changement d`antipsychotique lors de l`apparition d`effets

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À vos soins
Changement d’antipsychotique
lors de l’apparition d’effets
secondaires métaboliques
A.M. est un homme de 37 ans, diagnostiqué schizophrène depuis plusieurs années. Depuis 2006, sa maladie est stabilisée avec de la
quétiapine 100 mg bid + 300 mg HS et de la trifluopérazine 10 mg tid. Lors de sa visite d’aujourd’hui à la pharmacie, il mentionne avoir
pris beaucoup de poids ces derniers mois. Il demande s’il est possible de l’aider, car cela l’incommode particulièrement.
Discussion
La prévalence de l’obésité chez les personnes
atteintes de schizophrénie serait de 1,5 à 4 fois
supérieure à celle de la population en général1.
Pour le syndrome métabolique, elle serait deux
fois plus élevée par rapport à la population non
atteinte2. Il a été soulevé que certains mécanismes physiopathologiques de cette maladie
pourraient contribuer à l’apparition d’un syndrome métabolique2,3. De plus, la génétique, un
régime alimentaire pauvre, un mode de vie
sédentaire, le tabac et la médication antipsychotique sont d’autres facteurs qui peuvent expliquer ces prévalences plus élevées dans la population schizophrène1,2,4.
Le syndrome métabolique est caractérisé par
une intolérance au glucose, une dyslipidémie, de
l’obésité et de l’hypertension3,5. Les antipsychotiques de deuxième génération sont associés à une
prise de poids et à une perturbation du métabolisme. Ils auraient notamment un effet dans la
région de l’hypothalamus impliquée dans le
contrôle de l’ingestion de nourriture2. Le blocage
du récepteur de l’histamine 1 (H1) par certains
antipsychotiques serait un des mécanismes particulièrement responsables de la prise de poids2,5.
Le blocage du récepteur sérotoninergique 2C
(5-HT2C) et un effet agoniste au niveau du récepteur 1A (5-HT1A) engendreraient le même
effet2,5. Le mécanisme par lequel cette classe de
médicaments entraînerait une résistance à l’insuline reste toutefois à élucider5. Cependant, le
blocage du récepteur muscarinique 3 (M3) au
niveau des cellules bêta du pancréas serait impliqué dans la diminution de la sécrétion d’insuline
par, notamment, l’olanzapine et la clozapine2,5.
Ainsi, selon les propriétés de chaque antipsychotique atypique, la clozapine et l’olanzapine sont
associées à un risque élevé de gain de poids, la
quétiapine et la rispéridone, à un risque modéré,
alors que l’aripiprazole et la ziprasidone sont à
faible risque3,4,5. Seules la clozapine et l’olanzapine ont démontré qu’elles augmentaient le risque de diabète et causaient une modification du
bilan lipidique de façon concluante4,5. Cependant, la quétiapine a aussi été ciblée dans certaines études comme étant un facteur entraînant
un haut risque de dyslipidémie3.
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En raison des conséquences cardiovasculaires
que ces effets indésirables peuvent engendrer, le
suivi des paramètres métaboliques s’avère essentiel chez tous les patients traités par un antipsychotique atypique. Il est recommandé, avant de
commencer le traitement, de recueillir de l’information sur l’histoire familiale et personnelle
du patient, son poids (IMC), son tour de taille,
sa pression artérielle, son taux de glucose à jeun
et son profil lipidique4. Le poids devra par la
suite être mesuré aux semaines 4, 8, et 12, puis
tous les trois mois durant la première année et
annuellement par la suite4. La pression artérielle
et le glucose à jeun doivent être mesurés à nou-
Texte rédigé par Isabelle Lévesque, étudiante en
4e année au Pharm. D., Pharmacie Antonio Boyard,
Frédéric Normand & Sylvain Gibeault.
Texte original soumis le 13 juin 2011.
Texte final remis le 29 juillet 2011.
Révision : Sophie Grondin, B. Pharm., M.Sc.
SA.M. se plaint d’une prise de poids importante (environ 18 kg) depuis quelques mois.
O
Homme de 37 ans, fumeur, peu actif
Poids : 96 kg, IMC : 29
Médication actuelle : trifluopérazine 10 mg TID, quétiapine 100 mg bid + 300 mg HS,
citalopram 40 mg die, benztropine 2 mg tid, lorazépam 2 mg tid, trazodone 50 mg hs,
rosuvastatine 10 mg die, sildénafil 50 mg 1 co 1 h avant la relation, pantoprazole 40 mg
die et docusate de sodium 100 mg bid.
