Prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde en médecine générale

Société Française de Rhumatologie
Les Publications sélectionnées
Revue du Rhumatisme 73 (2006) 256 – 262
Prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde en médecine générale : enquête dans un département français
Anne-Christine Rat,Viviana Henegariu, Marie-Christophe Boissier *
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected]
(M.-C. Boissier).
Service de rhumatologie
CHU Avicenne (AP-HP)
125, route de Stalingrad
93009 Bobigny cedex
France
et UPRES EA-3408,
UFR Léonard-de-Vinci,
université
Paris-Nord,
Bobigny, France
Reçu le 5 février 2004 ; accepté le 28 février 2005
Disponible sur internet le 14 avril 2005
Résumé
Objectif. – Étudier la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients ayant une polyarthrite débutante ou une polyarthrite
rhumatoïde (PR) confirmée en médecine générale par une enquête auprès des médecins généralistes (MG) du département de la Seine-
Saint- Denis.
Méthodes. – Enquête auprès des MG du département de la Seine-Saint-Denis. Le questionnaire a été envoyé par courrier à tous les
médecins généralistes du département répertoriés dans l’annuaire téléphonique. Une relance a été effectuée deux mois après le premier
envoi.
Résultats. – Quarante pour cent (356/895) des médecins contactés ont renvoyé le questionnaire. Ils étaient âgés de 49 ans en
moyenne, exerçaient depuis 25 ans en moyenne (depuis 2 à 40 ans) et 77 % d’entre eux étaient des hommes. Ils estimaient recevoir
une moyenne de 125 patients par semaine.Vingt-huit pour cent desMGdisaient n’avoir pas suivi plus d’une PR au cours de l’année
écoulée, la grande majorité ayant vu d’une à cinq PR. Trente-sept pour cent des MG se disaient les principaux décisionnaires en matière
de PR pour 1 à 25 % de leurs patients suivis pour PR alors que 46 % des MG ne l’étaient jamais. Devant une polyarthrite récente la
demande d’avis auprès d’un rhumatologue se situait dans les trois mois pour 74 % d’entre eux, mais après les six premiers mois de la
maladie pour 6 % d’entre eux. Les motifs de demande d’avis étaient principalement pour confirmer le diagnostic et recevoir des conseils
thérapeutiques, 39 % souhaitaient que la PR soit entièrement prise en charge par le spécialiste. En attendant la consultation auprès d’un
spécialiste les patients étaient traités par antalgiques et AINS par 90 % des médecins et par corticoïdes par 26 % d’entre eux dont 15 %
à plus de 15 mg/jour. Devant un patient ayant un diagnostic de PR connu mais étant en poussée de polyarthrite, 47 % des médecins
augmentaient la corticothérapie par prednisone à plus de 15 mg/jour, 13%faisaient eux-mêmes des infiltrations des articulations
douloureuses ; un avis auprès d’un rhumatologue était demandé par 65%des MG dans ces cas. En pratique, lors d’un suivi conjoint avec
le spécialiste, 65 % des médecins surveillaient eux-mêmes le traitement et 22 % ne prenaient en charge que les pathologies autres que
la PR.
