BEUC/X/009/2002 7 février, 2002 Contact :Charlotte de Roo Email :[email protected] Lang :FR The European Consumers’Organisation La révision de la législation sur les médicaments Position du BEUC Bureau Européen des Unions de Consommateurs, Avenue de Tervueren 36, bte 4, B-1040 Bruxelles Tel: +32(0)27 43 15 90, Fax: +32(0)27 40 28 02, [email protected], http://www.beuc.org Europäischer Verbraucherverband Europese Consumentenorganisatie Organización Europea de Consumidores Organização Europeia de Consumidores Organizzazione Europea dei Consumatori Neytendasamtök Evrópu Európai Fogyasztók Szervezete Evropska potrošniška organizacija Den Europeiske Forbrukerorganisasjonen Euroopan Kuluttajaliitto Europejska Organizacja Konsumencka E??? ?aïk? Opy??? s? Kat a?a?? t ? ? Den Europæiske Forbrugerorganisation Den Europeiska Konsumentorganisationen 2 /7 BEUC/X/009/2002 Le BEUC, le Bureau Européen des Unions de consommateurs, représente 32 organisations de consommateurs nationales et indépendantes issues de plus de 20 pays européens. Le BEUC et ses membres s’intéressent activement aux questions de santé publique depuis de nombreuses années. Quelques-uns de nos membres publient des magazines d’informations générales sur la santé à l’intention des consommateurs. Nous présentons dans ce document nos préoccupations et suggestions dans le contexte de la révision des directives relatives aux médicaments. Contexte La révision concerne les directives suivantes: ? La réglementation du Conseil (EEC) No 2309/93 du 22 juillet 1993 établissant les procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l'évaluation des médicaments. ? Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/83/EC instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. ? Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/82/EC instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage vétérinaire. Le BEUC craint que les propositions actuelles ne permettent pas de trouver un équilibre entre les intérêts de santé publique et de l’industrie. Nous sommes particulièrement inquiets des changements proposés sur l’information directe aux patients. Nous sommes en outre préoccupés concernant la récolte des données sur la pharmacovigilance et l’avenir de l’AEEM. ------------------------------------- 3 /7 BEUC/X/009/2002 L’AEEM : l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments. Réglementation du Conseil (EEC) No 2309/93 du 22 juillet 1993. La santé publique doit prévaloir sur la promotion des médicaments En ce qui concerne le secteur des médicaments, l'UE est compétente pour la politique de santé publique et la politique de l'industrie. Ces deux domaines sont importants, mais une distinction doit être faite entre les tâches de la Commission et celles des autres institutions afin de scinder et identifier clairement les différentes questions politiques que posent ces deux domaines. Aux niveaux européen et national, il y a une tendance de plus en plus marquée à séparer la responsabilité de la sécurité alimentaire de celle de l'industrie alimentaire ou agricole. Nous souhaitons la même séparation pour ce qui concerne les médicaments. Les questions liées à l'autorisation, l'évaluation, la qualité, l'efficacité, la promotion, la livraison et l'approvisionnement de médicaments devraient en tout premier lieu être examinées dans le contexte de la politique de santé. Ceci implique entre autres que la responsabilité première de l'AEEM à la Commission devrait relever de la DG SANCO et non de la DG entreprise. La pharmacovigilance – un outil crucial pour garantir des médicaments plus sûrs L’amendement proposé de l’article 49 de la réglementation 2309/93 sur le fonctionnement de l‘Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (AEEM) rendrait cette dernière responsable de la coordination de l’évaluation, de la supervision et de la pharmacovigilance1 des médicaments. Les articles 21 et 22 traitent de la responsabilité du titulaire de l’autorisation de commercialisation de signaler tout effet indésirable, y compris des réactions indésirables graves suspectées que le titulaire de l’autorisation peut raisonnablement connaître. Le système de pharmacovigilance serait réglementé par l’article 102 amendé de la directive sur les médicaments à usage humain. Cet article stipule que les États membres seront obligés d’introduire les données qu’ils récoltent sur les effets secondaires des médicaments dans une base de données en liaison directe avec l’AEEM et les autorités de réglementation compétentes dans d’autres États membres. Nous préconisons un rôle beaucoup plus important pour l’AEEM en matière de coordination de la pharmacovigilance. Nous nous réjouissons du fait que les autorités nationales et l’industrie devront remplir des conditions rigoureuses s’agissant de la qualité de l’information qu’elles devront fournir. Toutefois, la transparence de ces données nous préoccupe. Les patients ont le droit d’être informés de tout effet secondaire causé par un médicament qui est sur le marché. Il faudrait mieux communiquer les diverses réactions aux professionnels de la santé, en vue de garantir une mise à jour et la diffusion des informations. Partant, la base de données de l’AEEM devrait au moins être accessible aux organisations qui ont un intérêt légitime pour la santé, par exemple, les organisations de consommateurs. Il est nécessaire de prendre en compte davantage de réactions de la part des professionnels de la santé et des patients qu'auparavant, en particulier pendant les premières années après la mise sur le marché d’un nouveau médicament. Cette phase est cruciale, étant donné que les effets à long terme ne sont pas connus. 