L’enfance comme l’indicible de l’expérience éducative: une approche
philosophique
Anna Pagès
Université Ramon Llull
Barcelone (Espagne)
Resumé
Enfance et expérience éducative sont intimement nouées l’une à l’autre. On
pourrait même dire: l’enfance comme expérience traverse l’acte éducatif; ors, il
n’y a pas d’éducation, dès le tout premier début, sans une certaine idée de
l’enfance. Dans ce travail nous allons développer la thèse suivante: une
approche philosophique de l’enfance devrait passer par une philosophie de
l’immédiat sur l’action éducative comme expérience. Cette philosophie de
l’immédiat suppose, parmi d’autres, la possibilité d’expliquer d’une certaine
façon qu’est-ce que l’enfance à partir d’un certain concept d’expérience
éducative.
Dans son ouvrage “Le je-ne-sais-quoi et le presque rien”, le philosophe
Vladimir Jankélévitch exprime l’ouverture à l’indicible d’une certaine
“mauvaise conscience de la bonne conscience rationaliste (...) qui proteste et
remurmure en nous contre le succès des entreprises
réductionnistes.”(Jankélévitch, ed.1980, p. 11) Ce texte propose au lecteur
l’interrogation d’un parcours sur le Je-ne-sais-quoi qui implique une
expérience de la philosophie comme une question permanente sur l’inachevé.
Est-il possible de réfléchir sur l’éducation comme expérience du Je-ne-sais-
quoi, à la façon de Jankélevitch? Si oui, cela voudrait dire que l’éducation ne
connait pas tout sur elle même ni sur les personnes qu’elle voudrait
“éduquer”. Ne pas tout connaître sur elle même veut aussi dire qu’il y a une
“quelque chose qui n’existe pas et qui est pourtant la chose la plus importante
entre toutes les choses importantes, la seule qui vaille la peine d’être dite et la
seule justement qu’on ne puisse dire!”(Jankélévitch, ed. 1980, p. 11)
L’enfance, serait-elle une expérience de cette “quelque chose” qui se manifeste
à travers l’immédiateté de l’éducation? Un “indicible” présent dans l’inachevé
de la conscience éducative comme conscience insatisfaite?
Nous allons reprendre l’ouvrage de Jankélévitch pour réfléchir sur ces
questions et soutenir que les idées d’enfance et d’éducation se délimitent à
partir d’une dialectique permanente entre ce qui nous tombe dans les mains et
ce qui nous surprend au jour le jour. D’une façon qui résiste aux entreprises
réductionnistes actuelles sur l’enfance et ses “compétences”.