EU R OP N FUNDS T EA RO Y PH P ANORAMA F INANCIER Sommaire Editorial Economie Obligations Actions Quelle efficacité de la politique monétaire non-conventionnelle ? A la recherche du rendement perdu Sous l’impulsion des banques centrales photo : Dr Yves WAGNER PANORAMA FINANCIER N0 04/2012 PA N O R A M A F I N A N C I E R N0 04/2012 Les Economies bientôt noyées Editorial Il ne semble pas que les économies dites développées soient prêtes à redémarrer. Les indicateurs précurseurs sont, de façon générale, orientés à la baisse. De nombreux pays se retrouvent bloqués dans une spirale déficits/ récessions, l’année 2013 ne semblant pas apporter de redressement notable. Les pouvoirs politiques se trouvent dos au mur. Une hausse de la demande globale par des dépenses publiques n’est guère envisageable, le marasme économique ne permettant déjà plus aujourd’hui de financer les dépenses existantes en raison des baisses des recettes fiscales. Un rééquilibrage des finances publiques par une hausse des recettes est aussi dangereuse par son effet dépressif sur la consommation privée. Politiques budgétaires et politiques fiscales n’ont plus de marge de manœuvre. L’accent est donc mis sur des politiques monétaires peu orthodoxes qui, à court terme, peuvent au moins calmer les marchés financiers. Mais ces politiques de liquidités illimitées risquent de noyer les économies : les effets réels à court terme sont quasi inexistants, les effets monétaires à long terme inconnus. Nous ne voyons pas encore le bout du tunnel. Dr Yves WAGNER 6A, rue Goethe, L-1637 Luxembourg, Tel.: (+352) 26 895-1, Fax: (+352) 26 895-24 e-mail: [email protected], www.bcee-assetmanagement.lu P ANORAMA F INANCIER N0 04/2012 Quelle efficacité de la politique monétaire non-conventionnelle ? Un contexte économique et politique préoccupant … Au début du mois de juillet dernier, nombreux étaient encore ceux qui pensaient qu’une sortie de la Grèce de la zone euro était proche ou qui envisageaient que l’Espagne allait se diriger vers une crise de solvabilité inévitable, créant une atmosphère de doute et d’inquiétude. Ce n’est que vers la fin du mois de juillet que les premiers signes d’apaisement sont apparus, avec notamment les discours du président de l’Eurogroupe, Monsieur Jean-Claude Juncker, et du président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi. Le premier a clairement précisé qu’une éventuelle sortie de la Grèce était gérable, mais non souhaitable, alors que le second a fermement affiché son intention de tout mettre en œuvre pour éviter un éventuel éclatement de l’Union économique et monétaire (UEM) et pour sauver la monnaie unique, symbole de la coopération européenne. Malgré l’accalmie apparente provoquée par ces discours, les perspectives de croissance resteront faibles voire inexistantes pour une majorité de pays européens, mais également pour de nombreux pays se trouvant en dehors de nos frontières européennes. Modération, tel a été le maître-mot des perspectives de croissance mondiale au début du mois de septembre. Les indicateurs composites avancés de l’OCDE, dont le but principal est d’anticiper les points de retournements de l’activité économique par rapport à sa tendance, mettent en lumière une progression modérée, voire un ralentissement persistant de la croissance pour bon nombre de pays de l’OCDE. Au cours de ces derniers mois, les économies émergentes, Etats-Unis: indice manufacturier des directeurs d'achats Indicateurs composites avancés de l'OCDE (Données mensuelles corrigées des amplitudes, base 100=2004) 200 200 150 150 100 100 50 50 0 0 -50 -50 -100 -100 -150 -150 -200 2004 Rebase Rebase Rebase Rebase 2005 CLI CLI CLI CLI 2006 2007 LEADING INDICATOR TREND LEADING INDICATOR TREND LEADING INDICATOR TREND LEADING INDICATOR TREND 2008 RESTORED RESTORED RESTORED RESTORED 2009 : : : : telles que la Chine, ont certes connu un ralentissement de leur croissance, mais ont beaucoup mieux résisté aux conditions économiques défavorables comparativement aux pays développés de l’OCDE. L’indicateur mesurant l’activité globale de l’économie nippone est en net repli et ce pour le quatrième mois d’affilée. Que ce soient les indicateurs précurseurs de l’OCDE, les indicateurs de confiance de la Commission européenne ou l’indice