1 La pharmacovigilance est la récolte des informations sur les réactions indésirables à un médicament. 4 /7 BEUC/X/009/2002 La surveillance des effets secondaires devient encore plus importante avec la nouvelle procédure rapide et la suppression de l’obligation de réévaluer après cinq ans les médicaments déjà approuvés. Quelques-uns de nos membres ont signalé une diminution marquée des notifications des médecins sur les effets secondaires des médicaments, tendance qui a également été confirmée récemment dans un article publié dans The Lancet2, qui se concentre sur les types de réactions indésirables habituellement peu signalées. Bien que l’article conclue que les effets secondaires graves sont cinq fois plus susceptibles d’être signalés que les effets non graves, nous estimons que même les effets non graves comme les tremblements, les bouffées de chaleur, les palpitations et les vertiges peuvent être très inconfortables pour les patients. Un avertissement permettra un choix plus averti et moins de crainte par rapport à ces effets. Fournir aux patients la possibilité de communiquer les effets indésirables directement aux autorités nationales ou à l’AEEM facilitera la récolte d'un plus grand nombre d’informations utiles. Une étude mentionnée dans le BMJ3 conclut que les notifications par le patient pourraient contribuer à une détection plus précoce des réactions indésirables connues aux médicaments, mais pas nécessairement comme étant les plus courantes ou méconnues. Ce type de système pourrait être mis en place par l’introduction d’un numéro gratuit, d’un site web donnant la possibilité de communiquer les réactions, suivant en cela l’exemple de la Food and Drug Administration aux États-Unis, ou par l’ajout d’un formulaire-réponse à la brochure destinée au patient. Ouverture et participation publique On constate un manque de transparence et une absence de participation du consommateur dans la future méthode de travail de l’AEEM. De manière générale, il faudrait également plus d’ouverture dans le débat sur les médicaments. Il est nécessaire que les experts publics, comme les organisations de consommateurs, prennent part au débat sur les risques et les avantages des médicaments. Nous sommes inquiets concernant les critères de sélection des différents acteurs qui feront partie du comité de gestion. Nous croyons qu’il faut garantir que les participants ne proviennent pas de groupes d’intérêts limités et soient représentatifs sur le plan géographique afin d’être en mesure de communiquer une perspective européenne. Nous estimons que les organisations de consommateurs sont des parties prenantes légitimes, et que leur participation au conseil de gestion de l’AEEM doit donc être envisagée. Les consommateurs sont des patients potentiels, anciens, futurs ou actuels. Les organisations de consommateurs ont une vue d’ensemble, et leur rôle est de protéger tous les consommateurs. Transparence Le BEUC estime que les raisons invoquées pour refuser une autorisation doivent être rendues publiques, de même que celles avancées pour ré-accepter un médicament après un refus. Les refus pour raisons insignifiantes, par ex. un problème de texte d’une brochure ou une indication de date etc. devraient être rendus publics immédiatement. 2 The Lancet, Vol 358 Décembre 1, 2001, Prescription-event monitoring and reporting of adverse drug reactions. 3 BMJ (The British medicinal Journal) egberts et al. 313 (7056)530 5 /7 BEUC/X/009/2002 Procédure rapide La nécessité d’une procédure rapide reste discutable. Pour que la procédure rapide n'augmente pas seulement le nombre global de médicaments sur le marché, il faut mettre en place des systèmes veillant à ce que la procédure rapide ne soit pas utilisée à mauvais escient. La procédure rapide ne peut être utile que pour une approbation plus rapide des médicaments traitant des maladies mortelles. Elle doit alors s’accompagner d’une pharmacovigilance particulièrement rigoureuse. Des délais d’approbation, une surveillance plus étroite et d'autres points encore doivent également être introduits pour vérifier qu’un médicament se concentre réellement sur une maladie spécifique et ne puisse être utilisé pour des maladies plus conventionnelles. Une transparence absolue est exigée après l’approbation de ces médicaments. Les médicaments qui font l'objet d’une procédure rapide devraient par ailleurs être soumis à un étiquetage particulier et faire l’objet d’un consentement étayé par des informations. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/83/EC instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Les restrictions actuelles concernant la publicité des médicaments sur prescription auprès du public ne doivent pas être levées La législation actuelle n’autorise pas la publicité directe des médicaments sur prescription auprès du public. Mais l’article 88 de la directive révisée sur les médicaments à usage humain amende cette interdiction. L'article permettra à l’industrie pharmaceutique, si elle y est autorisée par les autorités nationales, à diffuser des informations sur le Sida, le diabète et l’asthme à des groupes de patients particuliers. L’AEEM doit en être informée et doit s’y opposer dans les trente jours le cas échéant. Un rapport d’évaluation après un nombre d’années encore indéterminé définira si cette approche a été un succès. Le BEUC est convaincu que l’adoption de l’article 88 marquera le début de la publicité directe des médicaments aux consommateurs (DTCA). Nous sommes opposés à toute communication directe entre l’industrie et les patients concernant les médicaments. Ce type de communication relève des autorités nationales et de l’AEEM. Les patients ont besoin d’être mieux informés sur les médicaments et les traitements, mais il est inopportun que l’industrie pharmaceutique se charge de cette information. Tout en reconnaissant que l’information des patients est une question très importante, et que les patients sont de plus en plus demandeurs pour participer activement au choix de traitement et des médicaments proposés par le système de soins de santé, nous pensons que les propositions de la Commission sont discutables. Les patients sont répartis en plusieurs catégories de manière à définir leurs besoins spécifiques d’information. Dans ce contexte, le “patient expert” bénéficie de plus d’attention. Le BEUC s’inquiète des nouvelles compétences que l’on semble attribuer aux patients “experts”, par exemple que ces patients ont des connaissances supérieures ou égales à celles du médecin et sont presque capables de se traiter eux-mêmes. En réalité, la majorité des patients n’ont pas suivi d’études médicales et ne sont pas formés pour juger des informations qui peuvent leur être fournies. Le BEUC craint également que les besoins des autres patients soient oubliés ou négligés dans ce débat “d’experts”. Le choix d’informations offert par l’industrie peut ne pas être totalement influencé par des considérations commerciales, mais il le sera certainement dans une certaine mesure. Il n’y a aucune raison de supposer que les informations offertes par l'industrie correspondront aux besoins des patients. 6 /7 BEUC/X/009/2002 Les propositions actuelles concernant l’information semblent se baser davantage sur une analyse de ce qui est avantageux pour l’industrie plutôt que pour les consommateurs et les patients. Or, nous suggérerions de commencer par une analyse des besoins en information du patient pour réfléchir aux meilleurs moyens de les satisfaire. Il s’agirait dans ce cas d’une approche basée sur la santé, et non sur le développement industriel. Il ne faut pas confondre l’augmentation des volumes de ventes avec l’accroissement du bienêtre des patients. Les médicaments améliorent le bien-être des patients uniquement si ces derniers reçoivent les médicaments adéquats au moment adéquat et dans les circonstances adéquates. La publicité directe ne permettra pas d’atteindre pas cet objectif. Les patients jouent un rôle déterminant dans le traitement de leur maladie, mais ils représentent également un groupe incroyablement vulnérable. Il faut leur fournir les outils adéquats afin qu'ils puissent choisir en toute connaissance de cause leur traitement et leurs médicaments. La nouvelle législation doit se concentrer sur la qualité des informations à fournir à l’avenir à tous les patients. Des informations plus spécifiques et détaillées sur les médicaments et les traitements doivent être élaborées par des institutions indépendantes, comme les autorités nationales et l’AEEM, pour satisfaire les besoins des patients qui souhaitent en savoir davantage. La différence entre la publicité et l’information La publicité vise à augmenter les ventes d’un médicament et fait pression sur les consommateurs ; la devise étant «restez avec nous, nos produits sont les meilleurs». Il ne faut pas la confondre avec l’information, qui vise simplement à faciliter un choix. Un rapport rédigé par notre membre britannique Consumers Association (CA) sur la promotion des médicaments fournis sur prescription4 conclut qu’aux États-Unis, où les médicaments sur prescription font déjà l’objet de publicité, les dépenses en médicaments ont augmenté de 42,7 milliards d’USD en cinq ans, de 1993 à 1998, soit une augmentation de 84 %, dont 9,3 milliards d’USD