Conclusion. – Le médecin généraliste joue un rôle essentiel dans la prise en charge de la PR en particulier dans leur prise en charge
précoce. D’après cette enquête, il persiste une marge pour améliorer ce rôle. L’information entre médecins généralistes et spécialistes
devrait permettre de réduire les délais de mise en route des traitements de fond et de traitement spécialisé.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde ; Médecins généralistes ; Enquête
Keywords: Rheumatoid arthritis; Primary care physician; Survey
1. Introduction
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est la plus fréquente des rhumatismes inflammatoires. Sa prévalence est estimée à 0,5 % chez l’adulte
environ [1,2] et ses conséquences sont nombreuses : progression radiologique, handicap fonctionnel, déformation articulaire, mortalité
précoce [3–7] et coûts [8]. La difficulté de prise en charge tient d’une part à l’absence de prise en charge stéréotypée et d’autre part à
l’existence d’une multitude de tableaux cliniques. Des études ont montré qu’il existe une grande variabilité des diagnostics posés devant
une polyarthrite [9], des examens complémentaires prescrits au début de la polyarthrite [10], des traitements prescrits [11–16], du suivi
[11,17–20], de la surveillance du traitement de fond [17,19,21] et de la prise en charge globale de la PR [22]. La place du médecin
généraliste est essentielle dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde d’une part au stade diagnostic et d’autre part au cours
du suivi des patients lorsque le diagnostic est déjà confirmé. Ils sont souvent le premier contact médical des patients présentant des
problèmes rhumatologiques. Un certain nombre de décisions et d’interventions dépendent donc de leur diagnostic : demandes d’avis,
tests diagnostiques, traitements ou conseils. Le traitement de la PR dont la précocité de mise en route est importante n’est possible que
si lesMGévoquent le diagnostic et adressent les patients rapidement au spécialiste. Par ailleurs, la prise en charge initiale a des
conséquences évidentes sur l’anxiété éventuelle des patients. Au stade de PR confirmée, le MG est plus à même d’assurer une prise en
charge globale de la personne dans son environnement habituel. Étant donné la faible prévalence de la PR, les MG en ont en
conséquence une expérience limitée. L’enseignement de la rhumatologie joue ici un rôle primordial. Plusieurs études [23] ont été
publiées sur la place du MG dans la prise en charge de polyarthrites récentes ou confirmées
mais aucune n’a été réalisée en France alors que le système de santé de chaque pays modifie considérablement cette prise en charge. Il
n’existe pas par exemple d’estimation du nombre de patients suivis exclusivement par le MG ou à quel moment il va adresser le patient
au spécialiste. L’objectif de notre étude a été de décrire la prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients ayant une
polyarthrite débutante ou une PR confirmée en médecine générale par une enquête auprès desMGdu département de la Seine-Saint-
Denis.
2. Méthodes
2.1. Enquête
Il s’agit d’une enquête transversale réalisée auprès desMG du département de la Seine-Saint-Denis. Un questionnaire a été envoyé par
courrier à tous les médecins généralistes du département répertoriés dans l’annuaire téléphonique. En cas de non-réponse une relance a
été effectuée deux mois après le premier envoi. Le questionnaire était divisé en deux parties : une première partie portait sur les
attitudes des MG (suivi exclusif, demandes d’avis spécialisés, traitement) devant une polyarthrite récente et une deuxième partie sur
leurs attitudes devant une polyarthrite rhumatoïde dont le diagnostic était déjà confirmé (traitement, suivi). Des questions sur leurs
perceptions de l’action des traitements de fond, et sur leur confiance dans leur pratique rhumatologique ainsi que des données
démographiques étaient également incluses dans le questionnaire.
2.2. Analyse statistique
L’âge et le sexe des médecins, le nombre de patients vus par semaine, le délai d’attente avant une consultation spécialisée et
l’ancienneté d’exercice ont été comparés pour les réponses à plusieurs questions jugées importantes et dont les modalités de réponse
étaient binaires ou discrètes mais mutuellement exclusives par des tests t de Student ou des Anova pour les variables quantitatives et
par des tests v2 pour les variables qualitatives. Une régression logistique a été prévue en cas d’association retrouvée en analyse
bivariée, les variables explicatives étant l’âge et le sexe des médecins, le délai d’attente avant une consultation spécialisée et
l’ancienneté d’exercice. Le seuil des variables indépendantes candidates à entrer dans le modèle étant fixé à 0,1. Une analyse des
correspondances a été réalisée afin d’individualiser des profils de MG.