PMI composite, tous pointent vers une dégradation de l’activité économique en zone euro pour la période juilletseptembre. L’indice PMI composite est passé de 46,3 points en août à 45,9 points en septembre, ce qui correspond à la plus forte contraction de l’économie en zone euro depuis juin 2009. Les Etats-Unis ont également dû faire face à un ralentissement global de leur économie. Même si l’indice ISM manufacturier n’a que légèrement baissé en août (-1,2% par rapport au mois de juillet) et s’est redressé par la suite, certaines de ses composantes (nouvelles commandes, indice des stocks, …) se sont avérées décevantes, annonçant une moindre production future. Étant donnée une économie américaine déjà faible, le fiscal cliff ou mur budgétaire, attendu pour le début de l’année 2013 et marquant l’expiration des exonérations fiscales et des exemptions d’impôt concédés sous l’ère George W. Bush, combinée à d’importantes coupes budgétaires automatiques, aura également un impact significatif sur les ménages les plus modestes en augmentant de manière exponentielle les pressions actuelles sur le revenu disponible de ces derniers. À terme, en l’absence de décisions correctrices, l’effet néfaste du fiscal cliff sur la croissance américaine est indéniable. 2010 2011 -200 Japan to 100 United States to 100 Euro Area to 100 China to 100 65 65 50% = Level consistent with expansin/contraction in manufacturing sector 60 60 55 55 50 50 45 45 40 40 35 30 00 02 04 06 08 10 ISM PURCHASING MANAGERS INDEX (MFG SURVEY) : United States Editorial ■ Economie 30 12 42.5 50 Source: Thomson Reuters Datastream Source: Thomson Reuters Datastream ■ 35 42,5% = Level consistent with expansion/contraction in aggregate economy ■ Obligations ■ Actions ■ P ANORAMA F INANCIER N0 04/2012 … qui pousse les banques centrales à prendre des mesures non-conventionnelles… Des perspectives économiques en berne et une crise de la dette toujours non résolue ont poussé les banques centrales à prendre des mesures de politiques monétaires dites non conventionnelles. En lançant le 6 septembre dernier son nouveau programme de rachat de dette souveraine, baptisé Outright Monetary Transactions (OMT), la BCE a clairement manifesté son intention ferme de réagir à l’environnement morose qui domine le paysage économique de la zone euro. À travers l’OMT, l’objectif affiché de la BCE est de mettre un terme à la crise de la dette, de réduire le coût de financement des Etats membres demandeurs, de rassurer les marchés financiers et de souligner la solidarité qui existe entre l’Union européenne et ses membres. L’annonce de ce nouveau programme n’a pas vraiment surpris les acteurs des marchés financiers. En revanche, ce qui a été beaucoup plus inattendu, ce sont les détails qui ont été révélés quant à sa mise en œuvre : La BCE pourra acheter sur le marché secondaire des obligations d’Etat d’une maturité allant de 1 à 3 ans et ce sans limite quantitative. La BCE a souligné que toutes ces opérations de rachat seraient stérilisées. En ciblant des obligations à maturité courte et en stérilisant les opérations de rachat, la BCE reste en cohérence avec les traités européens et évite ainsi toute accusation de monétisation des déficits publics des Etats membres. Le rachat de dette souveraine par la BCE ne sera possible qu’à la seule condition que l’Etat membre de la zone euro souhaitant en bénéficier fasse préalablement une demande d’aide officielle au Fonds européen de stabilité financière (FESF)/ Mécanisme européen de stabilité (MES). Cette conditionnalité permet surtout d’aligner les intérêts des Etats demandeurs sur ceux de la BCE. Pour les obligations d’Etat que la BCE achètera sur le marché secondaire, la BCE a accepté un traitement en pari passu (pas de séniorité) avec les créanciers privés. Un peu moins d’une semaine après l’annonce de la BCE, la Fed a également donné un coup de pouce plutôt inattendu et opportun à l’économie américaine en effectuant un troisième Quantitative Easing (QE), c’est-à-dire un nouveau programme de rachat d’actifs immobiliers titrisés (MBS). Ce troisième QE se distingue de ses deux prédécesseurs notamment par l’absence d’un calendrier fixe, ainsi que par des rachats en principe illimités. On souligne ici le « en principe », car