ARTICLE ORIGINAL ORIGINAL ARTICLE J Pharm Clin 2005 ; 24 (4) : 217-23 Éducation thérapeutique des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde : description du programme MédiPR Therapeutic education for patients with rheumatoid arthritis: description of MediPR program J. ROOS1, B. ALLENET1*, P. GAUDIN2, R. JUVIN2, J. CALOP1 1 Département de pharmacie, CHU de Grenoble <[email protected]> Service de rhumatologie, CHU de Grenoble Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 2 Résumé. Introduction : l’objectif du présent travail était de construire un programme éducatif appliqué à un groupe de 2 à 4 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR), sur la base de : 1) la définition d’un référentiel de compétences à acquérir par le patient ; 2) la construction d’une séquence pédagogique adaptée. Méthodes : nous avons effectué une recherche bibliographique ciblée (processus d’apprentissage, méthodes pédagogiques, programmes existants dans le cadre de la PR). Parallèlement, nous avons réalisé des entretiens non-directifs auprès de treize patients, afin d’étudier leurs représentations de la pathologie et de sa prise en charge. Sur ces deux faisceaux d’éléments, nous avons défini notre référentiel sur la base duquel nous avons construit une séquence pédagogique. Résultats : notre référentiel se compose de cinq objectifs auxquels est associée une séquence pédagogique spécifique : 1) expliquer les mécanismes de la polyarthrite rhumatoïde (présentation d’un classeur imagier pour décrire la pathologie ; 2) différencier les caractéristiques entre traitement symptomatique et traitement de fond (classeur imagier, reconstitution d’un puzzle pour classer les différents traitements, tri de boites de médicaments) ; 3) traiter une crise douloureuse par un traitement symptomatique (animation d’une table ronde comme moyen d’échange d’expériences entre les patients, dispositif analogique « escalier de la douleur » pour visualiser les différents paliers des antalgiques) ; 4) gérer son traitement de fond (table ronde) ; 5) identifier les effets indésirables d’un traitement (table ronde). Le programme a été testé sur une quinzaine de séances de groupe d’une durée d’une heure, dans le cadre d’une « école de la polyarthrite rhumatoïde » programmée sur 3 jours. Conclusion : nous réfléchissons à la mise en place de séances individuelles, complémentaires des séances de groupes, afin de développer un diagnostic éducatif et un suivi personnalisé de chaque patient. Mots clés : éducation thérapeutique, polyarthrite rhumatoïde, pharmacien, groupe Abstract. Introduction: the objective of the present work was to construct an educational program applied to a group of 2 to 4 patients affected by rheumatoid arthritis (RA), on the basis of the: 1) definition of a referential of expertise to be acquired by the patient; 2) construction of an adapted educational sequence. Methods: we conducted a bibliographic research (training process, educational methods, existing programs for RA patients). We also achieved non directive interviews with thirteen patients, in order to study their representations of the pathology and the drug treatment. On these two types of elements, we defined our referential on basis of which we constructed an educational sequence. Results: our referential is composed of five objectives associated to a specific educational sequence. The patient should be able to: 1) explain mechanisms of the rheumatoid arthritis (presentation of a picture folder to describe the pathology); 2) differentiate between symptomatic and disease modifying antirheumatic treatments (picture folder; reconstitution of a puzzle to classify the different treatments; sorting of drug containers); 3) treat a painful crisis with symptomatic drugs (round table discussion as means of sharing of experience between patients; analogical device « staircase of the pain » to visualize the different levels of analgesia); 4) manage his/her disease modifying antirheumatic treatment (round table); 5) identify the side effects of a treatment (round table). This program was tested during fifteen sessions of one hour in the setting of a « school of the rheumatoid arthritis » programmed on 3 days. Conclusion: we think about the setting up of individual sessions, complementary of theses