3. Résultats
Quarante pour cent (356/895) des médecins contactés ont renvoyé le questionnaire. Parmi les 895 questionnaires envoyés, 23 adresses
étaient erronées, un médecin était décédé et deux n’ont pas répondu parce qu’ils ne voyaient pas de patients suivis pour PR. Les MG
étaient âgés de 49 ans en moyenne (49 ans pour les hommes et 46 ans pour les femmes), exerçaient depuis 19 ans en moyenne (depuis
2 à 40 ans) et 77 % d’entre eux étaient des hommes. La grande majorité des médecins avaient un diplôme délivré dans la région
parisienne. Les délais d’obtention d’une consultation spécialisée étaient variables, d’un jour à trois mois. Ils estimaient recevoir une
moyenne de 125 patients par semaine (128 pour les hommes et 111 pour les femmes). Vingt-huit pour cent des médecins disaient
n’avoir pas suivi plus d’une PR au cours de l’année écoulée, la grande majorité ayant suivi d’une à cinq PR. Les résultats descriptifs du
questionnaire sont réunis dans le Tableau 1. Trente-sept pour cent des MG se disaient les principaux décisionnaires en matière de PR
pour 1 à 25 % de leurs patients suivis pour PR, 5 % pour plus de 50 % de leurs patients alors que 46 % ne l’étaient jamais. Dix-huit
pour cent des médecins prescrivaient eux-mêmes des traitements de fond. Devant une polyarthrite récente, la consultation spécialisée se
situait dans les trois mois pour 74 % des médecins, mais après les six premiers mois de la maladie pour 6% d’entre eux. Pour 63 % des
médecins interrogés toute PR confirmée était une indication à la mise en route d’un traitement de fond tandis que le délai pour instaurer
ce traitement était fonction de la symptomatologie pour 48 % d’entre eux et que 33%pensaient que le traitement devait être débuté dès
le diagnostic posé. Le niveau de confiance des médecins dans leur pratique clinique en rhumatologie était variable. Concernant la
pratique d’infiltrations des genoux 37 % d’entre eux estimaient leur pratique bonne ou excellente, 13 % estimaient leur capacité de
maniement des traitements de fond de la même façon. En revanche, ils estimaient leurs connaissances dans le maniement des
corticoïdes au moins bonnes pour 78 % d’entre eux. En analyse bivariée (Tableau 2–5), la réponse à plusieurs questions était
statistiquement différente suivant l’âge et l’ancienneté d’exercice mais les différences n’excédaient pas trois ans.
En dehors du nombre de consultations par semaine et de leur ancienneté d’exercice, il existait quelques différences entre les hommes et
les femmes. Plus de femmes n’étaient jamais le principal décisionnaire en matière de PR et demandaient des consultations antidouleur.
Les hommes quant à eux avaient plus confiance dans leurs capacités à faire des infiltrations des genoux. En dehors du sexe, aucune
donnée démographique ou des caractéristiques d’exercice n’était associée aux pourcentages de patients dont le médecin était le principal
décisionnaire en matière de PR, aucune association n’était retrouvée avec ceux qui prescrivaient ou non eux-mêmes des traitements de
fond. En analyse multivariée, les différentes associations disparaissaient après ajustement sur le sexe. Peu de variables permettaient
d’individualiser des profils deMGdans l’analyse des correspondances. Trois profils peuvent cependant être isolés. Le premier regroupe des
MG qui prescrivent des corticoïdes à des doses supérieures à 15 mg/j devant une polyarthrite débutante et devant une poussée de PR
confirmée et qui prescrivent eux-mêmes des traitements de fond. Le deuxième profil regroupe des MG qui pensent que le traitement de
fond de la polyarthrite doit être débuté dès le diagnostic posé et non en fonction de la symptomatologie, que le traitement de fond doit
être donné pour toute PR et qui font eux-mêmes des infiltrations devant une PR confirmée. Dans le troisième groupe, les MG lorsqu’ils
demandent un avis rhumatologique le font pour prise en charge complète de la polyarthrite et demandent également des avis auprès de
consultations antidouleur.
Tableau 1
Prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde en médecine générale
Questions n %
Devant une polyarthrite débutante
Demande d’avis auprès :
d’un rhumatologue
d’un interniste
d’un centre antidouleur
en dehors des établissements hospitaliers
341
49
3
236
95,8
13,8
0,8
67,8
Délai avant la demande d’avis :
au cours des 3 premiers mois
de 3 à 6 mois
après 6 mois
après un bilan
en cas de résistance aux AINS
en cas de résistance aux corticoïdes
en cas de résistance au traitement de fond
259
71
21
281
117
33
29
73.8
20.2
6.0
79.2
33.0
9.3
8.2
Motif de la demande d’avis prise en charge complète de la polyarthrite 139 39.0
Traitement en attendant la Cs :
anti-inflammatoires non stéroïdiens
antalgiques
prednisone per os = 15 mg/jour
prednisone per os > 15 mg/jour
327
263
41
52
91.9
73.9
11.5
14.6
Devant une polyarthrite rhumatoïde confirmée
MG principal décisionnaire de la PR de :
0 % de ses patients
1 à 25 % de ses patients
26 à 50 % de ses patients
> 50 % de ses patients
164
130
39
19
46,6
36,9
11,1
5,4
Prescription de traitements de fond par le MG 64 18,2
Traitement en cas de poussée de PR :
prednisone per os 15 mg/jour
prednisone per os > 15 mg/jour
infiltration des articulations douloureuses
avis auprès d’un rhumatologue
102
166
44
229
29,1
47,4
12,6
65,4
Recours des MG aux :
orthopédistes
consultations antidouleur
infiltrations
orthèses
psychologues
84
92
206
71
93
35
26.9
29.6
66.2
22.8
29.9
11.3
Lors du suivi conjoint de la PR avec un spécialiste :
Prise en charge des pathologies autres que la PR
exclusivement
79
22.6
Connaissances des traitements de fond
Quelle est l’indication d’un traitement de fond :
devant toute polyarthrite rhumatoïde
222
63.2
À quel moment doit on débuter un traitement de fond :
dès le diagnostic posé
le délai dépend de la symptomatologie
le délai dépend de la réponse aux AINS
le délai dépend de la réponse aux corticoïdes
114
167
93
57
32.6
47.7
26.6
16.3
Cs : consultation spécialisée ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens. Pour plusieurs questions les réponses ne sont pas exclusives et
le total des pourcentages n’est donc pas égal à 100.
