Chapitre 1
Pr´e-requis n´ecessaires `a l’´etude des
sous espaces hilbertiens
Sylvie Champier
1.1 Rappels de topologie
1.1.1 Topologie sur un ensemble
On appelle topologie sur un ensemble Ela donn´ee d’une famille Ode parties de E, dites ouvertes
telles que :
a) la partie vide et l’ensemble Esont ouverts.
b) Tout r´eunion d’ouverts est une partie ouverte.
c) Toute intersection finie d’ouverts est une partie ouverte.
efinition 1 La topologie d´efinie par O1est moins fine que celle d´efinie par O2si et seulement si
O1⊂ O2, autrement dit, O1a moins d’ouverts que O2.
Si une topologie a moins d’ouverts qu’une autre, elle poss`ede par contre plus de compacts.
L’ensemble des topologies sur Eposs`ede un plus petit ´el´ement : la topologie grossi`ere O={φ, E}et
un plus grand ´el´ement qui est la topologie discr`ete O=P(E).
1.1.2 Ecarts
On appelle ´ecart sur Etoute application d:E×ER+sym´etrique, v´erifiant l’in´egalit´e triangulaire
et telle que d(x, x) = 0.
Remarque 1 Soit dun ´ecart
dest une distance si et seulement si d(x, y)=0 x=y.
Remarque 2 si det d0sont deux ´ecarts, d” = sup(d, d0)est un ´ecart.
efinition 1 Dest une famille filtrante croissante d’´ecarts si et seulement si pour tous ´ecarts d,d0il
existe d∈ D tel que ddet d0d.
1
efinition 2 Tun espace topologique. Soit xT.
On appelle voisinage de xtout sous ensemble Vde Tqui contient un ouvert contenant x.
On note V(x)l’ensemble des voisinages de x.
On appelle base de voisinages ou syst`eme fondamental de xT, toute famille Wde voisinage de x
tel que tout Vvoisinage de xcontienne un ´el´ement W∈ W.
Th´eor`eme 1 On suppose qu’`a chaque xE, on associe une famille V(x)de parties de Eerifiant les
propri´et´es suivantes
(i) V(x)est h´er´editaire `a droite i.e. si V∈ V(x)et VWalors W∈ V(x).
(ii) V(x)est stable par intersection finie.
(iii) V∈ V(x),xV.
(iv) V∈ V(x),W∈ V(x)tel que yW,V∈ V(y).
Alors il existe sur Eune topologie unique telle que pour chaque xE,V(x)constitue la famille des
voisinages de xpour cette topologie.
Remarque 3 Ce th´eor`eme permet de dire que l’on peut d´efinir une topologie par la donn´ee de ses voi-
sinages pour chacun des points de Ed’o`u l’int´erˆet de la notion de base de voisinage.
Proposition 1 Soit Dune famille filtrante croissante d’´ecarts sur un ensemble E. Pour chaque xE,
BD(x) = {Bd(x, r), d ∈ D, r R+}est une base de voisinage de xpour une topologie sur Enot´ee TD.
1.1.3 Caract´erisation de la continuit´e dans un espace vectoriel topologique
efinition 2 Soit fune application d’ un espace topologique Edans un espace topologique F. Soit
x0E
fest continue en x0si et seulement si pour tout voisinage Wde f(x0),f1(W)est un voisinage de x0.
Proposition 2 Soit fune application d’ un espace topologique Edans un espace topologique F.
fest continue sur E
si et seulement si l’image r´eciproque de tout ouvert de Fest un ouvert de E
si et seulement si l’image r´eciproque de tout ferm´e de Fest un ferm´e de E
si et seulement si pour toute partie BE, on a f(A)f(A).
Proposition 3 Si Eet Fsont des espaces m´etriques, fest continue en aEsi et seulement si pour
toute suite (xn)nde E, si (xn)nest convergente vers aalors la suite (f(xn))nest convergente vers f(a)
Ce r´esultat est encore vrai dans un espace topologique admettant une base d´enombrable de voisinages
car on pourra construire une suite.
efinition 3 Soit Iun ensemble pr´eordonn´e filtrant croissant et Eun ensemble quelconque.
On appelle suite en´eralis´ee sur Etoute application i7→ xide Idans E.
Lorsque I=N, on obtient les suites usuelles.
Si Eest un espace vectoriel topologique, on peut introduire une notion de convergence pour les suites
g´en´eralis´ees.
efinition 4 Soit (xi)iune suite g´en´eralis´ee de Eespace topologique.
La suite (xi)iest convergente vers xEsi et seulement si pour tout voisinage Vde x, il existe i0I
tel que xiVpour tout ii0.
Remarque 4 La proposition est vraie avec les suites g´en´eralis´ees dans un espace topologique.
1.2 Espaces localement convexes
1.2.1 D´efinition
Dans ce paragraphe, Eest un espace vectoriel r´eel ou complexe.
Une semi-norme psur Ed´efinit un ´ecart dp(x, y) = p(xy) sur E.
On peut donc associer `a toute famille filtrante croissante Pde semi-normes sur Eune topologie TPsur
Etelle que la famille des voisinages V(x) de tout point xadmette comme base l’ensemble des boules
Bp(x, r), p ∈ P, r > 0.
