L’Encéphale (2013) 39, 439—444 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ScienceDirect journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP THÉRAPEUTIQUE Enjeux cliniques du passage d’un antipsychotique à l’autre Clinical stakes when switching from one antipsychotic to another É. Constant Service de psychiatrie adulte, cliniques universitaires Saint-Luc, institute of neurosciences, IoNS, 10, avenue Hippocrate, 1200 Bruxelles, Belgique Reçu le 1er juillet 2013 ; accepté le 13 septembre 2013 Disponible sur Internet le 13 novembre 2013 MOTS CLÉS Antipsychotiques ; Switch ; Effet rebond ; Symptômes de discontinuation ; Psychose d’hypersensibilité KEYWORDS Antipsychotics; Switch; Rebound effect; Résumé Le passage d’un antipsychotique à un autre est de plus en plus habituel dans notre pratique clinique. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette constatation. Nous avons, à notre disposition, de plus en plus d’antipsychotiques disponibles avec des profils réceptologiques différents et également des profils de tolérance différents. D’habitude, les raisons du passage d’un antipsychotique à l’autre sont les suivantes : efficacité insuffisante ou problème de tolérance (prise de poids, désordres métaboliques, symptômes extrapyramidaux, hyperprolactinémie, sédation, troubles sexuels). De manière à ce que ce passage se déroule sans trop de complications, il est capital pour le clinicien de bien connaître, à la fois, le profil réceptologique et la demi-vie des antipsychotiques en question. Le clinicien doit s’attendre à un effet rebond dopaminergique lorsqu’il introduit un antipsychotique qui a une plus faible affinité pour le récepteur dopaminergique D2 que celui qui est arrêté ou qu’il s’agit d’un agoniste partiel avec une demi-vie particulièrement longue. D’un autre côté, un effet rebond histaminergique ou cholinergique est à craindre si le nouvel antipsychotique introduit possède une affinité plus faible pour ces deux récepteurs. Dans tous ces cas, un schéma de passage en « plateau » est souvent recommandé. Si, par contre, un passage d’un antipsychotique à l’autre plus rapide est impératif, diverses stratégies médicamenteuses existent pour essayer de diminuer l’impact de ces effets rebonds. © L’Encéphale, Paris, 2013. Summary Switching antipsychotics is more and more common in our clinical practice. Several reasons can explain this observation. We have more and more antipsychotics available on the market with different receptor binding profiles and also different tolerability issues. Usually, the reasons of the switch are the following: insufficient efficacy or problems of tolerance (weight gain, metabolic disorders, extrapyramidal symptoms, hyperprolactinemia, sedation, sexual dysfunction). So that the switch takes place without complications, it is essential for the clinician Adresse e-mail : [email protected] 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2013. http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2013.10.001 440 Withdrawal symptoms; Hypersensitivity psychosis É. Constant to have full knowledge of both the receptor binding profiles of the antipsychotics in question and their half-life. The clinician has to expect a dopaminergic rebound when the introduced antipsychotic has a lesser affinity for the dopaminergic D2 receptor than that which is withdrawn or if it is a partial agonist with a particularly long half-life. On the other hand, a histaminergic or cholinergic rebound can be expected if the new antipsychotic has a lesser affinity for these two receptors. In all these scenarios, a ‘‘plateau’’ switch will often be recommended. Now, if a faster switch is imperative, various medication strategies exist to try to decrease the impact of the rebound effects. © L’Encéphale, Paris, 2013. Introduction Ces dernières années, une multitude d’antipsychotiques atypiques sont arrivés sur le marché. L’enjeu important d’arriver aux résultats optimaux dans le traitement de nos patients, sur le plan clinique, avec les médicaments disponibles, est encore compliqué par l’interaction de plusieurs facteurs, comme des variables liées au patient, la relation clinicien-patient, ainsi que l’environnement dans