application au contrôle des peintures antisalissures

publicité
INNOVATION
Détection du dibutyl
et tributylétain par un bioessai
bactérien : application au contrôle
des peintures antisalissures
par Marie-José DURAND
Maître de conférences
Université de Nantes, UMR CNRS 6144 GEPEA, laboratoire CBAC (La Roche-sur-Yon)
Résumé : Actuellement, les peintures employées comme agents antisalissures ne
doivent plus utiliser le tributylétain comme biocide. Cependant, les moyens disponibles
pour contrôler la réglementation sont réduits à une vérification du certificat administratif des systèmes antisalissures présent à bord du navire. Nous avons développé un
bioessai utilisant une bactérie bioluminescente qui pourrait permettre de vérifier
rapidement et à faible coût le respect de la réglementation concernant les systèmes
antisalissures.
Abstract : Since the 1960’s, Tributyl (TBT)-based antifouling paints are widely
applied to protect ship’s hulls from biofouling. Due to its high toxicity to aquatic ecosystem, most of the countries signed the AFS convention to control the use of harmful
antifouling systems on ships. Nevertheless, there is currently no simple method to
control the presence of organotin in paint. In this study we propose a bioassay based
on the use of a recombinant bioluminescent bacteria to detect directly in paint the presence of TBT.
Mots-clés : Organoétain, détection, bioessai, luminescence, peinture antisalissure.
Keywords : Organotin, paint, bioluminescence, bacteria, detection.
Points clés
Domaine : Technique d’analyse
Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : bioessai-bactérie bioluminescente
Domaines d’application : environnement
Principaux acteurs français :
Centres de compétence : UMR CNR 6144 GEPEA laboratoire CBAC, université de
Nantes – Institut de génétique et microbiologie UMR 8221 – Université de Paris
Sud 11 – UMR CNRS 7146-LIBE, université de Metz.
Autres acteurs dans le monde : Un grand nombre de laboratoires ou de
centres de recherche travaillent dans le domaine de la détection à l’aide de
bactéries bioluminescentes. Les principaux travaux sont référencés dans la bibliographie.
Au niveau des acteurs industriels, on peut citer Aboatox (Finlande), Vigicell
(France) qui proposent des bactéries bioluminescentes pour la détection du
mercure et de l’arsenic.
De nombreuses sociétés distribuent des systèmes permettant d’évaluer la toxicité
globale à l’aide de bactéries bioluminescentes (Bionef, SDIX, Checklight Ltd.,
Hach-Lange)
8 - 2011
© Editions T.I.
IN 139 - 1
INNOVATION
1. Contexte
En 2001, la Communauté européenne publie une liste de 33
substances prioritaires dans le cadre du contrôle de la surveillance de l’eau (2000/60/CE, directive cadre sur l’eau).
Parmi ces substances, on trouve les composés du tributylétain.
Ces composés sont utilisés comme stabilisateurs thermiques
dans l’industrie plastique, comme catalyseur dans la fabrication des mousses polyuréthanes et pour leurs propriétés antimicrobiennes. L’activité antimicrobienne du tributylétain (TBT)
a été exploitée dans la fabrication de peintures antisalissures
pour protéger les coques des bateaux et les installations
portuaires immergées. Le TBT et son produit de dégradation le
dibutylétain (DBT) ont donc été à l’origine d’une contamination généralisée des ports et des côtes, les effets toxiques sur
la faune marine ont conduit à interdire son application à partir
du 1er janvier 2003.
Depuis le 1er janvier 2008, la présence de TBT est interdite
sur tous les bateaux battant pavillon des 47 pays signataires
de la convention de l’Organisation maritime internationale
(Convention AFS de 2001, International Convention on Control
of harmful Antifouling System on ship).
Les techniques analytiques de dosage du TBT nécessitent
une étape de préparation de l’échantillon complexe et sont
donc difficilement applicables dans les contrôles de routine.
Actuellement, il n’existe pas de moyen simple permettant de
vérifier l’absence de TBT dans les peintures antisalissures.