les rachats d’actifs ne devront pas dépasser un montant global de 40 milliards de dollars par mois. En parallèle, la Fed a aussi pris la décision de prolonger jusqu’à la fin de l’année 2012 son programme Twist, lequel consiste en l’achat de bons du Trésor à maturité longue et à la vente simultanée de bons du Trésor à maturité courte. Ainsi, le montant total mensuel des titres à maturité longue acquises par la Fed s’élèvera à 85 milliards de dollars. Les effets de cet assouplissement monétaire seront principalement transmis via le canal des prix d’actifs et non pas via le canal du crédit, ce dernier étant totalement bloqué suite au désendettement des ■ Editorial ■ ménages américains et à la faiblesse des investissements privés. En théorie, à travers le canal du prix des actifs, et plus précisément à travers le ratio Q de Tobin, l’assouplissement monétaire mené par la Fed va provoquer une hausse du prix des actions, réduisant le coût des fonds propres des entreprises et rendant plus attractive l’émission d’actions nouvelles. Plus simplement, à travers ce canal de transmission, le QE est potentiellement capable de stimuler l’investissement des entreprises. Notons que la consommation domestique peut également profiter du QE et ainsi augmenter du fait des effets de richesses. Par effets de richesses, on sous-entend le fait que la hausse du prix des actifs valorise le patrimoine des ménages et par conséquent pousse à la hausse leur consommation. Au courant du mois de septembre, la Banque centrale du Japon (BOJ) a également entrepris de nouvelles mesures non conventionnelles. Étant donné la décélération majeure de l’activité économique mondiale et afin de relancer son économie, la BOJ a décidé de procéder à un nouvel assouplissement quantitatif en augmentant son programme de rachat de dette de 10.000 milliards de yens, portant ainsi la capacité financière de ce dernier à 80.000 milliards de yens. En agissant de cette façon, la BOJ cherche à influencer à la baisse les taux d’intérêt à long terme afin de faciliter les prêts bancaires et donc de stimuler la consommation domestique. … dont les effets et les conséquences sont encore pour l’essentiel mal connus Ces nouvelles mesures non-conventionnelles ont été saluées par une partie des investisseurs et l’effet d’annonce a positivement impacté les marchés financiers, notamment en provoquant une détente des taux souverains d’un certain nombre de pays, tels que l’Espagne ou l’Italie, vis-à-vis de ceux de l’Allemagne. Même si ces effets directs des annonces récentes de la BCE et de la Fed semblent s’atténuer de jour en jour, nombreux sont les économistes à espérer que les actions des banques centrales vont à terme contribuer, certes modestement, à un rebond de la croissance économique pour 2013. Ces espoirs doivent cependant être appréciés avec une certaine prudence, car les effets et les conséquences à terme de ces nouveaux programmes sont encore mal connus et ce n’est que dans les prochains mois que nous pourrons juger de leur efficacité. D’une manière générale, le nouveau programme de rachat OMT a fortement apaisé les inquiétudes des investisseurs au sujet de l’Europe et nous observons une réduction du tail risk de la zone euro, c’est-à-dire une baisse de la probabilité de survenance de scénarios défavorables extrêmes, amplifiant ainsi l’effet d’annonce de ces mesures. Economie ■ Obligations ■ Actions ■ P ANORAMA F INANCIER N0 04/2012 d’année et même baisser en deçà des 2% au cours de l’année prochaine. Etats-Unis: Anticipations d'inflation dérivées des TIPS vs Inflation observée Rendement d'un Treasury maturité 5 ans - Rendement d'une obligation avec coupon annexé sur l'inflation Annonce d'une 3ème tranche de Quantitative Easing provoquant une reprise des anticipations d'inflation 3 3 2 2 1 1 0 0 Préannonce de la 2ème tranche de Quantitative Easing provoque une reprise des anticipations d'inflation -1 -1 Anticipations d'inflation Déflateur des dépenses de consommation (hors énergie et alimentation) Core CPI -2 -3 03 04 05 06 07 08 09 10 -2 11 12 -3 Source: Thomson Reuters Datastream En outre, les mesures annoncées par la BCE ne devraient pas non plus entraîner un regain des tensions inflationnistes. Les chiffres récents et les propos tenus par la BCE