Logique IUT Villetaneuse Département Informatique 30 juin 2014 Chapitre 1 Propositions 1.1 Historique Le mot "logique" vient du grec "logos" qui signifie parole ou raison. Blaise Pascal au XVIIème siècle l’a défini comme l’art de raisonner. Le raisonnement est le fait de tirer des conclusions à partir de faits observés, ou d’hypothèses formulées. Le but de la logique est donc de définir des critères permettant de décider si un raisonnement est valide ou pas. 1.1.1 Aristote ARISTOTE, (-384,-322), disciple de Platon, est le premier philosophe grec à s’intéresser à la logique. D’après celui-ci, tout discours doit être fondé sur un mode de déductions sans failles, contrairement à la rhétorique, art du discours destiné à convaincre. On doit à Aristote : • La notion de proposition, énoncé abstrait sur lequel on ne fait aucune hypothèse sur la valeur de vérité. • Le principe du tiers-exclu : tout énoncé est soit vrai, soit faux. • Les syllogismes dont le célèbre : "Tout homme est mortel, Socrate est un homme, donc Socrate est mortel". • Les quantificateurs : – Universel : Pour tout élément x, noté ∀x – Existentiel : Il existe un élément x, noté ∃x 1.1.2 Les postulats d’Euclide Au XIXème siècle, il s’agit enfin de donner des "fondations" aux mathématiques : en effet, on pensait jusque là que celles-ci décrivaient parfaitement la réalité physique. Mais apparaissent les paradoxes de la théorie des ensembles et le rejet du cinquième postulat d’Euclide. Rappelons les cinq postulats d’Euclide, avec une formulation modernisée, base de départ de toute la géométrie : • Un segment de droite peut être tracé en joignant deux points quelconques. • Un segment de droite peut être prolongé indéfiniment en une ligne droite. • Étant donné un segment quelconque, un cercle peut être tracé en prenant ce segment comme rayon et l’une de ses extrémités comme centre. • Tous les angles droits sont égaux entre eux. • Si deux droites sont sécantes avec une troisième de telle façon que la somme des angles intérieurs d’un côté est inférieure à deux angles droits, alors ces deux droites sont sécantes de ce côté. Les mathématiciens pensèrent que le cinquième postulat pouvait se déduire des quatre premiers. Devant l’échec des nombreuses tentatives, l’idée fut tout simplement de réfuter ce cinquième postulat, ce qui donna lieu à la naissance aux géométries non-euclidiennes. 1.1.3 Frege, Hilbert et l’axiomatisation C’est Frege qui a posé les bases de la logique moderne. La différence essentielle par rapport à la logique d’Aristote est que Frege a une approche mathématique de la logique. Il va ainsi développer la logique des propositions et la logique des prédicats. 1 David Hilbert, (1862-1943) améliore la méthode axiomatique d’Euclide et propose une axiomatique de la géométrie indépendante de l’expérience. De la même manière, comme Euclide, il pense que toutes les mathématiques découlent d’un nombre fini d’axiomes ( propositions vraies à-priori ) et de règles de déduction logique, permettant d’obtenir les théorèmes à partir des axiomes. On doit aussi à Hilbert la théorie de la démonstration. 1.1.4 Le formalisme Reprenons le syllogisme célèbre d’Aristote : "Tout homme est mortel. Socrate est un homme, donc Socrate est mortel". En notant : m(x) = "x est mortel", h(x) = "x est un homme", et S pour Socrate, on obtient : • ∀x : h(x) ⇒ m(x) • h(S) = 1, c’est à dire h(S) est vrai. • De ces deux hypothèses, on déduit : m(S) = 1 1.1.5 Les applications de la logique mathématique Elle a des applications directes dans les applications informatiques suivantes : • Conception de circuits électroniques. • Sémantique des langages de programmation. • Modélisation de problèmes. • Intelligence artificielle et systèmes experts. 1.2 1.2.1 Propositions Introduction Tous les langages de programmation contiennent des expressions du type : IF(test)THEN{Instructions1 . . .}ELSE{Instructions2 . . .} Il est donc nécessaire de savoir si le test est vrai pour pouvoir exécuter la suite d’instructions1 ou s’il est faux pour exécuter la suite d’instructions2. 1.2.2 Idée intuitive de proposition Définition 1.2.1 Une proposition est un énoncé dont on peut dire sans ambiguïté qu’il prend l’une des deux "valeurs" : vrai ou faux, mais jamais les deux à la fois. On dit qu’on a attribué une valeur booléenne à la proposition : • 1 pour Vrai ou True • 0 pour Faux ou False Remarques 1.2.1 • Nous sommes dans le cadre d’une logique binaire, mais il en existe d’autres : logique à trois valeurs, logique probabiliste, logique floue, etc... • Dans les langages de programmation, chaque proposition est stockée dans une variable booléenne. 1.2.3 • • • • • • Énoncés étant des propositions "Il pleut" "Le nombre réel 4 est inférieur à -3" = (4 ≤ −3) "π est un nombre rationnel" = (π ∈ Q) "Berlin est la capitale de la Norvège" "Dans le plan, la somme des angles d’un triangle est égale à π" "Henri IV a été assassiné en 1610" 2 • En langage C, le test "i == 4" Remarquons qu’on peut écrire des propositions, sans toutefois affirmer si elles sont vraies ou fausses, d’ailleurs la vérité d’une proposition peut varier en fonction du temps, du contexte ou de la discipline. "La terre est ronde" est une proposition vraie si on la considère comme la négation... de la phrase "La terre est plate". C’est une proposition fausse dans le sens où sa forme est un ellipsoïde. 1.2.4 • • • • • • • • • • Énoncés n’étant pas des propositions L’imprécision : "Le paquet pèse environ 2 kg" Les énoncés hypothétiques : "L’été sera exceptionnellement chaud" La morale ou l’arbitraire : "On doit conduire à droite" Les interrogations : "Doit-on aimer la marche à pied ?" L’impératif : "Fermez la porte de l’amphithéâtre !" Les sujets à discussion : "J’adore la peinture abstraite" Énoncés contenant une variable non quantifiée : "Le carré de x est plus grand que x" Énoncés dépourvus de sens : "Oiseau livre la dans penser pourquoi horloge habilement" ou "(= 325+)" La poésie : "Le bureau chante dans la raquette verte" ... L’auto-référence : "Cette phrase est un mensonge". Déclarer cette phrase comme étant vraie ou fausse conduit à une contradiction. 1.2.5 Objet de la logique Ce n’est pas l’objet de la logique de décider si une proposition est vraie ou fausse, c’est l’objet de la discipline dans laquelle la logique s’applique : mathématiques, histoire, informatique, droit, etc ... Par contre, les valeurs de certaines propositions ayant été fixées, la logique nous permettra de savoir si les expressions composées à partir de celles-ci et des connecteurs logiques sont vraies ou fausses. 1.2.6 Modèle physique On peut associer très facilement les propositions et les circuits électriques : Une proposition p pouvant être soit vraie, soit fausse, on considère les deux états d’un circuit électrique muni d’un interrupteur : • Le courant passe dans le circuit quand l’interrupteur est fermé : p = 1 • Le courant ne passe pas : l’interrupteur est ouvert : p = 0 1.3 1.3.1 I • • p=1 • • p=0 Connecteurs logiques Connecteurs logiques On définit dans l’ensemble des propositions P , des lois de composition internes ou connecteurs logiques binaires en faisant correspondre au couple (p, q), une proposition définie par les valeurs de vérité qu’elle prendra en fonction de celles de p et q. ∗ : (p, q) → p ∗ q Le tableau donnant les valeurs de cette nouvelle proposition est une table de vérité. Les trois connecteurs logiques de base sont : • la négation de p, notée ¬p • La conjonction de p et q, notée p ∧ q • La disjonction inclusive de p et q, notée p ∨ q Cependant, on peut former 16 propositions à partir du couple (p, q). Les tables de vérité des 16 connecteurs logiques sont données en annexe. 3 1.3.2 Les trois connecteurs logiques de base Définition 1.3.1 • La négation de p est la proposition, notée ¬p qui est vraie si p est fausse et fausse si p est vraie. • La conjonction de p et q est la proposition, notée p ∧ q, lue "p et q", qui est vraie si p et q sont vraies simultanément et fausse sinon. • La disjonction de p et q est la proposition, notée p ∨ q, lue "p ou q", qui est vraie si p est vraie ou si q est vraie et fausse sinon. Ces connecteurs ont pour table de vérité : p q p∧q p q p∨q p ¬p 0 0 0 0 0 0 0 1 0 1 0 0 1 1 1 0 1 0 0 1 0 1 1 1 1 1 1 1 En langage C, le connecteur ∧ est noté &&, le connecteur ∨ est noté || et la négation est notée ! . 