lequel ce traitement est pris. Tout ceci a engendré des changements d’antipsychotiques de plus en plus fréquents chez nos patients en cas d’effets secondaires mais aussi en cas d’efficacité insuffisante. Le fait que la santé physique des patients schizophrènes suscite de plus en plus d’attention (suite notamment aux effets métaboliques problématiques de certains antipsychotiques atypiques), n’a fait qu’accentuer la tendance au remplacement d’un antipsychotique par un autre. La littérature relative aux essais cliniques suggère que, sur une période d’un an, environ 30 % des patients schizophrènes changent d’antipsychotiques [1]. De plus, le changement d’un antipsychotique typique vers un atypique semble plus risqué que le changement d’un antipsychotique atypique vers un autre [2]. N’oublions pas que si tous les antipsychotiques atypiques font partie d’une même classe, nous avons affaire à des molécules très différentes l’une de l’autre sur le plan réceptologique. Par conséquent, passer d’une molécule à l’autre pourra avoir des conséquences sur le plan réceptologique qui se traduiront sur le plan clinique. Les principaux effets des antipsychotiques atypiques font intervenir les voies dopaminergiques, sérotoninergiques, cholinergiques, histaminergiques et adrénergiques. Les symptômes associés à la discontinuation d’un antipsychotique peuvent être classés en différents types : • les symptômes de retrait : comme l’hyperthermie induite après arrêt de la clozapine [3] ; • les phénomènes rebonds sérotoninergiques, histaminergiques, cholinergiques [4] ; • les syndromes d’hypersensitivité comme une psychose d’installation rapide d’hypersensibilité [5]. Dans la plupart des cas, ces symptômes sont interprétés par le clinicien comme résultant du nouveau traitement antipsychotique prescrit, alors qu’ils sont, en fait, dus au retrait du traitement antipsychotique antérieur ! Cela conduit souvent à l’arrêt du nouveau traitement puisqu’il est interprété comme ne convenant pas. . . C’est la raison pour laquelle une bonne connaissance des symptômes de retrait est essentielle lorsque le clinicien veut utiliser des stratégies de passage d’un antipsychotique à l’autre. Au niveau de la littérature également, nombreuses sont les publications rapportant un effet secondaire lors de l’introduction d’un nouvel antipsychotique (par ex : nausées, insomnie, vomissement, diarrhée lors de l’instauration d’aripiprazole) n’ayant pas été mis en rapport avec un rebond cholinergique lors de l’arrêt (souvent trop brutal) de l’antipsychotique précédent (ex : clozapine) [6—8]. Passons en revue les principaux neurotransmetteurs concernés et leurs implications dans les symptômes de retrait. Principaux neurotransmetteurs concernés Dopamine Tous les antipsychotiques bloquent plus ou moins fort les récepteurs dopaminergiques D2. Le parkinsonisme parfois observé avec les antipsychotiques est la conséquence d’une réduction en dopamine au niveau striatal. La dyskinésie précoce provient, quant à elle, d’un relargage de dopamine trop important. Les mécanismes pharmacologiques précis de l’akathisie restent peu clairs à ce jour. Les dyskinésies tardives sont, elles, attribuées à une hypersensibilité des récepteurs striataux post-synaptiques, en particulier après de longues périodes d’antagonisme D2 [9]. Il est généralement admis, que dans la schizophrénie, les récepteurs D2 ont une affinité élevée, ce qui rend ces sujets supersensibles à la dopamine [10]. Après une discontinuation brutale d’antipsychotiques ou de changement brutal d’un antipsychotique vers la quétiapine ou la clozapine, qui présentent une liaison au récepteur D2 seulement pendant une brève période [11], une dyskinésie de retrait ou une akathisie peut survenir [12]. Un mécanisme similaire d’hypersensibilité de retrait au niveau du système limbique pourrait conduire à une psychose d’hypersensibilité [13]. Et le clinicien d’en conclure précipitamment et de manière erronée que le nouveau traitement (quétiapine ou clozapine) ne fonctionne pas ! Ainsi, après une discontinuation rapide d’antagonistes dopaminergiques, une psychose de rebond (ou psychose d’hypersensibilité) peut se développer en raison de la Enjeux cliniques du