Nous avons développé un bioessai à l’aide d’une bactérie bioluminescente sensible au TBT et DBT, cet essai a été appliqué
avec succès au dépistage du TBT dans les peintures ; il pourrait constituer un moyen rapide de détection des fraudes, permettant ainsi un contrôle efficace de la législation sur les
systèmes antisalissures.
Les peintures à base de TBT sont apparues dans les années
1950 et se sont généralisées dans les années 1970 en raison
de leur grande efficacité pour un coût de production faible. On
distingue principalement deux types de système antifouling à
base de TBT : les peintures à matrice érodable et celles à
matrice autopolissante [1]. Les peintures à matrice érodable sont formulées en incorporant par exemple le TBT à une
résine vinylique, le TBT est relâché par lixiviation et forme un
film protecteur à la surface de la coque. Le défaut majeur de
ces peintures réside dans le fait que la concentration en TBT
diminue fortement au cours du temps, comme le montre la
figure 1, cela étant dû au relarguage non contrôlé du TBT,
limitant la durée de vie de ces peintures à 36 mois. La
seconde génération de peintures est apparue dans les années
1970 ; celles-ci sont constituées de copolymères organométalliques (acrylate de tributylétain, figure 1) : le TBT est libéré
par hydrolyse de la liaison ester permettant une libération
constante du biocide au cours du temps. La durée de vie de
ces systèmes antisalissures est d’environ 5 ans [1] [2]. La
quantité de TBT relâchée par ce type de peinture est estimée
à 1,6 µg Sn · cm–2, cette diffusion correspond, pour un bateau
commercial (de plus de 25 m) restant trois jours dans un port
à une libération d’environ 200 g de TBT dans l’eau [3].
3. Propriétés physico-chimiques,
effets toxiques du TBT
et conséquences réglementaires
3.1 Propriétés physico-chimiques
2. Systèmes antisalissures à base
d’organoétain
Les salissures, désignées communément par le terme
anglais « fouling » désigne un phénomène naturel de
colonisation des organismes marins sur les coques des
navires et sur les installations immergées des installations
portuaires.
Ce phénomène de fouling est largement étudié : des macromolécules (polysaccharides, protéines, protéoglycanes...) présentes dans l’eau de mer se déposent sur les surfaces,
favorisant l’installation des bactéries, microalgues et champignons. Ces unicellulaires forment à leur tour un substrat attirant des protozoaires, puis des organismes fixés tels que
mollusques et macroalgues. La colonisation sera d’autant plus
rapide que l’eau sera chaude. Les parties immergées des
navires peuvent être rapidement (moins de 6 mois) recouvertes de salissure, conduisant à une surconsommation de
carburant (jusqu’à 40 %) due à l’augmentation de la charge et
aux forces de frottement ; ce fouling est également responsable de corrosion du revêtement.
La colonisation des coques de navire peut également
conduire à l’introduction d’espèce invasive absente dans un
écosystème (par exemple Crepidula fornicata, espèce originaire de la côte est de l’Amérique du Nord, introduite en
Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale). Pour empêcher la fixation des organismes, un nettoyage de la coque
sous la ligne de flottaison et une protection par des molécules
antifouling sont indispensables. Dès le XVIIIe siècle, des
IN 139 - 2
feuilles de cuivre étaient fixées sur les coques pour lutter
contre le fouling ; peu à peu, ce système a été remplacé par
des peintures dites « peintures antifouling ». Ces peintures
sont composées de deux éléments principaux : une matrice et
un biocide ; pour les plus anciennes, des métaux constituaient
le biocide (cuivre, arsenic, zinc, mercure).
Le tributylétain et ses dérivés appartiennent à la famille des
organostanniques. Ils ont pour formule chimique générale
R(n–1)Sn Xn (0 < n < 4), où R représente un groupement alkyl
ou phényl et X un groupe anionique (halogénure, oxyde,
hydroxyle). La liaison covalente Sn—C est stable à la température, en présence d’eau et d’oxygène. La nature de X influence
les propriétés physico-chimiques, comme la solubilité dans
l’eau et dans les solvants non polaires. La solubilité diminue
avec l’augmentation du nombre de substituants organiques et
avec l’augmentation de la taille des chaînes carbonées [3].
