La Lettre du Neurologue - n° 3 - vol. III - juin 1999
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MISE AU POINT
térieure pour éviter la mobilisation peropératoire de la carotide
et le risque embolique ; c’est aussi le cas d’antécédents de
radiothérapie cervicale responsable d’un véritable “blindage”
des parties molles rendant impossible la réalisation d’une voie
antérieure.
RÉSULTATS DE LA CHIRURGIE DANS LA MYÉLOPATHIE
PAR CERVICARTHROSE
À la lumière de notre expérience (36 cas revus avec un recul
moyen de 7 ans) et des séries comparables de la littérature, les
résultats chirurgicaux peuvent être résumés de la façon suivante :
• De façon globale, environ la moitié des patients sont amélio-
rés après l’intervention, 20 % sont stabilisés et 30 % continuent
à s’aggraver malgré un geste chirurgical décompressif efficace
(vérifié sur un bilan neuroradiologique de contrôle). Jomin, en
1983, avait noté sur 700 cas, 66 % d’amélioration, 24 % de sta-
bilisation et 10 % d’aggravation.
• Il est bien difficile d’affirmer la supériorité d’une technique
chirurgicale par rapport à une autre. Vaquero, en 1982, retrou-
vait 40 % de patients améliorés par la voie antérieure contre
71 % par la laminectomie. Dans notre série, 56 % des patients
sont améliorés par la voie antérieure contre 36 % par la lami-
nectomie.
Les critères de bon pronostic sont :
– une durée d’évolution courte de la symptomatologie neurolo-
gique ;
– l’absence de modification du diamètre transversal du cordon
médullaire sur l’IRM ;
– la perte isolée du potentiel N13 sur les PES.
Les critères de mauvais pronostic sont au contraire :
– la désynchronisation des PES par stimulation des SPI, qui tra-
duirait une souffrance des faisceaux centraux de la moelle, plus
par un biais vasculaire que compressif ;
– la présence d’un hypersignal médullaire en T2 et la sévérité du
tableau clinique préopératoire, qui sont d’une valeur pronos-
tique plus controversée.
Résultats en fonction de la symptomatologie
Les troubles moteurs des membres supérieurs répondent mieux
au traitement chirurgical que le déficit des membres inférieurs.
De même, les troubles sensitifs régressent mieux aux membres
supérieurs qu’aux membres inférieurs. L’efficacité sur les
troubles sphinctériens est modeste : 70 % des patients gardent
une symptomatologie urinaire ou génitale.
La survenue de complications per- ou postopératoire doit être
prise en compte. La fréquence de celles-ci est difficilement éva-
luable car rarement rapportée dans les séries de la littérature
(elle se situe probablement aux alentours de 5 %), mais ces
aggravations sont bien connues des équipes chirurgicales, que
l’abord se fasse par voie antérieure ou par voie postérieure.
Elles revêtent parfois le tableau dramatique d’une authentique
tétraplégie définitive, dont le pronostic est souvent vital chez
ces patients âgés.
CONCLUSION
La myélopathie cervicarthrosique est une affection médullaire
d’origine dégénérative dont le traitement logique est la décom-
pression chirurgicale. L’indication doit être posée devant un dia-
gnostic de certitude, dès que la symptomatologie devient invali-
dante. L’objectif de cette chirurgie est d’espérer, sinon une amé-
lioration, au moins une stabilisation de l’évolution de la maladie.
Les résultats sont souvent meilleurs aux membres supérieurs
qu’aux membres inférieurs, et chez les patients dont l’histoire cli-
nique est courte. La possibilité d’une aggravation postopératoire
doit faire peser l’indication chez des patients parfois âgés ou por-
teurs de pathologies associées, en particulier cardiovasculaires. ■
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