1.3.3 Modèle physique On peut associer aux deux connecteurs logiques ∧ et ∨ un montage électrique : • La conjonction ∧ est réalisée par le montage de deux interrupteurs en série. • La disjonction ∨ est réalisée par le montage de deux interrupteurs en parallèle. • • • • • p∧q p∨q • 1.3.4 • • Connecteurs logiques et langage courant Remarques 1.3.1 Il ne faut pas donner au connecteur ∧ toutes les interprétations du "et" dans le langage courant : • Le connecteur ∧ est commutatif, mais la phrase : "Gérard se leva et partit" ne présente aucune idée de commutativité. • La phrase "Jean possède un pull bleu et rouge" est différente de "Jean possède un pull bleu et jean possède un pull rouge". • La phrase "Geneviève et Françoise ont un chien" est différente de "Geneviève a un chien et Françoise a un chien". • Les phrases "Pierre se sentit triste et but beaucoup" et "Pierre but beaucoup et se sentit triste" n’ont pas le même sens. Il ne faut pas donner au connecteur ∨ toutes les interprétations du "ou" dans le langage courant : • La disjonction ∨ est inclusive, à la différence de la disjonction exclusive : soit ... soit ... "La porte est ouverte ou fermée", mais ne peut être les deux à la fois. • Il y a un connecteur pour la disjonction exclusive noté ∨ ∨ • La phrase "La bourse ou la vie" n’a pas le sens du "ou" inclusif mais doit être comprise comme "Si tu ne me donne pas ta bourse, je te prends la vie". 1.4 Propriétés 4 1.4.1 Propositions égales Définition 1.4.1 Deux propositions sont égales si et seulement si elles sont mêmes valeurs de vérité. Exemples 1.4.1 • "7 est pair" = "Les poules ont des dents" • On vérifie à l’aide d’une table de vérité que p ⇒ q et ¬p ∨ q sont égales. 1.4.2 Tautologie et contradiction Définition 1.4.2 Une proposition est : • Une tautologie si et seulement si elle est toujours vraie, notée V • Une contradiction si et seulement si elle est toujours fausse, notée F Exemples 1.4.2 • p ∨ ¬p est une tautologie. • p ∧ ¬p est une contradiction. • La négation d’une tautologie est une contradiction : ¬V = F • Si p = q, alors p ⇔ q est une tautologie. 1.4.3 Premières propriétés A1 Commutativité p∨q =q∨p A2 p∧q =q∧p A3 Associativité (p ∨ q) ∨ r = p ∨ (q ∨ r) A4 (p ∧ q) ∧ r = p ∧ (q ∧ r) A5 Distributivité A6 A7 p ∧ (q ∨ r) = (p ∧ q) ∨ (p ∧ r) p ∨ (q ∧ r) = (p ∨ q) ∧ (p ∨ r) Éléments neutres p∨F =p A8 p∧V =p A9 Tiers exclu A10 Contradiction p ∨ (¬p) = V p ∧ (¬p) = F On obtient la preuve de ces propriétés en effectuant une table de vérité. 1.4.4 Théorèmes T1 Idempotence p∨p=p T2 T3 p∧p=p Absorption (1) p∨V =V T4 T5 p∧F =F Absorption (2) p ∨ (p ∧ q) = p T6 T7 p ∧ (p ∨ q) = p De Morgan T8 T9 ¬(p ∨ q) = (¬p) ∧ (¬q) ¬(p ∧ q) = (¬p) ∨ (¬q) Involution ¬(¬p) = p 5 On obtient la preuve de ces théorèmes en effectuant une table de vérité, ou en utilisant les définitions et les premières propriétés des connecteurs logiques. 1.4.5 Remarques • En utilisant l’associativité, les écritures p ∧ q ∧ r et p ∨ q ∨ r sont correctes. On peut donc dans ce cas enlever les parenthèses. • Certains langages de programmation accordent une priorité du "AND" sur le "OR". Cette hiérarchie n’existe pas car elle brise la parfaite symétrie, ou dualité, entre les connecteurs ∧ et ∨. L’écriture p ∧ q ∨ r n’est donc pas permise ici car il faut distinguer (p ∧ q) ∨ r et p ∧ (q ∨ r) • On peut formaliser certaines situations, en notant : – d = "Décrocher le téléphone" – a = "Décider d’appeler quelqu’un" – s = "Entendre la sonnerie du téléphone" – r = "Décider de répondre" Alors, on obtient : d = a ∨ (s ∧ r) • On utilise ces propriétés pour des simplifications d’écriture. Considérons l’expression (i = 1) ∨ ((i 6= 1) ∧ (j = 2)). En notant p = (i = 1) et q = (j = 2), l’expression devient p ∨ (¬p ∧ q). On la transforme en utilisant les théorèmes et propriétés : p ∨ (¬p ∧ q) = (p ∨ ¬p) ∧ (p ∨ q) = = V ∧ (p ∨ q) p∨q Finalement on obtient (i = 1) ∨ (j = 2) 1.5 1.5.1 Les connecteurs "Implication" et "Équivalence" Définitions Définition 1.5.1 • L’implication de q par p, notée p ⇒ q et lue "p implique q" est la proposition qui est fausse si p est vraie et q est fausse, et vraie dans les autres cas. • L’équivalence de p et q, notée p ⇔ q et lue "p équivalent à q" est la proposition qui est vraie si p et q ont même valeur de vérité et fausse dans les autres cas. Remarques 1.5.1 Il ne faut voir ici qu’un simple procédé de fabrication d’une nouvelle proposition p ⇒ q à partir de p et q. Il n’y a pas obligatoirement de lien "cause-conséquence". Ainsi, "7 est pair" ⇒ "Les poules ont des dents" est une proposition vraie... 1.5.2 p q p⇒q p q p⇔q 0 0 1 0 0 1 0 1 1 0 1 0 1 0 0 1 0 0 1 1 1 1 1 1 Propriétés Théorème 1.5.1 On peut exprimer le connecteur ⇒ à l’aide des connecteurs de base et on a l’égalité : (p ⇒ q) = (¬p ∨ q) (p ⇔ q) = (p ⇒ q) ∧ (q ⇒ p) = (¬p ∨ q) ∧ (p ∨ ¬q) 6 Remarques 1.5.2 On vérifie à l’aide d’une table de vérité que : • Le connecteur ⇒ n’est pas commutatif : (p ⇒ q) 6= (q ⇒ p) • Le connecteur ⇒ n’est pas associatif : ((p ⇒ q) ⇒ r) 6= (p ⇒ (q ⇒ r)) • Le connecteur ⇒ est transitif : ((p ⇒ q) ∧ (q ⇒ r)) ⇒ (p ⇒ r) • Le connecteur ⇔ est commutatif : (p ⇔ q) = (q ⇔ p) • Le connecteur ⇔ est associatif : ((p ⇔ q) ⇔ r) = (p ⇔ (q ⇔ r)) Définition 1.5.2 • La proposition q ⇒ p est la réciproque de p ⇒ q • La proposition ¬q ⇒ ¬p est la contraposée de p ⇒ q • La proposition ¬p ⇒ ¬q est l’inverse de p ⇒ q 1.6 1.6.1 Expressions logiques Expressions bien formées Définition 1.6.1 On appelle expression bien formée, ou formule, tout énoncé composé avec des propositions et des connecteurs logiques ne comportant pas de faute de syntaxe. Ces expressions sont définies à l’aide de plusieurs règles, conformes à l’intuition : • Les propositions p, q, ... sont bien formées. • Si l’expression E est bien formée, ¬E est bien formée. • Si les expressions E et F sont bien formées, E ∧ F et E ∨ F sont bien formées. • On utilise les parenthèses pour indiquer l’ordre de priorité. On peut préférer l’écriture (¬p), bien que plus lourde, à ¬p pour éliminer toute confusion. Exemples 1.6.1 L’expression p ∨ ¬q ∧ r n’est pas correcte. Il faut placer des parenthèses et ceci est possible de plusieurs manières différentes. On obtient alors les expressions correctes : • p ∨ ¬(q ∧ r) • (p ∨ ¬q) ∧ r • p ∨ (¬q ∧ r) 1.6.2 Arbre de décomposition Toute formule peut être représentée par un arbre dont les noeuds sont les connecteurs logiques et les feuilles sont les propositions élémentaires. Exemples 1.6.2 Soit E = ((p ∨ q) ⇒ ¬r) ∧ (p ∨ r). E est la conjonction de (p ∨ q) ⇒ ¬r et de (p ∨ r). On représente E par : ∧ (p ∨ r) (p ∨ q) ⇒ ¬r En répétant ce procédé avec les sous-expressions droite et gauche, on obtient finalement l’arbre de décomposition de l’expression E : ∧ ⇒ p ¬r ∨ p ∨ q 7 r 1.7 Table des propositions Valeurs Propositions 0011 p A 0101 q B 0 0000 1 F 0001 2 p∧q 0010 3 p↑q 0011 p 4 0100 5 q↑p 0101 q Equivalent Noms Faux Classe Contradiction ∅ Conjonction de p et q A∩B p ∧ (¬q) Inhibition de p par q (¬p) ∧ q Inhibition de q par p ((¬p) ∧ q) ∨ (p ∧ (¬q)) Disjonction exclusive A ∩ Bc A c A ∩B B 6 0110 7 p ∨∨q 0111 8 p∨q 1000 9 p↓q (¬p) ∧ (¬q) 1001 ((¬p) ∨ q) ∧ (p ∨ (¬q)) p double-flèche q 10 p⇔q 1010 11 ¬q 1011 p ∨ (¬q) q flèche p 12 q⇒p 1100 13 ¬p 1101 14 p⇒q (¬p) ∨ q 1110 p|q 15 (¬p) ∨ (¬q) 1111 V Disjonction inclusive c (A ∩ B) ∪ (A ∩ B c ) A∪B Négation connexe Négation de q (A ∪ B c ) ∩ (Ac ∪ B) Négation de p p flèche q Incompatibilité Vrai Tautologie Remarques 1.7.1 • Le connecteur | est la barre de SHEFFER. C’est le connecteur NAND des informaticiens. • Le connecteur ↓ est le flèche de PIERCE. C’est le connecteur NOR des informaticiens. 8 Ac ∩ B c Bc A ∪ Bc Ac Ac ∪ B Ac ∪ B c E Chapitre 2 Ensembles 2.1 2.1.1 Introduction Les fondements de la théorie des ensembles La théorie des ensembles, créée par le mathématicien allemand Georg Cantor à la fin du XIXe siècle, se propose de donner un fondement aux mathématiques. La théorie créée par Cantor permet également de considérer les différents types d’infini : dénombrable et non dénombrable. Elle est considérée comme une théorie fondamentale dont David Hilbert a pu dire qu’elle était un "paradis" créé par Georg Cantor pour les mathématiciens. Cependant, après les belles promesses du début de la théorie, certains paradoxes apparaissent, relevés par le logicien anglais Bertrand Russell, en particulier : "Existe t-il un ensemble de tous les ensembles ?" ou "Un ensemble peut-il être élément de lui-même ?" On est donc arrivé à l’axiomatisation de la théorie des ensembles, par Ernst Zermelo, (18711953) et Abraham Fraenkel, (1891-1965). Le projet d’axiomatisation des mathématiques s’arrête avec le théorème d’incomplétude de Kurt Gödel en 1931 : Toute théorie axiomatique de l’arithmétique comporte des propositions indécidables, c’est-à-dire qu’on ne peut démontrer une telle proposition, ni son contraire ! 