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mécanismes de transmission analogues à ceux des marchés d'actifs: des stocks importants de
matières premières, spécialement agricoles, s’étaient constitués dans les années 1925-1929
alors que la production augmentait et que les prix baissaient (les produits primaires non-
alimentaires virent leurs prix baisser de plus de 25% par rapport aux prix industriels entre
1925 et 1929). La crise financière amena la révision des anticipations et la liquidation des
positions sur ces marchés, ce qui accéléra la chute des prix et la crise agricole aux Etats-Unis
et ailleurs. Etant donné le poids des fermiers dans l'économie, ceci joua sans doute un rôle
important dans le démarrage de la crise (chute de la demande des fermiers et chute de la
production du fait de faillites nombreuses). Des mécanismes similaires touchèrent nombre de
secteurs industriels où, devant des débouchés décroissants, les entreprises virent leurs stocks
augmenter, durent baisser leurs prix, et se trouvèrent en faillite même si leurs coûts variables
baissaient, dans la mesure où leurs coûts financiers restaient stables.
En théorie cependant, une crise de ce type ne peut pas durer longtemps du fait de l’existence
de mécanismes spontanés de retour vers la pleine activité, de sorte qu’à long terme les faillites
redistribuent de la richesse mais affectent peu le revenu national: un fermier qui fait faillite
ruine éventuellement ses créanciers, mais ceci ne l'empêche pas de recommencer à travailler,
éventuellement comme salarié agricole, avec une productivité identique : ni sa force physique
ni sa compétence ne sont affectées, de même que les machines et les terres n'ont pas disparues
ni ne sont devenues moins productives. Si certaines activités sont devenues durablement
moins rentables (par exemple, à la fin des années 1920, l'agriculture connaissait une
surproduction), les prix y baissent relativement à ceux des autres secteurs, ce qui réduit les
revenus et donc incite certains travailleurs à se tourner vers d'autres activités où ils seront
mieux rémunérés (et certains capitalistes à investir ailleurs leurs capitaux). De cette manière,
le plein emploi est vite rétabli.
Néanmoins, on constata dans les années 1930 un chômage massif. L'explication classique
consiste à dire que les salaires étaient rigides, c'est-à-dire que les travailleurs refusèrent la
baisse de salaire ou la mobilité vers une autre activité, ce qui les conduisit au chômage.
Keynes suggéra cependant que la baisse des salaires n’était pas une solution car,
indépendamment de ses coûts sociaux élevés, elle conduirait à une baisse de la demande qui
renforcerait la chute de la production, enclenchant un cercle vicieux de baisse du revenu et de
la production. Cette chute de la consommation pouvait selon lui être déclenchée par une
réaction des individus à un krach boursier selon un mécanisme d’effet de richesse : se
considérant comme plus pauvres, les détenteurs d'actifs financiers auraient cherché à
reconstituer leurs patrimoines en épargnant, ce qui aurait provoqué une baisse de leur