group sessions, in order to develop an educational diagnosis and a personalized follow-up of each patient. Key words: therapeutic education, rheumatoid arthritis, pharmacist, group * Correspondance et tirés à part : B. Allenet J Pharm Clin, vol. 24, n° 4, décembre 2005 217 J. Roos, et al. L Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. a polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie à composante auto-immune qui se caractérise par des douleurs et des déformations articulaires dues à une destruction progressive des structures articulaires et périarticulaires. Cette atteinte représente le premier rhumatisme inflammatoire en termes de fréquence et touche 0,4 % de la population française [1]. Les conséquences économiques sont majeures, essentiellement en termes de perte de productivité (50 à 75 % de la totalité des coûts induits par la maladie) [2, 3]. L’enjeu thérapeutique réside dans un traitement précoce permettant d’enrayer l’évolution de cette maladie invalidante. Les traitements classiques de la polyarthrite rhumatoïde sont nombreux. Leur efficacité est variable selon les patients. Ces médicaments, en l’absence d’un traitement curatif, visent essentiellement à soulager le patient (traitements symptomatiques) ou ralentir l’évolution de la maladie (traitements de fond). Les traitements médicamenteux font partie intégrante du quotidien des patients atteints de maladie chronique, apportant mieux-être mais aussi contraintes et risques [4]. Pour favoriser l’efficacité des traitements utilisés dans la polyarthrite rhumatoïde et limiter leur iatrogénie, il est déterminant que le patient puisse acquérir non seulement des connaissances mais aussi des compétences de gestion des médicaments utilisés [5]. Cette éducation du patient à sa thérapeutique doit reposer sur une véritable démarche pédagogique assise sur une évaluation préalable des représentations et des besoins des patients [6]. Les programmes d’éducation concernant les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde sont nombreux [7-9]. Ces programmes sont peu structurés, à la différence de ceux que l’on l’observe dans d’autres atteintes chroniques invalidantes comme l’asthme [10] ou le traitement par anticoagulants [11, 12]. Si certains objectifs sont proposés par quelques auteurs, les moyens pour les atteindre, qu’il s’agisse des contenus ou des méthodes, ne sont pas précisés et reposent sur l’initiative des équipes soignantes [13-16]. Peu de programmes abordent les médicaments de manière spécifique. Dans ce contexte, l’objectif de notre travail était de construire un programme d’éducation thérapeutique sur les médicaments de la PR. Nous définissons d’abord un référentiel de compétences à acquérir par le patient, puis nous construisons une séquence pédagogique, c’est-àdire un ensemble de méthodes permettant l’acquisition des compétences. Matériel et méthode La construction de notre référentiel repose sur deux faisceaux d’arguments : 1) une recherche bibliographique sur les thèmes suivants : processus d’apprentissage, méthodes pédagogiques, éducation thérapeutique, programmes existants en éducation thérapeutique dans le cadre de la PR ; 2) une étude ad-hoc sur les représentations (connaissances, attitudes) des patients. Pour cela, nous avons réalisé une série d’entretiens non-directifs auprès de patients atteints de PR. Sur la base de la consigne introductive suivante : « Si je vous dis polyarthrite rhumatoïde et médicament, qu’est-ce que cela évoque pour vous ? », les patients étaient invités à s’exprimer librement, sans interaction avec l’enquêteur. L’approche qualitative vise à décrire l’exhaustivité d’un phénomène (ici, connaissances 218 et attitudes des patients atteints de PR). Les inclusions ont été stoppées lorsque l’information recueillie est devenue redondante (n = 13 patients) [17, 18]. L’ensemble de ces informations (dont le détail est disponible auprès des auteurs) nous a permis de définir un référentiel de compétences à acquérir par le patient concernant la prise de son traitement. Nous présentons et justifions chacune de ces compétences, sur la base des données spécifiques issues de la littérature ainsi que de notre série d’entretiens. À chaque compétence à atteindre correspond une séquence pédagogique pour laquelle nous proposons des outils originaux. Résultats Référentiel de compétences Notre référentiel d’éducation thérapeutique comprend cinq compétences à acquérir par le patient au terme de son apprentissage. Ces compétences, centrées sur le patient, constituent les objectifs pédagogiques du programme d’éducation. Ce référentiel ne constitue en aucune manière une liste figée imposée au patient, mais un ensemble de points d’échange possibles, négociés entre le soignant et le patient, lors de leur rencontre. Ces compétences sont formulées de la façon suivante : verbe d’action (à l’infinitif) + contenu sur lequel porte l’action éducative. 