Autres antipsychotiques essayés par le passé : fluphénazine 50 mg IM q 3 semaines.
AParmi les médicaments du patient, la quétiapine est celui qui est le plus susceptible
d’entraîner un gain de poids marqué. La ziprasidone et l’aripiprazole ont démontré qu’ils
n’avaient que peu ou pas d’effet sur le poids. La ziprasidone doit se prendre deux fois par
jour avec des repas importants, alors que la prise uniquotidienne d’aripiprazole sans
égard au repas lui confère un certain avantage.
P
Communiquer avec le psychiatre afin de proposer de changer la quétiapine
pour l’aripiprazole.
■ Établir la dose équivalente d’aripiprazole et un calendrier de substitution.
■ Rédiger l’opinion pharmaceutique.
■ Remettre les conseils sur l’aripiprazole.
■ Discuter avec le patient de l’importance d’une saine alimentation et de l’intégration
d’exercices légers dans sa routine quotidienne.
■ Suivi auprès du patient chaque semaine pendant la substitution d’antipsychotique
et un mois après l’atteinte de la dose cible d’aripiprazole pour les symptômes
de la schizophrénie.
■ Suivi du poids une fois à chacun des trois premiers mois et tous les trois mois par la suite.
Le bilan lipidique, la pression artérielle et le glucose à jeun devront être mesurés après
12 semaines de traitement. Par la suite, la pression artérielle et le glucose à jeun devront
être mesurés annuellement et un bilan lipidique sera effectué tous les 5 ans
minimalement.
■
OCTOBRE 2011 vol. 58 n° 6 Québec Pharmacie
7
À vos soins
veau à la semaine 12 puis chaque année par la
suite. Enfin, le bilan lipidique doit être répété à
la semaine 12 puis tous les cinq ans4. Le pharmacien communautaire peut prendre une part
active dans ce suivi, principalement en ce qui a
trait à la mesure du tour de taille et du poids, à la
prise de la pression artérielle et à la mesure du
glucose sanguin.
Le gain de poids incommode bien souvent les
patients. Un changement d’antipsychotique
peut être envisagé lorsqu’un patient augmente
son poids initial de 5 % ou plus à tout moment
au cours du traitement4. Il faut cependant être
très prudent, car cette substitution peut le déstabiliser. Lors d’un changement, deux types de
phénomène rebond peuvent survenir. Le premier, à caractère pharmacodynamique, se produit lorsque les deux antipsychotiques diffèrent
quant à leur affinité pour les récepteurs6. En
effet, des symptômes de sevrage peuvent survenir selon le type de récepteur impliqué et la rapidité du changement6. De plus, si le nouvel antipsychotique est à dose sous-thérapeutique, un
phénomène rebond de type pharmacocinétique
peut se produire6. Dans ce cas, le blocage des
récepteurs dopaminergiques 2 (D2) est moindre par rapport à ce qu’il était avant le changement6. Le patient peut donc se retrouver avec
une psychose, une manie, être agité ou manifester de l’akathisie ou de la dyskinésie6.
Il existe plusieurs méthodes pour passer d’un
antipsychotique à un autre. La méthode la plus
abrupte, celle où l’antipsychotique à changer (X)
est cessé, puis remplacé par un nouvel antipsychotique (Y) à pleine dose, est utilisée principa-
lement chez les patients hospitalisés7. Il y a ici
peu de risque d’interaction7. Cependant, le
patient aura possiblement des symptômes
rebonds7. Il est aussi possible de diminuer graduellement la dose de X jusqu’à sa cessation et
d’introduire ensuite Y à faible dose, puis de
l’augmenter graduellement7. Cette façon de procéder minimise l’apparition de symptômes
rebonds et d’interactions7. Par contre, le patient
reçoit des doses sous-thérapeutiques pendant
une certaine période, ce qui peut favoriser une
exacerbation de la maladie7. De plus, il n’existe
pas de consensus sur la vitesse à laquelle la dose
des deux médicaments devrait être diminuée
ou augmentée. La méthode plus prudente, qui
minimise l’apparition des symptômes rebonds
lorsque les deux antipsychotiques diffèrent
considérablement d’un point de vue pharmacodynamique ou pharmacocinétique, consiste à
faire un chevauchement6. Ainsi, Y est ajouté,
soit à pleine dose ou graduellement, et X est
maintenu à la dose habituelle. X n’est diminué
que lorsque 75 % à 100 % de la dose de Y a été
atteinte et maintenue pendant 4 à 5 demi-vies de
X. Ensuite, la dose de X peut être diminuée de
25 % à 50 % toutes les 4 à 5 demi-vies de X6. La
vitesse de changement de dose est une suggestion et peut être adaptée selon la réponse du
patient.
