Agapes 97
noix le plus souvent, imbibé de miel ou de sirop de sucre. Il est possible
cependant de distinguer nettement deux traditions. Il y a en effet le bak-
lava gréco-turc, où s’imposent les feuilles de filo et où dominent les noix.
Il y a ensuite le baqlawa maghrébin, où les amandes sont presque exclusi-
vement utilisées et où le feuilleté se compose non de diouls ou malsouqas
(voir Hommes & Migrations n° 1245), mais de feuilles faites d’une pâte de
semoule et farine, mouillée d’un peu d’eau, avec beurre et œufs.
Longuement pétrie, cette pâte est divisée en petites boules aplaties fine-
ment au rouleau.
Dans la tradition gréco-turque, les feuilles de filo sont enduites de beurre et
déposées dans le fond du plat les unes sur les autres, sans dépasser comme
pour la bastella. On dépose ensuite un mélange d’amandes et noix hachées
mais craquant encore sous la dent, avec sucre et cannelle. D’aucuns ajoutent
gingembre, coriandre et clous de girofle, mais mieux vaut s’en tenir à une
sage simplicité. On alterne ensuite couches de filo et mélange de fruits secs
sucrés et épicés, jusqu’au revêtement final de feuilleté. On découpe en car-
rés ou losanges et l’on enfourne trente minutes. On prépare pendant ce
temps un sirop parfumé de cannelle, voire d’un clou de girofle et allongé
d’un peu de jus de citron. Ce sirop est versé sur le baklava sortant du four,
on laisse refroidir au moins vingt-quatre
heures, on découpe définitivement selon
les formes dessinées avant la cuisson et
l’on sert le baklava en losanges, dans
des godets en papier.
Le reste n’est que variantes. Nous avons
dit que le Maghreb ne se servait pas de
ses “feuilles de bricks” à lui pour cette
recette, mais utilise un feuilleté spécial
pour son baqlawa. Le montage est
ensuite le même, avec des feuilles beurrées et superposées sur lesquelles
est déposée la garniture. Dans cette région, l’amande est le fruit sec quasi
exclusif, mais l’Est de l’Afrique du Nord consent au mélange des noix et des
amandes. Autre particularité, on n’alterne pas couches de feuilles et garni-
ture. On se contente d’une seule couche centrale de feuilleté. Pour le reste,
le sirop qui imbibe le baqlawa est de miel et de fleurs d’orangers au
Maghreb et non de sirop et de citron. La cannelle est aussi une épice répan-
due, mais l’on peut s’en passer. Les formes en losange sont aussi de mise.
La fantaisie est permise. Le miel peut aussi bien mouiller les feuilles de filo
que le sirop. Le Liban, toujours audacieux, a osé depuis longtemps le baklava
aux pistaches seules ou accompagnées de noix de cajou, avec l’eau de fleurs
d’orangers systématique au Maghreb. On peut en faire aussi aux noisettes, et
le meilleur reste peut-être un baqlawa, avec le feuilleté maghrébin, une farce
exclusivement aux noix, et mouillé avec du miel parfumé à la fois de jus de
citron et d’eau de fleur d’oranger. “Fais ce que voudras”, et ne méprisons pas
le baqlawa aux arachides des échoppes de pâtissiers maghrébins. Il mérite
Le baklava (prononciation turque)
ou baqlawa (prononciation
arabe), s’est répandu en Europe
et en Amérique du Nord, où les émigrés
hellènes, turcs et maghrébins l’ont importé
en vagues successives.