2.1.2 Giuseppe Peano Giuseppe Peano (1858-1932), enseignant à l’académie militaire de Turin, s’intéresse à la formalisation des mathématiques d’où émanent beaucoup de notations d’aujourd’hui, il parle le premier de logique mathématique et décrit de façon axiomatique l’ensemble N des entiers naturels : • • • • • 0 ∈ N : N n’est pas vide. Tout entier naturel n a un unique successeur. Aucun entier naturel n’a 0 pour successeur : N possède un plus petit élément 0 Deux entiers naturels ayant le même successeur sont égaux. Principe de récurrence : Tout ensemble d’entiers contenant 0 et le successeur de chacun de ses éléments est l’ensemble des entiers naturels N 2.1.3 Construction des mathématiques "modernes" La théorie commence avec les notions d’ensemble, d’élément et d’appartenance, à partir desquelles elle construit les objets et structures usuels des mathématiques : • Relations, fonctions et applications. • Les nombres entiers naturels : N et les autres ensembles de nombres : Z, Q, R, C • Les structures de groupe, anneau, corps et espace vectoriel. • La géométrie. 9 2.2 2.2.1 Notion d’ensemble Notions premières Les notions d’ensemble, d’élément et d’appartenance sont considérées comme des notions premières, c’est-à-dire exemptes de définition. Définition 2.2.1 On détermine avant tout l’ensemble dans lequel on travaille, appelé référentiel, généralement noté E, dans lequel les éléments sont nettement définis. Exemples 2.2.1 • Les ensembles de nombres : N, Z, Q, R • L’ensemble des entiers naturels premiers. • L’ensemble des vecteurs du plan. • L’univers Ω des événements en probabilités. • L’ensemble F des fonctions numériques définies sur R • L’ensemble des films du cinéma français. Définition 2.2.2 La donnée d’un ensemble A est "correcte" si et seulement si, pour tout élément x du référentiel, on peut savoir sans ambiguïté si : • x appartient à A, on notera alors x ∈ A • x n’appartient pas à A, on notera x 6∈ A ou x ∈ Ac L’ensemble des 5 "meilleurs" films du cinéma français ne peut constituer un ensemble ... 2.2.2 Représentation naïve d’un ensemble On doit ce type de représentation des ensembles à John Venn (1834-1923), logicien anglais. Il déclarait lui-même que leur utilisation devenait "douteuse" quand le nombre d’ensembles devenait important. On utilise également les diagrammes ou tableaux de Lewis Caroll (1832-1898). B Bc A B A Ac Diagramme de Lewis Caroll 2.2.3 Diagramme de Venn Détermination en extension Définition 2.2.3 Un ensemble est déterminé en extension par l’énumération de ses éléments. Ceux-ci sont alors notés entre accolades, sans répétition. On peut également utiliser les points de suspension si aucune confusion n’est possible. Exemples 2.2.2 • Un ensemble à un seul élément est un singleton {a} , un ensemble de deux éléments distincts est une paire {a, b} • A = {a, b, c} • L’ensemble des entiers naturels : N = {0, 1, 2, 3, . . .} • B = {0, 1, 2, 3, . . . , 1000} Remarques 2.2.1 • L’ordre des éléments n’importe pas, ainsi : {a, b, c} = {b, c, a} • On ne répète pas le même élément : {a, a, b} = {a, b} 10 2.2.4 Détermination en compréhension Définition 2.2.4 Un ensemble est déterminé en compréhension en indiquant une propriété caractéristique de ses éléments : A = {x ∈ E | p(x)} Exemples 2.2.3 • B = {1, 2, 3 . . . 1000} = {x ∈ N | 1 ≤ x ≤ 1000} • C = {x ∈ R | x2 − 3x + 2 ≤ 0} • P = {(x, y, z) ∈ R3 | x − 2y + z = 0} • [−2; 4] = {x ∈ R | − 2 ≤ x ≤ 4} Remarques 2.2.2 Certains ensembles ne peuvent pas être exprimés en extension, comme les intervalles de R, cependant on note : • [a, b] = {x ∈ R | a ≤ x ≤ b} • ]a, b[= {x ∈ R | a < x < b} • [a, +∞[= {x ∈ R | x ≥ a} • ] − ∞, a[= {x ∈ R | x < a} 2.2.5 Cardinal d’un ensemble fini Définition 2.2.5 Lorsqu’un ensemble A est fini, l’entier naturel égal au nombre de ses éléments est appelé son cardinal, noté card(A), ou |A|, ou même #A Exemples 2.2.4 • L’ensemble des diviseurs de 12 : D(12) comporte 6 éléments. • Le nombre de parties à 3 éléments parmi 5 est égal à C53 = 10 • L’ensemble des nombres premiers est infini. • L’ensemble des multiples de 24, noté 24N, est infini. 2.3 2.3.1 Sous-ensembles, ensemble des parties Définitions Définition 2.3.1 Soient A et B deux ensembles. Si tous les éléments de A sont éléments de B, on dit que A est inclus dans B, ou que A est une partie de B, ou que A est un sous-ensemble de B et on note : A ⊆ B A est une partie propre de B si et seulement si (A ⊆ B) ∧ (A 6= B), et on notera A ⊂ B. On parle alors d’inclusion stricte. Exemples 2.3.1 • L’ensemble des entiers premiers est un sous-ensemble de N • N⊂Z⊂Q⊂R • L’ensemble des fonctions continues est inclus dans l’ensemble des fonctions. Propriétés 2.3.1 • ∀A : A ⊆ A, mais A 6⊂ A • x ∈ A si et seulement si {x} ⊆ A • Dans le cas des ensembles finis : – Si A ⊆ B, alors card(A) ≤ card(B) – Si A ⊂ B, alors card(A) < card(B) • Si A ∩ B = A, alors A ⊆ B 11 2.3.2 Égalité de deux ensembles Définition 2.3.2 Deux ensembles sont égaux si et seulement si ils possèdent les mêmes éléments. Propriétés 2.3.2 • A = B si et seulement si (A ⊆ B) ∧ (B ⊆ A) • Dans le cas des ensembles finis, si A = B, alors card(A) = card(B), mais la réciproque est fausse. Exemples 2.3.2 • Les ensembles E = {x ∈ R | x2 − 3x + 2 ≤ 0} et F = {x ∈ R | 1 ≤ x ≤ 2} sont égaux : • Les ensembles G = {x ∈ R | x2 ≤ 4} et H = [0, 2] ne sont pas égaux. 2.3.3 Ensemble vide Définition 2.3.3 Il existe un ensemble qui ne contient aucun élément : l’ensemble vide, noté ∅ ou {} La notation ∅ a été introduite par le mathématicien André Weil du groupe de mathématiciens français Bourbaki. Propriétés 2.3.3 • card(∅) = 0 • ∀x ∈ E : x 6∈ ∅ • ∀A : ∅ ⊆ A 2.3.4 Ensemble des parties d’un ensemble Définition 2.3.4 Toutes les parties d’un ensemble A constituent un nouvel ensemble, noté P(A) Exemples 2.3.3 • Si A = {a}, alors P(A) = {∅, A} • Si A = {a, b}, alors P(A) = {∅, {a}, {b}, A} Propriétés 2.3.4 • ∅ ∈ P(A) et A ∈ P(A) • x ∈ A si et seulement si {x} ⊆ A si et seulement si {x} ∈ P(A) • A ⊆ B si et seulement si A ∈ P(B) Théorème 2.3.1 Si A contient n ∈ N éléments, alors P(A) contient 2n éléments card(P(A)) = 2card(A) 2.3.5 Produit cartésien Définition 2.3.5 Le produit cartésien de A par B, noté A × B, et lu A "croix" B, est l’ensemble de tous les couples (a, b), où a ∈ A et b ∈ B. A × B = {(a, b) | (a ∈ A) ∧ (b ∈ B)} Le produit cartésien est représenté sous forme de tableau cartésien, de diagramme cartésien où chaque couple (a, b) est un point du plan d’abscisse a et d’ordonnée b. Dans le cas où les ensembles A et B sont des intervalles de R, on représente le rectangle A × B. 12 × 1 2 2 • • • 2 1 (1, 1) (1, 2) 1 (2, 1) (2, 2) • • • 1 2 3 (3, 1) (3, 2) 1 2 3 {1, 2, 3} × {1, 2} {1, 2, 3} × {1, 2} 1 3 [1, 3] × [1, 2] Propriétés 2.3.5 • (a, b) 6= (b, a), alors que {a, b} = {b, a} • En conséquence, A × B 6= B × A • Le couple (a, a) existe, alors que {a, a} = {a} • (a, b) = (a′ , b′ ) si et seulement si (a = a′ ) ∧ (b = b′ ) • Si A = B, A × B = A × A = A2 • Le produit cartésien se généralise à n ensembles, n ≥ 2 • card(A × B) = card(A) card(B) Exemples 2.3.4 • En géométrie, le plan est représenté par R2 = R × R • En géométrie, l’espace est représenté par R3 = R × R × R • De même, Rn = {(x1 ; x2 ; . . . ; xn ) | xi ∈ R} • Le menu d’un restaurant est un exemple de produit cartésien E × P × D : – Entrées = { Tomates, Salade, Crevettes } – Plats = { Saumon, Côte de boeuf, Mouton braisé, Roti de veau} – Desserts = { Fromage, Glace, Fruits, Crème brulée } 2.4 2.4.1 Opérations ensemblistes Complémentaire Définition 2.4.1 Le complémentaire d’une partie A de E, noté Ac , est l’ensemble des les éléments qui n’appartiennent pas à A Ac = {x ∈ E | x 6∈ A} B Bc A A∩B A ∩ Bc Ac Ac ∩ B Ac ∩ B c A B Remarques 2.4.1 • Le complémentaire du référentiel est vide : E c = ∅ • Le complémentaire du vide est le référentiel : ∅c = E 2.4.2 Intersection Définition 2.4.2 L’intersection de deux parties A et B de E, notée A ∩ B est l’ensemble des éléments qui appartiennent à la fois à A et à B A ∩ B = {x ∈ E | (x ∈ A) ∧ (x ∈ B)} Si A ∩ B = ∅, on dit que les deux ensembles A et B sont disjoints. 