passage d’un antipsychotique à l’autre sur-régulation des récepteurs [5]. De nombreuses publications ont ainsi rapporté une psychose d’hypersensibilité après arrêt de clozapine [14], ou encore des dystonies ou dyskinésies [15]. En général, cette psychose d’hypersensibilité s’accompagne aussi d’autres symptômes de retrait dans le cas de la clozapine, comme des nausées, vomissements, insomnie, diarrhée, agitation, céphalées, sudation, indicateurs d’un rebond cholinergique [3]. D’autres études ont rapporté des psychoses d’hypersensibilité après arrêt de l’olanzapine et de la quétiapine [16]. Cette psychose de rebond peut survenir en général dans les 6 semaines après arrêt d’une médication orale ou 3 mois après une médication sous forme de dépôt [17]. Un avantage de passer d’un traitement à blocage D2 élevé vers un autre traitement à plus faible affinité D2 ou à des propriétés d’agoniste partiel, est de favoriser la normalisation des taux de prolactine et de la fonction sexuelle. Sérotonine Les caractéristiques atypiques des antipsychotiques atypiques sont à mettre en rapport avec la stimulation ou le blocage de sous-types de récepteurs sérotoninergiques [18]. L’hyperthermie de rebond observée après arrêt brutal de l’olanzapine pourrait impliquer les récepteurs sérotoninergiques [19]. Le passage d’un antipsychotique atypique avec une affinité élevée pour le récepteur 5HT2A vers un antipsychotique typique (avec une moindre affinité pour le récepteur 5HT2A) pourrait se solder par une perte de l’effet au niveau des symptômes négatifs et cognitifs. Un des effets bénéfiques du passage de la clozapine ou l’olanzapine vers la ripéridone ou l’aripiprazole, peut être une perte de poids, consécutive à un blocage plus faible des récepteurs 5HT2 C sous rispéridone ou aripiprazole. Acétylcholine À ce jour, cinq récepteurs muscariniques ont été retrouvés chez les humains. Les récepteurs M1 semblent importants pour les fonctions cognitives [20]. Ainsi, certains antipsychotiques avec une forte affinité pour les récepteurs muscariniques peuvent occasionner des atteintes cognitives. Arrêter brutalement un antipsychotique avec une forte affinité cholinergique (olanzapine, clozapine) peut entraîner un rebond cholinergique : nausées, vomissements, sudation, insomnie, symptômes grippaux [21]. Histamine Les récepteurs histaminergiques H1 semblent être importants pour la régulation du poids [22]. De plus, les récepteurs histaminergiques sont impliqués dans les processus cognitifs et la sédation. En conséquence, passer d’un antipsychotique à forte affinité H1 (clozapine, quétiapine, olanzapine) vers un antipsychotique à plus faible affinité H1 (ex : rispéridone, palipéridone) peut se solder par un effet bénéfique au niveau du poids, de la sédation, mais peut, par contre, entraîner une insomnie de rebond [23]. 441 Adrénaline, noradrénaline L’antagonisme adrénergique alpha-2 agit comme sympathomimétique. Il entraîne un flux adrénergique accru dans la fente synaptique, pouvant contribuer à une amélioration de l’humeur et une amélioration des fonctions cognitives [24]. Après le passage vers un antipsychotique avec moins de propriétés antagonistes noradrénergiques, une réaction sympathotonique temporaire avec augmentation de la pression sanguine ou de l’anxiété peut surgir [25]. L’hyperthermie de rebond décrite lors de l’arrêt brutal de la clozapine pourrait impliquer les récepteurs adrénergiques alpha-1 [3]. Raisons du changement d’antipsychotique En pratique clinique courante, il existe différentes raisons pour passer d’un antipsychotique à l’autre, principalement pour une raison d’efficacité insuffisante ou d’effet secondaire (prise de poids, augmentation de prolactine, dysfonction sexuelle, sédation importante. . .). Le clinicien devrait toujours bien peser le pour et le contre du changement d’antipsychotique. En termes d’efficacité, rappelons que la fameuse étude CATIE (Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness) n’a pas trouvé de différence entre les patients pour lesquels un changement d’antipsychotique avait été opéré et ceux qui étaient restés avec leur antipsychotique initial [26]. Il convient donc de maximiser le traitement antipsychotique