. Exemples Le diagnostic des fonctions doit aborder les points suivants : • Fonction recherche et développement : capacités d’innovation, technologies détenues... • Fonction production : processus de production, coûts de production, économies d’échelle, matières premières utilisées, flexibilité de l’outil de production, contrôle de qualité... © Éditions d’Organisation 135 Initiation au marketing • Fonction marketing : part de marché, notoriété et image de l’entreprise, fidélité des consommateurs, efficacité de la force de vente, réactivité face aux modifications de l’environnement… • Fonction finances : résultats, structure financière, fonds de roulement, besoins de financement, endettement, capacité d’investissement, rotation des stocks, seuil de rentabilité... Cette étape d’analyse interne fait l’objet d’une synthèse, souvent présentée sous forme d’un tableau récapitulatif des forces et des faiblesses de l’entreprise. B – Le diagnostic externe Il s’agit ici d’analyser l’environnement de l’entreprise et le marché sur lequel elle se situe, afin d’appréhender les facteurs de succès ou d’échec auxquels l’entreprise risque d’être confrontée. De façon plus précise, l’étude doit porter sur les éléments du micro et du macro-environnement (cf. Chapitre 1, page 29 et suivantes) qui risquent d’affecter de façon positive ou négative la position de l’entreprise sur son marché. Comme précédemment, le diagnostic externe aboutit à une synthèse qui met en évidence les opportunités et les menaces repérées. Exemples Parmi les points sur lesquels le diagnostic externe va porter, on citera entre autres : • le marché : volume, structure, évolution des ventes... • la concurrence : structure, part de marché, image, notoriété, stratégie... • les consommateurs et les prescripteurs : lieux et moments d’achat, critères de choix, quantités consommées, freins et motivations d’achat... • les fournisseurs : pouvoir de négociation, degré de dépendance à leur égard, accès aux matières premières, capacité d’innovation et d’adaptation... • la technologie : nouveaux procédés de production, brevets… 136 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 • les circuits de distribution : couverture géographique, longueur des circuits, type de canaux, politique des intermédiaires à l’égard des produits, des prix et des marges... Si l’existence d’une concurrence sur le marché aval constitue la menace la plus évidente, d’autres facteurs risquent tout aussi bien de bouleverser les positions respectives des différentes entreprises déjà implantées. Porter1 propose ainsi une démarche plus ouverte où la situation dépend de cinq forces fondamentales. L’analyse stratégique doit ainsi porter sur les points suivants : ✔ La rivalité entre les entreprises existantes, qui est fonction de la maturité et du potentiel de croissance du secteur, du nombre et de la puissance des concurrents, des barrières à la mobilité. ✔ Les risques d’implantation des nouveaux concurrents, liés à l’attractivité du secteur et aux barrières à l’entrée telles que la détention de brevets, les économies d’échelle, la limitation de l’accès aux capitaux. ✔ La menace des technologies et des produits de substitution provenant du secteur ou de son environnement, qui dépendent de la vitesse de diffusion de l’innovation, de son acceptation par les entreprises ou par le marché, et des coûts de conversion. ✔ Le pouvoir de négociation des clients d’une part, et des fournisseurs d’autre part, liés à la concentration de leurs achats, au degré de différenciation des produits ou encore à leur part dans le produit fini. Mais pour Porter l’analyse du secteur auquel l’entreprise appartient n’est pas suffisante. Un secteur peut être constitué de sous-ensembles n’exploitant pas forcément les mêmes facteurs et n’affrontant pas la concurrence de la même façon. Il conseille donc d’approfondir la démarche en divisant chaque secteur en groupes stratégiques homogènes d’entreprises, c’est-à-dire ayant les mêmes stratégies sur un certain nombre de dimensions comme l’avance technolo1. PORTER M. : Choix stratégiques et concurrence, Economica, 1982. © Éditions d’Organisation 137 Initiation au marketing gique, le choix de spécialisation ou la valorisation de l’image de marque. L’entreprise va alors choisir à quel groupe stratégique elle souhaite appartenir ou si elle préfère constituer un nouveau groupe. Au terme de cette phase de double diagnostic (interne et externe), le responsable marketing va pouvoir réfléchir aux possibilités d’adaptation de son entreprise face à l’environnement. Il élabore une stratégie. 