13 B Bc A A∩B A ∩ Bc Ac Ac ∩ B Ac ∩ B c A B Exemples 2.4.1 • Dans R, [−7, 6[∩[0, 8] = [0, 6[ • Dans le plan, l’intersection des droites d’équations y = x + 1 et d′ : y = −x + 3 est le point de coordonnées (1, 2) • Les ensembles des entiers naturels pairs et des entiers naturels impairs sont disjoints. • ∀A : A et Ac sont disjoints. • Les ensembles D(11) et D(19) des diviseurs de 11 et 19 ne sont pas disjoints car D(11) ∩ D(19) = {1} 2.4.3 Union ou Réunion Définition 2.4.3 La réunion de deux parties A et B de E, notée A ∪ B est l’ensemble des éléments qui appartiennent à A ou à B A ∪ B = {x ∈ E | (x ∈ A) ∨ (x ∈ B)} 2.4.4 B Bc A A∩B A ∩ Bc Ac Ac ∩ B Ac ∩ B c A B Partition Définition 2.4.4 Une famille de parties non vides Fi est une partition de E si et seulement si deux parties quelconques distinctes sont disjointes et si l’union de toutes les parties est égale à E Exemples 2.4.2 • Pour tout A, {A, Ac } forment une partition de R • L’ensemble des entiers pairs et celui des entiers impairs forment une partition de N • {{1, 2}, {2, 3}} n’est pas une partition de {1, 2, 3} 2.5 2.5.1 Axiomes et théorèmes des opérations ensemblistes Axiomes Ce sont des propriétés qui servent de base aux calculs ensemblistes : A1 Commutativité A∪B =B∪A A2 A3 A∩B =B∩A Associativité A4 A5 (A ∩ B) ∩ C = A ∩ (B ∩ C) Distributivité A6 A7 (A ∪ B) ∪ C = A ∪ (B ∪ C) A ∪ (B ∩ C) = (A ∪ B) ∩ (A ∪ C) A ∩ (B ∪ C) = (A ∩ B) ∪ (A ∩ C) Éléments neutres A∪∅=A A8 A∩E =A A9 Tiers exclu A10 Contradiction A ∪ Ac = E A ∩ Ac = ∅ 14 2.5.2 Théorèmes A partir des axiomes, on démontre les théorèmes suivants : T1 Idempotence A∪A=A T2 T3 A∩A=A Absorption (1) T4 T5 A∩∅ = ∅ Absorption (2) T6 T7 A ∪ (A ∩ B) = A A ∩ (A ∪ B) = A De Morgan (A ∪ B)c = Ac ∩ B c T8 T9 A∪E =E (A ∩ B)c = Ac ∪ B c Involution Acc = A 15 Chapitre 3 Prédicats 3.1 3.1.1 Prédicats Définition Définition 3.1.1 Un prédicat est un énoncé contenant des variables telles que, si on remplace ces variables par les valeurs du référentiel, l’énoncé devient une proposition. Exemples 3.1.1 • Dans l’énoncé : "Le nombre réel x est strictement plus grand que 3" : – x est la variable réelle. – "x est strictement plus grand que 3" est le prédicat p(x) – La proposition p(4) est vraie. – La proposition p(1) est fausse. – On notera p(x) = (x > 3) défini dans le référentiel R √ • q(x, E) = (x ∈ E) est un prédicat à deux variables. q(−3, N) est une proposition fausse, q( 2, Q) est également une proposition fausse. • r(x, y) = "x travaille avec y", défini sur le référentiel comportant les quatre personnes Alain, Bernard, Charlotte et David, est un prédicat à deux variables x et y. Les valeurs des variables sont les quatre personnes du référentiel. Remarques 3.1.1 La variable d’un prédicat est une variable muette : on peut changer la lettre qui la représente sans que cela change le contenu du prédicat. p(x) = (x > 3) est le même prédicat que p(a) = (a > 3) 3.1.2 Classe d’un prédicat Définition 3.1.2 La classe d’un prédicat p défini sur le référentiel E est le sous-ensemble P ⊂ E tel que : • p(x) est vrai pour tout x ∈ P • p(x) est faux pour tout x 6∈ P Exemples 3.1.2 • Dans R, la classe de p(x) = (x > 3) est P =]3, +∞[ • Soit q(x) = (x2 ≤ x). Dans R, sa classe est [0, 1], Dans N, sa classe est {0, 1} • Dans R2 , la classe de p(x, y) = (x + y = 1) est une droite. • Dans R2 , la classe de p(x, y) = (x = 2) est une droite. • Dans R2 , la classe de p(x, y) = (x2 + y 2 ≤ 1) est le disque de centre O et de rayon 1, cercle compris. 16 3.1.3 Définition d’un ensemble en compréhension Définition 3.1.3 Un ensemble est déterminé en compréhension en indiquant une propriété caractéristique de ses éléments : P = {x ∈ E | p(x) = V} Ainsi, P est la classe du prédicat p(x). Cependant, l’usage veut que l’on abrège la notation précédente en : P = {x ∈ E | p(x)} 3.2 3.2.1 Opérations logiques et prédicats Classes et connecteurs logiques Théorème 3.2.1 Soient les deux prédicats p(x) et q(x), de classes respectives P et Q sur le même référentiel R • La classe de p(x) ∨ q(x) est P ∪ Q • La classe de p(x) ∧ q(x) est P ∩ Q • La classe de ¬p(x) est P c • La classe de p(x) ⇒ q(x) est P c ∪ Q • La classe de p(x) ⇔ q(x) est (P c ∪ Q) ∩ (Qc ∪ P ) 3.2.2 Comparaison des prédicats Définition 3.2.1 Deux prédicats p et q définis sur le référentiel R sont : • égaux si et seulement si P = Q • compatibles si et seulement si P ∩ Q 6= ∅ • incompatibles si et seulement si P ∩ Q = ∅ Remarques 3.2.1 • L’énoncé x ∈ A ∩ B est une proposition. Sa négation est ¬(x ∈ A ∩ B) = (x 6∈ A ∩ B) • A ∩ B est un ensemble. Son complémentaire est (A ∩ B)c = Ac ∪ B c • Donc : ¬(x ∈ A ∩ B) = (x 6∈ A ∩ B) = (x ∈ (A ∩ B)c ) = (x ∈ Ac ∪ B c ) 17 Chapitre 4 Quantificateurs Le langage des prédicats ne permet pas de traduire les notions de quantités, ni de faire la différence entre les prédicats vrais pour toutes les valeurs des variables, ou vrais pour seulement certaines valeurs des variables. Dans la phrase "Pierre a peur des crocodiles", on sait qu’il y a une homme appelé Pierre qui a peur de tous les crocodiles. La notation p(x, y) signifiant "x a peur de y" ne suffit pas pour indiquer l’existence de cet homme x appelé Pierre, ni pour indiquer qu’il a peur de tous les crocodiles y. Nous allons donc introduire la notion de quantificateur. 4.1 4.1.1 Quantificateur universel Définition Exemples 4.1.1 Dans R, considérons le prédicat : p(x) = ((x > 5) ⇒ (x > 4)) = (¬(x > 5) ∨ (x > 4)) = ((x ≤ 5) ∨ (x > 4)) Sa classe est P =] − ∞ , 5 ]∪] 4 , +∞ [= R. Donc, tous les réels vérifient le prédicat. Définition 4.1.1 p(x) étant un prédicat défini sur le référentiel E, et P sa classe, l’énoncé P = E est une proposition. Elle s’énonce : "Pour tout x ∈ E, p(x) est vraie" et se note : ∀x ∈ E : p(x) = V Le quantificateur ∀ est appelé quantificateur universel. La notation précédente est souvent abrégée en : ∀x ∈ E : p(x), ou même ∀x : p(x) quand il n’y a aucune ambiguïté quant au référentiel. Exemples 4.1.2 Le quantificateur universel est couramment utilisé dans les définitions et théorèmes : • ∀x ∈ R : x2 ≥ 0 • ∀a ∈ R, ∀b ∈ R : (a + b)2 = a2 + 2ab + b2 • ∀p, ∀q : p ∧ q = q ∧ p • (A ⊂ B) ⇔ (∀x ∈ E : (x ∈ A) ⇒ (x ∈ B)) • ∀x ∈ R : (x = 0) ⇔ ((x ≤ 0) ∧ (x ≥ 0)) • Le parallélisme de deux droites distinctes d et d′ du plan s’écrit : ∀M : (M ∈ d) ⇒ (M 6∈ d′ , ce qui revient à dire que d ∩ d′ = ∅ Remarques 4.1.1 • On lit indifféremment "Pour tout x" ou "Quel que soit x" • Le quantificateur peut être "dissimulé" dans des expressions du langage courant, comme : "Le carré d’un réel est toujours positif", qui se note ∀x ∈ R : x2 ≥ 0 • p(x) est un prédicat, mais ∀x : p(x) est une proposition. 18 4.2 4.2.1 Quantificateur existentiel Définition Exemples 4.2.1 Dans R, considérons le prédicat : q(x) = (x2 + 4x − 5 = 0) = ((x − 1)(x + 5) = 0) = ((x − 1 = 0) ∨ (x + 5 = 0)) = ((x = 1) ∨ (x = −5)) Sa classe est Q = {1; −5} 6= ∅. Donc, certains réels vérifient le prédicat. Définition 4.2.1 p(x) étant un prédicat défini sur E, et P sa classe, l’énoncé P 6= ∅ est une proposition. Elle s’énonce : "Il existe un x ∈ E tel que p(x) est vraie" et se note : ∃x ∈ E : p(x) Le quantificateur ∃ est appelé quantificateur existentiel. Exemples 4.2.2 • x est un entier naturel pair s’écrit : p(x) = (∃k ∈ N : x = 2k) • x est un multiple de m s’écrit : q(x, m) = (∃k ∈ N : x = km) • x est un diviseur de 12 : ∃k ∈ N : kx = 12 • ∃x ∈ R : x2 = 5 est vraie, mais ∃x ∈ N : x2 = 5 est fausse. Remarques 4.2.1 • On lit indifféremment "Il existe x", ou "On peut trouver x" • L’existence de x est différente de la manière de le trouver, quand il en existe une ! • On ne connait pas le nombre de x qui conviennent. • Le quantificateur peut être "dissimulé" dans des expressions plus proches du langage courant, comme "certains réels ont leur carré égal à 2" : ∃x ∈ R : x2 = 2 • On peut utiliser le quantificateur universel pour des intersections de familles d’ensembles Ai ∈ E : \ Ai = {x ∈ E | ∀i ∈ I : x ∈ Ai } i∈I 4.2.2 Propriétés ∀ et ∃ ne sont pas des abréviations, mais des symboles logiques soumis à des règles strictes d’utilisation. Les quantificateurs ∀ et ∃ sont immédiatement suivis d’une variable x, y ... Les quantificateurs ∀ et ∃ et la variable sont toujours placés avant le prédicat p(x) On doit distinguer les termes : – Identité (remarquable) : ∀x ∈ R : (x + 3)2 = x2 + 6x + 9 – Égalité : ∃x ∈ R : x2 + 3x + 2 = 0 • Les quantificateurs