début septembre indiquent que les anticipations d’inflation devraient rester stables d’ici la fin d’année. Les prévisions montrent que l’inflation en zone euro devrait se maintenir légèrement au-dessus des 2% jusqu’à la fin Les regards des investisseurs sont actuellement davantage braqués sur les Etats-Unis que sur l’Europe. Nombreux sont les investisseurs à penser que les Etats-Unis font actuellement face à des problèmes qui ne relèvent pas forcément de la politique monétaire. La politique monétaire accommodante menée par la Fed a beaucoup surpris les investisseurs, car elle ne peut avoir d’impact significatif sur l’économie réelle, étant donné qu’elle essaye de résoudre des problèmes d’ordre structurel à partir d’outils principalement destinés à la résorption d’obstacles qui sont plutôt cycliques. Ces diverses craintes se reflètent dans le regain récent des tensions inflationnistes et on peut penser que la Fed va devoir dans un futur proche accepter davantage d’inflation si cette dernière souhaite relancer la machine américaine. Il est tout à fait envisageable à ce que la croissance américaine reste faible au courant de l’année 2013. Le Japon, quant à lui, reste fortement fragilisé par le contexte économico-financier mondial du fait que la croissance nippone dépend en partie de ses exportations. En dépit des efforts consentis par les autorités japonaises en matière de politique monétaire afin de stimuler l’activité économique et en nous basant sur l’enquête trimestrielle Tankan, il semblerait que l’économie japonaise restera atone d’ici la fin d’année et qu’une nouvelle intervention de la BOJ n’est pas à exclure pour les mois à venir. William TELKES Obligations : à la recherche du rendement perdu Les grands thèmes des marchés obligataires sont restés les mêmes au cours du trimestre passé, seules les propositions de solutions à ces problèmes ont évolué et ainsi provoqué des réactions des marchés. Pour l’investisseur, le défi était de trouver du rendement sans pour autant s’exposer à des risques trop élevés, comme par exemple en investissant dans des titres dont les pays émetteurs pouvaient se retrouver à la une de la presse avec des problèmes de solvabilité. La perception du risque a changé au fur et à mesure des décisions des banques centrales, et en fin de trimestre, de façon générale, les anticipations d’une explosion de la zone euro ou d’une sortie d’un pays ont fortement baissé. Ceci est dû à un regain de crédibilité des instances politiques, et à une anticipation des impacts des décisions des banques centrales. Les conséquences sur les marchés étaient que la demande pour les titres qui servaient de refuge diminuait tandis que ceux des pays en difficultés étaient de nouveau demandés. Aux Etats-Unis La pente de la courbe des rendements des obligations gouvernementales en USD s’est légèrement accentuée au cours du dernier trimestre. Si les taux très courts n’ont que faiblement bougé, c’est surtout le rendement de l’échéance 5 ans qui a connu une ■ Editorial ■ Economie baisse. En même temps, le rendement des échéances longues, tel le 10 ans et surtout le 30 ans a affiché une légère hausse. Le point de rotation de la courbe s’est situé autour de l’échéance des 7 ans. Comme par le passé, la forme de la courbe obligataire est essentiellement un résultat des mesures politiques mises en place. L’annonce d’un nouvel assouplissement quantitatif, le troisième de ce nom, était attendue par les marchés. Néanmoins, aux yeux des investisseurs, cette nouvelle démarche correspond à un abandon de la cible de l’inflation fixée à 2% en début d’année. Ainsi, en anticipant une inflation plus élevée, les rendements longs se sont orientés à la hausse, tandis que les taux courts restaient « cloués » par la volonté de la Fed de maintenir les taux courts à des niveaux très faibles pendant une période prolongée. Le plafond de la dette et le prolongement ou non des avantages fiscaux introduits par le président Bush junior semblent les thèmes certes récurrents, mais apparemment pas prioritaires pour les ÉtatsUnis avant les élections présidentielles. La gestion de la situation de l’endettement, même si elle aura lieu tardivement, se fera du moins en partie par monétisation, ce qui pour les porteurs de titres de dette