2 – Les principales stratégies A – Les stratégies de développement Au terme des conclusions que l’on a tirées des diagnostics, on est en mesure de choisir la stratégie propre à chaque activité. Trois options sont envisageables pour une activité : la maintenir, la développer ou l’abandonner. En ce qui concerne l’objectif de développement, l’entreprise peut choisir entre différentes possibilités présentées dans le tableau n° 2, page suivante. B – Les stratégies de position Pour toute activité retenue, le responsable marketing peut aussi se demander quelle place l’entreprise souhaite occuper. Trois grandes possibilités sont offertes : être leader, challenger ou spécialiste. Etre leader, consiste à détenir une part de marché très importante, au moins le double de celle du concurrent le plus important en cas de leadership unique. S’il y a plusieurs leaders, la part de marché des concurrents principaux est approximativement égale. Cette position s’accompagne de nombreux avantages. 138 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 Tableau n° 2 : Les principales stratégies de développement PAR DIVERSIFICATION PAR INTÉGRATION INTENSIVE Type de croissance Définition Croissance centrée sur l’activité principale Croissance obtenue par extension de l’activité principale Conditions Le DAS actuel n’est pas encore totalement exploité Le domaine considéré a un taux de croissance potentiel élevé. L’entreprise peut augmenter son efficacité ou sa sécurité en intégrant certains éléments de son système marketing Modalités Contenu Pénétration Développer les produits actuels sur les marchés actuels Extension des marchés Développer les produits actuels sur de nouveaux marchés Extension des produits Développer de nouveaux produits sur les marchés actuels Intégration vers l’amont Contrôler ou acquérir des fournisseurs Intégration vers l’aval Contrôler ou acquérir des distributeurs Intégration horizontale Contrôler ou acquérir des concurrents Diversification concentrique Croissance en dehors de l’activité principale © Éditions d’Organisation Le potentiel de croissance des domaines envisagés est plus intéressant que celui des domaines actuels Diversification horizontale Développer des produits nouveaux ayant des synergies technologiques avec les produits actuels et destinés à des nouveaux clients Développer des produits n’ayant pas de synergies technologiques aves les produits actuels et destinés aux clients actuels Développer des produits nouveaux n’ayant pas de synergies technologiques Diversification aves les produits actuels, conglomérale destinés à de nouveaux clients et faisant apparaître un nouveau métier 139 Initiation au marketing Les coûts de revient d’un leader sont souvent inférieurs à ceux des concurrents, notamment grâce aux phénomènes d’économies d’échelle et d’expérience. Sa notoriété est élevée et son image est bonne. Il maîtrise mieux l’environnement concurrentiel et il a une certaine capacité à influencer les stratégies des concurrents. Exemples Les entreprises l’Oréal, Gillette, Kodak appartiennent à la catégorie des leaders et présentent les caractéristiques et les avantages inhérents à cette situation. La position de leader est sujette à des attaques de la part des entreprises situées juste derrière. Celles qui souhaitent égaler ou dépasser un leader sont appelées des challengers. Si au contraire, elles préfèrent consolider leurs positions actuelles, on les qualifie de suiveurs. Exemples Parmi les entreprises cherchant à s’accroître au détriment d’un leader ou soucieuses de consolider leurs positions, on peut citer Pepsi-Cola, Yoplait, Avis, Les Trois Suisses qui sont respectivement derrière les leaders CocaCola, Danone, Hertz et La Redoute. Enfin, une entreprise peut renoncer à obtenir une part de marché importante et préférer se concentrer sur un créneau très précis où elle sera compétitive. Elle doit alors posséder des compétences distinctives afin d’occuper une niche du marché. Dans ce cas, elle opte pour une stratégie de spécialiste. Exemple L’entreprise exploitant la source d’eau gazeuse Chateldon a choisi une stratégie de suiveur, ses bouteilles sont de préférence servies dans les grands restaurants étoilés et vendues chez les détaillants haut de gamme. 