1) Le patient est capable de s’expliquer les mécanismes physiopathologiques de la polyarthrite rhumatoïde Si certains auteurs pensent que les patients n’ont pas besoin d’obtenir des notions de physiopathologie [19], les patients estiment cet aspect très important [20, 21]. Dans nos entretiens, un seul patient (sur 13) aborde spontanément l’information reçue auparavant sur sa maladie. Ces connaissances sont souvent parcellaires voire erronées. L’analyse faite avec le patient des mécanismes d’évolution de la PR et des représentations qu’il exprime, participe au processus d’intégration de la maladie [22]. Le patient est alors plus à même de comprendre les mécanismes d’action de ses différents traitements [6]. 2) Le patient est capable de différencier les caractéristiques du traitement de fond et du traitement symptomatique La plupart des patients entrevus n’ont pas la notion de traitement de fond, traitement symptomatique ou traitement correcteur. Le but essentiel pour ces patients est de soulager les douleurs : « Il faut bien les prendre (les médicaments) si on veut pas avoir mal, avoir trop mal », « Heureusement qu’il y a les médicaments pour nous soulager », « Les médicaments ils sont là pour calmer.. ». Une seule personne évoque le rôle des médicaments dans le ralentissement de la maladie : « Il faut soulager et aussi ralentir la maladie ». De fait, les patients ne font pas le lien entre la physiopathologie de l’atteinte et les médicaments. Ainsi, l’efficacité et la tolérance du traitement sont mises en jeu : arrêt intempestif d’un traitement de fond qui ne fait pas d’effet au bout d’une semaine ; prise d’AINS au long cours hors de périodes de douleurs. Mettant en application les connaissances théoriques acquises à l’étape précédente, le patient est amené à classer ses médicaments en fonction de leur appartenance : traitement de fond J Pharm Clin, vol. 24, n° 4, décembre 2005 Éducation thérapeutique dans la polyarthrite rhumatoïde Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. (sulfasalazine, méthotrexate, léflunomide, biothérapies..), traitement symptomatique (antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), corticoïdes), traitement correcteur (biphosphonates pour lutter contre l’ostéoporose induite par les corticoïdes, acide folique pour diminuer les effets indésirables du méthotrexate, inhibiteur de la pompe à protons pour lutter contre la toxicité digestive des AINS...). Le patient appréhende les caractéristiques principales de ses différents médicaments en lien avec l’évolution de la maladie et des symptômes (objectif, durée d’action, possibilité ou non de modifier les doses en fonction des symptômes). 3) Le patient est capable d’adapter son traitement symptomatique Nos entretiens mettent en lumière une utilisation suboptimale voire dangereuse des traitements symptomatiques par les patients : concernant les antalgiques, l’association de palier I et II contenant tous les deux du paracétamol ou la consommation supplémentaire d’antalgiques non prescrits, risquant ainsi de potentialiser les effets secondaires voire d’induire un surdosage (prise de paracétamol dépassant la posologie maximale) ; concernant les AINS, certains patients continuent le traitement même lorsqu’ils ne ressentent plus de douleurs. Pour traiter une crise douloureuse sans risque iatrogène, il est nécessaire que le patient connaisse les posologies maximales qu’il peut utiliser et les risques encourus en cas de surdosage (toxicité hépatique avec le paracétamol, toxicité gastro-intestinale avec les AINS, toxicité neurologique avec les morphiniques faibles). De même, il doit pouvoir adapter la posologie en cas d’amélioration. Choix didactiques À chaque