Depuis le mois d’avril, on observe une brutale remontée des taux d’intérêts à long terme de la zone euro. Entre le 20 avril et le 10 juin, le taux à 10 ans de l’Allemagne est passé de 0,075% à 0,981%, un écartement de 91 points de base. Dans le même temps, les taux 10 ans espagnol et italien gagnaient 78 et 76 points de base. « Courbe des taux souverains allemand : Une pentification de grande ampleur » 10 juin 2015 20 avril 2015 Ce mouvement de pentification rapide s’explique par la conjonction de deux facteurs majeurs. Tout d’abord la hausse des prix du pétrole, qui a entrainé un rebond de l’inflation en zone euro. Le retour de l’inflation a fait penser à certains intervenants que la BCE serait contrainte d’arrêter prématurément son programme de Quantitative Easing. Ensuite un assèchement de la liquidité sur les marchés, qui a exacerbé les mouvements. Les émissions souveraines, plus liquides, ont été les plus touchées. La hausse des taux longs que l’on observe dans la zone euro depuis deux mois pourrait suggérer que la situation économique est sur le chemin de la normalisation et que les zones d'ombres se sont évaporées. Cela suggère que les trois premiers mois du programme d'assouplissement quantitatif massif de la BCE ont été suffisants pour améliorer les perspectives de croissance de la zone euro. Après quelques chiffres de croissance positifs, devons-nous imaginer que la reprise est suffisamment forte et durable? Que l’inflation va rapidement rejoindre les 2% ciblés par la BCE ? Ce n’est bien sûr pas le cas actuellement. En outre, les perspectives économiques associées à des taux d’intérêts plus élevés sont trop contraignantes. Il y a toujours des risques sur la dynamique économique. La convergence vers un cycle économique plus vertueux ne sera pas monotone. Voilà pourquoi nous pensons que les taux actuels sont trop élevés et pourraient limiter l'amélioration actuelle. Il y a encore des zones d'ombre dans la dynamique actuelle. Un taux d'inflation à 0,3% en 2015 (BCE nouvelle prévision) est encore très loin de la cible de 2%. Cela signifie que la politique monétaire doit rester accommodante. Le taux d'inflation hors énergie et alimentation a été de 0,9% en mai en raison du fort effet de base qui disparaîtra en Juin. Il devrait ralentir dans les prochains mois car avec un chômage toujours élevé et des hausses de salaires très modérées, les pressions inflationnistes ne sont pas encore au rendez-vous pour la zone euro. Outre les caractéristiques de la zone euro, nous devons garder à l'esprit que l'économie mondiale ne fonctionne pas bien et que la dynamique du commerce mondial reste faible. En conséquence, la zone euro ne doit pas s'attendre à une amélioration rapide et forte de la contribution du commerce extérieur. Elle doit créer sa propre dynamique, et pour cela, a toujours besoin d’une politique monétaire accommodante. La BCE en a conscience et n’a aucune intention de mettre fin au QE avant fin 2016. Enfin, gardons en mémoire la réaction des taux longs après chaque annonce de « Quantitative Easing » : 1. une première réaction baissière, durant de 2 à 4 mois 2. un ajustement violent à la hausse des taux longs 3. et enfin, un retournement à la baisse pendant la durée résiduelle du QE 1,2 3,5 3 1 2,5 0,8 2 0,6 1,5 0,4 1 0,2 0,5 0 1 6 11 16 21 26 31 36 41 46 51 56 61 66 71 76 81 86 91 96 101 106 111 116 121 126 131 136 141 146 151 156 161 0 10 ans Japonais 10 ans allemand 10 ans US Nous nous situons, en Europe, bien évidement dans la deuxième phase. Plus précisément à la fin de la deuxième phase. Toutes choses étant égales par ailleurs, nous devrions rentrer dans la dernière phase pendant l’été et retrouver du calme et de la sérénité, sauf si les tragédiens de Syriza s’en mêlent. Les taux d’intérêts devraient redescendre avec la poursuite du Quantitative Easing et la stabilisation de l’inflation qui n’a pour l’instant remonté que du fait de la stabilisation des prix du pétrole. A terme, les taux d’intérêts à long terme de la zone euro finiront par se normaliser, mais les exemples du Japon et des Etats-Unis montrent que nous avons plusieurs années devant nous avant que ce phénomène ne se matérialise.