140 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 C – Les stratégies génériques Porter1 conseille, comme préalable nécessaire à toute démarche stratégique, d’identifier l’avantage concurrentiel possédé par l’entreprise, fondement sur lequel va reposer sa compétitivité. Un avantage concurrentiel apparaît chaque fois que l’on maîtrise mieux que ses concurrents une compétence constituant un facteur décisif de succès dans le domaine d’activité considéré. Exemples Un avantage concurrentiel peut résulter d’une bonne gestion des stocks de produits finis, d’un système de production efficace ou flexible, d’un mode de distribution original, de l’incorporation de matières premières et de composants de qualité, ou encore de l’exploitation d’une bonne image de l’entreprise. Il existe deux grands types d’avantages qu’une entreprise peut détenir par rapport à ses concurrents : avoir des coûts moins élevés ou avoir des produits différenciés. Le choix stratégique va donc dépendre de sa capacité à agir sur les coûts ou sur la différenciation. Pour identifier son avantage concurrentiel, une entreprise doit examiner toutes ses fonctions ainsi que leurs interactions. Cela revient à procéder au diagnostic approfondi des différentes étapes de l’élaboration du produit. On aboutit ainsi à la mise en évidence de la chaîne de valeur de l’entreprise2. 1. PORTER M. : L’avantage concurrentiel, InterEditions, 1986. 2. Ibid. © Éditions d’Organisation 141 Initiation au marketing Infrastructures de la firme Gestion des ressources humaines ge Mar Développement technologique Mar ge Services Commercialisation et vente Logistique externe Production Approvisionnements Logistique interne Activités principales de soutien Schéma n° 5 : La chaîne de valeur La décomposition de l’entreprise en chaîne de valeur a pour but de comprendre le comportement de chaque fonction et de voir dans quelle mesure elle crée, mieux que ses concurrents, un supplément de valeur pour le consommateur et donc un avantage concurrentiel à ses yeux. Il faut ainsi examiner comment chaque fonction peut permettre, soit une baisse des coûts, soit une différenciation du produit. L’avantage concurrentiel ainsi identifié doit remplir certaines conditions. Il faut qu’il soit durable et défendable à moyen terme, et perçu comme important par les consommateurs. Si la connaissance de la chaîne de valeur fait apparaître des faiblesses, il faut y remédier, notamment en adoptant la démarche du benchmarking. En l’occurrence, il s’agit d’étudier la pratique des entreprises les plus performantes afin de comprendre pourquoi et comment elles le sont. L’entreprise va ainsi essayer d’améliorer son point faible en s’inspirant de ce que les concurrents font mieux qu’elle dans ce domaine. On va donc appliquer à une entreprise, ce qui a fait ses preuves dans une autre (système de livraison ultra-rapide, modalités de lancement d’un produit, méthodes d’organisation et d’affectation du personnel, techniques de production…). Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que les entreprises analysées appartiennent au même secteur d’activité. 