peuvent être utilisés conjointement dans la même expression. • On peut rencontrer des expressions du type : ∃!x : p(x)) qui signifie "Il existe un unique x qui vérifie le prédicat p. En fait, ∃!x n’est pas un quantificateur, et peut être exprimé comme suit : • • • • ∃!x : p(x) = (∃x : p(x)) ∧ (∀y, ∀z : (p(y) = p(z)) ⇒ (y = z)) Exemples 4.2.3 • Définition d’une fonction bornée : ∃M > 0, ∀x ∈ R : −M ≤ f (x) ≤ M • Limite d’une suite : ∀ǫ > 0, ∃n0 ∈ N, ∀n ∈ N : (n ≥ n0 ) ⇒ | f (x) − L | ≤ ǫ 4.3 Variables libres et liées 19 4.3.1 Définitions Définition 4.3.1 • Si une variable x apparait dans une formule en étant précédée par un quantificateur ∀ ou ∃, alors elle est liée par ce quantificateur. • Si une variable n’est liée par aucun quantificateur, elle est libre • Une formule est close si toutes les variables sont liées. • Une formule close est une proposition. • Un énoncé est un prédicat si au moins une variable est libre. Toutes les variables liées d’un prédicat ont des noms distincts. On ne peut donc pas avoir dans un prédicat : ∀x, ∃x : p(x) Exemples 4.3.1 Considérons l’expression dans N : y est un multiple de 17. • p(y) = (∃k ∈ N : x = 17k) est un prédicat de la variable y • La variable k est liée par le quantificateur ∃ • La variable y est libre. • Le prédicat est identique à : – p(y) = (∃n ∈ N : y = 17n) – p(x) = (∃y ∈ N : x = 17y) • (∀y ∈ N, ∃k ∈ N : y = 17k) est une proposition puisque les deux variables y et k sont liées. 4.4 4.4.1 Quantificateurs et connecteurs logiques Négation des formules quantifiées Théorème 4.4.1 Soient deux prédicats p et q définis sur le référentiel E : ¬(∀x : p(x)) ¬(∃x : p(x)) = = ∃x : ¬p(x) ∀x : ¬p(x) Démonstration 4.4.1 • ¬(∀x : p(x)) = ¬(P = E) = (P 6= E) = (P c 6= ∅) = (∃x : ¬p(x)) • ¬(∃x : p(x)) = ¬(P 6= ∅) = (P = ∅) = (P c = E) = (∀x : ¬p(x)) Exemples 4.4.1 • ¬(∀x ∈ R : x2 > x) = (∃x ∈ R : x2 ≤ x) • ¬(∃x ∈ R : (x 6∈ Z) ∧ (x2 ∈ N)) = (∀x ∈ R : (x ∈ Z) ∨ (x2 6∈ N)) • ¬(∀x ∈ Z, ∃y ∈ Z : x = 3y) = (∃x ∈ Z, ∀y ∈ Z : x 6= 3y) • Dans le plan, la négation du parallélisme de deux droites s’écrit : ∃M : (M ∈ d) ∧ (M ∈ d′ ) ce qui signifie que d ∩ d′ 6= ∅ 4.4.2 Quantificateurs et conjonction Théorème 4.4.2 Soient p et q deux prédicats, de classes respectives P et Q : (∀x : p(x) ∧ q(x)) = ((∀x : p(x)) ∧ (∀x : q(x))) Démonstration 4.4.2 ∀x : p(x) ∧ q(x) = (P ∩ Q = E) = ((P = E) ∧ (Q = E)) = ((∀x : p(x)) ∧ (∀x : q(x))) Remarques 4.4.1 Cependant, il n’y a pas égalité entre : (∃x : p(x)) ∧ (∃x : q(x)) et ∃x : p(x) ∧ q(x). En effet : • (∃x ∈ N : (x > 7) ∧ (x < 6)) est faux. • (∃x ∈ N : (x > 7)) est vrai et (∃x ∈ N : (x < 6)) est vrai. Donc (∃x ∈ N : (x > 7)) ∧ (∃x ∈ N : (x < 6)) est vrai. La première formulation est équivalente à : (∃x : p(x)) ∧ (∃y : q(y)) ce qui met en évidence le fait qu’on peut avoir x et y distincts. 20 4.4.3 Quantificateurs et disjonction Théorème 4.4.3 Soient p et q deux prédicats, de classes respectives P et Q : (∃x : p(x) ∨ q(x)) = ((∃x : p(x)) ∨ (∃x : q(x))) Démonstration 4.4.3 (∃x : p(x)) ∨ (∃x : q(x)) = ((P 6= ∅) ∨ (Q 6= ∅)) = (P ∪ Q 6= ∅) = (∃x : p(x) ∨ q(x)) Remarques 4.4.2 Cependant, il n’y a pas égalité entre : (∀x : p(x)) ∨ (∀x : q(x)) et ∀x : p(x) ∨ q(x). En effet : • Dans E = N, p(x) = ”x est pair” et q(x) = ”x est impair”. • ∀x ∈ N : p(x) ∨ q(x) est vrai. • ∀x ∈ N : p(x) et ∀x : q(x) sont faux, donc la disjonction des deux également. 4.4.4 Ordre des quantificateurs Dans le cas de prédicats à plusieurs variables quantifiées : • (∀x, ∀y : p(x, y)) = (∀y, ∀x : p(x, y)) • (∃x, ∃y : p(x, y)) = (∃y, ∃x : p(x, y)) Cependant : On ne peut pas changer l’ordre des quantificateurs différents ∀ et ∃ Exemples 4.4.2 • ∀x ∈ N, ∃y ∈ N : y > x est une proposition vraie. En effet, tout entier x admet un entier y qui lui est strictement supérieur. • ∃y ∈ N, ∀x ∈ N : y > x est une proposition fausse. En effet, cette proposition signifie qu’il existe un entier y strictement plus grand que tous les autres. 4.4.5 Simplifications d’écriture • On peut parfois éliminer les quantificateurs d’une formule : (∃x ∈ R : ax2 + bx + c = 0) = (b2 − 4ac ≥ 0) • On peut simplifier certaines notations : (∀x, ∀y : p(x)) 4.5 4.5.1 = (∀x, y : p(x)) Applications Transformations d’expressions Soit un référentiel E et A ⊂ E. • La proposition p = "tous les éléments de x ∈ A vérifient le prédicat p(x)" s’écrit ∀x ∈ A : p(x) et se transforme en ∀x : (x ∈ A) ⇒ p(x) • La proposition q = "aucun élément x ∈ A ne vérifie q(x)" s’écrit ∀x ∈ A : ¬q(x). Sa négation est ¬q = "il existe un x ∈ A qui vérifie q(x). On a donc : ¬(∀x : (x ∈ A) ⇒ ¬q(x)) ¬(∀x : ¬(x ∈ A) ∨ ¬q(x)) ∃x : (x ∈ A) ∧ q(x) ∃x ∈ A : q(x) 21 4.5.2 Langage naturel Exemples 4.5.1 • On note "x est un étudiant de première semestre" : x ∈ S1 • On note "x assiste au cours de MD1" : a(x) • On note "x écoute le cours de MD1" : e(x) • L’énoncé "Tous les étudiants de première année assistent au cours de MD1", s’écrit : ∀x ∈ S1 : a(x) • Cet énoncé s’écrit également : ∀x : (x ∈ S1) ⇒ a(x) • L’énoncé "Quelques étudiants de première année écoutent le cours de MD1", s’écrit : ∃x ∈ S1 : e(x) • Cet énoncé s’écrit également : ∃x : (x ∈ S1) ∧ e(x) Exemples 4.5.2 Traduction de langage naturel en formules quantifiées : • "Tous les hommes sont méchants" : ∀x : h(x) ⇒ m(x). • "Toutes les créatures méchantes sont des hommes" : ∀x : m(x) ⇒ h(x). • "Il y a un homme qui n’est pas méchant" : ∃x : h(x) ∧ ¬m(x). • "Il y a au moins un homme méchant" : ∃x : h(x) ∧ m(x). • "Il n’existe pas d’homme méchant" : ∀x : h(x) ⇒ ¬m(x). • "Aucun homme n’est méchant" : ∀x : h(x) ⇒ ¬m(x). 22 Chapitre 5 Démonstrations 5.1 5.1.1 Les méthodes de raisonnement Modes de raisonnement D’après Charles Sanders PEIRCE, linguiste et philosophe des sciences, nous raisonnons de trois façons : Par déduction, par induction ou par abduction. • C’est la déduction mathématique, dont le mode le plus fréquent est le modus ponens, caractérisé par l’exemple : "Tous les hommes sont des menteurs, Paul est un homme, donc Paul est un menteur". Dans la déduction, "aucune connaissance nouvelle n’apparait" : la conclusion C est entièrement contenue dans l’hypothèse H • Quand tous les résultats successifs d’une expérience donnent le même résultat, on généralise ce résultat en une loi probable : "Paul est un menteur, Jacques est un menteur, Pierre est un menteur, etc ... donc tous les hommes sont des menteurs". Bien entendu, il suffit qu’un seul résultat de l’expérience contredise le résultat général pour supprimer la loi, c’est le contre-exemple. • L’abduction intervient quand on applique à un cas particulier ce qui n’est qu’une condition nécessaire du cas général : – C’est le raisonnement du détective : "L’assassin fume la pipe, Claude fume la pipe, donc Claude est l’assassin". Ce qui n’est pas une preuve, mais une présomption, plus ou moins forte. Il faudrait encore que Claude avoue qu’il est l’assassin ... – C’est aussi le raisonnement des découvertes scientifiques : il consiste à introduire une règle à titre d’hypothèse afin de considérer les résultats observés comme cas particuliers de cette règle. Contrairement à l’induction et à la déduction, l’abduction est selon Peirce le seul mode de raisonnement par lequel on peut aboutir à des connaissances nouvelles. 5.1.2 Terminologie Définition 5.1.1 • Axiome : Proposition déclarée vraie à priori. • Théorème : Proposition démontrée à partir des axiomes. • Lemme : Proposition utile dans la démonstration d’un théorème. • Corolaire : Conséquence d’un théorème. • Conjecture : Proposition dont on ne connait pas la valeur de vérité. A part les axiomes, la véracité de toutes les autres propositions doit faire l’objet d’une démonstration. Exemples 5.1.1 Dans le livre I des éléments, Euclide donne 5 postulats, ou axiomes qui servent de socle à toute la construction de la géométrie plane : • Un segment de droite peut être tracé en joignant deux points quelconques. • Un segment de droite peut être prolongé indéfiniment en une ligne droite. • Étant donné un segment de droite, un cercle peut être tracé en prenant ce segment comme rayon et l’une de ses extrémités comme centre. • Tous les angles droits sont égaux entre eux. • Si deux lignes sont sécantes avec une troisième, alors des deux lignes sont sécantes du côté où la somme des angles intérieurs est inférieure à deux angles droits. 