En raison de sa faible solubilité dans l’eau (moins de
10 ng · L–1, à pH 7 et 20 oC), de son log Kow (coefficient de
partage octanol/eau) de l’ordre de 4,4 à pH 8, le TBT disparaît
rapidement de la colonne d’eau pour se fixer aux particules en
suspension dans l’environnement aquatique et s’accumule
dans les sédiments [4] [5]. Le temps de demi-vie dans l’eau
de mer est de six jours à quelques mois, alors que dans les
sédiments il varie de un à cinq ans. L’adsorption et la
désorption du TBT sur les sédiments sont influencées par les
conditions physico-chimiques du milieu (pH, salinité). Cette
réversibilité peut expliquer la contamination de l’eau observée
lors du dragage des ports.
Dans l’environnement, le TBT peut subir des dégradations
par déalkylation pour donner du dibutylétain (DBT), monobutylétain (MBT) et de l’étain, ce processus peut être biotique ou
abiotique. La biodégradation est un processus important de
transformation du TBT, plusieurs bactéries du genre Pseudomonas ont été isolées [6], mais aussi des microalgues. À
noter que ce processus est fortement dépendant des
conditions environnementales (température, pH, oxygène).
© Editions T.I.
8 - 2011
INNOVATION
TBT
Copolymère
Matrice
Efficacité
Efficacité
Carène
Concentration efficace de TBT
1
2
3
4
1
Temps (année)
a
2
3
4
5
Temps (année)
matrice érodable
b matrice autopolissante
Figure 1 – Peintures antisalissures et leur efficacité dans le temps [2]
3.2 Effets toxiques pour les organismes
marins
La toxicité des organoétains est largement documentée [4] [5]
[7], le TBT est considéré comme l’une des molécules les plus
toxiques introduites délibérément dans l’environnement marin.
La toxicité du TBT diminue avec la déalkylation en DBT et MBT.
Les effets toxiques des peintures antifouling ont été mis en
évidence, dès les années 1970, sur les organismes non cibles
comme les huîtres. Les activités ostréicoles ont été fortement
perturbées, en particulier dans le bassin d’Arcachon (France)
dès 1976 où les huîtres présentaient des malformations de la
coquille, désignées sous le terme de « chambrage »
(figure 2). Rapidement, différentes études ont montré que les
composés organostanniques et en particulier le TBT étaient
responsables de ces anomalies [8] [9]. Le TBT présente des
effets toxiques sur les organismes marins à de très faibles
concentrations, de l’ordre du ng · L–1. Il est considéré comme
un puissant perturbateur endocrinien ; en effet, il provoque
l’apparition de caractère mâle chez les gastéropodes femelles,
nommé « imposex ».
De par ses propriétés physico-chimiques (log Kow), le TBT
peut s’accumuler dans les tissus adipeux des organismes
marins. Le TBT et ses dérivés sont également immunotoxiques, neurotoxiques et embryotoxiques.
8 - 2011
IFREMER
Figure 2 – Malformation de la coquille d’une huître : chambrage
(IFREMER)
3.3 Réglementation sur l’utilisation
des peintures antifouling à base de TBT
En raison de leur forte toxicité et des conséquences économiques néfastes sur l’activité ostréicole, la France a été le premier pays à interdire l’usage des peintures antisalissures à
base d’organoétains par décret en date du 17 janvier 1981
pour les bateaux de moins de 25 mètres de long. Dans un
premier temps, seuls les départements riverains de la Manche
© Editions T.I.
IN 139 - 3
INNOVATION
et de l’Atlantique ont été concernés, puis rapidement cette
interdiction s’est étendue à toute la côte. Des mesures
comparables ont été reprises en Grande-Bretagne, puis dans
différents pays à partir de 1988 (États-Unis, Canada, Nouvelle-Zélande...). L’Organisation maritime internationale (IMO,
International Maritime Organization ) propose l’interdiction du
TBT suite aux recommandations du MEPC (Marine
Environment Protection Commitee ) comme agent antisalissure. La convention ASF est adoptée le 5 octobre 2001,
reprise par le règlement européen CE no 782/2003 du
14 avril 2003 [10]. À partir du 1er janvier 2003, les
peintures à base de TBT ont été interdites et la présence de
TBT sur les coques des bateaux est interdite depuis le
1er janvier 2008. Les anciennes peintures ont dû être enlevées
ou stabilisées pour prévenir tout risque de contamination du
milieu marin par les organostanniques.