142 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 Une fois l’avantage concurrentiel défini, si on le combine avec la taille de la cible de l’entreprise (large et recouvrant l’ensemble du marché, ou étroite et ne comprenant qu’un segment), on obtient trois options stratégiques de base1 comme le montre le schéma n° 6. Schéma n° 6 : Les stratégies de base Cible large Champ concurrentiel Cible étroite Domination par les coûts Différenciation Concentration fondée sur les coûts Concentration fondée sur la différenciation Coûts moins élevés Différenciation Avantage concurrentiel La domination par les coûts consiste pour une entreprise à devenir le producteur qui a les coûts les moins élevés afin de pouvoir proposer des prix inférieurs à ceux de ses concurrents. Cette stratégie nécessite une forte part de marché et repose sur l’effet d’expérience. Dans une stratégie de différenciation, l’entreprise cherche à se singulariser sur certaines caractéristiques du produit importantes pour les consommateurs, devenant ainsi la seule à satisfaire leur besoin. Elle peut alors pratiquer un prix supérieur à celui des concurrents. Si l’entreprise choisit une stratégie de concentration, elle ne s’adresse plus à l’ensemble du marché comme précédemment, mais à une cible beaucoup plus étroite en offrant un avantage supérieur à celui des concurrents présents sur l’ensemble du marché. Cette stratégie a deux variantes : la concentration fondée sur les coûts et la concentration fondée sur la différenciation. 1. PORTER M. : L’avantage concurrentiel, InterEditions, 1986, p. 24. © Éditions d’Organisation 143 Initiation au marketing Une fois l’avantage concurrentiel mis en évidence et la stratégie choisie, il faut les traduire sous forme d’actions propres à chaque produit. SECTION 3 – LA STRATÉGIE MARKETING AU NIVEAU DU PRODUIT 1 – La stratégie de segmentation A – Les fondements Lors de l’élaboration de toute stratégie marketing, il est nécessaire de savoir à quel(s) segment(s) du marché l’entreprise souhaiter s’adresser. En effet, il est très rare qu’une entreprise souhaite ou puisse répondre à tous les besoins et toutes les demandes des consommateurs. Dans cette optique, une démarche de segmentation du marché est nécessaire (cf. Chapitre 1, page 38 et suivantes). La segmentation peut être également vue sous un angle stratégique. Il s’agit alors d’une stratégie de l’offre qui consiste à adapter le mix à certains des segments repérés au cours de la phase d’analyse du marché. On répond ici à la question : y at-il un intérêt pour l’entreprise à différencier son produit ? Pratiquer une stratégie de segmentation présente divers avantages, notamment : ✔ Une meilleure adéquation de l’offre aux besoins des consommateurs et donc une meilleure chance de les attirer et de les fidéliser. ✔ Une plus grande efficacité et une moindre déperdition des efforts de marketing dans la mesure où les clients potentiels sont mieux ciblés. ✔ La mise en évidence d’opportunités nouvelles à travers le repérage de segments de marché non encore satisfaits. Une telle stratégie doit, en revanche, obéir à des conditions de rentabilité qui imposent que les segments déterminés soient suffisamment importants et accessibles. 144 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 B – Le choix d’une cible La stratégie de segmentation permet de mettre en évidence un certain nombre de segments possibles qu’il convient d’évaluer avant de les choisir. L’évaluation des segments demande de prendre en compte plusieurs critères : ✔ Le potentiel actuel et futur du segment, appréhendé par sa taille et son taux de croissance prévisible. ✔ La compatibilité du segment avec l’image, les compétences, les ressources et les objectifs de l’entreprise. ✔ Les menaces pesant sur le segment et susceptibles d’entraîner la détérioration de la position de l’entreprise. Une fois l’évaluation des segments réalisée, il reste à l’entreprise à définir sa stratégie vis-à-vis de chacun d’eux. Trois stratégies sont concevables. Elle peut pratiquer un marketing indifférencié, un marketing différencié ou un marketing concentré. Chacune de ces stratégies a sa propre logique. Lorsque l’entreprise pratique un marketing indifférencié, elle applique le même mix à l’ensemble des segments. Une telle politique, qui consiste à satisfaire le « client moyen », permet de bénéficier d’économies d’échelle dans le domaine de la production et des dépenses de commercialisation. Elle est justifiée chaque fois que les différences entre les segments sont faibles et tant que les