■ Editorial ■ Economie ■ Obligations ■ Actions ■
… qui pousse les banques centrales à prendre
des mesures non-conventionnelles…
Des perspectives économiques en berne et une crise de la
dette toujours non résolue ont poussé les banques centrales
à prendre des mesures de politiques monétaires dites non
conventionnelles.
En lançant le 6 septembre dernier son nouveau programme
de rachat de dette souveraine, baptisé
Outright Monetary
Transactions
(OMT), la BCE a clairement manifesté son intention
ferme de réagir à l’environnement morose qui domine le
paysage économique de la zone euro. À travers l’OMT, l’objectif
affi ché de la BCE est de mettre un terme à la crise de la dette, de
réduire le coût de fi nancement des Etats membres demandeurs,
de rassurer les marchés fi nanciers et de souligner la solidarité
qui existe entre l’Union européenne et ses membres. L’annonce
de ce nouveau programme n’a pas vraiment surpris les acteurs
des marchés fi nanciers. En revanche, ce qui a été beaucoup plus
inattendu, ce sont les détails qui ont été révélés quant à sa mise
en œuvre : La BCE pourra acheter sur le marché secondaire des
obligations d’Etat d’une maturité allant de 1 à 3 ans et ce sans
limite quantitative. La BCE a souligné que toutes ces opérations
de rachat seraient stérilisées. En ciblant des obligations à
maturité courte et en stérilisant les opérations de rachat, la
BCE reste en cohérence avec les traités européens et évite ainsi
toute accusation de monétisation des défi cits publics des Etats
membres. Le rachat de dette souveraine par la BCE ne sera
possible qu’à la seule condition que l’Etat membre de la zone
euro souhaitant en bénéfi cier fasse préalablement une demande
d’aide offi cielle au Fonds européen de stabilité fi nancière (FESF)/
Mécanisme européen de stabilité (MES). Cette conditionnalité
permet surtout d’aligner les intérêts des Etats demandeurs sur
ceux de la BCE. Pour les obligations d’Etat que la BCE achètera
sur le marché secondaire, la BCE a accepté un traitement
en pari
passu
(pas de séniorité) avec les créanciers privés.
Un peu moins d’une semaine après l’annonce de la BCE, la
Fed a également donné un coup de pouce plutôt inattendu et
opportun à l’économie américaine en effectuant un troisième
Quantitative Easing
(QE), c’est-à-dire un nouveau programme
de rachat d’actifs immobiliers titrisés (MBS). Ce troisième QE se
distingue de ses deux prédécesseurs notamment par l’absence
d’un calendrier fi xe, ainsi que par des rachats en principe
illimités. On souligne ici le « en principe », car les rachats d’actifs
ne devront pas dépasser un montant global de 40 milliards de
dollars par mois. En parallèle, la Fed a aussi pris la décision de
prolonger jusqu’à la fi n de l’année 2012 son programme
Twist
,
lequel consiste en l’achat de bons du Trésor à maturité longue et
à la vente simultanée de bons du Trésor à maturité courte. Ainsi,
le montant total mensuel des titres à maturité longue acquises
par la Fed s’élèvera à 85 milliards de dollars. Les effets de cet
assouplissement monétaire seront principalement transmis via
le canal des prix d’actifs et non pas via le canal du crédit, ce
dernier étant totalement bloqué suite au désendettement des
N0 04/2012
ménages américains et à la faiblesse des investissements privés.
En théorie, à travers le canal du prix des actifs, et plus précisément
à travers le ratio Q de Tobin, l’assouplissement monétaire
mené par la Fed va provoquer une hausse du prix des actions,
réduisant le coût des fonds propres des entreprises et rendant
plus attractive l’émission d’actions nouvelles. Plus simplement,
à travers ce canal de transmission, le QE est potentiellement
capable de stimuler l’investissement des entreprises. Notons que
la consommation domestique peut également profi ter du QE
et ainsi augmenter du fait des effets de richesses. Par effets de
richesses, on sous-entend le fait que la hausse du prix des actifs
valorise le patrimoine des ménages et par conséquent pousse à
la hausse leur consommation.
Au courant du mois de septembre, la Banque centrale du
Japon (BOJ) a également entrepris de nouvelles mesures non
conventionnelles. Étant donné la décélération majeure de
l’activité économique mondiale et afi n de relancer son économie,
la BOJ a décidé de procéder à un nouvel assouplissement
quantitatif en augmentant son programme de rachat de dette de
10.000 milliards de yens, portant ainsi la capacité fi nancière de
ce dernier à 80.000 milliards de yens. En agissant de cette façon,
la BOJ cherche à infl uencer à la baisse les taux d’intérêt à long
terme afi n de faciliter les prêts bancaires et donc de stimuler la
consommation domestique.
… dont les effets et les conséquences sont
encore pour l’essentiel mal connus
Ces nouvelles mesures non-conventionnelles ont été saluées par
une partie des investisseurs et l’effet d’annonce a positivement
impacté les marchés fi nanciers, notamment en provoquant
une détente des taux souverains d’un certain nombre de pays,
tels que l’Espagne ou l’Italie, vis-à-vis de ceux de l’Allemagne.
Même si ces effets directs des annonces récentes de la BCE et
de la Fed semblent s’atténuer de jour en jour, nombreux sont
les économistes à espérer que les actions des banques centrales
vont à terme contribuer, certes modestement, à un rebond
de la croissance économique pour 2013. Ces espoirs doivent
cependant être appréciés avec une certaine prudence, car les
effets et les conséquences à terme de ces nouveaux programmes
sont encore mal connus et ce n’est que dans les prochains mois
que nous pourrons juger de leur effi cacité.
D’une manière générale, le nouveau programme de rachat OMT
a fortement apaisé les inquiétudes des investisseurs au sujet de
l’Europe et nous observons une réduction du
tail risk
de la zone
euro, c’est-à-dire une baisse de la probabilité de survenance
de scénarios défavorables extrêmes, amplifi ant ainsi l’effet
d’annonce de ces mesures.