Polynˆomes
Dans ce chapitre, Kesigne Rou C.
1 G´en´eralit´es
1.1 Objet polynˆome et notation X
Introduction : vous avez d´ej`a crois´e dans le secondaire des polynˆomes, ou plutˆot des fonctions po-
lynˆomiales, c’est-`a-dire des fonctions du type : x7→ a0+a1x+a2x2+.... +anxnla variable x´etant r´eelle
(ou complexe). Dor´enavant, nous aurons parfois besoin de remplacer la variable xpar autre chose que des
r´eels ou complexes : des fonctions, des matrices ... C’est pourquoi on introduit `a la place de la variable xune
variable Xappel´ee l’ind´etermin´ee du polynˆome.
D´
efinition
On dit que Pest un polynˆome `a coefficients dans Ksi il s’´ecrit sous la forme
P(X) =
n
P
k=0
akXk=a0+a1X+· · · anXn, avec nN, et (ak)k[[0,n]] des ´el´ements de K.
Les nombres (ak) sont appel´es les coefficients du polynˆome.
La fonction polynˆome (encore appel´ee polynˆome par abus de langage) est la fonction d´efinie sur Kpar
x7→ P(x) = a0+a1x+... +anxn.
Notation :
On note K[X] l’ensemble des polynˆomes `a coefficients dans K.
Comme RC, on a R[X]C[X].
D´
efinition
Soit P(X) =
n
P
k=0
akXkun polynˆome de K[X].
Si an6= 0,le polynˆome Pest dit de degr´e net on note deg P=n;anest alors appel´e le coefficient dominant.
Si an= 1, le polynˆome est dit unitaire.
Si tous les coefficients sont nuls, Pest appel´e polynˆome nul : il est not´e P(X) = 0K[X]ou par abus P(X) = 0.
Par convention on pose deg(P) = −∞.
Exemple : d´eterminer le degr´e et le coefficient dominant du polynˆome P(X) = X3X(X2 + i)2.
Notation :
On note Kn[X] l’ensemble des polynˆomes `a coefficients dans Kde degr´e inf´erieur ou ´egal `a n.
Propri´et´e fondamentale : unicit´e de l’´ecriture d’un polynˆome
Deux polynˆomes P(X) = anXn+... +a1X+a0(o`u an6= 0) et Q(X) = bmXm+... +b1X+b0(avec bm6= 0)
sont ´egaux et on ´ecrit P(X) = Q(X),
ssi ils ont mˆeme degr´e (n=m) et mˆemes coefficients (k[[0, n]] ak=bk).
1.2 Op´erations alg´ebriques
On peut d´efinir 3 op´erations dans K[X] : une addition, un produit externe ainsi qu’une multiplication.
Si Pet Qsont deux polynˆomes et si λK, on peut ainsi d´efinir 3 autres polynˆomes :
le polynˆome P+Qpar : (P+Q)(X) = P(X) + Q(X)
le polynˆome λP par : (λP )(X) = λP (X)
le polynˆome P Q par : (P Q)(X) = P(X)×Q(X).
Exemples : P(X) = X2+ 3 et Q(X)=4X33X2+ 2, et λ= 2
puis P(X) = X4+ 1 et Q(X) = X4+ 3X3.
Remarque :Les r`egles de calcul sont les mˆemes que pour les fonctions, et les nombres !
1
1.3 Propri´et´es du degr´e
Soit Pet Qdeux polynˆomes non-nuls.
1. Le degr´e d’un polynˆome constant non-nul est 0.
2. deg(P+Q)6max(deg P, deg Q), et si deg(P)6= deg(Q) alors deg(P+Q) = max(deg P, deg Q)
3. deg(P Q) = deg P+ deg Q
Reprendre les exemples pr´ec´edents, pour comprendre ces formules (on prendra conscience des for-
mules utilis´ees sur les puissances).
On en d´eduit la cons´equence importante suivante :
Propri´et´e d’int´egrit´e :
Si Pet Qsont deux polynˆomes non-nuls, alors le polynˆome produit P Q est un polynˆome non-nul.