concurrents pratiquent une politique similaire. Exemples On citera Coca-Cola qui pendant longtemps n’a proposé qu’un seul produit vendu sous un seul conditionnement et ceci quels que soient les besoins exprimés par les segments de clientèle. Aujourd’hui, les cas de marketing indifférencié sont relativement rares. Kodak, Heinz ou Gillette ont des stratégies qui se rapprochent d’un marketing indifférencié. Avec un marketing différencié, l’entreprise retient plusieurs segments (on parle de stratégie de couverture de marché) mais élabore un mix différent © Éditions d’Organisation 145 Initiation au marketing pour chacun d’eux. En adaptant son offre à chaque segment, elle espère obtenir une meilleure position concurrentielle sur chacun des segments retenus. Cette stratégie conduit à multiplier les modèles, les canaux de distribution, les modes de communication et donc à augmenter les coûts. Exemples Des constructeurs automobiles tels que Renault ou Toyota pratiquent un marketing différencié, avec la multiplication croissante des gammes et des modèles adaptés aux différents segments. Pratiquer un marketing concentré consiste à focaliser son action sur un seul segment. Une offre unique est proposée mais elle est destinée à un segment spécifique et non au marché dans son ensemble. Pour des raisons qui découlent de la limitation de ses moyens ou de sa politique générale, l’entreprise a pour objectif de devenir spécialiste sur un seul segment et d’en acquérir une part importante. En contrepartie des avantages liés à la spécialisation, la position de l’entreprise est très vulnérable car liée à l’avenir d’un seul segment. Exemple Le constructeur automobile Porsche a choisi une stratégie de marketing concentré uniquement sur le segment haut de gamme, avec des véhicules sportifs et luxueux. Le ou les segments auxquels l’entreprise va s’adresser en priorité, porte désormais le nom de cible. Il est évident que le choix d’une cible doit se faire en tenant compte de plusieurs facteurs : le savoir-faire de l’entreprise par rapport aux besoins et aux attentes de la cible, l’intensité de la concurrence s’adressant déjà à la cible, la rentabilité de la cible… Exemple Pour son activité « yaourts », Danone a choisi entre autres la cible des femmes urbaines, de moins de 40 ans, de CSP moyennes ou supérieures et soucieuses de leur problème de transit intestinal. Le produit commercialisé est un yaourt au bifidus, Bio de Danone, proposé avec plusieurs arômes. La cible retenue va alors conditionner l’élaboration du marketing mix. 146 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 C – Le choix d’un positionnement Le choix d’un positionnement est une étape importante dans la stratégie du produit. Il permet d’affiner la définition des cibles en intégrant dans la démarche les phénomènes de perception des produits par les consommateurs. C’est à partir du positionnement retenu qu’il sera possible de décliner de façon cohérente toutes les variables du mix. Il faut toutefois distinguer le positionnement perçu et le positionnement voulu. Le positionnement perçu est la place qu’occupe un produit au sein du marché, telle qu’elle est appréhendée par le consommateur à partir des caractéristiques qu’il associe aux différents produits. On parle également d’image du produit. Le positionnement joue un rôle important dans la décision d’achat. Devant la multiplicité des marques offertes, le consommateur est amené à utiliser des procédures de simplification de choix qui le conduisent à structurer l’univers des produits autour des caractéristiques les plus saillantes dans son esprit. Le positionnement perçu va conditionner la formation de l’ensemble évoqué (cf. Chapitre 2, page 80), puis de ses préférences. Le positionnement voulu est la concrétisation des souhaits de l’entreprise. Il se traduit par des choix qui ont pour but de donner au produit une position spécifique dans l’esprit des consommateurs et des prospects, pour qu’il se distingue clairement des concurrents et pour qu’il corresponde aux attentes les plus déterminantes de la cible visée. Une stratégie de positionnement comporte