américaine est une mauvaise nouvelle. D’ailleurs cette monétisation a déjà officiellement commencé par l’annonce du « quantitatif easing 3 » par l’abandon d’une cible d’inflation maximale. ■ Obligations ■ Actions ■ P ANORAMA F INANCIER Aux Etats-Unis N0 04/2012 En Europe Etats-Unis: Anticipations d'inflation dérivées des TIPS 2,8 2,8 2,6 2,6 2,4 2,4 2,2 2,2 2,0 2,0 1,8 1,8 1,6 1,6 1,4 o n 2011 d j f m a m 2012 j j a s Zone euro: Rendement des obligations à 2 ans 7 7 6 6 5 5 4 4 3 3 2 2 1,4 1 Rendement d'un Treasury maturité 5 ans - Rendement d'une obligation avec coupon annexé sur l'inflation Rendement d'un Treasury maturité 10 ans - Rendement d'une obligation avec coupon annexé sur l'inflation avr. 12 mai 12 Espagne juin 12 juil. 12 août 12 En ce qui concerne les obligations privées, elles offrent plus de rendement, mais sont souvent peu liquides et surtout leur prime de risque (c’est-à-dire le surplus de rendement par rapport aux obligations d’état) est relativement faible. Avec une économie en demi-teinte aux États-Unis, les bénéfices des entreprises pourraient être affectés et ainsi, à moyen terme, la prime de risque devrait s’élargir. De nombreux Etats européens émettent également des obligations libellées en USD, et les émissions des Etats de bonne qualité (Autriche; Pays-Bas) ou des organismes qui en dépendent nous semblent très intéressantes. En Europe Après un véritable rallye des échéances courtes de l’Espagne et de l’Italie, suite à la déclaration de la Banque centrale européenne de Source: Thomson Reuters Datastream pouvoir racheter des titres courts sans limitation dans le temps, le doute s’est installé sur la volonté espagnole de se faire aider et la négociation tourne autour des conditions de ce programme d’aide. En cas de demande officielle d’aide de l’Espagne, ce qui d’une façon ou d’une autre est notre scénario principal, cette contraction des primes de risque sur le court terme espagnol devrait continuer. En même temps, l’effet sur les obligations plus longues nous semble plus incertain et dépendra surtout de la confiance des investisseurs dans un plan d’austérité qui permettrait à l’Espagne à moyen terme de retrouver son indépendance financière. Les obligations de bonne qualité commencent à perdre leur prime de « valeur de refuge », ce qui explique la hausse du rendement du Bund de 1,16% à 1,70%. Néanmoins, malgré les craintes de nombreux investisseurs surtout allemands, les attentes inflationnistes restent actuellement ancrées, ce qui nous fait penser que la courbe allemande n’évoluera que faiblement dans un futur proche. Il en sera de même pour les courbes des pays qui en dépendent, telles les PaysBas ou l’Autriche. Zone euro: Prime de risque de la France par rapport à l'Allemagne 2,0 2,0 1,5 1,5 1,0 1,0 Zone euro: Primes de risque des corporates (émetteurs BBB privés par rapport aux émetteurs AAA souverains) 10 10 8 8 6 6 4 4 2 2 0,5 0,5 0,0 1 Italie Source: Thomson Reuters Datastream Ainsi, éviter des investissements en obligations étatiques américaines nous semble toujours adapté, à moins de recourir aux emprunts liés à l’inflation qui devraient, en cas de monétisation, largement surperformer les emprunts traditionnels. sept. 12 2009 2010 2011 2012 0,0 Prime de risque de la France par rapport à l'Allemagne (10 ans) 0 2008 1-3 ans 2009 3-5 ans 2010 Editorial ■ Economie ■ 2012 0 7-10 ans Source: Thomson Reuters Datastream ■ 2011 Source: Thomson Reuters Datastream Obligations ■ Actions ■ P ANORAMA F INANCIER N0 04/2012 Un cas à part nous semblent être les emprunts étatiques français. La situation du pays et surtout l’apparente absence de volonté de mettre en place les reformes nécessaires pour améliorer la compétitivité-coût de la France inquiètent et devraient se refléter à un moment donné sur les marchés. En effet, en France la compétitivité-coût continue de se dégrader alors que les pays comme l’Espagne et le Portugal ont réussi à inverser la tendance. Si en termes de perception du marché, la France a beaucoup profité de sa proximité politique de l’Allemagne, il nous semble que ces temps soient désormais révolus. Ainsi, malgré le surplus de rendement offert par rapport à l’Allemagne, nous pensons que les obligations françaises vont continuer à se dégrader. Au niveau