Les résultats sont exprimés par des moyennes et leurs déviations standard à l’exception du sexe dont les résultats sont exprimés
en pourcentages. Poussée prednisone : traitement d’une poussée de PR par prednisone > 15 mg/jour ; poussée infiltration :
traitement d’une poussée de PR par infiltration ;moy :moyenne.
Tableau 5
Confiance des MG dans leur pratique en fonction des données démographiques et d’exercice
âge (années)
nombre de
patients/semaine
ancienneté
d’exercice(années)
sexe (%) hommes
femmes
infiltration
Faibles ou
moyennes bonnes ou
excellentes p
47,8 ± 6,5 50,3 ± 8,5 0,004
124,3 ± 37,1 125,9 ± 43,1 0,72
18,3 ± 7,4 21,0 ± 8,8 0,004
56.4 43,6 0,0001
85.3 14,7
TDF
Faibles ou
moyennes bonnes ou
excellentes p
48,4 ± 7,2 51,3 ± 8,1 0,02
125,0 ± 39,6 123,4 ± 38,2 0,80
19,0 ± 7,8 21,9 ± 9,3 0,02
86,7 13,3 0,49
89,6 10,4
Les résultats sont exprimés par des moyennes et leurs déviations standard à l’exception du sexe dont les résultats sont exprimés
en pourcentages. Infiltration : confiance dans leur pratique des infiltrations du genou TDF : confiance dans leurs pratiques du
maniement des traitements de fond.
4. Discussion
Aucune donnée concernant la prise en charge des polyarthrites par les médecins généralistes n’existe en France. Par exemple,
aucune approximation n’existe concernant le pourcentage de PR suivies exclusivement en médecine générale, ni sur le nombre de
médecins traitants prescrivant euxmêmes un traitement de la PR. L’attitude des médecins généralistes devant une polyarthrite
récente ou l’assimilation des recommandations soulignant l’importance de la précocité de la prise en charge n’a jamais été évaluée.
D’après notre enquête 5 % des médecins généralistes étaient les principaux décisionnaires de plus de 50%de leurs patients suivis
pour PR. Trente-sept pour cent l’étaient pour 1 à 25 % de leurs PR et 47 % ne l’étaient jamais. Aux États- Unis dans deux études, le
médecin principal de patients suivis pour PR n’était pas rhumatologue dans 20 et 10%des cas [24,25].
Dix-huit pour cent des MG prescrivaient eux-mêmes des traitements de fond, ce qui est proche des chiffres d’une étude américaine
présentant un cas théorique de PR à des MG où seulement 12 % d’entre eux disaient qu’ils prescriraient un traitement de fond
même si cette proportion était plus importante chez les MG ayant une expérience de la PR. Soixantedouze pour cent d’entre eux
reconnaissaient la nécessité de les prescrire mais 14%en avaient prescrit au cours de l’année écoulée. La grande majorité d’entre
eux auraient adressé le patient à un rhumatologue [26]. Dans une étude de Hernandez- Garcia, 4,4 % des patients avaient reçu un
traitement de fond avant leur première visite chez le rhumatologue [27]. D’après notre enquête, ni l’âge, ni le sexe, ni l’ancienneté
dans la profession n’était associé à la prescription d’un traitement de fond par les MG. En revanche ceux qui prescrivaient euxmêmes
des traitements de fond prescrivaient plus souvent des doses de corticoïdes supérieures à 15 mg d’équivalent prednisone devant
une polyarthrite récente ou devant une poussée de PR confirmée.
Les recommandations établies par l’American College of Rheumatology rappellent la nécessité d’un diagnostic précoce et d’un
traitement débuté rapidement. Le traitement ne doit pas être débuté plus de trois mois après la confirmation du diagnostic de
polyarthrite rhumatoïde. De plus, une consultation auprès d’un rhumatologue doit être considérée pour confirmer le diagnostic et
initier un traitement de fond [28–30]. Mais si l’importance de la précocité du diagnostic et de la mise en route du traitement de fond
est maintenant bien établie, une prise en charge rapide spécialisée n’est possible que si les MG évoquent le diagnostic et adressent
les patients rapidement. D’après notre enquête, 74 % des MG déclaraient envoyer leur patient consulter au cours des trois premiers
mois de la polyarthrite, 19 % au cours des six premiers mois et 6,5 % après. Dans une étude rétrospective de revue de dossiers, le
temps médian entre première consultation chez le MG et première consultation chez le rhumatologue était de huit semaines [31].