Par contrapos´ee : si le produit de 2 polynˆomes est nul, n´ecessairement au moins l’un des polynˆomes
est le polynˆome nul. Autrement dit : P(X)Q(X)=0P(X)=0K[X]ou Q(X) = 0K[X].
2 Divisibilit´e dans K[X]
2.1 Division euclidienne
Th´eor`eme admis
Soient Aet Bdeux polynˆomes `a coefficients dans Kavec Bun polynˆome non nul.
Il existe un unique couple de polynˆomes (Q,R) de K[X] tel que A=BQ +Ravec R= 0K[X]ou deg R < deg B.
Le polynˆome Qs’appelle le quotient de la division euclidienne de Apar Bet Rle reste de la division eucli-
dienne de Apar B.
Exemple :
D´eterminer le reste et le quotient de la division euclidienne de 2X3+X25X+ 5 par X22 :
M´ethode 1 : On pose la bonne vieille division ET on commence par ´eliminer le terme 2X3.
2X3+X25X+5 X22
2X3(4X) 2X
X2X+5
puis on ´elimine le terme de degr´e 2 en multipliant le dividende par 1 ce qui nous donne
2X3+X25X+5 X22
2X34X2X+ 1
X2X+5
X2+2
X+7
Le reste de notre division est un polynˆome de degr´e 1 donc de degr´e strictement inf´erieur au degr´e du diviseur
ce qui signifie que notre division est achev´ee et on a la relation
2X3+X25X+ 5 = (2X+ 1)(X22) X+ 7
M´ethode 2 :
Le th´eor`eme pr´ec´edent assure l’existence de Qet Rdans R[X] tels que :
2X3+X25X+ 5 = Q(X)(X22) + R(X).
De plus deg(R)<deg(X22) = 2, donc Rpeut s’´ecrire R(X) = cX +d.
Et 3 = deg(2X3+X25X+ 5) = deg(Q) + deg(B) donc deg(Q) = 1 et Qpeut s’´ecrire Q(X) = aX +b.
Le probl`eme revient donc `a d´eterminer (a, b, c, d)R4tels que 2X3+X25X+5 = (aX +b)(X22)cX +d.
Par unicit´e de l’´ecriture, il suffit de d´evelopper le membre de droite et d’identifier coefficient par coefficient.
En fait, la division euclidienne est un outil avant tout th´eorique, mˆeme si il peut ˆetre ´egalement pratique.
2
Exercices classiques :
1. Soit nN. Quel est le reste de la division euclidienne de Xnpar (X1) ?
2. Plus g´en´eralement, soit aKet PK[X]. Quel est le reste de la division euclidienne de Ppar
(Xa) ?
3. Soit nN. Quel est le reste de la division euclidienne de Xnpar (X26X+ 5) ?
2.2 Divisibilit´e dans K[X]
D´
efinition
Soient Aet Bdeux polynˆomes `a coefficients dans Kavec Bun polynˆome non nul.
On dit que Bdivise A, s’il existe un polynˆome CK[X] tel que A=BC.
Autrement dit, si le reste de la division euclidienne de Apar Bdans K[X] est nul.
Exercice :
Trouver les diviseurs de (X24) dans R[X] et dans C[X], puis trouver les diviseurs de (X2+ 1) dans R[X]
et dans C[X].
Soit nN. Montrer que X1 divise Xn1 dans R[X]. (On pr´ecisera le quotient).
Propri´et´es
1. Si Bdivise Anon-nul (dans K[X]) alors deg Bdeg A.
2. Un polynˆome constant non nul divise n’importe quel polynˆome.
3. Si Cdivise Bet si Bdivise A, alors Cdivise A(dans K[X]).
emonstration
1. Si Bdivise Anon-nul, il existe CK[X] non-nul tel que A=BC. Alors les propri´et´es sur le degr´e
donnent : deg(A) = deg(B) + deg(C)deg(B) puisque deg(C)0 (Cnon-nul).
2. Soit Pun polynˆome, et Q(X) = cun polynˆome constant non-nul.
Alors P(X) = c×[1
cP(X)] donc cdivise P.
3. Par hypoth`ese, il existe Q1et Q2polynˆomes tels que : B=Q1Cet A=Q2Bd’o`u A=Q2B=Q2Q1C
et Cdivise A.