Tableau 2
Prise en charge de la PR par les MG en fonction des données démographiques et d’exercice
âge (années)
nombre de patients/semaine
ancienneté d’exercice(années)
sexe (%) hommes
femmes
jamais décisionnaire
non oui p
48,2 ± 7,6 49,2 ± 7,4 0,19
121,7 ± 39,0 127,5 ± 39,0 0,18
18,2 ± 8,4 20,3 ± 7,6 0,01
40,8 59,2 0,0002
65,0 35,0
avis 3 mois
non oui p
49,2 ± 7,5 47,7 ± 7,0 0,09
128,2 ± 41,3 117,4 ± 33,3 0,02
19,8 ± 8,2 10,3 ± 7,3 0,13
74,7 25,3 0,60
71,8 28,2
cons douleur
non oui p
49,2 ± 7,2 47,8 ± 8,0 0,13
123,1 ± 37,3 131,1 ± 45,2 0,15
19,9 ± 8,0 18,0 ± 7,9 0,04
77,0 23,0 0,02
63,6 36,4
Les résultats sont exprimés par des moyennes et leurs déviations standard à l’exception du sexe dont les résultats sont exprimés en
pourcentages. Jamais décisionnaire : jamais principal décisionnaire en matière de PR ; avis 3 mois : avis spécialisé demandé au cours
des trois premiers mois de la polyarthrite ; cons douleur : recours aux consultations antidouleur ; moy : moyenne.
Tableau 3
Perception de l’indication des traitements de fond des MG en fonction des données démographiques et d’exercice
âge (années)
nombre de patients/semaine
ancienneté d’exercice(années)
sexe (%) hommes
femmes
TDF d’emblée
non oui p
48,0 ± 6,9 50,5 ± 8,3 0,006
124,4 ± 37,3 127,2 ± 43,6 0,55
18,3 ± 7,7 20,6 ± 8,6 0,05
66,9 33,1 0,05
71,8 28,2
TDF dépend
non oui p
50,1 ± 7,7 47,4 ± 6,9 0,0007
126,4 ± 41,5 124,1 ± 37,2 0,59
20,6 ± 8,3 18,0 ± 7,6 0,002
54,0 46,0 0,13
44,2 55,8
Les résultats sont exprimés par des moyennes et leurs déviations standard à l’exception du sexe dont les résultats sont exprimés en
pourcentages. TDF d’emblée : pensez-vous qu’il faille débuter un traitement de fond dès le diagnostic posé ? TDF dépend : pensez-
vous que la mise en route du traitement de fond dépend de la symptomatologie ?
Tableau 4
Traitement d’une poussée de PR par les MG en fonction des données démographiques et d’exercice
âge (années)
nombre de patients/semaine
ancienneté d’exercice(années)
sexe (%) hommes
femmes
poussée prednisone
non oui p
49,7 ± 7,6 47,8 ± 7,2 0,01
121,5 ± 40,8 127,9 ± 37,3 0,01
20,1 ± 7,9 18,5 ± 8,07 0,06
50,0 50,0 0,09
61.0 39.0
poussée infiltration
non oui p
49,0 ± 7,4 47,1 ± 7,6 0,11
122,0 ± 36,8 143,6 ± 5 0,01
19,5 ± 7,9 18,2 ± 8,7 0,32
87,5 12,5 0,91
87,0 13,0
Les résultats sont exprimés par des moyennes et leurs déviations standard à l’exception du sexe dont les résultats sont exprimés en
pourcentages. Poussée prednisone : traitement d’une poussée de PR par prednisone > 15 mg/jour ; poussée infiltration : traitement
d’une poussée de PR par infiltration ;moy :moyenne.
