Politique de santé France Conjoncture La Sécu au secours de l’économie Les déficits publics explosent de toutes parts et aucune mesure sérieuse n’est réellement adoptée pour redresser la barre. Notre protection sociale joue un rôle de stabilisateur. Mais jusqu’à quand ? DR E « LA VRAIE RÉPONSE EST DE SOLLICITER LA CROISSANCE », ESTIME ERIC WOERTH, MINISTRE DU BUDGET. n matière budgétaire, les marges de manœuvre du gouvernement se réduisent au fil des semaines comme peau de chagrin. L’été aura été mis à profit pour faire et refaire les comptes de la crise, l’œil rivé sur une reprise que chacun espère rapide, mais qui tarde à produire des effets significatifs. En cette rentrée qui promet d’être agitée sur le front social, assurés sociaux et contribuables se trouvent une nouvelle fois face à des déficits abyssaux et des dépenses qui continuent de filer sans recettes suffisantes pour renverser le mouvement. Mi-août, le gouvernement constate bien une chute des recettes de l’Etat, mais il ne prévoit « évidemment pas d’augmentation d’impôts qui conduirait à rajouter de la crise à la crise », explique Eric Woerth sur TF1. La dégradation se poursuit Pourtant, fin juin, le déficit budgétaire de la France s’est creusé à 86,6 milliards d’euros, contre 32,8 milliards un an plus tôt. Le plan de relance et la crise qui réduit les recettes fiscales de près de 30 milliards d’euros en 10 PHARMACEUTIQUES -SEPTEMBRE 2009 sont les principales causes. Fin 2009, ce même déficit devrait se situer à quelque 130 milliards d’euros. « Des chiffres conformes à nos prévisions », précise le ministre pour qui la « vraie réponse est de « solliciter la croissance ». Reste que la chute de l’emploi salarié conduit mécaniquement à celle des recettes de la Sécu dont le déficit aura fort peu de chance d’être contenu dans les 10 milliards prévus initialement. Roselyne Bachelot, qui vient tout juste de boucler sa loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST), annonce que « l’effet de la crise économique conduit à dégrader le déficit du régime général de près de 10 milliards d’euros par rapport à l’objectif voté en loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 ». La note finale qu’il faudra bien payer un jour s’élèvera donc à 20 milliards d’euros en fin d’année, soit les déficits cumulés des années 2007 et 2008. Principale cause de ce nouveau trou, la baisse des recettes assises sur la masse salariale, pour un montant de 8 milliards d’euros. La dégradation qui se poursuit sur le front de l’emploi ne pourra que renforcer la tendance. Face à cette situation inédite, personne ne se risque à évoquer un quelconque changement dans le mode de financement de notre Sécu, ni le recours à une hausse des cotisations, de la CSG ou de la CRDS. « Le gouvernement ne souhaite ni augmenter les prélèvements obligatoires ni revenir sur les principes vertueux d’une gestion spécifique de la dette sociale au sein de la CADES1 », indique encore la ministre de la Santé. Ainsi, mois après mois, la petite musique des déficits continue à être jouée sur un bateau qui prend l’eau de toute part. Dernier moteur de croissance Pourtant, ici et là, des voix s’élèvent pour nous donner quelques raisons d’espérer. « La France bénéfice d’un système de protection sociale qui permet de protéger un minimum le pouvoir d’achat des ménages et de soutenir la consommation », explique dans Le Monde2, Henri Sterdyniak, directeur du département d’économie de la mondialisation à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et professeur associé à l’université Paris Dauphine. Alors que la France renoue, contre toute attente, avec la reprise économique au 2ème trimestre de l’année en cours – + 0,3 % de croissance selon l’INSEE, contre – 0,6 % attendus –, les économistes louent les vertus et les bienfaits du « welfare state », avec ses effets stabilisateurs sur le dernier moteur de croissance encore disponible dans le garage de nos économies faiblissantes, celui de la consommation. Il reste désormais à espérer que ce moteur reparte. ■ Jean-Jacques Cristofari (1) Caisse d’amortissement de la dette sociale, qui a repris 134,5 milliards d’euros de dettes de la Sécu et a lancé un nouvel emprunt de 33,1 milliards, mais sans hausse de la CRDS, ni reprise de la dette par l’Etat. (2) « Retour de la croissance : « Une divine surprise », plus qu’un signe de reprise », Le Monde du 13 août 2009.