POLITIQUE DE LA SANTÉ Dossier thématique I/2008 Faits relatifs à des questions de politique de santé et position de de la branche pharmaceutique Les importations parallèles de médicaments nuisent à l’économie et aux patients – pratiquement aucune répercussion sur les prix Une espérance de vie aujourd’hui élevée assortie d’une santé améliorée: telle est l’une des conquêtes majeures de ces 100 dernières années. Le système de santé apporte à cet égard une contribution déterminante. Au cours de la prochaine législature, la politique de santé va souvent figurer au centre de l’intérêt avec des projets ambitieux et de nombreux acteurs. Le Parlement et le Conseil fédéral vont largement participer à la définition des conditions cadres du système de santé suisse au cours des quatre prochaines années. La complexité de nombreux sujets pose des défis importants au Parlement. La série des dossiers thématiques a pour but de vous informer des principaux projets de loi relatifs au système de santé. Elle en présente les acteurs, expose leurs orientations et informe de la position de la branche pharmaceutique. Un facteur clé de la compétitivité Selon l’«indice WEF de compétitivité 2007», une protection pleine et entière de la propriété intellectuelle est le facteur clé dans la compétition internationale entre places économiques. Pour que des économies fondées sur le savoir – comme l’est celle de la Suisse – puissent connaître le succès, c’est un facteur En un coup d’œil: les principales raisons de s’en tenir à l’interdiction des importations parallèles de médicaments brevetés • Les importations parallèles affaiblissent la protection de la propriété intellectuelle. • Les importations parallèles diminuent l’incitation des entreprises à développer innovations et brevets en Suisse. • Les importations parallèles réduisent l’attractivité de ce marché de l’innovation qu’est la Suisse. • Les importations parallèles n’ont qu’un faible effet sur les prix dans des marchés régulés. • Les importations parallèles diminuent le contrôle exercé par le fabricant sur la chaîne de distribution, et réduisent par là même la sécurité d’emploi des médicaments. déterminant et incontournable. Seule une protection des brevets complète avec épuisement national et interdiction des importations parallèles permet aux entreprises de (re)financer leurs énormes investissements consacrés à la recherche et au développement, et de s’affirmer ainsi durablement sur le marché mondial de l’innovation. L’économie suisse: forte grâce à l’innovation L’économie suisse est essentiellement fondée sur le savoir et l’innovation. La Suisse est l’un des pays les plus innovants dans l’absolu. Sur l’indice européen de l’innovation, elle se situe au deuxième rang, derrière la Suède. Mais si elle figure dans ce groupe parmi les tout premiers, elle le doit en premier lieu à sa position incontestée de leader sur le plan de la création de propriété intellectuelle. Cela ne doit rien au hasard. Dans aucun autre pays au monde, la part de la recherche et du développement dans le produit intérieur brut n’est plus élevée qu’en Suisse. Chaque année, l’Etat et les entreprises privées investissent plus de 13 milliards de francs dans la recherche et le développement – l’économie privée apportant en l’occurrence 70 % de ce montant. En 2007, l’industrie pharmaceutique a investi à elle seule 4,4 milliards de francs dans la recherche et le développement – soit autant, au total, que ce qu’elle réalise en Suisse avec la vente de médicaments. Le système suisse d’innovation en comparaison internationale Indice de l’innovation 0,8 0,2 S CH FIN DK J D USA UK EU15 NL A F N I Source: European Innovation Scoreboard 2006: Comparative Analysis of Innovation Performance, EU Commission. *Robert J. Shapiro (2008) The Idea-Based Economy and Globalization: The Real Foundations of American Prosperity in the 21th Century. NDN Globalization Initiative E © Interpharma 0,1 0,0 Non seulement un environnement innovant améliore la compétitivité, mais il a également des répercussions positives sur la productivité de l’emploi. La valeur ajoutée par personne active est plus importante dans les branches de l’économie les plus innovantes. L’industrie pharmaceutique pratiquant une intense activité de recherche en Suisse, par exemple, a constamment amélioré sa productivité de l’emploi au cours des douze dernières années. En 2006, celle-ci était près de trois fois supérieure à celle de l’économie dans son ensemble. La part des personnes actives a également augmenté dans l’industrie pharmaceutique au cours des années passées. Même durant la période de récession de 1990 à 1994, alors que l’emploi reculait de 0,3 % dans l’ensemble de l’économie, le nombre d’emplois dans l’industrie pharmaceutique a progressé de 3,5 %. L’innovation est source de progrès thérapeutique 0, 31 0, 36 0,3 0, 34 0, 48 0, 48 0, 49 0, 50 0, 53 0,4 0, 54 0, 59 0, 61 0,5 0, 63 0, 68 0, 69 0,6 0, 73 0,7 L’innovation stimule la productivité et crée des emplois La propriété intellectuelle joue un rôle de plus en plus important dans l’économie mondiale. Au cours des vingt dernières années, le rapport entre valeur matérielle et valeur immatérielle des entreprises s’est nettement déplacé dans les pays les plus industrialisés. Si, au milieu des années 1980, les valeurs physiques déterminaient à 75 % la valeur comptable chez les cent cinquante plus grandes sociétés par actions US, la part correspondante n’était plus que d’environ un tiers (36 %) en 2004. 