Publicité ou Information ? Ou la recherche d'une définition respectueuse des principes qui s'appliquent à la communication relative aux médicaments à usage humain La présente note a pour objet de proposer une première synthèse rapide des éléments devant présider à toute réflexion sur la question de la qualification d'une information concernant un médicament. Trois propositions juridiquement établies permettent de guider cette réflexion, outre une prise en compte d'une profonde évolution du contexte dans lequel cette question se pose aujourd'hui. 1°) Un contexte sensiblement distinct de celui d'il y a ving ans, qui a présidé à l'élaboration des normes européennes aujourd'hui codifiées. L'explosion d'Internet et la mise à disposition par ce moyen, souvent incontrôlée, d'informations sur le médicament et les soins ont fait naître l'exigence d'une correction si possible en temps réel des erreurs, approximations voire faussetés circulant sur le net. Par ailleurs, la disponibilité immédiate et continue des informations validées par l'autorité réglementaire représente également un intérêt majeur pour les praticiens, patients et tiers intéressés. Dans ce cadre, l'industrie pharmaceutique peut constituer une source essentielle d'informations hors tout démarchage ou action à visée promotionnelle. Cette réalité est en voie d'être reconnue par les législateurs européen et nationaux, et justifie l'adoption d'une approche plus fine de la qualification d'une information. A une perception classiquement méfiante vis à vis de l’industrie, devrait s'ajouter désormais la reconnaissance de son rôle crucial d'information en soutien à l'action des régulateurs. Les "scandales" ou incidents même majeurs n'altèrent pas durablement cette tendance de fond, qui se ressent plus particulièrement en Europe du Nord et en Allemagne. 2°) Deux séries de principes fondamentaux consacrés tant par les traités européens que par la Convention européenne des Droits de l'Homme doivent être mis en balance, et combinés avec les principes généraux du droit communautaire. Deux séries de principes fondamentaux doivent présider à l'analyse des questions que soulève la qualification d'un élément de communication dans l'ensemble de l'Union européenne, et, donc en France : la protection de la santé publique, qui justifie une approche rigoureuse et restrictive, le droit du public, et notamment des patients, à l'information ainsi que la liberté d'expression, qui invitent à une approche équilibrée. Un tel équilibre doit par ailleurs respecter le principe de proportionnalité, principe de valeur "constitutionnelle" en droit européen, qui impose de ne pas recourir à des solutions d'interdiction absolue sans réelle motivation éprouvée ni à des solutions indûment restrictives. 3°) La matière en cause est régie, en France, par la directive 2001/83, modifiée, portant code communautaire du médicament à usage humain et par le Code de la Santé Publique. Les textes fondamentaux qui régissent la qualification d'une information relative à un médicament1 résultent, en France, du Code de la Santé Publique (articles L 5122-1 à L 5221-16, avec leurs correspondants de statut réglementaire) et de la directive 2001/83, modifiée, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (articles 86 à 100). Or, ainsi que l'a relevé la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) dans son arrêt Gintec , la directive n° 2001/83, telle que modifiée par la directive 2004/27, a édicté un système complet et fini, qui ne laisse place en principe à aucune dérogation, à l'exception de la faculté de dérogation accordée explicitement aux Etats membres. Il s'agit, par conséquent, d'une harmonisation complète. 2 Ce constat signifie que, quelle que soit leur formulation, les dispositions précitées du Code de la Santé Publique doivent être appliquées et interprétées en conformité avec celles de la directive, les éventuelles contrariétés devant être purement et simplement éliminées. Une disposition nationale contraire doit ainsi être écartée par l'administration et être au besoin laissée inappliquée de sa propre autorité. 4°) Les législations européenne et, partant, française, prévoient une définition large de la publicité, mais qui n'est pas exempte de limites. En application de l'article 86, paragraphe 1er, de la directive 2001/83, constitue une publicité "toute forme de démarchage d'information, de prospection ou d'incitation" à visée promotionnelle. L'intention promotionnelle est donc érigée en critère déterminant de la qualification. Les débats contentieux et législatifs ont surtout porté, dans les Etats membres de l'Union européenne, sur le contenu admissible des publicités mais peu sur la question située en amont, à savoir la qualification même de publicité d'une forme d'information adressée aux prescripteurs ou au public. Cette faiblesse relative du débat sur la qualification s'explique par la portée générale et large donnée à la notion de publicité lors de l'élaboration des directives européennes du début des années quatre-vingt dix. Le développement de l'accessibilité à l'information médicale, scientifique, commerciale résultant de la généralisation d'internet a donné à la question de la qualification une actualité nouvelle qui conduit à prendre l'ensemble des règles applicables en considération. 5°) Il n'existe pas de définition juridiquement établie de la notion d'"information" relative au médicament et pas davantage de définition des critères permettant de distinguer publicité et information. Ce qui laissera à la CJUE le soin d'élaborer de tels critères par la voie de l'interprétation et justifie une analyse multi-critères des circonstances de chaque cas. Ce constat explique la difficulté du sujet. Toutefois, la recherche qu'implique l'exercice de qualification, en application de la directive 2001/83 (et donc du CSP français), fait ressortir, dès lors qu'on est en présence d'une "forme de démarchage d'information, de prospection ou d'incitation" : − l'importance déterminante de l'intention promotionnelle, qu'il appartient au juge national 1 Le dispositif médical n'est pas inclu dans la présente note. 2 Arrêt rendu le 8.11.2007 dans l'affaire C-374/05, Gintec, d'établir au regard circonstances concrètes de l'espèce ; − la nécessité de recourir à un examen multi-critères concret qui exclut toute présomption automatique du type de celle concluant à la nature publicitaire de tout message, document, information, communication émanant directement ou indirectement de l'industrie ; − la pertinence, à cet égard, des critères suivants: identité de l'auteur, objet et contenu de l'information, ce dernier critère ayant un rôle essentiel, le cercle des destinataires du message et le cadre dans lequel la communication est intervenue. On observera que cette liste n'est pas limitative − La nature d'information (et non de publicité) de toute communication par le fabricant, y compris par internet, limitée aux éléments validés par l'autorité réglementaire (notice, résumé des caractéristiques du produit ou rapport d'évaluation rendu accessible par l'autorité publique, plan de minimisation du risque….). 6°) La réflexion en vue d'établir une ligne de démarcation adaptée devrait, dans ces conditions, s'orienter vers un examen des circonstances, contenus et types de situations excluant toute intention promotionnelle, avec une attention particulièrement vigilante quant aux éventuels détournements des marges de manoeuvre ainsi créées susceptibles de se produire ou déjà existantes. Une théorie de l'abus pourra, à cet égard, trouver sa place, afin que de futures indélicatesses n'aboutissent pas à une réaction excessive marquant un retour en arrière. ****