Remarque 5 La topologie TPposs`ede les propri´et´es suivantes :
a) La famille V(x)s’obtient `a partir de V(0) par translation par x.
b) La famille V(0) admet comme base les boules Bp(0, r)qui sont des disques absorbants i.e. pour tout
xE, λ > 0,{x} ⊂ λBp(0, r).
R´eciproquement, la donn´ee d’une famille filtrante d´ecroissante Vde disques absorbants d´efinit une famille
filtrante croissante de semi-normes Pobtenue en associant `a chaque V∈ V,pV(x) = Inf{λ > 0, x λV }
et pVest une semi-norme. De plus, si Vet Wsont deux disques absorbants de Etels que WValors
pVpW.
efinition 5 Une topologie sur Eest localement convexe lorsqu’elle est d´efinie par une famille fil-
trante croissante de semi-normes P.
1.2.2 Exemples
Premier exemple : E=RX
La topologie de la convergence simple est d´efinie par la famille filtrante croissante des semi-normes
pA(f) = sup
tA
|f(t)|
pour toute partie finie AX.
En ce sens, la convergence simple apparait comme la convergence uniforme sur les parties finies.
Deuxi`eme exemple : Topologie quotient :
(E, P) espace localement convexe.
Nun sous espace vectoriel de E.
On d´efinit E/N ={˙x, x E}o`u ˙x={yE, x yN}.
La topologie la plus fine sur E/N rendant continue la projection canonique π:EE/N est d´etermin´ee
par la famille filtrante croissante ˙
Pdes semi-normes quotients.
p∈ P,˙p( ˙x) = inf
z˙xp(z).
On l’appelle la topologie quotient et elle est localement convexe.
Troisi`eme exemple : Sur tout espace vectoriel E, il existe une topologie localement convexe plus
fine que toutes les autres appel´ee topologie fine. Elle est d´efinie par la famille de toutes les semi-normes
sur Eet admet comme base de voisinage de z´ero la famille de tous les disques absorbants.
Lorsque Eest muni de cette topologie, alors le dual alg´ebrique de Eest ´egale au dual topologique de E
i.e. E?=E0.
On en d´eduit que toute topologie fine est s´epar´ee.
1.2.3 propri´et´es
efinition 6 Eun espace vectoriel sur Rou C,Cune partie convexe de Econtenant l’origine. On
appelle jauge de Cla fonction pde Edans R∪ {+∞} efinie pour tout xEpar
p(x) = inf{λ > 0, x λC}. Si cet ensemble est vide, on pose p(x)=+
Remarque 6 La jauge est sous-lin´eaire, et est par cons´equent une fonction convexe.
On a : {xE, p(x)<1} ⊂ C⊂ {xE, p(x)1}
Si Cest un ouvert de E, alors C={xE, p(x)<1}
Si Cest un ferm´e de E, alors C={xE, p(x)1}
La jauge d’un convexe Ccontenant 0 ne prend que des valeurs finies si et seulement si Cest absorbant
i.e. vE, α > 0,λIK, |λ|≤ α=λv C
Tout voisinage de l’origine est un ensemble absorbant (r´esulte de la continuit´e de l’application qui `a λ
associe λv,v´etant fix´e.
Pour un espace vectoriel r´eel, si Cest sym´etrique par rapport `a 0 avec une jauge ´evitant la valeur +,
la jauge est alors une semi-norme.
Proposition 4 Un espace vectoriel topologique E est dit localement convexe s’il v´erifie l’une des deux
propri´et´es ´equivalentes suivantes :
(i) La topologie de E peut ˆetre d´efinie par une famille filtrante de semi-normes.
(ii) 0 poss`ede une base de voisinages form´ee de convexes.
D´emonstration :
(i) =(ii) En effet toute semi-norme sur E est une fonction convexe et donc pour tout R > 0 l’ensemble
des xde Ev´erifiant p(x)< R est convexe.
(ii) =(i) Supposons d’abord que Eest un espace r´eel. Si Vest un voisinage convexe de 0 alors
W=V(V) est un voisinage convexe et sym´etrique de 0. Il est absorbant. Il en r´esulte que la jauge
de W est une semi-norme sur E et ces semi-normes d´efinissent la topologie de E. Supposons maintenant
que E est un espace complexe. Nous allons montrer que tout voisinage convexe de l’origine contient un
voisinage convexe ´equilibr´e. Soit en effet Vun voisinage convexe de 0. Par application de la continuit´e
de l’application de C×Edans E, qui `a (λ, v) associe lambdav, , il existe α > 0 et un voisinage Wde 0
tels que |λ|< α et vW W =λv V. Soit µun scalaire v´erifiant |µ|< α. Alors µW est un voisinage
de 0 inclus dans V. Si w=µv µW et |λ|≤ 1 alors |λµ |< α et λw =λµv V. Ceci entraˆıne que
x appartient au noyau ´equilibr´e de V. Ce noyau ´equilibr´e (contenant µW ) est un voisinage de 0. Son
enveloppe convexe est un voisinage convexe et ´equilibr´e de 0 inclus dans V(puisque Vest convexe). La
jauge de ce noyau ´equilibr´e est une semi-norme sur E (ce noyau est un voisinage de 0 donc absorbant ).