séquence de notre séance éducative, nous avons développé des outils pour favoriser l’acquisition des compétences. Les méthodes utilisées doivent être interactives pour capter l’intérêt du patient. L’expérience montre que le mode « exposé », à l’instar du cours magistral, apporte des résultats limités [23]. Aussi nous avons réduit l’utilisation de cette démarche autant que possible. Afin de favoriser les échanges dans le groupe, nous avons opté pour les questions ouvertes : « Pouvezvous me raconter comment vous gérez votre traitement lorsque vous êtes en poussée ? » plutôt que des questions fermées : « Quelle est la posologie maximale de paracétamol ? ». Alors que les questions fermées font appel à la connaissance du répondant (je sais / je ne sais pas) et peuvent le placer en situation difficile (je ne sais pas), les questions ouvertes sont non stigmatisantes et favorisent l’expression. Les patients peuvent réussir à exprimer non seulement des connaissances mais aussi certaines éléments de leur histoire, de leur personnalité, de leur ressenti [22]. Concernant la stratégie explicative à appliquer aux patients, nous avons opté le plus fréquemment possible pour les explications métaphoriques [24]. Ainsi, pour expliquer le terme auto-immun : « Dans notre corps, nous hébergeons une armée dont le rôle est de nous défendre lorsque nous sommes agressés par des microbes. C’est ce que l’on appelle en terme médical le système immunitaire... ». Outils 4) Le patient est capable de gérer son traitement de fond En raison des contraintes liées à l’utilisation de ce type de médicaments (modalités de prise, voies d’administration, effets indésirables, suivi biologique), le patient est souvent amené à diminuer voire arrêter le traitement lors d’une amélioration. En cas d’association, ce type de gestion est fréquent : si le nouveau traitement de fond introduit entraîne une amélioration, le patient peut être tenté d’arrêter son autre traitement de fond puisqu’il a l’impression que l’amélioration qu’il ressent est consécutive à l’introduction du nouveau traitement. De l’adaptation du traitement de fond et son suivi scrupuleux par le patient dépend l’évolution de la maladie. Il est donc capital que le patient comprenne l’intérêt et accepte les contraintes du traitement de fond, qu’il n’adaptera jamais sans l’avis de son médecin. Nous avons choisi d’utiliser le terme d’animateur pour désigner la personne (un pharmacien) réalisant la séance d’éducation. Les outils utilisés sont les suivants. 5) Le patient est capable d’interpréter les effets indésirables liés aux médicaments Toute méconnaissance de potentiels effets indésirables liés au traitement peut mettre en jeu l’observance du patient. Une information est proposée au patient sur les effets indésirables principaux évitables afin qu’il puisse les prévenir : avaler son biphosphonate assis pour éviter une toxicité œsophagienne ; éviter l’absorption importante d’alcool pendant le traitement par méthotrexate pour éviter une toxicité hépatique... S’agissant de certains effets indésirables graves, le patient doit être capable d’en identifier les signes avant-coureurs, et, le cas échéant, alerter rapidement son médecin (par exemple, en cas d’infection). L’éducateur distribue à chaque patient deux parties de puzzle : une représentant l’articulation enflammée, l’autre l’articulation érodée. Il distribue ensuite différentes pièces de puzzle représentant chacune une caractéristique du traitement : traitement symptomatique (pièce 1), traitement de fond (pièce 1bis) ; action rapide (pièce 2), action retardée (pièce 2bis), arrêt si amélioration (pièce 3), persistance si amélioration (pièce 3bis). Le patient doit reconstituer le puzzle. L’animateur ouvre alors la discussion sur base des résultats de chacun des participants (Annexe 2). J Pharm Clin, vol. 24, n° 4, décembre 2005 Le classeur imagier Il correspond à un ensemble de supports papiers permettant d’expliquer des notions théoriques. L’interaction avec le patient est réalisée en le questionnant à partir des images. Ainsi sont abordés les mécanismes physiopathologiques de la polyarthrite rhumatoïde au niveau de l’articulation, le terme auto-immun, la différence entre l’inflammation et l’érosion osseuse, traitement symptomatique et traitement de fond, forme à libération