en cours avant de vouloir opter pour le changement, qui n’apporte pas toujours de bénéfice sur le plan clinique et qui implique une prise de risques. Paramètres à prendre en considération Lors du passage d’un antipsychotique vers un autre, deux paramètres importants sont à prendre en considération : • l’affinité des antipsychotiques concernés pour les divers récepteurs ; • la demi-vie des antipsychotiques. Affinité pour les divers récepteurs Le but du traitement dans les psychoses ou la manie, est de diminuer l’hyperactivité dopaminergique de la voie mésolimbique, hyperactive dans la psychose et la manie. Étant donné que les antipsychotiques varient dans leur affinité pour les récepteurs dopaminergiques D2, le blocage dopaminergique D2 efficace sera atteint à des doses très différentes d’un antipsychotique à l’autre, et surtout, il sera atteint avant, en même temps ou après seulement avoir bloqué d’autres récepteurs. Par conséquent, les effets secondaires associés au blocage de ces autres récepteurs surviendront en même temps que l’effet antipsychotique recherché (blocage D2) ou non. Considérons l’affinité relative des divers antipsychotiques par rapport au récepteur D2 ; c’est-à-dire, imaginons un instant que tous les antipsychotiques typiques et atypiques aient la même affinité pour le récepteur D2. 442 Examinons alors leur affinité relative pour les autres récepteurs concernés. Lorsque l’affinité relative pour un autre récepteur est plus importante que pour le récepteur D2, nous devons nous attendre à un effet secondaire lié à l’occupation de ce récepteur. Nous constaterons que certains antipsychotiques atypiques (les « pines », olanzapine, quétiapine, clozapine) ont une affinité relative plus importante pour les récepteurs muscariniques et histaminergiques alors que d’autres antipsychotiques (les « ones », rispéridone, palipéridone, mais aussi aripiprazole, amisulpride, haldol) ont une affinité relative bien plus faible pour ces mêmes récepteurs. Par conséquent les « pines » seront responsables d’effets secondaires muscariniques et histaminergiques avant d’atteindre un blocage D2 suffisant que pour exercer une action antipsychotique ; ce qui n’est pas le cas des « ones ». Demi-vie des antipsychotiques La connaissance sur l’absorption et la demi-vie des antipsychotiques concernés va nous aider à déterminer quand l’état d’équilibre sera atteint lorsqu’un antipsychotique est introduit, ou quand il sera éliminé lorsqu’il est arrêté. En général, il faut considérer que cela prend environ 4 à 5 fois la demi-vie d’élimination pour qu’une molécule atteigne l’état d’équilibre ; et le même laps de temps pour que la molécule soit éliminée du compartiment plasmatique, une fois arrêtée. Nous pouvons regrouper les temps de demi-vie de la manière suivante : • T ½ de ± 24 heures : amisulpride, clozapine, quétiapine XR1 , halopéridol, perphénazine, rispéridone, palipéridone ; • T ½ de ± 30 à 36 heures : olanzapine ; • T ½ de 72 heures (3 jours) : aripiprazole. Les phénomènes de rebond Les phénomènes de rebond risquent d’être particulièrement problématiques lorsque les deux antipsychotiques concernés diffèrent considérablement dans leur profil réceptologique et leur demi-vie. Ainsi, des phénomènes de rebond peuvent survenir lorsque l’on passe d’un antipsychotique avec un blocage histaminergique ou muscarinique relativement important (ex : chlorpromazine, clozapine, olanzapine, quétiapine) vers un antipsychotique avec un blocage plus faible pour ces récepteurs (ex : aripiprazole, halopéridol, rispéridone, palipéridone). Le rebond histaminergique se caractérise par de l’anxiété, agitation, insomnie, symptômes extrapyramidaux. Le rebond cholinergique, quant à lui, se caractérise par de l’agitation, confusion et des symptômes extrapyramidaux. De même, un rebond dopaminergique peut se développer lors du passage d’un antipsychotique à forte affinité D2 1 Demi-vie relative dans ce cas tenant compte de l’absorption progressive de quetiapine XR. É. Constant (rispéridone, palipéridone) vers un antipsychotique à plus faible affinité (clozapine, quétiapine) ou vers un agoniste partiel D2 à longue demi-vie (aripiprazole) ; surtout s’il n’est pas administré à