L’application de cette réglementation s’applique à tous les
navires dont les pays ont signés la convention ASF. En France,
selon le décret no 2008-1125 du 3 novembre 2008, un
navire peut être inspecté dans tout port, chantier naval ou
terminal au large. Le navire doit avoir à bord un certificat
international du système antisalissure, ou une déclaration en cours de validité (article 11, décret no 2008-1125
du 3 novembre 2008). En cas de doute, un échantillonnage du
système antisalissure du navire qui ne nuise ni à l’intégrité, ni
à la structure, ni au fonctionnement peut être effectué. Le
décret stipule que le délai requis pour traiter les résultats de
cet échantillonnage ne doit pas empêcher le mouvement et le
départ du navire (article 11).
3.4 Méthode de détection des organoétains
La méthode de quantification des organoétains la plus utilisée est la chromatographie en phase gazeuse couplée à
différents détecteurs comme la photométrie de flamme
(GC-FPD), la photométrie de flamme pulsée (GC-PFPD), la
spectrométrie d’émission atomique (GC-AED), la spectrométrie de masse (GC-MS) [11]. Cette technique fait l’objet de la
norme ISO NF 23161-2009 (méthode d’identification et de
quantification des organostanniques applicable aux sols,
sédiments, boues). La préparation des échantillons nécessite
d’extraire les composés organostanniques, puis d’effectuer
une dérivation pour rendre les composés volatils.
Les méthodes chimiques sont sensibles et permettent
d’identifier le TBT à des concentrations de l’ordre du ng · L–1
dans l’eau, et de 20 µg Sn · kg–1 pour les sédiments (matière
sèche). Cependant, elles sont longues et nécessitent un personnel qualifié pour les réaliser. D’autre part, le coût de l’analyse du TBT, DBT et MBT pour un échantillon de peinture est
de 154,50 euros (donnée de 2010). Ces techniques sont donc
peu applicables au contrôle rapide lors de l’inspection des
navires.
Une méthode d’inspection basée sur la détection de l’étain
par un appareil portatif de spectrométrie à fluorescence
de rayons X (SFX) a été proposée par une équipe
japonaise : le prélèvement de l’échantillon se fait par un
papier abrasif [12], cela peut donc entraîner une altération de
la coque et être refusé par les armateurs.
Actuellement, il n’existe pas de méthode simple, non destructive et rapide permettant de vérifier le respect de la
convention ASF sur les systèmes antifouling [13] [14].
Pour pallier ce manque, nous proposons d’utiliser une
bactérie bioluminescente capable d’émettre de la lumière en
présence de TBT.
IN 139 - 4
4. Détection du TBT par la bactérie
bioluminescente Escherichia coli TBT3
Le principe était de développer une bactérie dont la bioluminescence serait augmentée (induction) en présence
d’un polluant comme le TBT.
4.1 Construction de la bactérie
La bioluminescence est un phénomène naturel de production de lumière par des organismes vivants. Parmi ces
organismes, on retrouve plusieurs espèces bactériennes
majoritairement des espèces marines. La réaction est catalysée par une enzyme : la luciférase. Cette enzyme catalyse l’oxydation en présence d’oxygène, d’un aldéhyde à
longue chaîne et de flavine mononucléotide réduite
(FMNH2) en acide gras et en FMN. Cette réaction
s’accompagne de l’émission de lumière à 490 nm et
590 nm comme le montre la figure 3 [15] [16].