deux aspects : ✔ L’identification, c’est-à-dire la désignation de la catégorie de produits à laquelle on désire que la marque soit rattachée. ✔ La différenciation, c’est-à-dire la sélection des caractéristiques distinctives que l’on souhaite voir attribuer par les consommateurs au produit. © Éditions d’Organisation 147 Initiation au marketing Exemple Une nouvelle bière sans alcool est lancée sur le marché. Elle peut être associée à l’univers des bières ou à l’univers des soft-drinks. Une fois sa catégorie de produits définie, il s’agira de mettre en avant les attributs qui permettront de donner à cette bière un avantage par rapport aux concurrents relevant de la même catégorie. Selon le cas, on utilisera des caractéristiques concernant les qualités du produit (le goût, la couleur), les types d’utilisation (une bière à consommer aux repas) ou encore certains éléments symboliques (une bière conviviale). Si les possibilités de positionnement sont très nombreuses, on peut néanmoins les regrouper en quatre catégories. Ainsi, l’entreprise peut positionner un produit en mettant en avant ses performances, les services qui lui sont associés, les symboles qui lui sont rattachés ou la cible à laquelle il s’adresse. Exemples Lors de son lancement, le positionnement de la poêle Tefal était fondé sur son revêtement anti-adhésif, qui en faisait « la seule poêle qui n’attache pas ». Le distributeur Darty s’est positionné sur l’axe du service rapide en matière de livraison, d’installation et de service après-vente. Les lunettes Ray Ban s’appuient sur le prestige des héros pilotes de chasse de l’armée américaine. Kiri s’est fait connaître comme étant « le fromage des gastronomes en culottes courtes ». Le positionnement sera choisi en fonction de trois critères essentiels : les attentes de la cible, le positionnement des produits concurrents et les caractéristiques du produit qu’il est possible de mettre en avant. Pour éclairer son choix et arriver à un positionnement pertinent, l’entreprise réalise des études qualitatives et quantitatives pour mettre en évidence les attributs les plus importants dans l’esprit des consommateurs et leurs perceptions des produits concurrents. Différentes techniques de traitement de données sont ensuite utilisées. La plupart permettent d’établir des cartes perceptuelles sur lesquelles les produits existants sont positionnés (cf. schéma n° 7). 148 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 Schéma n° 7 : Le positionnement des biscuits chocolatés BAHLSEN CHOCOSTAR GRAFFITI ADULTES ASSORTIMENTS MIKADO CIGARETTES RUSSES DELACRE DELICHOC DELICHOC POCKET FIGOLU GUET APENS PETIT ÉCOLIER POCKET PETITS CŒURS HELLO NUTRITION PLAISIR BOOGY PÉPITO KANGO PALMITO PEPITO BARRE RESILLE D’OR CHOC CŒUR BARQUETTES GRANOLA PETIT ÉCOLIER PRINCE Le BN CHOC’LAND ENFANTS A partir de ces analyses on décidera, soit d’entrer en concurrence avec certaines marques occupant une partie du domaine et d’avoir un positionnement proche, soit de s’installer sur un créneau vacant. 2 – Le marketing mix A – La formulation du mix Une fois le positionnement choisi, il faut le concrétiser. Pour créer cette différence de perception, l’entreprise va agir sur un ensemble de variables © Éditions d’Organisation 149 Initiation au marketing dont elle a le contrôle et susceptibles d’avoir un impact sur le comportement du consommateur. Ces variables – le produit, le prix, la distribution et la communication – constituent ce que l’on appelle le marketing mix. Un arbitrage entre ces quatre variables d’action est souvent nécessaire, notamment lors de l’allocation des ressources financières. Selon les stratégies choisies et les moyens disponibles, les variables du mix vont bénéficier de poids différent. Certaines d’entre elles peuvent être amenées à jouer un rôle prédominant. L’importance relative accordée à une variable donnée va dépendre de deux facteurs principaux : ✔ Le consommateur avec ses critères de choix, ses attentes et ses motivations. ✔ Le produit avec ses atouts et ses faiblesses. Exemples Si l’entreprise possède une supériorité technologique, elle mettra plutôt en avant