23 5.1.3 Théorie axiomatique C’est le projet de Hilbert, créer une théorie mathématique formelle T : Mathématiques = Axiomes + Règles de déduction logique On dispose pour cela de : • Un ensemble fini de symboles : – V, F , p, q ..., x, y ... – ∧, ∨, ⇒ ... (, ) • Un ensemble de règles spécifiant des formules bien écrites : la syntaxe. • Un ensemble d’axiomes, c’est-à-dire de formules que l’on pose comme vraies. • Un ensemble de règles de déduction, permettant, à partir des axiomes et des théorèmes déjà existants d’en déduire de nouveaux. Cet ensemble ayant bien sur une signification : la sémantique. 5.1.4 En programmation • Un programme est une suite de symboles. • Un langage de programmation est un ensemble de règles syntaxiques. • La sémantique interprète ce que réalise le programme. Exemples 5.1.2 • Du point de vue symbolique, ”3 + 4” est un mot de 3 caractères. • Du point de vue syntaxique, c’est une expression arithmétique. • Du point de vue sémantique, c’est une addition. 5.2 5.2.1 Déduction logique Définitions Il s’agit dans ce chapitre de préciser les divers modes de déduction, ou de démonstration constituant le raisonnement mathématique. Définition 5.2.1 La formation d’un énoncé vrai B, à partir d’un énoncé vrai A s’appelle déduction de B à partir de A. On dit que B se déduit de A si à chaque fois que A est vraie, B l’est également. Théorème 5.2.1 On dit que B se déduit de A si et seulement si la proposition A ⇒ B est une tautologie. Exemples 5.2.1 • Le raisonnement : "S’il pleut, je ne sors pas" or "il ne pleut pas", donc "je sors" n’est pas valide. • Le raisonnement : "S’il pleut, je ne sors pas" or "je sors", donc "il ne pleut pas" est valide. p s ¬s p ⇒ ¬s (p ⇒ ¬s) ∧ s ¬p 0 0 1 1 0 1 0 1 0 1 1 1 1 0 1 1 0 0 1 1 0 0 0 0 24 5.2.2 Vocabulaire Définition 5.2.2 On dispose de diverses écritures ou formulations de l’implication logique p ⇒ q : • Si p, alors q • p est une condition suffisante pour q • q est une condition nécessaire pour p • Pour p, il est nécessaire d’avoir q • Pour q, il suffit d’avoir p Exemples 5.2.2 Soit les propositions, dans le plan : p = "Le quadrilatère ABCD est un losange" et q = "Le quadrilatère ABCD est un parallélogramme". On peut dire de manière équivalente : • p⇒q • Si "ABCD est un losange", alors "ABCD est un parallélogramme". • "ABCD est un parallélogramme" est une condition nécessaire pour que "ABCD soit un losange". • Il faut que ABCD soit un parallélogramme pour que ABCD soit un losange. • "ABCD est un losange" est une condition suffisante pour que "ABCD soit un parallélogramme". • Il suffit que ABCD soit un losange pour que ABCD soit un parallélogramme. Définition 5.2.3 On dispose de diverses écritures ou formulations de l’équivalence logique p ⇔ q : • p si et seulement si q • p est une condition nécessaire et suffisante pour q 5.3 5.3.1 Principales méthodes de démonstration Modus ponens ou détachement Théorème 5.3.1 La proposition ( p ∧ (p ⇒ q) ) ⇒ q est une tautologie. La règle de déduction associée est : Si p est vraie et p ⇒ q est vraie, alors q est vraie Exemples 5.3.1 • "Tout homme est menteur", "Paul est un homme", donc "Paul est menteur". • Attention, la déduction suivante est FAUSSE : "Tout homme est menteur", "Claude est menteur", donc "Claude est un homme". 5.3.2 Modus tollens Théorème 5.3.2 La proposition (¬q ∧ (p ⇒ q)) ⇒ ¬p est une tautologie. La règle de déduction associée est : Si q est fausse et p ⇒ q, alors p est fausse Intuitivement, si p implique q et si on sait que la proposition q est fausse, alors p ne peut qu’être fausse. 5.3.3 Contraposition Théorème 5.3.3 La proposition (p ⇒ q) ⇔ (¬q ⇒ ¬p) est une tautologie. La règle de déduction associée est : Si ¬q ⇒ ¬p, alors p ⇒ q Exemples 5.3.2 • "Ceux qui parlent ne savent pas" a le même sens que "Ceux qui savent ne parlent pas" • Montrer que, pour tout n ∈ N, si n2 est impair, alors n est impair. 25 5.3.4 Disjonction des cas Théorème 5.3.4 La proposition ( (p ∨ q) ∧ (p ⇒ r) ∧ (q ⇒ r) ) ⇒ r est une tautologie. La règle de déduction associée est : Si p ∨ q est vraie, p ⇒ r et q ⇒ r, alors r est vraie. Exemples 5.3.3 • Si a n’est pas divisible par 7, alors le reste de a6 dans la division euclidienne par 7 est égal à 1. • Pour tous x et y réels, |x + y| ≤ |x| + |y|. • Montrer que, pour tous tous n ∈ N, 3n2 + 5n + 1 est impair. • Montrer que si (A ∪ C) ⊂ (A ∪ B) et (A ∩ C) ⊂ (A ∩ B), alors C ⊂ B. 5.3.5 Transitivité Théorème 5.3.5 La proposition ( (p ⇒ q) ∧ (q ⇒ r) ) ⇒ (p ⇒ r) est une tautologie. La règle de déduction associée est : Si p ⇒ q et q ⇒ r, alors p ⇒ r 5.4 5.4.1 Autres méthodes Équivalence Pour démontrer que deux énoncés E1 et E2 sont équivalents, on doit démontrer les deux implications : • Le sens direct : E1 ⇒ E2 • La réciproque : E2 ⇒ E1 Pour démontrer que trois énoncés E1 , E2 et E3 sont équivalents, on peut démontrer les trois implications : • E1 ⇒ E2 • E2 ⇒ E3 • E3 ⇒ E1 5.4.2 Contre-exemple Théorème 5.4.1 ¬( ∀x : p(x) ⇒ q(x) ) = ∃x : p(x) ∧ ¬q(x) Pour montrer que l’implication p(x) ⇒ q(x) n’est pas vraie pour tout x, on trouve un x qui vérifie p et qui ne vérifie pas q Exemples 5.4.1 • Toute suite à termes strictement positifs convergente vers 0 est décroissante à partir d’un certain rang. n • FERMAT pensait que : "Pour tout n ∈ N, Fn = 22 + 1 est un entier premier" . Cette proposition est fausse car F5 = 4.294.967.297 est divisible par 641. • La proposition : "Si n est divisible par 4 et par 6, alors n est divisible par 24" est fausse, car 12 est divisible par 4 et par 6 mais pas par 24. • La proposition : "Toute fonction continue est dérivable" est fausse, la fonction valeur-absolue ... 5.4.3 Démonstration par l’absurde Une proposition est soit vraie, soit fausse, mais ne peut être les deux à la fois, c’est le principe du tiers-exclu. Montrer que la proposition p est vraie est équivalent à montrer que ¬p est fausse. Le principe de la démonstration par l’absurde consiste à supposer que ¬p vraie, puis à montrer que cette supposition conduit à une contradiction. 26 Théorème 5.4.2 La proposition suivante et une tautologie : (¬p ⇒ q) ∧ (¬p ⇒ ¬q) ⇒ p Le théorème indique que ¬p entrainant à la fois q et ¬q ne peut être que fausse, c’est à dire que p est vraie. Exemples 5.4.2 √ • 2 n’est pas un nombre rationnel. • Il existe une infinité de nombres premiers. • Il n’existe pas de plus petit nombre rationnel strictement positif. 5.4.4 Raisonnement par récurrence On trouve le raisonnement par récurrence dans le "Traité du triangle arithmétique" de Blaise Pascal, écrit en 1654, ce qui est généralement considéré comme sa première utilisation tout à fait explicite. Au XVIIe siècle, il faut mentionner Fermat et Bernoulli qui critiquent tous deux la méthode d’induction de John Wallis, qui correspond grossièrement à une démonstration pour les premiers entiers et "ainsi de suite ...". Au cours du XVIIIe et du XIXe siècle, le raisonnement par récurrence est de plus en plus utilisé pour aboutir finalement à sa formalisation et à son axiomatisation, d’abord partiellement par Grassmann en 1861, puis par Richard Dedekind en 1888 et indépendamment par Giuseppe Peano en 1889, pour qui la récurrence est un axiome formalisant une propriété des entiers naturels. Théorème 5.4.3 Pour démontrer qu’une propriété p(n) est vraie pour tout n ∈ N, on montre que : Amorce : p(0) est vraie. Hérédité : ∀k ∈ N : p(k) ⇒ p(k + 1) Exemples 5.4.3 Montrer que : ∀n ∈ N : 3n2 + 5n + 1 est un entier naturel impair. • Pour n = 0 : 3n2 + 5n + 1 = 1 qui est un entier impair, ce qui démontre l’amorce. • 3(n + 1)2 + 5(n + 1) + 1 = . . . = (3n2 + 5n + 1) + (6n + 8) • Or, (6n + 8) est pair et si 3n2 + 5n + 1 est impair d’après l’hypothèse de récurrence, alors la somme des deux est un entier naturel impair, ce qui démontre l’hérédité. 27 Chapitre 6 Algèbre de Boole 6.1 6.1.1 Généralités Introduction Au XIXème siècle, la logique d’Aristote s’éloigne de la philosophie, et se métamorphose en une sorte de calcul algébrique, qui lui donne une allure "fortement mathématique", et qui sera l’algèbre de George BOOLE (1815-1864). L’algèbre de BOOLE utilise les opérations + et . pour écrire les propositions logiques. Elle permet de traduire des signaux électriques en expressions mathématiques en faisant correspondre à chaque signal élémentaire une variable logique. Elle fut utilisée au XXème siècle dans les télécommunications par Claude Shannon. Elle est également utilisée pour l’optimisation de requêtes dans les bases de données. On a déjà remarqué que l’on calcule de la même manière dans : • L’ensemble des parties d’un référentiel P(E) • L’ensemble des propositions P Nous allons définir de manière plus générale la structure d’algèbre de Boole. 