n° 23 a v r i l 2 0 11 VIGILANCE Éducation thérapeutique du patient Comment améliorer le confort du patient en réanimation ? Faut-il avoir peur de la liste des 77 médicaments de l’Afssaps ? Indicateur DAN : résultats du recueil national 2009 Matériels et sécurité : bilan de la matériovigilance À LA LOUPE Matériels et sécurité : bilan de la matériovigilance L ES AGENTS anesthésiques et médicaments que nous utilisons quotidiennement nous sont familiers. Ils font l’objet d’un enseignement structuré de la Faculté à la formation continue ; les incidents et accidents sont signalés par les commissions de pharmacovigilance, et font l’objet de publications et mises aux points généralement relayées par la presse scientifique, les pharmaciens et firmes pharmaceutiques. En regard, les dispositifs médicaux (DM), près de 100 fois plus nombreux que les médicaments, demeurent confidentiels. Plusieurs raisons y contribuent : des procédures de mise sur le marché dépendantes du marquage CE, qui est lui-même établi par et sous la responsabilité du fabricant ; une autorité de régulation (matériovigilance en France), récente et dotée de moyens limités ; l’absence de vecteurs pour analyser et faire connaître les problèmes liés aux DM ; enfin, la quasi-absence de formation des étudiants médecins et paramédicaux sur leur utilisation. Nous avons pu analyser la base de données de matériovigilance (Afssaps) pour les DM utilisés en anesthésie-réanimation. Cette analyse comparative à 8 ans d’écart* nous permet de saisir l’évolution de la sinistralité liée aux DM, entre 1998 (1) et 2005-2006 (2). On peut la résumer en quelques chiffres. L’Afssaps recense annuellement environ 2 000 incidents pour les DM de notre discipline. En termes de gravité, ils sont graves dans 12 % des cas (décès : 2 % ; accidents sévères : 10 %). Ils se distribuent de façon différente selon les familles de DM (figure 1) avec une prédominance de causes liées aux utilisateurs (mésusage et utilisation de matériels obsolètes ou présentant des problèmes de maintenance). L’analyse fine des causes de mésusage laisse apparaître des erreurs souvent triviales (mauvais montage des circuits, défaut d’usage des modes de ventilation, réponse inadaptée aux alarmes…). Enfin, si la fréquence des erreurs liées aux fabricants est restée stable entre 1998 et Incidents sévères (dont décès [n]) 100 I Mésusage I Obsolète ; problème de maintenance I Fabrication I Panne I Conception 75 50 25 Inc Ga z ub ate ur Mo s nit eu r Pe s rfu sio n Ve nti lat ion Di aly se Dr ain ag e Tra ns fus ion 0 AL R Ch am b Dé fib res ril lat eu rs 0 Figure 1. Chambres : chambres à KT implantables ; gaz : fluides médicaux A V R I L 2 0 11 V I G I L A N C E N ° 2 3 19 À LA LOUPE Matériels et sécurité : bilan de la matériovigilance 2005-2006 et résolues dans 59 % des cas, les mésusages ont augmenté (toutes gravités confondues) de 10 % (p < 0,05). Le taux d’incidents sévères est resté stable sur la période étudiée. Les mésusages constituent donc le cœur de la réflexion. Ils sont, par nature, amendables et constituent un enjeu important pour notre spécialité. On peut envisager plusieurs axes de travail pour améliorer la situation. – Une offre pédagogique intégrée qui unirait les données issues de l’Afssaps, des industriels et de la SFAR. On peut imaginer l’intérêt d’une base d’informations en ligne offrant, pour chaque type de matériels, des informations utiles pour comprendre les causes d’incidents, les bonnes pratiques. Une réflexion est en cours entre la SFAR et les industriels via leur syndicat (SNITEM). La mise en commun des causes pour nourrir une réflexion commune sous forme d’un observatoire tripartite présenterait un réel intérêt. Par ailleurs, des articles orientés autour des matériels ont été publiés dans les Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation, mais mériteraient d’être encouragés. – Penser et promouvoir la fonction de « référent matériel » pour les dispositifs médicaux, dans les services : cette fonction de référent qu’on imagine comme un binôme (médecin/infirmier) aurait de nombreux avantages. Il permettrait d’assurer la formation sur site des acteurs dont le turn over est important, mais aussi de faciliter les contacts avec les industriels qui déplorent de ne pas avoir d’interlocuteurs fiables au niveau clinique. Cette fonction de référent semble suffisamment pertinente pour justifier une prise en compte des tutelles du gain qu’apporterait cette fonction sur la qualité des soins. – Renforcer la culture de check-list et de suivi des parcs installés : l’arrêté du 3 octobre 1995 (relatif aux modalités d’utilisation et de contrôle des matériels et dispositifs médicaux assurant les fonctions et actes cités aux articles D. 712-43 et D. 712-47 du Code de la santé publique) formalise le contrôle avant ouverture de salle d’opération, la formation des utilisateurs à la mise en service de nouveaux appareils, la maintenance organisée. 20 V I G I L A N C E N ° 2 3 Néanmoins, force est de constater que ces opérations de contrôle ont vieilli, ne sont souvent pas réactualisées, et mériteraient d’être revisitées au niveau local. Ainsi, on ne peut nier le fait que nous sommes confrontés à un réel enjeu de sécurité et de formation dans ce domaine. Un travail concerté, où les données utiles seraient accessibles de façon commode par les utilisateurs, constitue à notre avis la clé du débat. Les Allemands ont rendu obligatoire la formation de tout utilisateur à l’ensemble des DM qu’il est susceptible d’utiliser. Cette approche réglementaire contraignante, si son efficacité était démontrée, ne pourrait s’envisager qu’une fois que l’utilisateur pourrait, de façon commode, disposer de la formation requise. Le moment est venu de créer un outil informatique en ligne, vivant, actualisé et issu des sources indépendantes que détiennent les industriels et l’Afssaps, d’une part, et corroborées par les données issues de la littérature, d’autre part. Ensemble, mettons-nous au travail, le besoin est là ! Á LAURENT BEYDON CHU D’ANGERS, PÔLE D’ANESTHÉSIE-RÉANIMATION [email protected] * Réalisée sous l’égide de la SFAR, de l’AFIB (Association Française des Ingénieurs Biomédicaux) et de l’Afssaps. RÉFÉRENCES 1. Beydon L, Conreux F, Le Gall R, Safran D, Cazalaa JB. Analysis of the French health ministry’s national register of incidents involving medical devices in anaesthesia and intensive care. Br J Anaesth 2001 ; 86 : 382-387. 2. Beydon L, Ledenmat PY, Soltner C et al. Adverse events with medical devices in anesthesia and intensive care unit patients recorded in the French safety database in 2005-2006. Anesthesiology 2010 ; 112 : 364-372. A V R I L 2 0 11