son produit. En cas d’avantage concurrentiel par les coûts, c’est le prix qui sera l’élément moteur du mix. Lorsque la rapidité de livraison donne une supériorité sur les concurrents, c’est la distribution et le réseau qu’il convient de privilégier. Il s’agit ici d’une action push. Si l’image de marque est très bonne, la communication peut être le principal élément du mix. On parle dans ce cas d’action pull. Dans la réalité, l’entreprise ne choisit pas forcément de privilégier une seule variable. On aboutit très souvent à des mix ayant comme éléments moteurs des combinaisons de variables telles que le produit et la communication, le prix et la communication, ou le produit et la distribution. En outre, la pondération des variables est étroitement liée au cycle de vie du produit. Ainsi, en phase de lancement, où il s’agit d’implanter le pro- 150 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 duit, si l’on s’intéresse au prix et à la communication, quatre politiques sont disponibles : ✔ L’écrémage rapide avec un prix élevé et une communication forte. ✔ L’écrémage progressif avec un prix élevé et une communication faible. ✔ La pénétration rapide avec un prix faible et une communication forte. ✔ La pénétration progressive avec un prix faible et une communication faible. De façon plus générale, le tableau ci-dessous donne le rang d’importance qu’il convient d’accorder aux variables du mix selon la phase du cycle de vie dans laquelle se situe le produit. Tableau n° 3 : Les variables du mix et le cycle de vie Lancement Croissance Maturité Déclin Produit 1 4 3 2 Prix 4 3 1 3 Distribution 2 2 4 4 Communication 3 1 2 1 Les chapitres 5 à 8 aborderont dans le détail chaque variable du mix. B – Les techniques de modélisation du mix La modélisation du mix demande, en premier lieu, de faire appel à la notion de fonction de réponse des ventes. Cette fonction fournit la relation entre les ventes et des variables du mix, dans un environnement concurrentiel et économique donné. Cette fonction peut s’écrire de la façon suivante : Q= f([X1,..., Xn], [Y1,..., Yn], [E]) © Éditions d’Organisation 151 Initiation au marketing où [X1,..., Xn] est le vecteur des variables contrôlables par l’entreprise et qui constituent son mix, [Y1,..., Yn] et [E] sont les variables non contrôlables représentant le mix des concurrents et l’environnement. La construction de la fonction de réponse fait appel à de nombreuses techniques. On peut utiliser, par exemple : ✔ Des méthodes statistiques permettant l’élaboration de la fonction à partir de données passées. ✔ Des méthodes expérimentales nécessitant la réalisation de marchés tests. ✔ Des méthodes d’estimation faisant appel aux jugements de responsables ou d’experts. Les relations mises en jeu par la réponse des ventes sont souvent très complexes, dans la mesure où il faut prendre en compte l’environnement et la concurrence. A chaque état de l’environnement, à chaque action de la concurrence, correspond une fonction de réponse spécifique. Il convient par ailleurs de tenir compte de certains phénomènes d’interactions entre les variables du mix. Exemple Parmi les phénomènes d’interactions les plus classiques, on citera l’augmentation de la publicité qui réduit la sensibilité aux prix et qui accroît l’efficacité de la force de vente. Pour modéliser ces phénomènes d’interactions, des fonctions à facteurs multiplicatifs sont utilisées. Une fois la fonction de réponse des ventes construite, on élabore la fonction de profit, qui montre comment le résultat réagit aux variations des éléments du mix. L’expression suivante est un exemple de fonction de profit : B = P.q( X1,..., Xn, Y1,..., Yn, E) – c(Q) – F – M dans laquelle P représente le prix de vente, c(Q) le coût variable total, F les frais fixes et M les dépenses de marketing. 