Dans une deuxième étude, le temps médian entre début des symptômes et première visite chez un rhumatologue était de trois mois
pour 22,5 % des patients et de plus de trois ans pour 39 % d’entre eux. Le meilleur facteur prédictif d’un délai plus court entre
début des symptômes et début de traitement de fond était le délai entre début des symptômes et première consultation chez un
rhumatologue [27].
Seulement 33 % des MG pensaient que le traitement de fond devait être débuté dès le diagnostic posé et 37%ne pensaient pas que
toute PR devait recevoir un traitement de fond. Aucun chiffre sur les connaissances des MG des indications et du moment approprié
pour débuter un traitement de fond n’a été publié dans la littérature. Il faut donc souligner ici la possibilité d’amélioration de la prise
en charge par la formation.
Plusieurs limites existent dans notre étude. D’une part, L’enquête est limitée à un département et n’est pas donc pas généralisable.
Le département de la Seine-Saint-Denis est en effet un département de la banlieue parisienne, nous ne pourrons donc avoir aucune
idée de la prise en charge de la PR dans des régions rurales qui est probablement différente. Par ailleurs le département de la Seine-
Saint-Denis est particulier par sa forte proportion de patients d’origine étrangère et de patients de niveau socioéconomique bas ce
qui modifie parfois les possibilités de prise en charge, d’adhérence au traitement et de suivi. De plus, un questionnaire d’analyse des
pratiques auprès des praticiens n’est pas le reflet exact des véritables pratiques, les intentions affichées différentes en effet des
prescriptions réelles. Il a en effet été démontré que les praticiens n’ont pas toujours la même attitude devant un cas écrit et un cas
simulé [32]. Par ailleurs, certaines questions faisant appel à des conduites passées sont par nature rétrospectives et introduisent
donc un biais d’anamnèse. Le taux de réponse du questionnaire correspond au pourcentage attendu pour ce type de questionnaire
en France (30 à 58 %) [16,33], en revanche il est moins élevé que dans d’autres pays : 54 % en moyenne [34], 71 à 88 % aux
États-Unis et au Canada [14]. Cependant une revue de la littérature a révélé que seulement 20 % de 68 enquêtes publiées réalisées
auprès des médecins avaient un taux de réponse supérieur à 70 % [14].
Si le recours au spécialiste au cours de la PR n’est probablement toujours pas assez fréquent et les délais de prise en charge trop
longs, les raisons doivent en être étudiées dans chaque environnement de pratique des soins. Il faut s’interroger sur les raisons du
retard à l’initiation d’un traitement : les retards au diagnostic et à la demande d’avis auprès du spécialiste et les difficultés d’accès
aux consultations de rhumatologies sont deux raisons mais d’autres raisons doivent être recherchées et prises en compte. La prise
de conscience de la nécessité d’une demande d’avis appropriée et précoce est un objectif important de la formation des étudiants et
des médecins généralistes. L’impact d’une telle formation et de recommandations devra être évalué. Il serait, par ailleurs important
d’étudier les facteurs qui conduisent à l’interruption de la prise en charge par le rhumatologue afin d’éviter les arrêts intempestifs et
dommageables des traitements de fond.
La place du MG est essentielle dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde mais l’évolution diagnostique et thérapeutique
de cette prise en charge la rend difficile et souligne l’importance d’une coopération avec le spécialiste. Les MG sont les premiers
contacts des patients et sont donc un maillon fondamental de la prise en charge puisque la précocité du traitement dépend en
grande partie d’eux. Malheureusement, les délais d’instauration d’un traitement de fond restent trop longs, notamment par manque
de connaissance des changements de stratégies de prise en charge de la PR. Les améliorations doivent porter sur la coopération
MG–spécialistes et sur l’information des MG de la nécessité d’une prise en charge spécialisée précoce et de la mise en route d’un
traitement de fond de toutes les PR dès le diagnostic posé. Cette collaboration est d’autant plus importante que la réforme pour
l’assurance maladie donne au médecin traitant un rôle majeur et unique dans l’orientation des patients au début de leur maladie.
Une réflexion et un travail commun entre médecins généralistes et rhumatologues sur la prise en charge des pathologies
rhumatologiques en médecine générale doivent être encouragés.