3 Racines
3.1 D´eriv´ees d’un polynˆome
D´
efinition
Soit P(X) =
n
P
k=0
akXkK[X].
On appelle polynˆome d´eriv´e de Pet on le note P0le polynˆome d´efini dans K[X] par
P0(X) =
n
P
k=1
kakXk1(= nanXn1+ (n1)an1Xn2+... + 2a2X+a1).
Remarque
Lorsque deg(P) = n, avec nN, on a deg(P0) = n1.
Le polynˆome d´eriv´e d’un polynˆome constant est nul.
D´eriv´ees successives
D´
efinition
1. Le polynˆome d´eriv´e d’ordre 0 de P, est le polynˆome P:P(0) =P.
2. Le polynˆome d´eriv´e d’ordre 1 de Pest le polynˆome d´eriv´e de P:P(1) =P0
3. Le polynˆome d´eriv´e d’ordre 2, not´e P00 ou P(2), est d´efini par P(2) = (P0)0.
4. Plus g´en´eralement, le polynˆome d´eriv´e d’ordre j, not´e P(j), est d´efini par la relation de r´ecurrence :
P(j)= (P(j1))0
3
Exemple : Calculer les d´eriv´ees successives de P(X) = X4+ 2X21.
Remarque Lorsque deg P=n,k > n,P(k)= 0K[X]
Exercice : calculer toutes les d´eriv´ees du polynˆome Xn, pour nNfix´e.
3.2 Racines
D´
efinition
Soit PK[X] et αK.On dit que αest une racine de Psi P(α) = 0.
Th´eor`eme de D’Alembert-Gauss : admis
Tout polynˆome `a coefficients complexes et de degr´e sup´erieur ou ´egal `a 1 admet au moins une racine complexe.
Attention : le r´esultat devient faux dans R.
Par exemple P(X) = X2+ 1 n’admet pas de racines dans R.
Exemple : Soit P(X) = 2X32X2+X. Montrer que α=1+i
2est racine de P.
En d´eduire sans calcul (en prenant le conjugu´e) que 1i
2est racine de P.
Plus g´en´eralement on obtient le r´esultat :
Soit PR[X] et αC. Alors αest racine de Pssi ¯αest racine de P.
Th´eor`eme
Soit PK[X] et αK.Alors αest une racine de Pssi (Xα) divise P.
Autrement dit, ssi il existe un polynˆome Qnon nul tel que P(X)=(Xα)Q(X).
emonstration
= Si (Xα) divise P, il existe un polynˆome Qtel que P(X) = (Xa)Q(X) alors en prenant X=a:
P(a) = (aa)Q(a) = 0 d’o`u aracine de P.
=Supposons aracine de P. La division euclidienne de Ppar (Xα) donne : il existe un unique couple
de polynˆomes (Q, R) tel que P(X) = Q(X)(Xa) + R(X) (*) avec R= 0 ou deg(R)< deg(Xa) = 1.
Donc Rest un polynˆome constant et s’´ecrit R(X) = c. But : montrer que c= 0.
En X=a, (*) donne P(a) = 0 + cdonc c= 0, et on a bien P(X) = Q(X)(Xa) : (Xa) divise P.
G´en´eralisation :
Th´eor`eme
Soit pNet α1, ..., αpp´el´ements de K2 `a 2 distincts. Alors
α1, ..., αpsont pracines de Pssi (Xα1)(Xα2)...(Xαp) divise P.
emonstration
Se montre par r´ecurrence, le sens ´etant imm´ediat.
Id´ee de la preuve dans le cas p= 2 : supposons que α1et α2sont deux racines distinctes de P. D’apr`es le
th´eor`eme pr´ec´edent, Ppeut s’´ecrire P(X) = (Xα1)Q(X). En X=α2on obtient :
0 = P(α2)=(α2α1)Q(α2). Comme α2α16= 0, on en d´eduit Q(α2) = 0 et α2racine de Q.
On r´eapplique le th´eor`eme pr´ec´edent `a Qet α2:Qpeut s’´ecrire Q(X)=(Xα2)˜
Q(X) d’o`u finalement
P(X)=(Xα1)Q(X) = (Xα1)(Xα2)˜
Q(X).