30 à 40 % du gain de prospérité et de productivité des Etats-Unis au XXe siècle sont imputés à l’innovation sous ses diverses formes.* Les médicaments nouveaux et innovants améliorent la qualité des traitements médicaux. Ils sont source de progrès thérapeutique et assurent aux patientes et aux patients une meilleure qualité de vie par comparaison avec les formes de traitement antérieures. C’est ainsi que des traitements modernes comme le traitement par les anticorps et les différentes formes de chimiothérapie permettent de traiter en ambulatoire divers types de cancer, ce qui permet aux patients de se rétablir dans leur environnement familier en dehors des périodes de traitement. Agenda parlementaire: Le Parlement va prochainement mettre à son ordre du jour la question de l’épuisement dans le droit des brevets. Dans son message du 21 décembre 2007, le Conseil fédéral s’en tient au principe de l’épuisement national dans le droit des brevets. Il estime qu’un changement de système équivaudrait à une intervention de l’Etat dans la propriété, mais ne conduirait pas à des prestations économiquement meilleures. La Cour européenne de justice – elle aussi – émet des doutes quant aux prétendus effets de concurrence des importations parallèles sur le marché des médicaments. En effet, les différences de prix vis-à-vis de l’étranger ne reposent pas aujourd’hui en premier lieu sur le système de l’épuisement national des droits liés au brevet. Les différences de prix les plus importantes concernent des branches dans lesquelles la protection par brevet soit ne joue aucun rôle, soit joue un rôle simplement secondaire – l’alimentation ou l’habitat, par exemple. Professeur Peter Nobel, Université de Saint-Gall: «Dans la mesure où un médicament breveté est mis en circulation à des prix réglementés par l’Etat, il est inquiétant sur le plan de la doctrine juridique d’autoriser l’importation parallèle en provenance d’un pays dans lequel les prix sont fixés par une administration. Car le titulaire du brevet, qui n’est pas libre lors de la fixation du prix, ne peut pas tirer parti d’un droit essentiel découlant des droits liés à son brevet.» Les importations parallèles menacent la sécurité et affaiblissent la traçabilité des médicaments Pour l’industrie pharmaceutique axée sur la recherche, la sécurité d’emploi des médicaments revêt une importance extrême. Afin de l’assurer et de l’optimiser en permanence, elle a élaboré depuis des années une chaîne de distribution complexe. En cas de suppression de l’interdiction des importations parallèles, cette chaîne serait détruite – avec toutes les conséquences que cela impliquerait pour la sécurité d’emploi des médicaments. La Commission de l’UE partage la crainte de voir le commerce parallèle de médicaments menacer la sécurité d’emploi des médicaments à maints égards. Ainsi le commissaire européen Günter Verheugen a-t-il récemment souligné devant le Parlement européen, à Strasbourg, que le commerce parallèle de médicaments était source d’erreurs à divers titres. Il a cité en particulier les exemples de difficultés rencontrées dans l’emballage, l’étiquetage et les notices d’emballage. La Commission a en outre constaté une efficacité moindre dans le rappel de produits, des lacunes dans l’application de la législation ainsi que des risques de pénurie. L’EFPIA – la Fédération européenne des associations pharmaceutiques axées sur la recherche – a rassemblé un dossier riche de 1350 cas problématiques concernant des médicaments importés en parallèle dans le marché européen pour les années 2002–2005. Figurent entre autres de nombreux cas ayant des répercussions sur la qualité des produits et la santé des patients. On citera par exemple: • 50 cas de problèmes d’approvisionnement consécutifs à des commandes sporadiques en provenance du commerce parallèle. • 700 erreurs de reconditionnement suscep tibles d’avoir de sérieuses conséquences pour la santé des patients et pour l’efficacité du rappel des produits. Notamment: erreurs dans la posologie, les directives d’emploi et les dates de péremption; ouverture de