Tableau 5
Confiance des MG dans leur pratique en fonction des données démographiques et d’exercice
âge (années)
nombre de patients/
semaine
ancienneté d’exercice
(années)
sexe (%) hommes
femmes
infiltration
Faibles ou moyennes bonnes ou excellentes p
47,8 ± 6,5 50,3 ± 8,5 0,004
124,3 ± 37,1 125,9 ± 43,1 0,72
18,3 ± 7,4 21,0 ± 8,8 0,004
56.4 43,6 0,0001
85.3 14,7
TDF
Faibles ou moyennes bonnes ou excellentes p
48,4 ± 7,2 51,3 ± 8,1 0,02
125,0 ± 39,6 123,4 ± 38,2 0,80
19,0 ± 7,8 21,9 ± 9,3 0,02
86,7 13,3 0,49
89,6 10,4
Les résultats sont exprimés par des moyennes et leurs déviations standard à l’exception du sexe dont les résultats sont exprimés en
pourcentages. Infiltration : confiance dans leur pratique des infiltrations du genou TDF : confiance dans leurs pratiques du maniement
des traitements de fond.
4. Discussion
Aucune donnée concernant la prise en charge des polyarthrites par les médecins généralistes n’existe en France. Par exemple, aucune
approximation n’existe concernant le pourcentage de PR suivies exclusivement en médecine générale, ni sur le nombre de médecins
traitants prescrivant euxmêmes un traitement de la PR. L’attitude des médecins généralistes devant une polyarthrite récente ou
l’assimilation des recommandations soulignant l’importance de la précocité de la prise en charge n’a jamais été évaluée.
D’après notre enquête 5 % des médecins généralistes étaient les principaux décisionnaires de plus de 50%de leurs patients suivis pour
PR. Trente-sept pour cent l’étaient pour 1 à 25 % de leurs PR et 47 % ne l’étaient jamais. Aux États- Unis dans deux études, le médecin
principal de patients suivis pour PR n’était pas rhumatologue dans 20 et 10%des cas [24,25].
Dix-huit pour cent des MG prescrivaient eux-mêmes des traitements de fond, ce qui est proche des chiffres d’une étude américaine
présentant un cas théorique de PR à des MG où seulement 12 % d’entre eux disaient qu’ils prescriraient un traitement de fond même si
cette proportion était plus importante chez les MG ayant une expérience de la PR. Soixantedouze pour cent d’entre eux reconnaissaient la
nécessité de les prescrire mais 14%en avaient prescrit au cours de l’année écoulée. La grande majorité d’entre eux auraient adressé le
patient à un rhumatologue [26]. Dans une étude de Hernandez- Garcia, 4,4 % des patients avaient reçu un traitement de fond avant leur
première visite chez le rhumatologue [27]. D’après notre enquête, ni l’âge, ni le sexe, ni l’ancienneté dans la profession n’était associé à
la prescription d’un traitement de fond par les MG. En revanche ceux qui prescrivaient euxmêmes des traitements de fond prescrivaient
plus souvent des doses de corticoïdes supérieures à 15 mg d’équivalent prednisone devant une polyarthrite récente ou devant une
poussée de PR confirmée.
Les recommandations établies par l’American College of Rheumatology rappellent la nécessité d’un diagnostic précoce et d’un traitement
débuté rapidement. Le traitement ne doit pas être débuté plus de trois mois après la confirmation du diagnostic de polyarthrite
rhumatoïde. De plus, une consultation auprès d’un rhumatologue doit être considérée pour confirmer le diagnostic et initier un traitement
de fond [28–30]. Mais si l’importance de la précocité du diagnostic et de la mise en route du traitement de fond est maintenant bien
établie, une prise en charge rapide spécialisée n’est possible que si les MG évoquent le diagnostic et adressent les patients rapidement.
