Éducation thérapeutique des patients atteints de polyarthrite

ARTICLE ORIGINAL
Éducation thérapeutique des patients atteints de polyarthrite
rhumatoïde : description du programme MédiPR
Therapeutic education for patients with rheumatoid arthritis: description of MediPR program
J. ROOS
1
, B. ALLENET
1*
, P. GAUDIN
2
, R. JUVIN
2
, J. CALOP
1
1
Département de pharmacie, CHU de Grenoble
2
Service de rhumatologie, CHU de Grenoble
Résumé
.Introduction : l’objectif du présent travail était de construire un programme éducatif appliqué à un groupe
de2à4patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR), sur la base de : 1) la définition d’un référentiel de
compétences à acquérir par le patient ; 2) la construction d’une séquence pédagogique adaptée. Méthodes : nous
avons effectué une recherche bibliographique ciblée (processus d’apprentissage, méthodes pédagogiques, program-
mes existants dans le cadre de la PR). Parallèlement, nous avons réalisé des entretiens non-directifs auprès de treize
patients, afin d’étudier leurs représentations de la pathologie et de sa prise en charge. Sur ces deux faisceaux
d’éléments, nous avons défini notre référentiel sur la base duquel nous avons construit une séquence pédagogique.
Résultats : notre référentiel se compose de cinq objectifs auxquels est associée une séquence pédagogique spécifique :
1) expliquer les mécanismes de la polyarthrite rhumatoïde (présentation d’un classeur imagier pour décrire la
pathologie ; 2) différencier les caractéristiques entre traitement symptomatique et traitement de fond (classeur imagier,
reconstitution d’un puzzle pour classer les différents traitements, tri de boites de médicaments) ; 3) traiter une crise
douloureuse par un traitement symptomatique (animation d’une table ronde comme moyen d’échange d’expériences
entre les patients, dispositif analogique « escalier de la douleur » pour visualiser les différents paliers des antalgiques) ;
4) gérer son traitement de fond (table ronde) ; 5) identifier les effets indésirables d’un traitement (table ronde). Le
programme a été testé sur une quinzaine de séances de groupe d’une durée d’une heure, dans le cadre d’une « école
de la polyarthrite rhumatoïde » programmée sur 3 jours. Conclusion : nous réfléchissons à la mise en place de séances
individuelles, complémentaires des séances de groupes, afin de développer un diagnostic éducatif et un suivi
personnalisé de chaque patient.
Mots clés :
éducation thérapeutique, polyarthrite rhumatoïde, pharmacien, groupe
Abstract
.Introduction: the objective of the present work was to construct an educational program applied to a group
of 2 to 4 patients affected by rheumatoid arthritis (RA), on the basis of the: 1) definition of a referential of expertise to be
acquired by the patient; 2) construction of an adapted educational sequence. Methods: we conducted a bibliographic
research (training process, educational methods, existing programs for RA patients). We also achieved non directive
interviews with thirteen patients, in order to study their representations of the pathology and the drug treatment. On
these two types of elements, we defined our referential on basis of which we constructed an educational sequence.
Results: our referential is composed of five objectives associated to a specific educational sequence. The patient should
be able to: 1) explain mechanisms of the rheumatoid arthritis (presentation of a picture folder to describe the
pathology); 2) differentiate between symptomatic and disease modifying antirheumatic treatments (picture folder;
reconstitution of a puzzle to classify the different treatments; sorting of drug containers); 3) treat a painful crisis with
symptomatic drugs (round table discussion as means of sharing of experience between patients; analogical device
« staircase of the pain » to visualize the different levels of analgesia); 4) manage his/her disease modifying
antirheumatic treatment (round table); 5) identify the side effects of a treatment (round table). This program was tested
during fifteen sessions of one hour in the setting of a « school of the rheumatoid arthritis » programmed on 3 days.
Conclusion: we think about the setting up of individual sessions, complementary of theses group sessions, in order to
develop an educational diagnosis and a personalized follow-up of each patient.