conditionnements primitivement scellés; informations trompeuses sur la notice d’emballage; mises en garde erronées; absence d’indications sur des effets indésirables; déclaration incorrecte de la substance active sur l’emballage et la notice d’emballage. • 3 cas de contrefaçons qui avaient été im portées en parallèle ou vraisemblablement importées en parallèle. Position d’Interpharma: pas de dilution des brevets Interpharma soutient le maintien de l’épuisement national sans exceptions. Pour la Suisse, pays dénué de matières premières, une solide protection de l’innovation est une question de survie dans la compétition internationale pour les sites d’implantation. Interpharma rejette toute autre variante: pour l’industrie pharmaceutique, l’épuisement régional n’est pas une solution envisageable. Du fait que la Suisse n’est pas membre de l’Union européenne, l’épuisement régional ne peut être introduit que sur la base de la réciprocité. De telles négociations aboutiraient par conséquent aussi à un changement de système de l’épuisement international à l’épuisement régional dans le droit des marques et le droit d’auteur. L’industrie pharmaceutique pratiquant la recherche rejette également l’introduction de l’épuisement international. Il serait interprété comme le signal qu’en Suisse la volonté politique fait défaut pour protéger les innovations comme il convient. Avec l’épuisement international, la Suisse cesserait d’axer son droit des brevets sur les nations industrielles leaders dans le monde, pour l’aligner sur celui des pays en développement, tels que la Bolivie, l’Equateur ou l’Indonésie. L’épuisement national: la référence dans les Etats industrialisés Pour les Etats industrialisés occidentaux dont l’économie est fondée sur la pratique d’une recherche intensive, les réglementations relatives au brevet s’inspirant du modèle de ce que l’on appelle l’épuisement national sont la règle. Epuisement national signifie que les droits de protection d’un produit ne s’épuisent que dans le pays dans lequel ce produit est mis en circulation. Si les droits de protection – comme c’est le cas dans la loi suisse sur les brevets – incluent la protection des importations, il ne peut être importé sans le consentement du titulaire du brevet. Dans une association économique (l’UE ou l’EEE, par exemple), c’est généralement l’épuisement régional qui s’applique. Autrement dit, les produits brevetés peuvent être librement commercialisés au sein de cet espace économique dès le moment où ils sont mis en circulation avec l’accord du titulaire du brevet. Quelques pays d’Amérique du Sud et d’Asie, dans lesquels n’est implantée aucune entreprise pharmaceutique notable axée sur la recherche, suivent le modèle de l’épuisement international. Un brevet perd donc la protection des importations, que ce soit dans le pays lui-même ou à l’étranger, une fois le produit mis en circulation. L’épuisement national comme facteur d’implantation et source importante de recettes fiscales Grâce à l’épuisement national, la Suisse est un site attrayant pour les sociétés d’exploitation de brevets de grands groupes étrangers. Les revenus commerciaux de ces sociétés sont imposés par la Confédération et génèrent une substance fiscale importante. Dans le cas d’un passage à l’épuisement international, la Suisse abandonnerait cet avantage concurrentiel. Nombre de brevets en cours de validité en Suisse (2002, par secteurs) Pharmacie Autres machines Instruments Chimie, hors pharmacie Jean-Paul Clozel, CEO d’Actelion: Produits métalliques, hors machines Machines électriques, hors électronique Electronique Autres produits industriels Ordinateurs et machines de bureau Denrées alimentaires, tabac Produits en pierre, terre cuite et verre Papeterie, imprimerie et édition Véhicules à moteur Textile, habillement, etc. Bâtiment et travaux publics Autres transports Métaux ferreux Bois et ameublement Raffinage de pétrole Métaux non ferreux Produits en caoutchouc et plastique Construction navale Agriculture Aéronautique et astronautique 00 00 00 16 0 14 0 00 00 12 0 10 0 80 00 60 00 40 00 20 0 Entreprises d’approvisionnement Sources: IGE; Frontier Economics; Plaut Economics «La Suisse est un lieu d’implantation idéal pour Actelion: la protection globale de la propriété intellectuelle par l’Etat et la société nous permet de réinvestir largement dans la recherche et le développement les revenus mondiaux générés par le Tracleer, notre produit phare. Ces activités sont pour l’essentiel implantées en Suisse. C’est ainsi que, depuis la création de l’entreprise fin 1997, nous avons créé plus de sept cents emplois en Suisse. On y trouve en effet non seulement une main-d’œuvre hautement qualifiée, mais également les centres de formation requis. De plus, il existe dans la société un fort