Numismatique de l`Égée, Cos I - Académie des Inscriptions et Belles

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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de
l’Académie, de la part de son auteur, Vassiliki Stefanaki,
actuellement conservatrice chargée des monnaies grecques
au Musée numismatique d’Athènes, le livre qu’elle a rédigée
pendant ses années d’activité à l’Institut culturel de l’Egée,
où elle était chargée d’étudier les monnaies trouvées dans
les fouilles de Cos. D’où ce volume de 531 pages, intitulé (je
traduis du grec) Numismatique de l’Egée, Cos I (Athènes,
Musée de l’éducation et de la culture, TAPA, 2012). Le
volume Cos II présentera le corpus des monnaies d’époque
impériale.
Le tome I est une étude systématique des monnaies
d’argent (et d’électrum), entre le début du monnayage, à la
fin du VIe siècle, ou au début du Ve jusqu’à l’incorporation
de la cité dans la province d’Asie : elles sont classées selon
les méthodes que V. Stefanaki a apprises à Paris, par séries,
par émissions et par coins, avec une riche illustration ; le
volume comporte aussi un tableau complet du monnayage de bronze. Après un historique de la
cité, l’auteur reconstitue l’évolution de la production monétaire, puis elle donne une très utile
analyse de la circulation des monnaies de la cité à l’extérieur et de la venue des monnaies
étrangères. Suivent deux catalogues, celui des 2247 monnaies d’argent de Cos qu’elle a réunies à
travers le monde et celui de 575 monnaies trouvées dans les fouilles. Des tableaux dressent la liste
des monétaires, par ordre alphabétique, des trésors, de la répartition géographique et
chronologique des monnaies du musée de Cos
Deux annexes présentent un riche tableau des contextes de fouille, puis une petite série de
monnaies archaïques attribuées à tort à Cos. Un résumé en français, avec un tableau des émissions
permet au lecteur peu familier du grec moderne de prendre connaissance des acquis du volume.
Un regret : les 87 planches (qui ne sont pas numérotées à part) ne comportent que le n° d’ordre de
la monnaie, et il faut donc repasser par le catalogue pour identifier les séries et émissions.
La cité de Cos est née de la réunion, -du métoicisme pour employer le terme local,
correspondant au terme de synécisme à Athènes ou à Rhodes-, qui réunit en 366 les deux cités se
partageant jusqu’alors l’île. Mais le monnayage, qui est plus ancien, révèle qu’il existait déjà
auparavant une première forme d’union, sorte d’entente politique et monétaire, puisque les
premières monnaies à porter la légende KOS remontent au plus tard à l’année 480 et que l’île
apparaît unie dans les listes de tribut athénien. Ces premières monnaies présentent au droit la
superbe image d’un lanceur de disque campé en pleine action, devant un trépied où il faut
reconnaître le prix offert aux concours de l’hexapole dorique. Au revers un crabe qui sera le type de
Cos par excellence, comme la chouette à Athènes. Il existe d’autres monnaies au crabe, plus
anciennes, en électrum puis en bronze, dont V. Stefanaki pèse soigneusement les raisons de
l’attribution à Cos. La forme des poinçons au revers, l’emploi de l’étalon éginétique la décident
pour une réponse positive, qui reste évidemment hypothétique.
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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
lors des séances 2013 de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
Le grand monnayage de Cos apparaît lors de la rupture avec Athènes à la fin de la guerre du
Péloponnèse, donc avant le métoicisme. C’est maintenant un dieu qui occupe le droit, Héraclès,
mais la présence du crabe au revers marque la continuité. Chaque émission est désormais signalée
par un monétaire particulier. Les ressemblances avec le monnayage de Rhodes sont très
nombreuses, à commencer par le choix de l’étalon monétaire et par ses transformations : les deux
ateliers débutent par un tétradrachme qui culmine à 15,60 g (on parle alors d’étalon chiote), puis
descend très vite à 13,70 g (vers la fin du IVe siècle : on le désigne alors sous le nom de rhodien).