L’utilisation des bactéries bioluminescentes comme Vibrio
fischeri (reclassé Aliivibrio fischeri ), pour révéler la toxicité de
composés chimiques ou d’échantillon de l’environnement
(effluent, lixiviat de sol...) est très utilisée et fait l’objet d’une
norme (NF EN ISO 11348). Au contact d’un échantillon
toxique, on observe une diminution de la luminescence
mesurée facilement à l’aide de luminomètres commerciaux.
Plusieurs applications commerciales sont disponibles telles que
le Microtox® (distribué par SDIX), le LUMIStox (Dr Lange),
TOXcontrol (distribué par Bionef).
Les études sur la bioluminescence bactérienne menées dès
1979 ont montré que les gènes permettant la synthèse des
enzymes responsables de cette réaction sont regroupés en
opéron appelé « opéron lux » (gènes lux A, lux B, lux C, lux D
et lux E, et leurs gènes régulateurs) [17]. Les gènes lux A et
B codent pour la luciférase, les gènes lux C, lux D et lux E
pour les enzymes responsables de la synthèse de l’aldéhyde
(figure 3). La connaissance de la génétique de la réaction de
bioluminescence a permis d’utiliser les gènes lux A et B ou les
cinq gènes comme gènes rapporteurs dans le suivi in vivo de
l’expression de gènes. Des fusions transcriptionnelles entre le
promoteur d’un gène (par exemple de dégradation d’un polluant, un gène de réponse à un stress) et les gènes impliqués
dans la bioluminescence permettent d’obtenir des bactéries
émettant de la lumière en présence du polluant ou d’un
stress. Deux techniques de clonage sont utilisées : la méthode
par clonage direct et par clonage aléatoire.
■ La méthode de clonage direct est appliquée lorsque les
promoteurs inductibles sont connus. À titre d’exemple, elle a
été appliquée pour construire différentes bactéries du genre
Escherichia coli, capables de produire de la lumière en présence de métaux [18] [19].
■ La méthode aléatoire est appliquée lorsque, comme dans
le cas des organostanniques, aucun promoteur spécifique n’a
été décrit. Dans ce cas, les gènes de bioluminescence sont
insérés au hasard dans le chromosome de la bactérie
Escherichia coli [20]. Cette insertion est réalisée grâce à un
transposon modifié possédant les gènes de bioluminescence
(dépourvus de leur promoteur), des fusions transcriptionnelles
uniques sont donc réalisées à différents endroits du génome de
la bactérie. On obtient une banque de clones (plusieurs centaines de clones bactériens) qui sont exposés au polluant recherché, dans notre cas le TBT. Les clones sont ensuite
sélectionnés pour leur capacité à produire de la lumière en présence du polluant à détecter, dans notre cas le TBT (figure 4).
© Editions T.I.
8 - 2011
INNOVATION
Chromosome
O2
RCHO
Opéron lux
Lux C
Lux D
Lux A
Lux B
Lux E
SE
RA
O2
FMNH2
É
IF
C
LU
Réductase Transférase
Synthétase
Issu
du métabolisme
RCOOH
Luciférase
bactérienne
FMN
+
Synthèse de l’aldéhyde
490 nm et 590 nm
Opéron lux : gènes impliqués dans la synthèse et la régulation
des protéines nécessaires à la réaction de bioluminescence.
Figure 3 – Réaction biochimique de la luminescence d’une bactérie naturelle comme Vibrio fischeri (Aliivibrio fischeri) en présence
d’oxygène : la luciférase catalyse l’oxydation d’un aldéhyde et de flavine mononucléotide réduite (FMNH2) en acide gras et FMN
Intégration aléatoire du miniTn5lux AB
dans le chromosome
Sélection du clone luminescent
après exposition au TBT
lux
+ TBT
ori
tetA
m
luxB
ob
A
R6K
tnpA
Intégration du plasmide dans
Escherichia coli DH1
lux
+ TBT
ori
tetA
m
luxB
ob
A
R6K
tnpA
lux
lux
A
m
luxB
ob
R6K
(le plasmide ne
se réplique pas)
tnpA
ori
R6K
pMiniTn5lux AB
+ TBT
tetA
ori
tet
A
B
m
lux
ob
A
tnpA
lux
+ TBT
ori
tetA
m
luxB
ob
A
R6K
tnpA
Un transposon (pMiniTn5lux AB) possédant les gènes de bioluminescence lux AB dépourvu de leur
promoteur est intégré dans la bactérie. Les gènes lux AB vont s’intégrer dans le chromosome au hasard, on
obtient une banque de clone. Chaque clone est exposé au TBT ( ), seul le clone luminescent sera conservé.