posologie adéquate (de manière à obtenir un blocage D2 suffisant malgré cette affinité plus faible ou cet agonisme partiel). Le rebond dopaminergique va se caractériser par l’émergence d’une symptomatologie psychotique, voire un état maniaque, de l’agitation, agressivité, akathisie. Lorsque l’antipsychotique arrêté a une demi-vie plus courte que l’antipsychotique introduit (ex : passage de rispéridone vers aripiprazole), il y a bien un risque de rebond dopaminergique car les récepteurs D2, qui plus est, hypersensibles du fait de leur blocage, vont être libérés rapidement et seront réoccupés plus tardivement ! Différents types de stratégies Il existe différentes manières de procéder au passage d’un antipsychotique vers un autre : • le passage en plateau : introduire progressivement le nouvel antipsychotique à dose croissante jusqu’à la dose thérapeutique et ensuite diminuer doucement les doses du premier antipsychotique ; • le passage direct : remplacer de manière abrupte un antipsychotique par un autre sans titration ; • le passage ascendant : introduire progressivement le nouvel antipsychotique à dose croissante et arrêter ensuite brutalement le premier antipsychotique ; • le passage descendant : diminuer progressivement le premier antipsychotique et introduire le nouvel antipsychotique brutalement à dose thérapeutique. Plusieurs facteurs peuvent intervenir dans le type de schéma choisi. Parmi ceux-ci, la demi-vie des antipsychotiques concernés est d’une grande importance. En effet, un passage rapide d’un antipsychotique vers un autre pourra être choisi et sera moins problématique si l’antipsychotique qui doit être arrêté possède une longue demi-vie. Par contre, il conviendra d’être plus prudent si l’antipsychotique introduit possède une longue demi-vie. Lorsque ce changement d’antipsychotique a lieu chez un patient en consultation ambulatoire, le schéma en plateau est certainement préférable car il limite les phénomènes de rebond [27]. Bien entendu, le risque potentiel d’effets secondaires dus à la prise simultanée de deux antipsychotiques (dans le schéma en plateau) doit être mis en balance avec le risque de phénomènes de rebond plus fréquent si on n’opte pas pour le plateau ! En particulier, le risque d’interactions pharmacocinétiques entre antipsychotiques doit être considéré. Le schéma en plateau est particulièrement indiqué dans les circonstances suivantes : • lors du passage d’un antipsychotique à fort blocage histaminergique ou cholinergique vers un antipsychotique à faible blocage de ces deux récepteurs (ex : olanzapine, quétiapine, clozapine vers rispéridone, palipéridone, aripiprazole) ; Enjeux cliniques du passage d’un antipsychotique à l’autre 443 • lors du passage d’un antipsychotique à courte demi-vie vers un autre à longue demi-vie (ex : quétiapine, rispéridone, palipéridone vers aripiprazole) ; • lors du passage d’un antipsychotique à forte affinité D2 vers un autre à moindre affinité D2 (haldol, rispéridone, palipéridone vers quétiapine, clozapine) ou vers un agoniste partiel (aripiprazole). vers d’autres antipsychotiques, en particulier la rispéridone ou l’aripiprazole [6]. Il convient donc d’effectuer un changement très graduel pour la clozapine (50 mg par semaine) ou l’olanzapine vers un autre antipsychotique avec moins d’affinité muscarinique. L’utilisation de benzodiazépines ou d’anticholinergiques peut également s’avérer utile dans ce cas. Pour la clozapine, si la raison de l’arrêt est l’agranulocytose, il est préférable d’instaurer un antipsychotique avec un profil réceptologique différent (éviter l’olanzapine et la quétiapine) alors que si la raison de l’arrêt est une autre cause que l’agrannulocytose, il est préférable d’instaurer un antipsychotique avec le même profil réceptologique [30]. Les effets indésirables du changement d’antipsychotique, lorsqu’ils surviennent, n’apparaissent pas tous en même temps. Le rebond cholinergique et l’akathisie rebond surviennent généralement dans les premiers jours après le changement ; un rebond parkinsonien apparaît généralement après une semaine et la dyskinésie rebond peut apparaître après un mois. Pour être certain que les effets observés sont bien dus au changement, une