Ces semi-normes d´efinissent la topologie de E.
Th´eor`eme 2 Pour qu’un espace localement convexe E d´efini par la famille filtrante croissante de semi-
norme (pi)iIsoit un espace s´epar´e, il faut et il suffit que pour tout v6= 0, v E, il existe une semi-norme
pitelle que pi(v)6= 0 .
Th´eor`eme 3 Un espace localement convexe est m´etrisable s’il est s´epar´e et si sa topologie peut ˆetre
d´efinie par une famille d´enombrable de semi-normes.
1.2.4 Caract´erisation de la continuit´e dans un espace vectoriel topologique
localement convexe
Th´eor`eme 4 Soient (E, P),(F, Q)2 espaces localement convexes, et Pet Q´etant des familles de semi-
normes d´efinissant les topologies et f une application de Edans F. Alors
f est continue en vE
si et seulement si q∈ Q,ε > 0,p∈ P,α > 0,wE, p(vw)< α =q(f(v)f(w)) < ε
Si on suppose de plus que fest lin´eaire, on a ´equivalence entre
(i) f est continue sur E
(ii) fest continue `a l’origine
(iii) Pour toute semi-norme q∈ Q, il existe M > 0et une semi-norme p∈ P tels que q(f(x)) Mp(x)
pour tout xE
1.3 Espace dual E0
Eest un espace vectoriel topologique, E0son dual topologique i.e. l’ensemble des formes lin´eaires conti-
nues sur E.
Remarque 7 Soit Eun espace vectoriel topologique localement convexe, on peut munir son espace dual
topologique E0de la famille de semi-normes ˜pp(x0) = supxBp(0,1) |< x, x0>|o`u pest une semi-norme
de la famille filtrante croissante de semi-normes sur E.
La convergence est ´equivalente `a la convergence uniforme sur les born´es.
1.3.1 Th´eor`emes de Hahn Banach
Th´eor`eme 5 de Hahn Banach :
Eespace vectoriel r´eel, psemi-norme sur E,Mun sous espace vectoriel de E.
Soit fune forme lin´eaire d´efinie sur Met telle que |f|≤ p.
Alors il existe une forme lin´eaire Fefinie sur E, prolongeant fet telle que |F|≤ p.
1.3.2 Cas particulier d’un e.v. norm´e
On suppose que Eest un espace vectoriel norm´e. E0est muni de la norme duale :
|| f||E0= sup
xE,||x||≤1
|f(x)|.
On note < x, f > au lieu de f(x) et on dit < ., . > est le produit scalaire dans la dualit´e E0, E.
Corollaire 1 Soit Eun e.v. norm´e,
xE, || x||= sup
||x0||≤1,x0E0
|< x0, x >|.
Autre version plus g´eom´etrique du th´eor`eme d’Hahn-Banach :
Th´eor`eme 6 Soit AE,BEdeux ensembles convexes, non vides, disjoints. on suppose Aferm´e et
Bcompact. Alors il existe un hyperplan ferm´e qui s´epare Aet Bau sens strict.
Rappel : Hyperplan = {xE, f(x) = α}o`u fest une forme lin´eaire non nulle (non n´ecessairement
continue) et αest un r´eel.
L’hyperplan est ferm´e si et seulement si fest continue.
Corollaire 2 Soit FEun sous espace vectoriel tel que F6=E. Alors il existe fE0,f6= 0 tel que
xE,< x, f >= 0.
Remarque 8 On utilise souvent ce corollaire pour montrer qu’un sous espace est dense. On consid`ere
alors une forme lin´eaire continue fsur Etelle que f= 0 sur Fet on prouve alors que fest identiquement
nulle.
1.3.3 Bidual
Tout ´el´ement xde Eefinit un ´el´ement ˜xde E” par ˜x(x0) =< x, x0>.
Dans le cas o`u Eest un e.v.n., le corollaire 1.3.3. dit alors que J:x˜xest une isom´etrie de Edans
E”.
Attention, ce n’est pas une bijection.
Remarque 9 Si Eest de dimension finie, x˜xest bijective.
Proposition 5 Soit Eun espace vectoriel norm´e.
E”=(E0)0est un espace de Banach pour sa norme duale.
Proposition 6 Tout espace norm´e Es’identifie avec sa norme `a un sous espace de son bidual E. Pour
que Esoit un espace de Banach, il faut et il suffit qu’il soit ferm´e dans E.
efinition 7 E r´eflexif E=E.
Remarque 10 Si Eest un e.v.n. r´eflexif alors Eest complet.
1.3.4 Dual d’un sous espace
Th´eor`eme 7 Fun sous espace ferm´e de Ee.v. norm´e.
E/F muni de la norme || ˙x||=Inf{|| x||, x ˙x}.
Alors le dual (E/F )0s’identifie (i.e. de mani`ere bijective) isom´etriquement `a F={x0E0, x0=
0sur F }, muni de la norme de E0.
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