prolongée (LP) et forme à libération immédiate. Un exemple de planche est proposé en (Annexe 1). La reconstitution d'un puzzle Le tri de boites de médicament C’est une méthode permettant de sensibiliser le patient à la diversité des médicaments utilisables dans le traitement 219 J. Roos, et al. de la PR et aux caractéristiques communes et différences de ses traitements. Sont disposés sur une table tous les produits médicamenteux disponibles sur le marché. Le patient doit choisir les médicaments qu’il utilise et expliquer leur usage respectif (Annexe 3). L'escalier de la douleur Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Il correspond à un dispositif analogique à trois marches permettant de visualiser les différents paliers des antalgiques (I, II, III). L’objectif est : 1) sensibiliser le patient aux différentes appellations d’un médicament contenant le même principe actif (comparaison avec des bouteilles de lait : le nom sur l’étiquette change mais à l’intérieur le lait est le même) ; 2) apprendre aux patients les dangers résultant d’un mauvais usage de ces médicaments. L’animateur va placer chaque boite de médicament antalgique sur la marche représentant son palier antalgique. Cela permet au patient de visualiser les similitudes entre différents médicaments. Il explique ensuite au patient le risque qui peut survenir lors du recours simultané à deux antalgiques contenant du paracétamol (ex : Efferlagan® et DiAntalvic®) ou deux antalgiques de palier II (Annexe 4). L'animation d'une table ronde C’est une méthode qui permet de confronter les expériences et les attitudes de différents patients pour en faire ressortir les points positifs et les points négatifs. L’éducateur demande aux patients de décrire une situation vécue (Comment gérez-vous votre douleur au quotidien, en cas de crise / lors d’une amélioration ?), ou fictive (Vous partez en vacances. Vous ressentez une amélioration de vos douleurs. Comment allez-vous modifier vos habitudes par rapport à votre traitement ?). À partir des similitudes et des différences mises en évidence dans le discours des différents patients, l’animateur synthétise l’attitude à adopter la plus favorable. Le tableau 1 synthétise la séance d’éducation, ses objectifs, ses étapes et les supports pédagogiques correspondants. Discussion Le service de rhumatologie du CHU de Grenoble a mis en place depuis de nombreuses années des écoles destinées aux patients, dont une école de la PR. Cette formation se déroule sur trois jours à l’hôpital de jour de rhumatologie. Les rhumatologues libéraux de la région grenobloise peuvent y envoyer leurs patients. Chaque formation rassemble 2 à 4 patients autour de différents professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de cette pathologie. Chaque journée est fractionnée en séances. Les patients rencontrent tour à tour rhumatologue, diététicienne, ergothérapeute, kinésithérapeute, pharmacien. La séance MédiPR, animée par le pharmacien, s’insère dans cette école. En début de séance, une fiche est remise à chaque patient ; celle-ci propose un ensemble de thèmes (correspondant à nos 5 objectifs) et chaque patient coche ceux qui l’intéressent le plus. La séance se déroule ensuite sur une heure environ, selon la séquence mise en place, en modulant les thèmes abordés en fonction des objectifs négociés avec les patients. Une quinzaine de séances ont déjà été animées sur base du programme MédiPR. Nous avons pu tester les différentes composantes du programme et les outils associés et approfondir notre compréhension du patient face à son traitement. Tableau 1. Séquence pédagogique du programme MédiPR. Objectifs à atteindre S’expliquer les mécanismes de la PR Différencier les caractéristiques entre traitement de fond et traitement symptomatique Traiter une crise douloureuse par un traitement de fond et l’adapter à son état Gérer son traitement de fond Identifier les effets indésirables d’un traitement, d’un événement extérieur 220 Déroulement « Connaissez-vous la physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde ? » « Quel est le but de votre traitement médicamenteux ; quelles sont les différences entre les différents traitements ? » « Pouvez-vous retrouver vos médicaments parmi l’ensemble des médicaments placés sur une table ? » « Pouvez-vous me décrire comment vous opérez quand vous avez mal ? 