
" L’indicibilité tient évidemment au caractère vague, confus et diffus, à l’indétermination même de 
l’événement qui écourte notre temps vital. (…) Le caractère évasif de la finitude mortelle est comme 
un défi au logos, si la vocation du logos est de déterminer et de préciser. " 
" non seulement il est impossible d’en donner l’idée à un autre, mais il est avant tout impossible d’en 
avoir la moindre idée soi-même ; la mort n’est pas à proprement parler une expérience que je 
désespérerais de vous transmettre : elle est bien plutôt ce que personne n’a jamais éprouvé, ce dont 
personne n’a jamais goûté la saveur, ni a fortiori ne peut imaginer la tonalité qualitative. (…) personne 
ne détient le secret de la mort. " 
" On sait que la mort arrivera, mais comme on ne sait pas ce qu’est la mort, on ne sait pas, en 
somme, ce qui arrivera ; et de même qu’on ne sait pas quand, on ne sait pas non plus en quoi 
consiste ce qui va arriver, ni davantage si ce qui va arriver " consiste " en quelque chose  (…) le fait 
de la mort est certain, mais il s’en faut de beaucoup qu’il soit clair … " 
" Non, d’aucune façon l’instant mortel n’est objet de connaissance ni matière à spéculation ou à 
raisonnement ; d’aucune manière la simultanéité fulgurante, qui est contemporanéité resserrée aux 
dimensions de l’instant, et finalement annulée, n’est vécue dans une expérience psychologique et 
consciente –puisque toute conscience est soit anticipatrice soit retardataire ; d’aucune manière la 
coupe instantanée de la mort n’est une chose, Res, car si elle était " quelque chose ", sa masse serait 
objet de vision ou de discours ; mais elle ne serait plus l’instant ." 
" La mort () n’est pas un objet comme les autres : c’est un objet qui, étranglant l’être pensant, met fin 
et coupe court à l’exercice de la pensée. La mort se retourne contre la conscience de mourir ! (…) le 
plus grand sage du monde, frappé d’une attaque d’apoplexie, cesse pour toujours de penser. 
Comment la sagesse des sages peut-elle dépendre d’un transport au cerveau ? (…) la pensée prend 
conscience de la mort, et, par cet acte, la survole ;mais, étant elle-même la pensée immortelle d’un 
être pensant mortel, elle perd cette position dominante, et elle est à son tour maîtrisée par ce qu’elle 
maîtrise ou (avec d’autres métaphores) englobée par ce qu’elle englobe ; la conscience de la mort est 
elle-même enveloppée de mort, immergée dans la mort ; dans la mort elle se meut ; elle vit dans la 
mort. L’homme transcende la mort, et en même temps il reste intérieur à cette mort ; il est à la fois 
dehors et dedans ; donc il est dedans ; dedans avant tout ! (…) L’être pensant (..) est finalement 
mortel. Et il est si bien englobé par sa mort que même quand il adopte sur elle une optique 
transcendante, c’est pour se voir vieillir : ce qui est vécu ne reste à vivre que dans l’illusoire présent de 
l’insouciance ; mais les insouciants meurent comme les soucieux, et plus tôt encore ! L’homme 
surconscient obéré par la mort a beau prendre conscience de la nécessité de mourir en général, il 
reste, devant sa propre mort, relativement inconscient.  " 
" Mystérieuse et pourtant problématique, la mort est le mystérieux problème auquel il manque toujours 
une détermination pour être vraiment objet de pensée ; ou ce qui revient au même : la mort est le 
mystère problématique dont nous prenons par la pensée inépuisablement conscience. La mort est 
" presque " intelligible, mais il y a en elle un je-ne-sais-quoi atmosphérique, un résidu irréductible qui 
suffit à la rendre insaisissable. L’insaisissable, l’inépuisable, l’insondable de la mort sollicitent en nous 
un besoin insatiable d’approfondir qui est en quelque sorte notre mauvaise conscience. Nous avons 
sur la mort l’optique du spectateur, et nous sommes pourtant plongés en elle comme dans un destin 
exclusif de toute perspective : le centre est partout et la circonférence nulle part. La mort est donc à la 
fois objective et tragique. Si la conscience était absolument soustraite à la mort, la mort serait un objet 
naturel d’expérience, un curieux objet, mais un objet, ou un concept pour notre réflexion, un objet 
entre autres, un concept parmi tant d’autres, un problème comme tous les autres. Mais la mort, en 
admettant même qu’elle ne nihilise pas la pensée, supprime l’existence personnelle et 
psychosomatique de l’être pensant. Cette abolition de toute la personne est le mystère englobant par 
excellence. " 
" (l’homme) se sait mortel, mais à proprement parler il ne " sait " pas qu’il mourra. 
D’une part en tant que le mortel connaît en général sa mortalité, il englobe la mort 
par la conscience et il semble avoir barre sur cette mort ; et en tant qu’il ignore les 
déterminations circonstancielles de sa mort-propre, il est au dedans du destin, et 
l’événement futur garde vis-à-vis du condamné à mort l’avantage de l’initiative, le 
bénéfice de la surprise, la supériorité de la position dominante. " 
AUTRE  EXTRAIT 
La mort joue à cache-cache avec la conscience: où je suis, la mort n'est pas; et 
quand la mort est là, c'est moi qui n'y suis plus. Tant que je suis, la mort est à venir; 
et quand la mort advient, ici et maintenant, il n'y a plus personne. De deux choses 
l'une: Conscience, ou présence mortelle! Mort et conscience, elles se chassent et