des obligations « corporate », la course au rendement se poursuit actuellement: les investisseurs se ruent sur des titres dont les caractéristiques financières perçues ou réelles offrent un certain confort, faisant baisser ainsi les primes de risque à des niveaux très bas. Nous pensons néanmoins que la décélération de la croissance mondiale aura des répercussions sur les bénéfices des entreprises et devrait ainsi contribuer à faire remonter les primes de risque des émetteurs privés. Il convient dès lors de limiter les investissements à des durations relativement courtes, inférieures à 5 ans, pour en éviter les impacts sur les portefeuilles. Carlo STRONCK Actions : sous l’impulsion des banques centrales Lors du précédent Panorama Financier au mois de juillet, nous estimions que la valorisation du marché actions et l’attractivité par rapport aux obligations justifiaient une attitude moins prudente sur la classe d’actifs des actions. Nous soulignions aussi que de nouvelles interventions de la Fed et de la BCE feraient reculer l’aversion au risque. Les marchés nous ont donné raison, nous avons même été surpris par l’amplitude et la vitesse du rebond. Car ne nous le cachons pas, la remontée des indices actions s’explique, non pas par une amélioration des fondamentaux économiques, mais bien par une baisse de l’aversion pour le risque, pilotée par des banques centrales omniprésentes. Nous repassons neutre sur les marchés. Certes le tableau économique n’a rien d’encourageant, en Europe avec la récession qui commence, aux US avec le fiscal cliff et enfin dans les pays émergents qui ne retrouvent pas leur croissance passée. Néanmoins, le risque de crise systémique en Europe est écarté et les banques centrales vont imprimer en masse. Nous augmentons donc notre pondération sur l’Europe, sur les Matières premières, l’Energie, les Aurifères. Evolution récente Dans des volumes en forte hausse depuis la rentrée, les marchés actions ont donc bien rebondi depuis début juin. Depuis cette date, le Stoxx 600 et le S&P 500 progressent respectivement de près de 17% et 10% en euro, et ont touché leurs plus hauts annuels. Les résistances annuelles du mois de mars ont été cassées et le S&P 500 n’est plus qu’à 7% des plus hauts de 2007 (certes encore 45% pour le Stoxx600…) et le Nasdaq, l’indice technologique américain est revenu sur ces niveaux du début des années 2000. Cette hausse s’accompagne d’une prise de risque en hausse de la part des investisseurs. On observe par exemple une surperformance des petites capitalisations par rapport aux grandes, des valeurs Cycliques contre les Défensives, de l’Europe par rapport au reste du monde, et enfin des titres Values fortement exposés aux marchés domestiques européens. Les marchés actions restent néanmoins pénalisés par les incertitudes économiques. Même si le risque systémique est écarté, la crise des dettes souveraines européennes est loin d’être résolue. Les perspectives conjoncturelles de la zone euro ne sont de plus pas très favorables. Il est probable qu’après le recul de l’activité constaté au printemps, le PIB agrégé de la zone se Monde: Indices actions régionaux (MSCI en EUR) 120 Monde: Prime de risque sur les actions 120 115 115 110 110 10 8 8 6 6 4 4 2 2 105 00 02 04 95 100 juin 2012 MSCI MSCI MSCI MSCI juil. 2012 août 2012 sept. 2012 95 USA U$ (E) EUROPE U$ (E) EM ASIA U$ (E) WORLD U$ (E) 06 08 10 20 15 10 10 5 5 0 0 00 02 04 06 08 10 Source: Thomson Reuters Datastream Editorial ■ Economie 0 15 -5 ■ 12 Zone euro 20 100 12 10 0 105 Etats-Unis 12 12 -5 Source: Thomson Reuters Datastream ■ Obligations ■ Actions ■ P ANORAMA F INANCIER N0 04/2012 contracte au troisième trimestre. Il est, de plus, difficile d’attendre un rebond significatif de l’activité en fin d’année, surtout dans un contexte où les pays de la zone qui avaient « résisté » jusqu’au premier semestre de l’année commencent à ralentir. La situation n’est guère plus optimiste aux Etats-Unis avec l’incertitude du fiscal cliff et des pays émergents dont la croissance est toujours orientée à la baisse. C’est donc bien une baisse de la prime de risque sur les actions qui explique une grande partie de la remontée des cours et non pas des perspectives économiques court ou moyen terme. Enfin, il est important