L’utilisation de cette méthode diminue le risque de rechute et est la plus sécuritaire7. Cependant, il peut y avoir addition d’effets secondaires et augmentation du risque d’interactions
médicamenteuses7. Elle serait à privilégier chez
les patients stables dont le changement de
médication est causé par un effet indésirable
ou chez les patients dont la réponse au premier
traitement est incomplète7. Enfin, le recours à
un anxiolytique/sédatif, antihistaminique,
anticholinergique, à de la gabapentine ou à de
la mirtazapine peut s’avérer nécessaire pour
limiter les symptômes rebonds lors du changement de médication chez certains patients6. ■
Acte pharmaceutique facturable
Substituer en raison d’un effet secondaire (DIN :
00999598)
Opinion pharmaceutique
Bonjour Docteur,
M. A.M se plaint d’avoir pris environ 18 kg
ces derniers mois. Il est fumeur et dit faire peu
d’exercice. Il prend depuis récemment de la
rosuvastatine 10 mg pour un déséquilibre des
lipides sanguins. La quétiapine, utilisée pour le
traitement de sa schizophrénie, est susceptible
de causer un gain de poids et d’entraîner une
perturbation du profil lipidique. Dans son cas,
l’aripiprazole pourrait être une bonne option
puisque ce médicament a très peu d’impact
sur le poids et sa prise est sans égard aux repas.
La dose d’aripiprazole équivalente à sa dose
actuelle de quétiapine est de 25 mg. Puisque le
patient est stabilisé depuis longtemps avec de
la quétiapine, la méthode de substitution par
chevauchement serait appropriée pour assurer
la transition. N’hésitez pas à me joindre pour
de plus amples informations.
En toute collaboration,
La pharmacienne
Références
1. Mukundan A, Faulkner G, Cohn T, et coll. Anti­
psychotic switching for people with schizophrenia
who have neuroleptic-induced weight or metabolic
problems. The Cochrane collaboration 2010; 12: 172.
2. Reynolds GP, Kirk SL. Metabolic side effects of
antipsychotic drug treatment – pharmacological
mechanisms. Pharmacology & Therapeutics 2010;
125: 169-79.
3. Hasnain M, Fedrickson SK, Vieweg WVR, et coll.
Metabolic Syndrome Associated with Schizophrenia and
Atypical Antipsychotics. Curr Diab Rep 2010; 10: 209-16.
4. American Diabetes Association and American
Psychiatric Association. Consensus development
conference on antipsychotics drugs and obesity and
diabetes. Diabetes Care 2004; 27: 596-601.
5. Pramyothin P, Khaodhiar L. Metabolic syndrome
with the atypical antipsychotics. Curr Opin Endocrinol
Diabetes Obes 2010; 17 : 460-6.
6. Corell CU. From receptor pharmacology to improved
outcomes : Individualising the selection, dosing, and
switching of antipsychotics. European Psychiatry
2010; 25 : S12-S21.
7. Edlinger M, Baumgartner S, Eltanaihi-Furtmüller
N, et coll. Switching between second-generation
antipsychotics why and how ? CNS drugs 2005; 19 :
27-42.
Question de formation continue
1) Lequel des énoncés suivants est
faux ?
A. Le récepteur 5-HT2C est impliqué
dans le gain de poids lié aux
antipsychotiques atypiques.
B. L’olanzapine et la clozapine augmen­
tent le risque de gain de poids, de
diabète et de dyslipidémie.
C. Le bilan lipidique devrait être fait
annuellement lorsqu’un antipsychoti­
que atypique est débuté.
D. Des symptômes de sevrage peuvent
survenir lors d’un changement
d’antipsychotique, notamment
lorsque les deux médicaments
diffèrent quant à leur affinité pour
les récepteurs.
Répondez maintenant en ligne. Voir page 46. 
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Québec Pharmacie vol. 58 n° 6 OCTOBRE 2011
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