1-au quotidien, 2-en cas de crise, 3-en cas d’amélioration ? » À partir des réponses vont être abordés les trois types de traitement médicamenteux symptomatiques utilisables : - Concernant les antalgiques purs : à l’aide d’un dispositif analogique, l’éducateur explique les 3 paliers de la douleur et les problèmes possibles , principalement l’emploi excessif de paracétamol. - Concernant les anti-inflammatoires : sont abordés : 1-leur rôle par rapport aux antalgiques purs, 2-comment gérer leur prise par rapport à celle des antalgiques purs, en cas de douleurs, et en cas d’amélioration, 3-les précautions d’emploi. La notion de forme LP est abordée grâce au classeur imagier. - Concernant les corticoïdes : sont abordés le rôle des corticoïdes dans l’organisme et les particularités liées à leur administration. « Vous partez en vacances. Vous ressentez une amélioration de vos douleurs. Comment allez-vous modifier vos habitudes par rapport à votre traitement ? » « Avez-vous déjà ressenti des effets indésirables ? Qu’avez-vous fait ? » L’intervenant demande au patient s’il connaît d’autres effets indésirables possibles et la conduite à tenir le cas échéant. Par exemple pour un patient prenant du MTX : « Vous ressentez une toux accompagnée de fièvre et d’essoufflement. Que faites-vous ? ». Supports pédagogiques Classeur Imagier Classeur Imagier Puzzle Tri de boites de médicaments L’escalier de la douleur Exposé Exposé Classeur imagier Exposé Table ronde Table ronde J Pharm Clin, vol. 24, n° 4, décembre 2005 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Éducation thérapeutique dans la polyarthrite rhumatoïde Concernant la capacité du patient à s’expliquer les mécanismes physiopathologiques de la maladie (objectif 1), l’utilisation de l’imagier et des explications métaphoriques permettent au patient d’appréhender simplement des notions sans doute déjà entendues, mais dans un langage médical parfois trop obscur. La reprise par le patient de concepts scientifiques avec ses propres mots montre qu’il a compris [22]. La capacité du patient à différencier les caractéristiques entre traitement symptomatique et traitement de fond (objectif 2) représente une donnée clé de son comportement d’observance [25]. Concernant cette compétence, l’utilisation d’un puzzle a permis de mettre en évidence l’hétérogénéité des connaissances, certains patients restant bloqués face à cet exercice. Le terme traitement « symptomatique » s’est révélé trop abstrait et a du être explicité à chaque fois, avant le début du jeu du puzzle. Les patients identifient généralement facilement leurs médicaments parmi l’ensemble des médicaments disponibles. Certains patients confondent un médicament avec un autre, en raison de la ressemblance des boites d’un même laboratoire (Efferalgan® et Aspirine Upsa®). Il arrivait souvent qu’un médicament soit étiqueté « traitement de fond » alors qu’il relevait d’un traitement symptomatique (l’inverse étant plus rare). Les difficultés d’observance sont spontanément abordées par les patients. Les causes exposées sont la contrainte des prises, l’absence de connaissance du rôle du médicament, ainsi que des difficultés liées à la présentation du médicament (par exemple, cachet de Salazopyrine® trop gros à avaler). Lorsqu’est abordé le thème du traitement d’une crise douloureuse par un traitement symptomatique (objectif 3), quelques problèmes sont mis en évidence : – problème de connaissance (confusion entre AINS et antalgiques purs) ; – problème de comportement (erreur de prise avec le Contramal® LP : 3 fois par jour au lieu de 2 ; erreur de prise avec Skenan® LP et Actiskenan®, association antalgique palier I et II contenant tous deux du paracétamol, prise d’AINS en continu même en absence de douleurs...). Concernant la gestion du traitement de fond (objectif 4), nous avons mis en évidence chez la majorité des patients un désir de diminuer voire d’arrêter le traitement, lors d’une amélioration. Par exemple, une patiente prenant du méthotrexate et de l’infliximab, oubliait souvent son méthotrexate dont elle trouvait la prise contraignante. Son état s’étant amélioré depuis qu’elle prenait de l’infliximab, elle ne voyait plus l’utilité de continuer le traitement par méthotrexate et pensait donc que cet oubli était