représentent les 10 médicaments les plus vantés directement aux consommateurs. À notre avis, il est fort probable qu’aucun système de santé des États membres ne pourrait gérer le coût d’une augmentation analogue, si la publicité était autorisée en Europe. Il y a très peu d’informations de qualité disponibles pour les patients relatives aux médicaments fournis sur prescription. Les sociétés pharmaceutiques prétendent que la publicité comblera cette lacune. Or, d’après la recherche de CA, l’information fournie par la publicité est généralement de qualité médiocre. Dans une enquête récente de CA, seuls 6 % des sondés affirment qu’ils feraient confiance aux sociétés pharmaceutiques pour fournir une information précise sur le meilleur traitement. La recherche a également constaté que la publicité cible une série limitée de maladies et de médicaments disponibles pour les traiter – traitements pour les allergies, la calvitie, les ulcères, et le contrôle du cholestérol par exemple. La publicité ne fait pas prendre mieux conscience concernant une série de problèmes de santé et de traitements. Les médicaments qui font l’objet du plus de publicité sont ceux qui ont le plus de succès, même si un médicament concurrent ou un médicament générique offre de meilleurs résultats. La tendance qui consiste à sensibiliser aux marques par la publicité n’aiderait pas à sensibiliser le public quant aux maladies et aux traitements. 4 Rapport de Consumers Association (CA, UK) : Promotion des médicaments sur prescription : santé publique ou profit privé(juillet 2001). 7 /7 BEUC/X/009/2002 Une meilleure information pour les patients Nous demandons que les lacunes relatives à l’information aux patients trouvent une réponse le plus rapidement possible. Une information de qualité émanant de sources indépendantes, sur les effets secondaires, les interactions, les prix et la comparabilité est nécessaire. Nous recommandons fermement au Parlement européen et au Conseil de privilégier l’intérêt du public plutôt que celui de l’industrie pharmaceutique lors de l’examen des besoins en information. Les notices destinées aux patients sont une source vitale d’information pour les patients et sont rendues obligatoires par le droit européen. Elles devraient fournir aux consommateurs des informations détaillées pour un usage correct et être rédigées en des termes compréhensibles. Toutefois, un rapport (Health Which5) montre que dans la pratique, ce n’est pas le cas. Elles sont mal conçues, sont rédigées dans un jargon trop médical et ne donnent pas d’informations claires, en particulier sur les effets secondaires. Les sociétés pharmaceutiques sont limitées par les exigences spécifiques de la directive de l’UE concernant les brochures. Toutefois, des mesures simples les rendraient plus lisibles. Les patients devraient être impliqués dans le processus de rédaction ; les sociétés pharmaceutiques devraient par exemple tester la clarté de leurs brochures sur les patients. Le BEUC suggère que l’industrie, plutôt que de dépenser de l’argent en publicité, finance une organisation indépendante qui récolterait des informations sur les effets secondaires, les prix et les interactions entre les médicaments et communiquerait les informations disponibles à l’AEEM et aux autorités nationales compétentes. Ceci aiderait réellement les patients dans leur recherche du meilleur médicament. Les médicaments génériques La directive sur les médicaments destinés aux humains propose dans son article 10 amendé de permettre la commercialisation des médicaments génériques au plus tard 11 ans après l’autorisation de mise sur le marché du médicament original. L’article 30 de la même directive vise à promouvoir l’harmonisation des médicaments génériques en permettant aux États membres de dresser annuellement une liste des nouveaux médicaments génériques à approuver par la Commission. Les médicaments génériques sont autorisés au titre de la procédure de reconnaissance mutuelle (MRP). L’information relative à l’utilisation et au produit doit dès lors être harmonisée. Le BEUC appuie les changements proposés par la directive sur les médicaments destinés aux humains, même si les délais pour introduire les produits génériques sur le marché seront encore plus longs qu'auparavant. L’ancien système autorisait l'accès au marché des médicaments génériques après 6 ans, mais les États membres pouvaient introduire des règles différentes. La nouvelle proposition harmonisera ces règles. Nous estimons que l’introduction de médicaments génériques sur le marché doit être facilitée pour garantir aux patients l’accès à des médicaments abordables à des conditions équitables. Toutefois, la proposition de diminuer les tests concernant la sécurité de ces produits ne nous convainc pas. Nous demandons une définition claire des médicaments génériques et un moyen aisé pour les consommateurs d’être informés sur la disponibilité. 5 Étude réalisée par Consumer Association publiée par Health Which, UK (août 2000)