de s’attarder sur un des drivers les plus importants des marchés actions : Les banques centrales. Les principales, Fed, BCE, BOJ, BOE, ont poursuivi ou initié des opérations de rachat d’actifs, inondant le monde financier de liquidités. Nous avions déjà souligné la forte corrélation entre l’augmentation du bilan des banques centrales et la progressions des marchés ces dernières années. Il est intéressant pour les mois à venir de se demander à qui profiteront le plus ces nouvelles opérations des banquiers centraux. Les dernières opérations de ce type avaient permis une forte appréciation des matières premières. Les métaux précieux que nous illustrons à droite en haut en sont un parfait exemple : Nous sommes donc poussés à revenir sur deux secteurs délaissés par les marchés depuis 2 ans : les Materials et Energy. De plus, les derniers programmes d’infrastructures lancés par les chinois devraient aussi soutenir cette tendance. Sur les deux graphiques à droite, on voit bien que ces deux secteurs ont profité des deux précédentes opérations de la Fed américaine : Prix Métaux Rebasé sur 1 an 130 130 Gold Palladium Silver Copper Platinum 120 120 110 110 100 100 90 90 80 o n 2011 d j f m a m j j a s 80 o 2012 Source: Thomson Reuters Datastream MSCI Performances Secteurs-QE 1 Basic Materials Info Technology Consumer Discretionary Industrials Consumer Staples Pour les métaux industriels, la situation est plus variée. La tension entre offre et demande reste primordiale, mais il est clair que certaines situations vont se modifier. Le prix du minerai de fer par exemple semble avoir stoppé sa très forte chute estivale en rebondissant vers les 85$/tonne pour s’établir vers les 100$. En conclusion, on peut donc imaginer que les marchés ont touché un point bas sur les Commodities et que, dans le sillage de l’affaiblissement du dollar, l’élan des banques centrales et les programmes d’infrastructures chinois permettront de s’affranchir d’une situation économique peu porteuse. MSCI World Health Care Energy Telecoms Financials Utilities -10 0 10 Performance QE 1 20 30 40 Novembre 2008- Mars 2010 Source: Thomson Reuters Datastream Valorisation Après une saison des résultats du deuxième trimestre plutôt rassurante vu le contexte économique, il est important de constater que le cycle de révision des earnings pour 2012 s’est calmé. D’un consensus niveau monde à +10,6% au mois de juin, la croissance des earnings est attendue à +5,4% maintenant. Les ventes sont attendues en croissance de +5% après une progression de +10% en 2011, reflétant sans surprise un état de l’économie morose. Le secteur des Materials et Energie ont guidé ce cycle de révision, mais aussi certains sous-secteurs de la Technologie comme les semi-conducteurs et vendeurs d’ordinateurs. Régionalement, c’est le Royaume-Uni, l’Europe et les pays émergents qui ont été respectivement les plus affectés. Il est intéressant de noter que l’estimation de la croissance des dividendes est de 6,3% pour 2012, soit un niveau supérieur à l’estimation de croissance des résultats. MSCI Performances Secteurs-QE 2 Energy Health Care Consumer Discretionary Basic Materials Industrials Info Technology Consumer Staples MSCI World Telecoms Financials Utilities -5 0 5 10 15 20 25 30 Performance QE 2 Aout 2010 - Juin 2011 Source: Thomson Reuters Datastream ■ Editorial ■ Grand Angle ■ Economie ■ Obligations ■ Actions ■ P ANORAMA F INANCIER N0 04/2012 Avec la baisse de la prime de risque, nous observons une expansion des multiples, une tendance qui devrait perdurer de notre point de vue. Le marché se paie en moyenne avec P/E de 13x 2012 et 11,5x 2013. On était au début de l’été à respectivement 11,5x et 10,6x, bien aidé par un « P » (le prix des actions) en hausse et « E » (prévision de résultats des entreprises) en baisse… Mais s’il n’y a plus trop de mauvaises surprises à attendre pour 2012, le consensus pour 2013 reste de notre point de vue beaucoup trop haut. Il n’a pratiquement pas évolué à 11,3% pour les US et 12,8% pour l’Europe, ce qui aux vues des prévisions économiques pour les deux zones paraît très difficile. Les investisseurs optimistes pourront toujours souligner que le dernier cycle de révision des résultats n’a eu aucun effet sur les marchés, la concurrence