6.1.2 Définition Soit un ensemble B contenant au moins deux éléments distincts notés 0 et 1, muni de trois opérations : • Une opération unaire, la complémentation : a → a • Une addition : (a, b) → a + b • Une multiplication : (a, b) → a.b Il s’agit de munir ces opérations de certaines propriétés. Définition 6.1.1 L’ensemble B possède une structure d’algèbre de Boole si et seulement si ∀a ∈ B, ∀ ∈ B : Commutativité Associativité Éléments neutres Distributivité Relations avec 0 et 1 a+b=b+a a.b = b.a (a + b) + c = a + (b + c) (a.b).c = a.(b.c) a+0=a a.1 = a a.(b + c) = (a.b) + (a.c) a + (b.c) = (a + b).(a + c) a+a=1 a.a = 0 Une algèbre de Boole quelconque sera notée : (B, , +, ., 0, 1) Exemples 6.1.1 • Ensemble des parties d’un référentiel : (P(E), c , ∪, ∩, ∅, E) 28 • Ensemble des propositions : (P, ¬ , ∨, ∧, F , V) • Ensemble des diviseurs de 10 : D(10) = {1, 2, 5, 10}, en posant : – a + b = ppcm(a, b) – a.b = pgcd(a, b) 10 – a= a 6.1.3 Propositions, ensembles et algèbre de Boole Propositions Ensembles Algèbre de Boole p∧q =q∧p A∩B =B∩A a.b = b.a p∨q =q∨p A∪B =B∪A a+b=b+a (p ∧ q) ∧ r = p ∧ (q ∧ r) (A ∩ B) ∩ C = A ∩ (B ∩ C) (a.b).c = a.(b.c) (p ∨ q) ∨ r = p ∨ (q ∨ r) (A ∪ B) ∪ C = A ∪ (B ∪ C) (a + b) + c = a + (b + c) p ∧ (q ∨ r) = (p ∧ q) ∨ (p ∧ r) A ∩ (B ∪ C) = (A ∩ B) ∪ (A ∩ C) a.(b + c) = (a.b) + (a.c) p ∨ (q ∧ r) = (p ∨ q) ∧ (p ∨ r) A ∪ (B ∩ C) = (A ∪ B) ∩ (A ∪ C) a + (b.c) = (a + b).(a + c) p∧V =p A∩R= A a.1 = a p∨F = p A∪∅=A a+0=a Commutativité Associativité Distributivité Éléments neutres Contradiction Tiers exclu 6.2 6.2.1 c p ∧ (¬p) = F A∩A = ∅ A ∪ Ac = E p ∨ (¬p) = V Théorèmes Idempotence Théorème 6.2.1 ∀a ∈ B : a + a = a et ∀a ∈ B : a.a = a Démonstration 6.2.1 T1 : a = a + 0 = a + (a.a) = (a + a).(a + a) = (a + a).1 = a + a T2 : a = a.1 = a.(a + a) = (a.a) + (a.a) = (a.a) + 0 = a.a 6.2.2 Éléments neutres Théorème 6.2.2 ∀a ∈ B : a + 1 = 1 et ∀a ∈ B : a.0 = 0 Démonstration 6.2.2 T3 : a + 1 = a + (a + a) = (a + a) + a = a + a = 1 T4 : a.0 = a.(a.a) = (a.a).a = a.a = 0 6.2.3 Absorption Théorème 6.2.3 ∀(a, b) ∈ B 2 : a + (a.b) = a et 29 ∀(a, b) ∈ B 2 : a.(a + b) = a a.a = 0 a+a=1 Démonstration 6.2.3 T5 : a + (a.b) = (a.1) + (a.b) = a.(1 + b) = a.1 = a T6 : a.(a + b) = (a.a) + (a.b) = a + (a.b) = a 6.2.4 Unicité du complémentaire Théorème 6.2.4 ∀(a, b) ∈ B 2 : ((a + b = 1) ∧ (a.b = 0)) ⇒ a = b Démonstration 6.2.4 a = a + (a.b) = (a.1) + (a.b) = a.(b + b) + (a.b) = a.b + a.b + a.b + b.b = a.b + b.b = (a + b).b = 1.b = b 6.2.5 Lois de De Morgan Théorème 6.2.5 ∀(a, b) ∈ B 2 : a + b = a.b et ∀(a, b) ∈ B 2 : a.b = a + b Démonstration 6.2.5 • (a + b) + (a.b) = (a + b + a).(a + b + b) = 1.1 = 1 • (a + b).(a.b) = (a.a.b) + (b.a.b) = 0 + 0 = 0 D’après l’unicité du complémentaire, on a bien : a + b = a.b. L’autre partie du théorème se démontre de la même manière. 6.2.6 Involution Théorème 6.2.6 ∀a ∈ B : a = a 6.2.7 Propositions, ensembles, algèbre de Boole Idempotence Absorption (1) Absorption (2) De Morgan Involution 6.2.8 Propositions Ensembles Algèbre de Boole p∧p=p A∩A=A a.a = a p∨p=p A∪A=A a+a=a p∧F =F A∩∅=∅ a.0 = 0 p∨V =V A∪E =E a+1=1 p ∧ (p ∨ q) = p A ∩ (A ∪ B) = A a.(a + b) = a p ∨ (p ∧ q) = p A ∪ (A ∩ B) = A a + (a.b) = a ¬(p ∧ q) = (¬p) ∨ (¬q) (A ∩ B)c = Ac ∪ B c a.b = a + b ¬(p ∨ q) = (¬p) ∧ (¬q) (A ∪ B) = A ∩ B a + b = a.b ¬(¬p) = p Acc = A c c c a=a Remarques • L’absence d’ éléments symétriques pour la somme et pour le produit interdit les simplifications que l’on a l’habitude de pratiquer dans R : – a + b = a + c n’entraine pas b = c 30 – a.b = a.c n’entraine pas b = c • (a + b = 0) ⇔ (a = 0) ∧ (b = 0) • On peut avoir a + b = 1 avec a 6= 1 et b 6= 1. Avec la formulation ensembliste, A ∪ B = E signifie que A et B forment un recouvrement de E • (a.b = 1) ⇔ (a = 1) ∧ (b = 1) • On peut avoir a.b = 0 avec a 6= 0 et b 6= 0. Avec la formulation ensembliste, A ∩ B = ∅ signifie que A et B sont disjoints. 6.3 6.3.1 Fonctions booléennes de n parties d’un ensemble Définition Définition 6.3.1 On appelle expression booléenne de n variables a1 , . . . an de B toute variable obtenue à l’aide des trois opérations addition, produit et complémentation. Exemples 6.3.1 • Pour n = 3, (a1 , a2 , a3 ) → (a1 + a2 ).a3 • (a, b, c, d) → (a.b) + (d.c) + a 6.3.2 Mintermes et maxtermes d’ordre n Définition 6.3.2 • Un minterme d’ordre n est une expression booléenne de n parties de B obtenue en prenant un terme exactement dans chaque couple (ai , ai ) et en formant le produit. • Un maxterme d’ordre n est une expression booléenne de n parties de E obtenue en prenant un terme exactement dans chaque couple (ai , ai ) et en formant la somme. Exemples 6.3.2 Il y a huit mintermes d’ordre 3 : a.b.c, a.b.c, a.b.c, a.b.c, a.b.c, a.b.c, a.b.c, a.b.c. On les observe dans le diagramme de Veitch-Karnaugh suivant : b b a a.b.c a.b.c a.b.c a.b.c a a.b.c a.b.c a.b.c a.b.c c c Propriétés 6.3.1 • Il y a 2n mintermes mi d’ordre n • Il y a 2n maxtermes Mi d’ordre n • Tout maxterme est le complémentaire d’un minterme : Mi = mi • Les 2n mintermes mi forment une partition de E : – ∀i : mi 6= 0 – ∀i, ∀j : (i 6= j) ⇒ (mi .mj = 0) – Σmi = 1 31 c Chapitre 7 Relations, fonctions, applications 7.1 7.1.1 Relations binaires Généralités Définition 7.1.1 On appelle relation binaire R de X vers Y le triplet (X, Y, U ) où U est une partie de X × Y telle que : xRy ⇐⇒ (x, y) ∈ U Si X = Y , on dit que R est une relation binaire définie dans X Exemples 7.1.1 • La relation R1 définie par X = {a, b, c}, Y = {1, 2, 3, 4} et U = {(a, 1), (a, 3), (c, 1), (c, 4)} • Dans Z, xR2 y ⇔ y = −x + 1 • Dans un ensemble de personnes, xR3 y ⇔ "x est parent de y" • Dans N, xR4 y ⇔ "x divise y" • Dans R, xR5 y ⇔ x2 + y 2 = 4 • La relation de parallélisme, notée ||, dans l’ensemble des droites du plan ou de l’espace. • La relation d’orthogonalité, notée ⊥ dans l’ensemble des droites du plan ou de l’espace. • Dans R, (x ≤ y) ⇔ (y − x ∈ R+ ) • Dans R, (x < y) ⇔ (y − x ∈ R+∗ ) • Dans R, (xRy) ⇔ (∃k ∈ Z : x − y = k.2π). Cette relation définit la mesure des angles modulo 2π • Soit n ∈ N ∗ , la relation ≡ dans Z, définie par x ≡ y ⇔ ∃k ∈ Z : x − y = kn est appelée congruence modulo n • Dans l’ensemble des parties d’un référentiel, la relation ⊆ On arrive que l’on "confonde" la relation R avec le sous-ensemble U du produit cartésien. 7.1.2 Représentation sagittale bi-parti Reprenons l’exemple de la relation R1 où X = {a, b, c}, Y = {1, 2, 3, 4} et U = {(a, 1), (a, 3), (c, 1), (c, 4)}. On représente U par des flèches reliant les éléments de X en relation avec les éléments de Y : a 1 b 2 c 3 4 32 7.1.3 Représentations cartésienne et matricielle On représente la relation dans un tableau donnant le sous-ensemble du produit cartésien X × Y , ou sous la forme d’une matrice booléenne A = (aij ), où aij = 1 si et seulement si (i, j) ∈ U et aij = 0 sinon : 1 1 X 2 3 X X X X X X 5 7.1.4 6 X 3 6 5 X 2 4 4 X X X X X 1 0 0 A= 1 0 1 1 0 0 1 0 1 0 1 0 0 1 0 1 0 1 0 0 1 1 0 0 0 0 1 0 0 0 1 0 0 Représentation sagittale On représente le sous-ensemble U sous forme de graphe où les sommets sont les éléments de X et les arcs sont des couples de sommets en relation : 1 2 6 4 5 3 La théorie des graphes fera l’objet d’une étude approfondie dans la suite du cours, en particulier à travers divers algorithmes de parcours de graphes, de recherche de chemins dans un graphe, appliqués à des situations concrètes. 7.1.5 Graphiques Les relations R2 et R5 sont représentées sous forme d’un graphique où les ensembles X et Y sont les axes du graphique : • • • • xR5 y ⇔ x2 + y 2 = 4 xR2 y ⇔ y = −x + 1 7.2 Propriétés des relations 33 7.2.1 Définitions Définition 7.2.1 Une relation R dans un ensemble X est : • Réflexive si et seulement si ∀x : xRx • Transitive si et seulement si ∀x, y, z : ((xRy) ∧ (yRz)) ⇒ (xRz) • Symétrique si et seulement si ∀x, y : (xRy) ⇒ (yRx) • Antisymétrique si et seulement si ∀x, y : ((xRy) ∧ (yRx)) ⇒ (x = y) Remarques 7.2.1 Une relation antisymétrique peut également être définie par : ∀x, y : ((xRy) ∧ (x 6= y)) ⇒ ¬(xRy) Les propriétés des relations seront utilisées pour définir des éléments équivalents pour une relation donnée et pour ordonner les ensembles. Exemples 7.2.1 • La relation "divise" dans N est réflexive. • La relation de parallélisme est réflexive, symétrique et transitive. • La relation d’orthogonalité n’est ni réflexive, ni transitive. Elle est symétrique. • La relation ≤ dans R est réflexive, transitive et antisymétrique. 