épreuve de réintroduction de l’antipsychotique arrêté peut être tentée. Elle devra dès lors se solder par la disparition de la symptomatologie observée. Le schéma en plateau proposé par Correll [4] se déroule de la manière suivante : après ajout du nouvel antipsychotique à 75 %—100 % de sa posologie finale pendant un laps de temps correspondant à 4 à 5 fois sa demi-vie, le clinicien commencera seulement à diminuer plus ou moins rapidement l’ancien antipsychotique de 25 % à 50 % toutes les 4 à 5 demi-vies. Ce schéma en plateau est particulièrement pertinent lorsqu’on va vers l’ariprazole. Pour illustration, lorsque le clinicien veut par exemple passer de l’olanzapine à l’aripiprazole, il y a des risques d’effet rebond tant dopaminergique qu’histaminergique et cholinergique pour 2 raisons : • l’aripiprazole a une longue demi-vie (environ 3 jours) ; • l’olanzapine a une affinité bien plus grande que l’aripiprazole pour les récepteurs histaminergiques et cholinergiques. Si nous appliquons le schéma en plateau décrit ci-dessus, nous allons introduire l’aripiprazole et garder les deux antipsychotiques pendant environ 15 jours (5 × 3 jours de demi-vie pour l’arpiprazole) pour éviter le rebond dopaminergique avant de commencer à diminuer lentement l’olanzapine pour, cette fois, éviter un rebond histaminergique et cholinergique : par exemple diminuer sa posologie de 25 % chaque 7 jours (30 heures de demi-vie × 5). Stratégies pour diminuer les effets rebonds Plusieurs stratégies existent pour essayer de diminuer l’importance des phénomènes de rebond, par exemple en cas de nécessité d’arrêter l’antipsychotique précédent plus rapidement (ex : agranulocytose sous clozapine). L’utilisation de substances anticholinergiques peut aider à évider le rebond cholinergique [28]. Pour diminuer le risque d’insomnie de rebond liée à l’arrêt d’un antipsychotique à forte affinité histaminergique H1, l’addition de benzodiazépines ou d’autres sédatifs peut être une stratégie utile. Encore faut-il bien identifier qu’il s’agisse d’une insomnie de rebond et non d’un signe de rechute psychotique ! Généralement la stratégie du schéma en plateau est le meilleur procédé pour essayer d’éviter les phénomènes de rebond [29]. Si le clinicien prévoit, qu’en fonction du schéma considéré, du profil des molécules concernées et des caractéristiques de son patient, que ce changement risque d’être difficile et pourrait s’accompagner d’insomnie, de peur, d’agitation, il pourrait s’avérer utile d’hospitaliser brièvement le patient pour le suivre de près et adapter son traitement régulièrement. Au vu de la littérature, le risque d’une exacerbation psychotique de rebond, telle que nous l’avons décrite, est le plus important en passant de la clozapine ou olanzapine Conclusion Si le changement d’un antipsychotique à l’autre est souvent motivé par de bonnes raisons dans notre pratique clinique courante, il convient de prendre conscience des risques liés à cette pratique. Trop souvent, ils sont tout simplement ignorés par le clinicien. Une bonne connaissance du profil des molécules utilisées permettra de mieux décider de la stratégie qui minimise les risques d’effets de rebond. En particulier, en cas de changement vers un antipsychotique avec un profil réceptologique assez différent de celui qui est arrêté, un schéma en plateau sera toujours privilégié. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare avoir perçu des honoraires d’orateur et/ou d’Advisory Board de différentes firmes pharmaceutiques: AstraZeneca, BMS, Lilly, Wyeth, Servier, Janssen Cilag, Pfizer, Lundbeck, GSK. Il ne détient aucune action dans ces sociétés. Références [1] Nyhuis AW, Faries DE, Ascher-Svanum H, et al. Predictors of switching antipsychotics medications in the treatment of schizophrenia. BMC Psychiatry 2010:10—75, http://dx.doi.org/10.1186/1471-244X-10-75. [2] Hugenholtz GW, Heerdink ER, Meijer WE, et al. Reasons for switching between antipsychotics in daily clinical practice. Pharmacopsychiatry 2005;38:122—4. [3] Goudie AJ, Smith JA, Robertson A, et al. Clozapine as a drug of dependence. Psychopharmacology (Berl) 1999;142(4):369—74. [4] Correll CU. 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