des banques centrales étant difficile à battre….. Evolution de la prévision de croissance des bénéfices S&P 500 et Stoxx 600 13 13 11,2% 12 12 11 11 10 10 9 9 8 8 6,31% 7 6 févr. mars avr. mai juin 2012 IBES S&P 500 COMPOSITE - 2012 juil. août sept. 7 6 oct. IBES S&P 500 COMPOSITE - 2013 12,84% 15 15 10 10 5 5 0 0 -2,265% -5 févr. mars avr. mai IBES STOXX (EURO) - 2012 juin 2012 juil. août sept. -5 oct. IBES STOXX (EURO) - 2013 Source: Thomson Reuters Datastream Regional earnings momentum 10 test Earnings momentum* - 3m moving average 10 0 0 -10 -20 -30 -10 Europe U.S. Japan Far East ex Japan 05 06 07 -20 08 09 10 11 12 -30 Source: Thomson Reuters Datastream Nous observons enfin que l’earnings momentum (graphique à gauche en bas) reste néanmoins mal orienté. La moyenne mobile 3 mois, la ligne bleue, était en constante hausse depuis mi-2011. Après un rebond en début d’été, la tendance s’est inversée de nouveau à la baisse. Allocation Les dernières semaines ont été portées par les titres cycliques plutôt que ceux de croissance. Mais cette surperformance n’est pas durable selon nous sans un retour de la croissance économique. Le style growth devrait être donc encore privilégié. Tant que la croissance du chiffre d’affaires et des EPS ne faiblit pas, la valorisation des titres croissance restera élevée. Bien entendu, la moindre déception se paie comptant pour des sociétés se payant 20x les résultats (ex : Burberry récemment). Néanmoins, dans un contexte économique de croissance faible, voire de récession, le marché est prêt à payer cher les sociétés qui affichent une croissance régulière et soutenable du chiffre d’affaires et des EPS. Nous estimons aussi que les entreprises qui offrent un dividende généreux continueront d’attirer la faveur des investisseurs. Nous restons négatifs sur la thématiques des marchés domestiques (banques, assurances, utilities, télécoms), trop liées à la santé précaire des Etats respectifs. Au niveau géographique, nous avons déjà évoqué précédemment la récente surperformance européenne. Les Etats-Unis restent néanmoins pour nous à privilégier sur le moyen terme mais nous repassons positifs sur l’Europe et nous continuons à avoir un biais positif sur les pays Emergents, estimant que le gros de la baisse est maintenant derrière nous. Précisons que le marché chinois (indice de Shanghai) est revenu à ses niveaux de 2009. Conclusion Nous passons sur neutre à court terme sur les marchés actions, conscients que des pics de volatilité pourraient subvenir mais que les différentes annonces au niveau politique et monétaire laissaient le champ libre à une baisse de la prime de risque et l’expansion des multiples. Nous passons surpondérés sur l’Europe et neutre sur les US. Nous conservons une position importante sur les pays émergents que nous arbitrons contre le Japon. Sans remettre en cause la tendance long terme au profit des titres croissance, la rotation sectorielle devrait selon nous se poursuivre à court terme vers les cycliques, le secteur de l’Energie et les Materials. Il est clair qu’une prise de profit après un rally de plus de 20% en 3 mois n’est évidemment pas à exclure mais nous pensons qu’elle permettra de poursuivre une repondération sur les actions et les actifs plus risqués. Pierre PERRAULT Disclaimer : Les opinions, avis ou prévisions figurant dans ce document sont, sauf indication contraire, ceux de son ou ses auteur(s) et ne reflètent pas les opinions de toute autre personne, de BCEE Asset Management S.A. ou de Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat, Luxembourg. Les informations contenues dans le présent document proviennent de sources publiques considérées comme fiables, dont BCEE Asset Management S.A. et Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat, Luxembourg ne peuvent cependant pas garantir l’exactitude. De fait, les informations peuvent être soit incomplètes, soit condensées. Toute référence aux performances antérieures ne saurait constituer une indication quant aux performances à venir. Ce document ne peut en aucune circonstance être utilisé ou considéré comme un engagement de BCEE Asset Management S.A. ou de Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat, Luxembourg. 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