Figure 4 – Méthode par mutagenèse aléatoire pour obtenir la bactérie Escherichia coli TBT3
8 - 2011
© Editions T.I.
IN 139 - 5
INNOVATION
Cl
CH3CH2CH2CH2
Sn
CH3CH2CH2CH2
CH3CH2CH2CH2
Cl
CH2CH2CH2CH3
O
Sn
CH3CH2CH2CH2
Cl
MBT
Facteur d’induction
Sn
CH2CH2CH2CH3
Sn
Cl
CH2CH2CH2CH3
TBTox
TPT
80
70
Cl
60
CH3CH2CH2CH2
Sn
CH2CH2CH2CH3
Cl
DBT
50
CH3CH2CH2CH2
CH3CH2CH2CH2
40
Sn
Cl
CH3CH2CH2CH2
TBT
30
20
10
0
10–5
10–4
DBT
10–3
TBT
10–2
MBT
10–1
TBTox
1
TPT
101
102
Concentration (µM)
DBT : dibutylétain ; TBT : tributylétain ; MBT : monobutylétain ; TBPox : oxyde de tributylétain ; TPT : triphénylétain.
Figure 5 – Induction de la bactérie Escherichia coli TBT3 après exposition à différentes concentrations d’organoétain dilué dans de l’eau
de mer artificielle. Le facteur d’induction (FI) est défini comme le rapport entre la bioluminescence de TBT3 en présence du composé
sur la bioluminescence mesurée en absence du composé [24]
La bactérie Escherichia coli TBT3 a été obtenue après
criblage d’une banque de clones par Briscoe et collaborateurs
en 1996 [21], cependant, aucune étude physiologique, ni
génétique n’avait été réalisée. Suite à un programme de
recherche réalisé avec l’équipe du Pr M.S. Dubow (université
Mc Gill, Montréal, Canada), nous avons développé à partir de
la bactérie TBT3 un bioessai permettant de révéler la présence
de TBT dans différents milieux (eaux douces, eaux de mer,
peintures). Nous avons également étudié la régulation
génétique de cette bactérie, ce travail a fait l’objet de la thèse
défendue par H. Gueuné [22] [23].
4.2 Réponse de la bactérie Escherichia coli
TBT3 aux organoétains
concentrations d’organostanniques diluées dans de l’eau de
mer ou dans de l’eau douce sont mises en contact avec la
bactérie, puis après une heure d’incubation à 30 oC, la microplaque est analysée dans un luminomètre pour évaluer la production de lumière.
La figure 5 montre la réponse obtenue après exposition aux
organoétains, seul le TBT et le DBT sont capables d’induire la
production de lumière. La bactérie TBT3 détecte une gamme
de concentration pour le TBT de 0,02 µM à 1,5 µM
(6,5 µg · L–1 à 487 µg · L–1) et de 0,1 nM (30,3 ng · L–1) à
0,2 µM (60,8 µg · L–1) pour le DBT. On observe pour les plus
fortes concentrations une chute de la bioluminescence due à
la toxicité des composés [24].
4.2.1 Réponse aux organoétains en solution
4.2.2 Réponse aux organoétains présents
dans des échantillons environnementaux
La bactérie TBT3 est mise en culture dans un milieu défini,
puis répartie dans une microplaque. Les différentes
Suite aux études de la détection du TBT dans l’eau de mer,
nous avons appliqué un protocole similaire sur les peintures
IN 139 - 6
© Editions T.I.