Exemple : Soit P(X) = 2X26X+ 4.
Montrer que 1 et 2 sont racines. Retrouver la factorisation de P.
Corollaire
Soit Pun polynˆome de degr´e n. Alors Pposs`ede au plus nracines distinctes.
Par contrapos´ee : un polynˆome de degr´e inf´erieur ou ´egal `a nadmettant n+ 1 racines est le polynˆome nul.
En particulier, un polynˆome qui admet une infinit´e de racines est le polynˆome nul.
4
Exercice : Soient Pet Qdeux polynˆomes de degr´e inf´erieur ou ´egal `a 2 et tels que
P(0) = Q(0) ; P(1) = Q(1) et P(2) = Q(2). Montrer que P=Q.
3.3 Racines multiples
D´
efinition
Soit PK[X] et αK.On dit que αest une racine d’ordre (de multiplicit´e) kde Psi il existe QK[X]
tel que P(X)=(Xα)kQ(X) avec Q(α)6= 0.
Autrement dit si (Xα)kdivise P, mais (Xα)k+1 ne divise plus P.
Cas particuliers :
si k= 1 on dit que αest racine simple de P, et si k= 2, on dit que αest racine double de P.
Remarque l’ordre de multiplicit´e d’une racine est inf´erieure au degr´e du polynˆome.
Bilan : le trinˆome `a coefficients r´eels
Racines du polynˆome P(X) = aX2+bX +cavec a, b, c Ret a6= 0.
si ∆ = b24ac > 0, Padmet deux racines r´eelles simples distinctes r1et r2; et Pse factorise dans R
en P(X) = a(Xr1)(Xr2).
si ∆ = 0, Padmet une racine r´eelle double r; et Pse factorise en P(X) = a(Xr)2.
si <0, Pn’admet aucune racine r´eelle et Pne se factorise pas dans R. Par contre dans C,Padmet
deux racines complexes conjugu´ees ret ¯ret Pse factorise en P(X) = a(Xr)(X¯r)
Th´eor`eme
Soit PK[X] et αK.
Alors αest racine d’ordre kde Pssi P(α) = P0(α) = ... =P(k1)(α) = 0 et P(k)(α)6= 0.
En particulier αest racine simple de Psi P(α) = 0 et P0(α)6= 0 et
αest racine double de Psi P(α) = 0, P0(α) = 0 et P00(α)6= 0 et au moins double si P(α) = 0, P0(α) = 0.
la preuve sera vue ult´erieurement car elle n´ecessite la formule de Taylor.
Exemple : eterminer l’ordre de multiplicit´e de la racine 1 pour P(X) = X2n+nX2n1(2n+ 1)Xn+n,
o`u nN,n2.
4 Exemples de factorisation
Exemple 1 Soit P(X) = X43X3+X2+ 3X2.
Le polynˆome est de degr´e 4 : afin de se ramener `a des polynˆomes de degr´e plus petit, on recherche des
racines ´evidentes (c’est-`a-dire 0,1,-1,2,-2 etc).
1. On constate que 1 est racine ´evidente de P. Calculons les d´eriv´ees successives de P´evalu´ees en 1.
P(1) = 0
P0(X)=4X39X2+ 2X+ 3 donc P0(1) = 0
P00(X) = 12X318X+ 2 donc P00(1) 6= 0
D’apr`es le th´eor`eme 1 est racine d’ordre 2 de Pdonc il existe un polynˆome Qtel que
P(X)=(X1)2Q(X) avec Q(1) 6= 0.
2. Comme deg(P) = deg((X1)2) + deg(Q) on obtient deg(Q) = 2 donc Qest de la forme
Q(X) = aX2+bX +c.
Puis (X1)2(aX2+bX +c) = (X22X+ 1)(aX2+bX +c)
=aX4+ (b2a)X3+ (c2b+a)X2+ (b2c)X+c.
Alors par unicit´e de l’´ecriture d’un polynˆome,
X43X3+X2+ 3X2 = aX4+ (b2a)X3+ (c2b+a)X2+ (b2c)X+c
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