consensus sur la nécessité d’une recherche médicalement fondée. En conséquence de quoi, les médicaments innovants sont rapidement et correctement remboursés, et une pleine valeur ajoutée se voit rendue possible par une interdiction desimportations parallèles.» Les importations parallèles n’abaissent les prix que de manière insignifiante *Kanavos P. et coll. The Economic Impact of Pharmaceutical Parallel Trade in European Union Member States. London School of Economics and Political Science Special Research Paper. Londres, 2004. Les consommateurs ne bénéficient que de manière insignifiante des marchandises importées en parallèle. Une étude menée par la «London School of Economics»* vient également à l’appui de cette constatation. Après avoir analysé les effets d’économie dans cinq pays européens, les auteurs arrivent à la conclusion que les plus grands bénéficiaires des importations parallèles sont les importateurs eux-mêmes – et non pas les consommateurs ou les patients. Le fait que les médicaments importés en parallèle ne présentent que des avantages de prix insignifiants – et sont même carrément à la traîne par rapport aux imitations – est illustré par l’exemple des médicaments dont la protection par brevet est arrivée à échéance. Pour le consommateur vivant en Suisse, l’économie réalisée par exemple pour un antibiotique – la Ciproxine – importé en parallèle n’est que de 6,4 % par rapport au produit original (situation au 1er janvier 2008). En revanche, le prix de l’importation en parallèle est de 15,5 % supérieur à celui enregistré pour les génériques homologués. Dans le cas de la Fluctine – un antidépresseur – également, le produit importé en parallèle n’est meilleur marché que de 9,9 % en tout et pour tout, mais est 23 % plus cher que les imitations équivalentes. La même constatation vaut pour d’autresmédicaments, tels que l’Imodium, le Lasix, le Moduretic et le Ponstan. Position d’Interpharma relative au débat en cours sur les prix: Interpharma a approuvé les mesures actuelles influant sur les prix dans le secteur pharmaceutique et a soutenu dans la loi sur l’assurance-maladie le modèle proposé, selon lequel l’appréciation du caractère économique d’un médicament doit tenir compte de la comparaison avec d’autres médicaments ainsi que de la configuration des prix dans des pays économiquement comparables. L’abaissement du coût de la vie et des prix d’achat par l’intermédiaire de mesures visant à l’ouverture du marché est un objectif économique qui mérite d’être soutenu. C’est pourquoi Interpharma salue l’élargissement de la réglementation des abus tel qu’il est proposé dans le message relatif au choix du système en matière d’épuisement dans le droit des brevets. Il en résulterait que la revente transfrontalière d’un produit acquis légalement à l’étranger ne pourrait pas être interdite dès lors qu’il présente un élément breveté qui est d’importance secondaire pour les caractéristiques fonctionnelles du produit. L’inversion de la preuve bénéficie également du soutien d’Interpharma: le titulaire du brevet doit montrer de façon plausible que l’élément breveté n’est pas d’importance secondaire pour les caractéristiques fonctionnelles de la marchandise. Une contribution importante de l’industrie à la baisse des prix Alors qu’à l’étranger en Europe, des questions comme la sécurité d’emploi des médicaments, le sous-approvisionnement ou l’inégalité de traitement des patients font les gros titres des médias en matière de politique de santé, en Suisse l’accent reste mis sur la situation des prix. Il importe d’apprécier le débat sur les prix à la lumière des faits suivants: • La part revenant aux dépenses consacrées aux médicaments dans les coûts de santé globaux est aujourd’hui plus faible qu’en 1960. Elle est en effet passée de 24,2 à 12,7 % (2005). • S’agissant des dépenses par habitant consacrées aux médicaments, la Suisse se classe au 5e rang – derrière les EtatsUnis, mais également la France, l’Italie et l’Allemagne (Source: OECD Health Data, 2007). • Pour les nouveaux médicaments (produits originaux), la Suisse est aujourd’hui moins chère que l’Allemagne (voir graphique). Comparaison du prix des médicaments Suisse–Allemagne Prix publics (TVA incluse) Indice des médicaments du top 200 en Suisse* (indice CH = 100) 120 100 80 112.9 97.9 101.9 119.8 CH 110.8 60 89.0 40 20 0 Allemagne mars 2006 Brevetés Non brevetés Allemagne mai 2007 * Pondéré en fonction du chiffre d’affaires; taux de change EUR=1, 5529 (mars), EUR=1, 6126 (mai) Source: Interpharma; e-mediat. Situation au 1er mai 2007. © Interpharma Total Impressum Editeurs: Interpharma, vips Vereinigung Pharmafirmen in der Schweiz, SGCI Chemie Pharma Schweiz Rédaction: Interpharma, Petersgraben 35, 4003 Bâle Tél. 061 264 34 00 / fax 061 264 34 01 www.interpharma.ch