8 - 2011
INNOVATION
Eau de mer
Peinture sans TBT
Peinture avec TBT
TBT dans de l’eau
de mer
Facteur d’induction
Figure 6 – Analyse de la bioluminescence de la bactérie Escherichia coli TBT3 par une caméra CCD (Charge Coupled Device, Oraca II ER,
Hamamastu). Les échantillons de peinture ou d’eau de mer sont déposés dans une microplaque 96 puits blanche (Nunc®). Les bactéries
E. coli TBT3 sont ajoutées dans les puits, après une heure d’incubation à 30 oC, la luminescence est analysée. Seuls les échantillons
présentant du TBT ont donné un signal enregistré par la caméra
100
Échantillon contrôle
Échantillon issu d’un chantier de carénage
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Eau
de mer
TBT 1µM
Eau
de carénage
brut
Dilution
1/2
Dilution
1/20
Dilution
1/50
Figure 7 – Induction de Escherichia coli TBT3 par des échantillons d’eau issus de chantier naval. Les échantillons « contrôle »,
constitués d’eau de mer artificielle et d’une solution de concentration connue de TBT, permettent de vérifier la qualité de la réponse
de la bactérie. Les valeurs sont issues de trois réplicats de trois expériences indépendantes. Les échantillons issus du chantier ont été
dilués afin de vérifier l’absence de toxicité sur la bactérie
antisalissures. La bactérie TBT3 a été exposée à différents
types de peinture avec ou sans TBT déposés dans les puits
d’une microplaque. Après 1 heure d’incubation, la lumière a
été enregistrée par une caméra CCD ; comme le montre la
figure 6, la peinture contenant du TBT induit la bactérie de
façon comparable aux solutions de TBT de référence.
8 - 2011
Nous avons également étudié la réponse de la bactérie
exposée à des peintures anciennes provenant de chantier de
carénage, la figure 7 montre que la bactérie TBT3 permet de
révéler la présence de TBT et de DBT dans ces échantillons ;
parallèlement les analyses chimiques par GC-MS ont été effectuées pour confirmer la présence des organoétains.
© Editions T.I.
IN 139 - 7
INNOVATION
6
5
Carène
4
3
2
1
a schéma général du bloc
possédant la chambre
de contact
b bloc appliqué contre la carène avec
la chambre remplie d’eau de mer.
Les flèches rouges indiquent le
chemin de l’eau de mer au moment
du remplissage de la chambre et les
flèches bleues indiquent le chemin
de l’eau de mer au moment de la
récupération de celle-ci
1. Joint d’étanchéité entourant la chambre de contact.
2. Entrée du liquide par le raccord.
3. Bloc en polyéthylène à haute densité.
4. Chambre de contact.
5. Sortie du liquide par le deuxième raccord.
6. Vis fixant le bloc à la ventouse.
7. Seringue.
8. Ventouse.
5
8
3
1
4
6
2
7
c photographie du système
d
photographie du bloc mis en contact
contre une vitre et rempli à moitié
avec de l’eau
Figure 8 – Dispositif de récupération du TBT de peinture antifouling adapté au coque de bateau
Afin de vérifier que la bactérie TBT3 n’était par induite par
d’autres composés entrant dans la fabrication des systèmes
antisalissures, nous avons testé différents biocides, pigments
et résines couramment utilisés. Aucun de ces composés n’a
induit la bactérie TBT3 [25].
4.2.3 Bioessai proposé pour l’inspection des peintures
antifouling
L’objectif est de proposer une méthode :
– simple : réalisable par un personnel non spécialiste ;
– rapide : la réponse doit être obtenue en quelques
heures afin de ne pas immobiliser le bateau ;
– peu coûteuse : pour pouvoir cribler plus d’échantillons.
Nous avons lyophilisé les bactéries sur une microplaque ou
dans un tube afin d’éviter à l’utilisateur la culture de la bactérie. Pour faciliter l’échantillonnage et pour ne pas pratiquer
d’abrasion au niveau de la peinture de la coque (afin d’éviter
IN 139 - 8
tout refus d’inspection de la part des propriétaires des
bateaux), nous avons développé un système de prélèvement
indirect. Ce système, présenté figure 8, est constitué d’une
chambre de diffusion qui va recevoir de l’eau de mer et de
deux ventouses qui fixent le dispositif sur la coque du navire.