D’après notre enquête, 74 % des MG déclaraient envoyer leur patient consulter au cours des trois premiers mois de la polyarthrite, 19 %
au cours des six premiers mois et 6,5 % après. Dans une étude rétrospective de revue de dossiers, le temps médian entre première
consultation chez le MG et première consultation chez le rhumatologue était de huit semaines [31]. Dans une deuxième étude, le temps
médian entre début des symptômes et première visite chez un rhumatologue était de trois mois pour 22,5 % des patients et de plus de
trois ans pour 39 % d’entre eux. Le meilleur facteur prédictif d’un délai plus court entre début des symptômes et début de traitement de
fond était le délai entre début des symptômes et première consultation chez un rhumatologue [27].
Seulement 33 % des MG pensaient que le traitement de fond devait être débuté dès le diagnostic posé et 37%ne pensaient pas que
toute PR devait recevoir un traitement de fond. Aucun chiffre sur les connaissances des MG des indications
et du moment approprié pour débuter un traitement de fond n’a été publié dans la littérature. Il faut donc souligner ici la possibilité
d’amélioration de la prise en charge par la formation.
Plusieurs limites existent dans notre étude. D’une part, L’enquête est limitée à un département et n’est pas donc pas généralisable. Le
département de la Seine-Saint-Denis est en effet un département de la banlieue parisienne, nous ne pourrons donc avoir aucune idée de
la prise en charge de la PR dans des régions rurales qui est probablement différente. Par ailleurs le département de la Seine-Saint-Denis
est particulier par sa forte proportion de patients d’origine étrangère et de patients de niveau socioéconomique bas ce qui modifie parfois
les possibilités de prise en charge, d’adhérence au traitement et de suivi. De plus, un questionnaire d’analyse des pratiques auprès des
praticiens n’est pas le reflet exact des véritables pratiques, les intentions affichées différentes en effet des prescriptions réelles. Il a en
effet été démontré que les
praticiens n’ont pas toujours la même attitude devant un cas écrit et un cas simulé [32]. Par ailleurs, certaines questions faisant appel à
des conduites passées sont par nature rétrospectives et introduisent donc un biais d’anamnèse. Le taux de réponse du questionnaire
correspond au pourcentage attendu pour ce type de questionnaire en France (30 à 58 %) [16,33], en revanche il est moins élevé que
dans d’autres pays : 54 % en moyenne [34], 71 à 88 % aux États-Unis et au Canada [14]. Cependant une revue de la littérature a
révélé que seulement 20 % de 68 enquêtes publiées réalisées auprès des médecins avaient un taux de réponse supérieur à 70 % [14].
Si le recours au spécialiste au cours de la PR n’est probablement toujours pas assez fréquent et les délais de prise en charge trop longs,
les raisons doivent en être étudiées dans chaque environnement de pratique des soins. Il faut s’interroger
sur les raisons du retard à l’initiation d’un traitement : les retards au diagnostic et à la demande d’avis auprès du spécialiste et les
difficultés d’accès aux consultations de rhumatologies sont deux raisons mais d’autres raisons doivent être recherchées et prises en
compte. La prise de conscience de la nécessité d’une demande d’avis appropriée et précoce est un objectif important de la formation des
étudiants et des médecins généralistes. L’impact d’une telle formation et de recommandations devra être évalué. Il serait, par ailleurs
important d’étudier les facteurs qui conduisent à l’interruption de la prise en charge par le rhumatologue afin d’éviter les arrêts
intempestifs et dommageables des traitements de fond.
La place du MG est essentielle dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde mais l’évolution diagnostique et thérapeutique de
cette prise en charge la rend difficile et souligne l’importance d’une coopération avec le spécialiste. Les MG sont les premiers contacts des
patients et sont donc un maillon fondamental de la prise en charge puisque la précocité du traitement dépend en grande partie d’eux.
Malheureusement, les délais d’instauration d’un traitement de fond restent trop longs, notamment par manque de connaissance des
changements de stratégies de prise en charge de la PR. Les améliorations doivent porter sur la coopération MG–spécialistes et sur
l’information des MG de la nécessité d’une prise en charge spécialisée précoce et de la mise en route d’un traitement de fond de toutes
les PR dès le diagnostic posé. Cette collaboration est d’autant plus importante que la réforme pour l’assurance maladie donne au médecin
traitant un rôle majeur et unique dans l’orientation des patients au début de leur maladie. Une réflexion et un travail commun entre
médecins généralistes et rhumatologues sur la prise en charge des pathologies rhumatologiques en médecine générale doivent être
encouragés.
Remerciements
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