bénin. Dans ce cas, il s’agit pour l’animateur d’expliquer cette association, puis d’élaborer avec le patient une stratégie pour faire face à cette difficulté (choix d’un jour plus approprié pour cette administration qui est hebdomadaire, utilisation de pense- bête...). Concernant enfin la gestion des effets indésirables (objectif 5), les expériences d’effets indésirables vécues et racontées par les patients permettent des échanges fructueux et concrets. L’animateur explique les effets indésirables non abordés spontanément, en face desquels le patient doit savoir réagir (symptômes d’une pneumopathie sous méthotrexate, infections sous biothérapies...). J Pharm Clin, vol. 24, n° 4, décembre 2005 En définitive, notre dispositif présente plusieurs limites. Les compétences visées par notre référentiel sont d’ordre cognitif. Le domaine du « savoir-faire » n’est pas abordé. Or, certains patients bénéficient d’une biothérapie administrée par voie sous-cutanée. Une enquête préalable auprès de patients sous biothérapie a mis en évidence que 40 % d’entre eux auraient désiré une formation à la pratique des injections [26]. La technique d’injection est abordable par un grand nombre de patients, après une éducation préalable adaptée. Cet aspect doit être intégré à notre référentiel de formation. Concernant le déroulement de la formation, la séquence s’insère dans une démarche de groupe, lors d’une séance unique. Deux écueils : l’impossibilité de développer un diagnostic éducatif [6] ; l’impossibilité d’inscrire la démarche éducative dans le temps. En début de séance, les patients se déterminent sur les thèmes qu’ils aimeraient voir abordés. Les attentes exprimées par les différents patients ne sont pas homogènes ; ces attentes ne peuvent être approfondies, comme dans une séance en face-à-face dédiée au diagnostic éducatif. Selon Girard et al., toute difficulté particulière identifiée nécessite une reformulation par l’animateur, une analyse puis l’élaboration avec le patient d’une stratégie corrective, qui devra être réévaluée lors d’une prochaine consultation [27]. Ceci est impossible dans l’état actuel de notre dispositif : il est peu aisé voire impossible de proposer une stratégie pour un cas particulier lors d’une séance de groupe ; de plus, les patients ne seront plus revus (sauf à de rares exceptions). Une réflexion est en cours avec les autres professionnels de l’école de la PR, afin de remodeler l’ensemble du dispositif. Il s’agit tout d’abord de programmer une séance initiale en face-à-face afin de développer un diagnostic éducatif complet, permettant de définir les besoins du patient et de programmer à la carte les séances qui lui sont nécessaires (par exemple la séance MédiPR concernant les médicaments) ; ensuite, en aval des séances thématiques de groupe, les patients seraient revus en face-à-face pour faire un bilan éducatif. Conclusion MédiPR est un programme d’information et d’éducation thérapeutique centré sur les médicaments de la PR. Ce programme est structuré autour d’une démarche de gestion partagée entre patient et soignant, sur base d’un référentiel de compétences à atteindre pour le patient et d’un ensemble d’outils originaux. La prochaine étape vise à la mise en place de séances individuelles, complémentaires des séances de groupes. Ainsi, ce programme sera en phase avec les récentes recommandations d’experts rhumatologues concernant l’information et l’éducation du patient dans la PR [28]. Enfin, nous réfléchissons à l’évaluation du processus d’éducation et de son impact sur l’évolution des patients, afin de pouvoir pérenniser cette action exigeante au plan organisationnel et, peut-être, évoluer vers d’autres supports plus accessibles aux patients (suivi téléphonique ou par internet). ■ 221 J. Roos, et al. Références 1. Guillermin F, Saraux A, Guggenbuhl P, Fardellone P, Fautrel B, Masson C, et al. Prévalence de la polyarthrite rhumatoïde et des spondylarthropathies en France en 2001. Rev Rhum 2002 ; 69 : 1014. 2. Mau W, Bornmann M, Weber H, Weidemann HF, Hecker H, Raspe HH. Prediction of permanent work disability in a follow-up study of early rheumatoid arthritis : results of a tree structured analysis using RECPAM. Br J Rheumatol 1996 ; 35 : 652-9. 3. Rat AC, Boissier MC. 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