7.2.2 Ordre et équivalence Définition 7.2.2 Une relation R dans un ensemble X est une relation d’ : • équivalence si elle est réflexive, transitive et symétrique. • ordre si elle est réflexive, transitive et antisymétrique. 7.3 7.3.1 Fonctions et applications Fonction Soit R une relation de X dans Y , éventuellement X = Y Définition 7.3.1 On dit que R est une fonction de X → Y si et seulement si : ∀x ∈ X, ∀y, y ′ ∈ Y : (xRy) ∧ (xRy ′ ) ⇒ (y = y ′ ) Tout élément de X admet au plus une image dans Y Remarques 7.3.1 • On adopte alors les notations "traditionnelles" f, g, h . . . pour les fonctions. On note alors f : x → y et l’écriture xRy devient alors y = f (x) • On a une définition équivalente : ∀(x, y) ∈ U, ∀(x′ , y ′ ) ∈ U : x = x′ ⇒ y = y ′ • Quand y = f (x), on dit que x est un antécédent de y par la fonction f Définition 7.3.2 L’ensemble des éléments de X qui admettent une image par f est appelé l’ensemble de définition de la fonction f , noté Df ⊂ X : x ∈ Df ⇔ ∃y ∈ Y : y = f (x) 34 7.3.2 Application Définition 7.3.3 On dit que la fonction f de X → Y est une application si et seulement si tout élément de X admet exactement une image dans Y : ∀x ∈ X, ∃y ∈ Y : y = f (x) La fonction f est une application de X → Y si et seulement si Df = X Relation 1 a 1 a 1 a 2 b 2 b 2 b 3 c 3 c 3 c 4 d 4 4 7.4 7.4.1 Application Fonction Propriétés des applications Application surjective ou surjection Définition 7.4.1 On dit que l’application f de X → Y est une surjection si et seulement si tout élément de Y admet au moins un antécédent par f : ∀y ∈ Y, ∃x ∈ X : y = f (x) 7.4.2 Application injective ou injection Définition 7.4.2 On dit que l’application f de X → Y est une injection si et seulement si deux éléments distincts de X admettent deux images distinctes dans Y : ∀x ∈ X, ∀x′ ∈ X : (x 6= x′ ) ⇒ (f (x) 6= f (x′ )) Ou par contraposition : ∀x ∈ X, ∀x′ ∈ X : (f (x) = f (x′ )) ⇒ (x = x′ ) 7.4.3 Application bijective ou bijection Définition 7.4.3 On dit que l’application f de X → Y est une bijection si et seulement si f est à la fois une injection et une surjection. L’application f de X → Y est une bijection si et seulement si tout élément de Y admet exactement un antécédent dans X. Une bijection dans l’ensemble {1, 2 . . . n} est une permutation σ Exemples 7.4.1 • 1 → 5, 2 → 4, 3 → 3, 4 → 1 et 5 → 2 est une permutation de {1 . . . 5} • "abcdefghijklmnopqrstuvwxyz" → "MVFJQYUCEIWRAPHLKZDOXBSGNT" est une permutation sur les 26 lettres de l’alphabet. On peut utiliser ce type de permutations en cryptographie. 35 Surjection Injection Bijection 1 a 1 a 1 a 2 b 2 b 2 b 3 c 3 c 3 c d 4 d 4 7.4.4 Cardinaux Théorème 7.4.1 Soit f une application de X → Y , deux ensembles finis : • si f est une surjection, alors cardX ≥ cardY • si f est une injection, alors cardX ≤ cardY • si f est une bijection, alors cardX = cardY 7.5 Relations multiples Définition 7.5.1 Soient les ensembles X1 . . . Xn , n ≥ 2. On appelle relation n-aire sur X1 . . . Xn toute partie du produit cartésien X1 × . . . Xn Exemples 7.5.1 On considère les quatre ensembles : Produits, Clients, Quantité, Numéro. Le produit cartésien de ces ensembles nous fournit la relation C commande, que l’on peut représenter par un tableau : Numéro Client Produit Quantité 45002 Happy Computer Carte mère 15 27767 Ordi Fun Écrans 58 0988 Compu Service Claviers 42 98450 Souris Folies Souris 2000 36 Chapitre 8 Ordre et équivalence 8.1 8.1.1 Relations d’équivalence Définition Définition 8.1.1 la relation R est une relation d’équivalence dans E si et seulement si elle est réflexive, transitive et symétrique. Exemples 8.1.1 • L’égalité est une relation d’équivalence. • Soit n ∈ N fixé, la relation de congruence modulo n, notée ≡ dans Z est une relation d’équivalence. • En géométrie, le parallélisme des droites. 8.1.2 Classes d’équivalence et ensemble quotient Définition 8.1.2 Soit x ∈ E. On appelle classe d’équivalence de x l’ensemble ẋ des éléments de E en relation avec x : ẋ = {y ∈ E | yRx} L’ensemble des classes d’équivalence est l’ensemble quotient, noté E/R Théorème 8.1.1 • Si xRy, alors ẋ = ẏ • ∀x ∈ E, ∀y ∈ E : – soit xRy, alors ẋ = ẏ – soit ¬(xRy), alors ẋ ∩ ẏ = ∅ • L’ensemble des classes d’équivalence forme une partition de E/R Exemples 8.1.2 L’ensemble quotient de la congruence modulo 5 est {0̇, 1̇, 2̇, 3̇, 4̇, }, et est noté Z/5Z. On définit dans cet ensemble une addition et une multiplication et leurs tables. 8.2 8.2.1 Relations d’ordre Définitions Définition 8.2.1 La relation R est une relation d’ordre dans E si et seulement si elle est réflexive, transitive et antisymétrique. Le couple (E, R) est alors appelé ensemble ordonné. 37 Exemples 8.2.1 • L’ordre alphabétique des mots d’un langage. • La relation d’inclusion ⊂ dans P(E) est une relation d’ordre. • La relation ≤ est la relation d’ordre "naturelle" des nombres réels. • Dans N∗ , la relation "divise", notée / définie par : (x/y) ⇔ (∃k ∈ N∗ : y = kx) est une relation d’ordre. • L’ensemble {5, 2, 10, 8, 9, 4, 7, 6, 3, 1, 0} est classé selon la relation .... • Dans R, la relation < n’est pas une relation d’ordre, elle n’est pas réflexive. Remarques 8.2.1 D’après les exemples précédents, on voit qu’on peut définir plusieurs relations d’ordre sur un même ensemble, c’est-àdire qu’on peut ordonner les éléments d’un ensemble de plusieurs manières : (N, ≤) et (N, /) 8.2.2 Ordre total et partiel Définition 8.2.2 Soit (E, R) un ensemble ordonné. • R est une relation d’ordre total sur E si et seulement si tous les éléments de E sont comparables, c’est-à-dire : ∀x ∈ E, ∀y ∈ E : (xRy) ∨ (yRx) • R est une relation d’ordre partiel sinon. Exemples 8.2.2 • Les relations ⊂ dans P(E) et "divise" dans N∗ sont des ordres partiels. • ≤ dans R est un ordre total. 8.3 8.3.1 Ensembles ordonnés Majorants et minorants Définition 8.3.1 Soit (E, R) un ensemble ordonné et A ⊂ E • a ∈ E est un majorant de A si et seulement si ∀x ∈ E : xRa • A est majorée si et seulement si elle admet un majorant. • b ∈ E est un minorant de A si et seulement si ∀x ∈ E : bRx • A est minorée si et seulement si elle admet un minorant. • A est bornée si et seulement si elle est à la fois majorée et minorée. Exemples 8.3.1 • Dans (P(E), ⊂) : – A ∩ B est un minorant de la famille {A, B} – Toute partie C ⊂ A ∩ B est un minorant de {A, B} – A ∪ B est un majorant de la famille {A, B} – Toute partie D ⊃ A ∪ B est un majorant de {A, B} • Dans (N∗ , /), on considère A = {3, 4, 5} : – 60, 120, 180, etc sont des majorants de A – 1 est le seul minorant de A • Dans (R, ≤), on considère A = [−2, 3[ : – 3 est un majorant de A, c’est le plus petit. 4, 18 ... sont également des majorants de A – −2 est un minorant de A, c’est le plus grand. 38 8.3.2 Bornes supérieure et inférieure Définition 8.3.2 Soit (E, R) un ensemble ordonné : • Si A ⊂ E une partie majorée de E, on appelle borne supérieure de A le plus petit des majorants de A et on le note sup A • Si A ⊂ E une partie minorée de E, on appelle borne inférieure de A le plus grand des minorants de A et on le note inf A Remarques 8.3.1 La borne inférieure et la borne supérieure n’appartiennent pas nécéssairement à l’ensemble A Exemples 8.3.2 • Dans (P(E), ⊂) : – A ∩ B est la borne inférieure de la famille {A, B} – A ∪ B est la borne supérieure de la famille {A, B} • Dans (N∗ , /), on considère A = {3, 4, 5} : – 60 est la borne supérieure de A – 1 est la borne inférieure de A • Dans (R, ≤), on considère A = [−2, 3[ : – 3 est la borne supérieure de A et 3 6∈ A – −2 est la borne inférieure de A et 2 ∈ A 8.3.3 Plus grand élement, plus petit élément Théorème 8.3.1 Soit A une partie majorée de E. Il y au plus un majorant de A qui est dans A. Démonstration 8.3.1 Soient a ∈ A et b ∈ A deux majorants de A. • ∀x ∈ A : xRa, donc bRa. • ∀x ∈ A : xRb, donc aRb. • On a donc aRb ∧ bRa, l’antisymétrie donc donne a = b. D’ou l’unicité. Définition 8.3.3 Soit (E, R) un ensemble ordonné et A ⊂ E : • On appelle plus grand élément de A l’unique majorant de A dans A • On appelle plus petit élément de A l’unique minorant de A dans A Remarques 8.3.2 • Le plus grand élément ou le plus petit élément peuvent ne pas exister. • Si A admet un plus grand élément, alors il est également borne supérieure de A • Si A admet un plus petit élément, alors il est également borne inférieure de A 39