152 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 A partir de cette fonction, le mix peut être obtenu par optimisation. De cette approche, il a été possible de faire découler des règles que doit respecter un mix optimal. Le théorème de Dorfman et Steiner1 qui en est une illustration, conduit à imposer une efficacité marginale égale pour toutes les variables du mix. Selon ce théorème, à l’optimum, il faut que le dernier franc dépensé en publicité ait la même efficacité que le dernier franc dépensé sur la distribution ou sur l’amélioration de la qualité du produit. L’élaboration du mix par optimisation n’est cependant pas toujours possible, étant donné le nombre de facteurs à prendre en considération et la complexité des relations entre les variables. On utilisera alors des procédures de simulation qui permettront, à partir d’hypothèses concernant le niveau de réponse des ventes, la concurrence et l’environnement, de tester sur ordinateur différentes stratégies. 1. On trouve une démonstration de ce théorème dans l’ouvrage de KOTLER P. et LILIEN G. : Marketing decisions making, a model building approach, Harper and Row, 1983, p. 152 et suivantes. © Éditions d’Organisation 153 Initiation au marketing SYNTHÈSE DU CHAPITRE Toute entreprise doit commencer par identifier son métier avant de définir sa stratégie marketing, ce qui revient à répondre à la question suivante : qu’est-ce que l’entreprise fait mieux que ses concurrents ? Ensuite, il est nécessaire de se placer à un niveau inférieur et procéder à un découpage qui consiste à diviser les activités de l’entreprise en segments homogènes ou domaines d’activités stratégiques (DAS). Le DAS est l’élément fondamental auquel l’entreprise se réfère quand elle formule sa stratégie. Différents outils permettent d’analyser les DAS d’une entreprise : les matrices du BCG, Mc Kinsey ou ADL, et la méthode PIMS. Un diagnostic interne permet de faire le point sur les points forts et les points faibles de l’entreprise. Un diagnostic externe dégage les opportunités et les menaces de l’environnement. Au terme des conclusions du double diagnostic, on est en mesure de choisir la stratégie propre à chaque activité. Trois options sont envisageables pour une activité : la maintenir, la développer ou l’abandonner. Pour toute activité retenue, le responsable marketing peut aussi se demander quelle place l’entreprise souhaite occuper : leader, challenger ou spécialiste. Dans toute démarche stratégique, il convient d’identifier l’avantage concurrentiel possédé par l’entreprise : avoir des coûts moins élevés ou avoir des produits différenciés. Pour identifier son avantage concurrentiel, une entreprise doit examiner toutes ses fonctions ainsi que leurs interactions. Cela revient à procéder au diagnostic approfondi des différentes étapes de l’élaboration du produit. On aboutit à la mise en évidence de la chaîne de valeur de l’entreprise. …/… 154 © Éditions d’Organisation L’élaboration de la stratégie marketing Chapitre 4 Il est également nécessaire de savoir à quel(s) segment(s) du marché l’entreprise souhaiter s’adresser. On répond ici à la question : y a-t-il un intérêt pour l’entreprise à différencier son produit ? Une fois l’évaluation des segments réalisée, il reste à l’entreprise à définir sa stratégie pour chacun d’eux : pratiquer un marketing indifférencié, un marketing différencié ou un marketing concentré. Le choix d’un positionnement est une étape importante dans la stratégie du produit. Le positionnement se traduit par des choix ayant pour but de donner au produit une position spécifique dans l’esprit des consommateurs, pour qu’il se distingue clairement des concurrents. Pour créer cette différence de perception, l’entreprise va agir sur des variables dont elle a le contrôle et susceptibles d’avoir un impact sur le comportement du consommateur. Ces variables constituent le marketing mix. Un arbitrage entre ces quatre variables d’action est souvent nécessaire. Selon les stratégies choisies et les moyens disponibles, les variables du mix vont bénéficier de poids différent. BIBLIOGRAPHIE D’APPROFONDISSEMENT CHIROUZE Y. : Le marketing stratégique, Ellipses, 1995. DESREUMAUX A. : Stratégie, Dalloz, 1993. DUBOIS P-L. et NICHOLSON P. : Le positionnement, Encyclopédie du management, Vuibert, 1992, Tome 2. GERVAIS M. : Stratégie de l’entreprise, Economica, 4ème édition, 1995. 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