Le TBT va diffuser dans l’eau de mer contenu dans la
chambre. Après récupération de cette eau par une seringue,
l’eau est mise en contact avec la bactérie TBT3. La luminescence est lue par un luminomètre commercial. Nous avons
testé notre système sur des plaques d’acier recouvertes de
différents types de peintures commerciales. Le temps de
contact d’une heure a été suffisant pour que la concentration
de TBT dans l’eau de mer puisse induire la bactérie (figure 9).
La durée globale du bioessai est estimée à trois heures, mais
cette durée peut être diminuée d’une heure si un échantillon
de peinture peut être prélevé sur la coque ; en effet, l’abrasion peut être réduite à quelques cm2, de façon à obtenir un
petit échantillon (quelques mg) de peinture qui sera déposé
dans la microplaque. L’extraction des organoétains n’est pas
nécessaire pour obtenir la réponse de la bactérie Escherichia
coli TBT3, ce qui facilite l’analyse par rapport à toutes les
© Editions T.I.
8 - 2011
INNOVATION
Fl
techniques existantes. La figure 10 présente un résumé du
déroulement du bioessai. Les bactéries lyophilisées seront
fournies à l’utilisateur, ainsi que des solutions de TBT (témoins
positifs) permettant de vérifier que les bactéries sont luminescentes en présence de TBT, une solution d’eau de mer sans
TBT (témoin négatif) permettra de contrôler le bruit de fond
de la luminescence.
60
Le coût d’une analyse est estimée environ à 10 euros, seul
l’achat d’un luminomètre est considéré comme un
investissement ; actuellement, des appareils portatifs (de
l’ordre de 6 000 euros) sont proposés par différents
fournisseurs.
51,2
50
40
30,9
30
5. Conclusion
20
9,8
10
1,2
1
0
Contrôle
TBT 1 µm
Brut
d = 1/10
Peinture verte
Brut
d = 1/10
Peinture noire
Figure 9 – Induction de la bactérie Escherichia coli TBT3
avec l’eau de mer issu de la chambre de contact du dispositif
présenté figure 8. La peinture verte ne contient pas de TBT
comme biocide, la luminescence de la bactérie est très faible,
la peinture noire contient du TBT, la luminescence de la bactérie
est importante (bactérie induite). La solution contrôle de TBT
(témoin positif) permet de vérifier l’inductibilité
de la bactérie [22]
L’ensemble de nos travaux nous permettent de proposer un
moyen simple pour contrôler l’absence de TBT dans les
systèmes antisalissures et de vérifier l’application de la réglementation sans entraver le mouvement des bateaux et sans
endommager la peinture. Actuellement le contrôle pour vérifier le respect de la législation est basé sur la vérification du
certificat international du système antisalissure. À notre
connaissance, ce bioessai est le seul système biologique spécifique du TBT et du DBT.
Outre la mise en évidence du TBT dans les peintures, cet
essai peut être également utilisé pour vérifier la présence de
TBT et de DBT dans des déchets. En ce qui concerne l’eau de
mer, les concentrations sont trop faibles pour doser directement le TBT, un système de concentration devra être envisagé dans de futurs développements.
PRÉLÈVEMENT SUR LE TERRAIN
Contact avec
la coque
LABORATOIRE
Transfert au
laboratoire (4 oC)
Contact 1 heure
avec E. coli TBT3
1
2
Lecture au
luminomètre
3
Figure 10 – Résumé de la détection du TBT dans les peintures antisalissures par la bactérie Escherichia coli TBT3. Le prélèvement est
effectué sur la coque du navire, par diffusion du TBT dans le dispositif présenté figure 8 ou par abrasion d’un échantillon de peinture.
Le prélèvement est acheminé dans un laboratoire du port. Les bactéries lyophilisées sont régénérées pendant une demi-heure puis
mises en contact avec l’échantillon ; après incubation à 30 oC, la luminescence est analysée et comparée avec les solutions témoins
qui seront fournies [22]
8 - 2011
© Editions T.I.
IN 139 - 9
Téléchargement