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Hygiène
Paris, a donc raison de souligner “l’extrême
variété” des missions qui sont confiées aux IHH.
«Nous avons tous et toutes des objectifs communs qui
sont la prévention, la qualité des soins et le confort du
patient, dit-elle. Mais c’est un métier varié. Il dépend
des structures et de l’organisation des établissements.
A l’AP-HP par exemple, l’IHH dépend de la Direction
du service de soins infirmiers (DSSI) tandis que moi,
je suis directement rattachée au directeur de l’hôpital.
Ce métier dépend surtout de la personnalité même de
ceux qui l’exercent ».
Diplomatie, écoute et disponibilité
«La fonction transversale de l’IHH ne vaut que si
elle est intellectuellement et physiquement libre,
constate Marie-Carmen Aubry-Roces, cadre su-
périeur infirmière hygiéniste à l’hôpital Tenon
(AP-HP) et présidente de la Société des infir-
miers et infirmières en hygiène hospitalière de
France (SIIHHF). Elle intervient sur les soins infir-
miers en tant que conseil. Elle doit donc avoir un mi-
nimum d’autonomie. Or, le risque aujourd’hui, c’est
qu’avec la création des comités d’hygiène, le méde-
cin la prenne pour sa petite main ou la contrôle ».
«L’hygiène hospitalière a longtemps été méprisée,
ajoute Franceline Bichet. Maintenant que c’est à
la mode, les médecins veulent s’en occuper. Alors,
effectivement, notre indépendance est menacée ».
Le positionnement de l’IHH dépend donc de
plusieurs éléments, au premier rang desquels
son rattachement hiérarchique et fonctionnel, et
surtout, comme le fait observer Marie-Hélène
Coureul, le comportement de la communauté
hospitalière face à elle. «L’IHH est une intruse qui
pénètre partout, dit-elle. Il faut qu’à cette percep-
tion se substitue celle de la collègue qui apporte une
aide, mais au bon moment. Il faut beaucoup écouter,
se montrer très disponible pour se faire accepter,
évaluer les besoins et agir. Il ne sert à rien de s’im-
poser, il faut seulement se rendre nécessaire. Si l’IHH
ne fait qu’évaluer ce qui ne va pas, elle ne sera pas
reconnue. En clair, il faut beaucoup donner pour
recevoir. Mais ça, c’est la vie ».
«Les gens sont pragmatiques, acquiesce Franceline
Bichet. Si je leur complique la vie et ne leur apporte
rien quand ils s’adressent à moi, ils ne reviendront
pas. Il faut donner des réponses à leurs questions, et
avoir l’honnêteté de dire qu’on ne peut pas répondre
si c’est le cas. La meilleure des armes, c’est la vérité.
On apprend beaucoup de choses sur le terrain : nous
avons en face de nous des individus qui, a priori, se
moquent totalement de notre activité. Il faut donc
d’abord les convaincre, puis susciter leur confiance
qui s’installe progressivement, souvent par le biais de
groupes de travail qui permettent des moments d’in-
timité professionnelle. J’ai compris qu’en matière
d’hygiène, il faut semer plein de petites graines pour
arriver à quelque chose... ».
Le tandem de Cochin résume pour sa part : «On
ne peut pas prendre ce type de fonction sans un mi-
nimum d’autorité, de diplomatie... et de bonne
santé ! C’est un poste très physique : on bouge beau-
coup. Il exige du dynamisme et de la curiosité ».
Un dialogue permanent mais parfois difficile
«Dans ce métier, il faut savoir s’essuyer les pieds sur
le paillasson devant chaque porte, résume en
termes imagés Marie-Hélène Coureul. Encore
une fois, il ne faut pas s’imposer mais être présent et
disponible, pouvoir proposer une documentation
toujours actualisée, dire oui par principe. Alors, on
aura besoin de nous. Il faut aussi encourager nos ré-
férents à se former. Ce qui n’est pas facile, faute de
temps ». Franceline Bichet estime aussi : «Il faut
être capable d’engranger les connaissances grâce
auxquelles on pourra discuter avec les uns comme
avec les autres, quel que soit le domaine : soins, hô-
tellerie, environnement, épidémies, choix des maté-
riels techniques ou médicaux... A ce titre, c’est un
poste d’une grande richesse intellectuelle, mais qui
prend du temps. Être bon sur tous les sujets ne se fait
pas du jour au lendemain. On peut mettre à notre
disposition les plus beaux diplômes d’hygiène du
monde, il faut savoir s’en servir ».
Michèle Ciais et Muriel Rivet disent de leur côté :
«Nous sommes tout de même reconnues grâce à
notre titre et surtout à nos formations ! Bien sûr, cer-
tains mandarins continuent de nous ignorer comme
ils ignorent d’ailleurs toutes les infirmières. Mais
ceux qui sont dans les services à haut risque sont très
sensibilisés ».
Marie-Carmen Aubry-Roces dit : «Une réflexion
sur l’évolution de notre fonction est opportune. A
titre d’exemple, une formation de type universitaire,
accessible après l’école des cadres, correspondrait à
nos attentes. Pour autant, elle ne réglerait pas tous
les problèmes si elle ne s’accompagnait pas d’une re-
connaissance statutaire... ».
La lancinante question du statut
«Infirmière hygiéniste, ça n’existe pas dans nos sta-
tuts, regrette en effet Franceline Bichet. C’est bien
tout le problème... ».
Cette reconnaissance statutaire a longtemps été
l’un des fers de lance de la SIIHHF, pour qui “le
champ d’activité transversal de l’IHH ainsi que la
conduite des projets requièrent la position cadre
pour faciliter l’accomplissement de sa mission”.
«Notre seul moyen d’agir passe par la reconnais-
sance de notre statut, explique Marie-Carmen
Aubry-Roces. Je dois pouvoir donner mon avis sur
ma sphère de compétence. Faute de quoi, je n’aurai
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