C’est avec ces pièces qu’était payé le tribut dû aux Perses. Le tétradrachme n’est pas toujours
frappé, il est souvent remplacé par des moitiés (didrachmes) ou même seulement par des
drachmes. La part croissante de ces fractions, dont l’importance aurait plutôt tendance à diminuer
ailleurs est une caractéristique monétaire caractéristique de la zone de la drachme rhodienne. La
régularité des émissions est impressionnante et semble bien devoir être interprétée, de même qu’à
Rhodes, comme un signe de la montée en puissance de la cité et de ses activités maritimes.
Dans cette continuité, notons seulement, au début de la série 7, c’est-à-dire sensiblement
au moment de la guerre des alliés à laquelle Cos prit une part active, le remplacement du crabe du
revers par l’image d’une tête féminine voilée. Celle-ci a été identifiée parfois comme un portrait
d’Artémise, épouse de Mausole, qui a effectivement joué un rôle dans cette guerre qui lui valut le
contrôle Cos. Mais il paraît préférable d’y reconnaître, même si elle ne porte pas de couronne
d’épis, la déesse Déméter, notamment parce que le type réapparaîtra plus tard. Il n’est pas
douteux que cette tête est un symbole ethnique, en alternance avec le crabe qui réapparaîtra plus
tard. L’évolution se poursuit jusqu’à la fin du IIIe siècle, sans être interrompue par le passage
d’Alexandre. Les périodes de guerres, de dépenses navales importantes, par exemple au moment
du conflit entre les Diadoques, se marquent par des émissions de tétradrachmes.
Cos est bien sûr l’île d’Asclépios, dont le sanctuaire se développe pendant cette période. En
242, la cité demande à l’ensemble du monde grec de reconnaître les Grandes Asclépieia comme un
concours panhellénique. L’affaire est connue par plus de quarante inscriptions. Paradoxalement,
sur les monnaies, le dieu apparaît plus tardivement. Les types n’ont rien d’original : la tête barbue,
laurée, du dieu est la même qu’ailleurs, tout comme le serpent lové autour du bâton d’Asclépios.
L’ethnique garantit l’attribution à Cos. Mais plus qu’un tournant de l’histoire du sanctuaire, le choix
de ce nouveau type, qui s’accompagne d’un changement du système monétaire, marque un
moment difficile de l’histoire de la cité, dans ces années de la fin du IIIe siècle où les rois de
Macédoine cherchent à s’emparer de la Carie. Les mêmes raisons expliquent la frappe, comme à
Rhodes, de magnifiques alexandres à flan large, reconnaissable au crabe et à la massue qui ont la
même signification que l’ethnique.
Dans cette période troublée, trois influences s’exercent sur la politique monétaire de Cos : à
la tradition locale s’ajoutent le besoin de monnaies panhelléniques, les alexandres, pour la guerre,
et les intérêts de la région financière autour de Rhodes, qui se traduit notamment par la frappe de
drachmes plinthophores. La frappe d’une brève série de tétradrachmes de poids attique avec la
tête d’Apollon et Asclépios debout appuyé sur son bâton (toutes du même droit), est sans doute à
mettre en relation avec la troisième guerre de Macédoine. Dorénavant, c’est la suprématie de
Rome qui sous-tend la politique monétaire de la cité.
Il faudrait suivre ce jeu passionnant des rapports entre l’histoire de la Méditerranée
orientale, la politique de Cos et les types monétaires jusqu’aux guerres civiles et à l’arrivée au
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Sélection d’ouvrages présentés en hommage
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pouvoir d’un aventurier du nom de Nicias. Ce que j’en ai dit montre assez la richesse du matériel
que V. Stéfanaki a mis à notre disposition et l’intérêt des perspectives variées qu’elle ouvre. Ce livre
est le fruit d’un travail monumental, qui apporte, après les premières études, moins complètes,
queIngvaldsen et Höghammar avaient consacrées à Cos, tout le matériel nécessaire pour
reconstituer l’histoire de la cité.
Olivier PICARD
Le 5 juillet 2013
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