Key words:
therapeutic education, rheumatoid arthritis, pharmacist, group
*Correspondance et tirés à part : B. Allenet
ORIGINAL ARTICLE
J Pharm Clin 2005 ; 24 (4) : 217-23
J Pharm Clin, vol. 24, n° 4, décembre 2005 217
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie à
composante auto-immune qui se caractérise par des
douleurs et des déformations articulaires dues à une
destruction progressive des structures articulaires et péri-
articulaires. Cette atteinte représente le premier rhuma-
tisme inflammatoire en termes de fréquence et touche
0,4 % de la population française [1]. Les conséquences
économiques sont majeures, essentiellement en termes de
perte de productivité (50 à 75 % de la totalité des coûts
induits par la maladie) [2, 3]. L’enjeu thérapeutique réside
dans un traitement précoce permettant d’enrayer l’évolu-
tion de cette maladie invalidante. Les traitements classi-
ques de la polyarthrite rhumatoïde sont nombreux. Leur
efficacité est variable selon les patients. Ces médicaments,
en l’absence d’un traitement curatif, visent essentiellement
à soulager le patient (traitements symptomatiques) ou
ralentir l’évolution de la maladie (traitements de fond).
Les traitements médicamenteux font partie intégrante du
quotidien des patients atteints de maladie chronique,
apportant mieux-être mais aussi contraintes et risques [4].
Pour favoriser l’efficacité des traitements utilisés dans la
polyarthrite rhumatoïde et limiter leur iatrogénie, il est
déterminant que le patient puisse acquérir non seulement
des connaissances mais aussi des compétences de ges-
tion des médicaments utilisés [5]. Cette éducation du
patient à sa thérapeutique doit reposer sur une véritable
démarche pédagogique assise sur une évaluation préala-
ble des représentations et des besoins des patients [6].
Les programmes d’éducation concernant les patients at-
teints de polyarthrite rhumatoïde sont nombreux [7-9].
Ces programmes sont peu structurés, à la différence de
ceux que l’on l’observe dans d’autres atteintes chroniques
invalidantes comme l’asthme [10] ou le traitement par
anticoagulants [11, 12]. Si certains objectifs sont propo-
sés par quelques auteurs, les moyens pour les atteindre,
qu’il s’agisse des contenus ou des méthodes, ne sont pas
précisés et reposent sur l’initiative des équipes soignantes
[13-16]. Peu de programmes abordent les médicaments
de manière spécifique.
Dans ce contexte, l’objectif de notre travail était de
construire un programme d’éducation thérapeutique sur
les médicaments de la PR. Nous définissons d’abord un
référentiel de compétences à acquérir par le patient, puis
nous construisons une séquence pédagogique, c’est-à-
dire un ensemble de méthodes permettant l’acquisition
des compétences.
Matériel et méthode
La construction de notre référentiel repose sur deux fais-
ceaux d’arguments :
1) une recherche bibliographique sur les thèmes suivants :
processus d’apprentissage, méthodes pédagogiques,
éducation thérapeutique, programmes existants en éduca-
tion thérapeutique dans le cadre de la PR ;
2) une étude ad-hoc sur les représentations (connaissan-
ces, attitudes) des patients. Pour cela, nous avons réalisé
une série d’entretiens non-directifs auprès de patients
atteints de PR. Sur la base de la consigne introductive
suivante : « Si je vous dis polyarthrite rhumatoïde et
médicament, qu’est-ce que cela évoque pour vous ? », les
patients étaient invités à s’exprimer librement, sans inter-
action avec l’enquêteur. L’approche qualitative vise à
décrire l’exhaustivité d’un phénomène (ici, connaissances
et attitudes des patients atteints de PR). Les inclusions ont
été stoppées lorsque l’information recueillie est devenue
redondante (n = 13 patients) [17, 18]. L’ensemble de ces
informations (dont le détail est disponible auprès des
auteurs) nous a permis de définir un référentiel de compé-
tences à acquérir par le patient concernant la prise de son
traitement.
Nous présentons et justifions chacune de ces compéten-
ces, sur la base des données spécifiques issues de la
littérature ainsi que de notre série d’entretiens. À chaque
compétence à atteindre correspond une séquence péda-
gogique pour laquelle nous proposons des outils origi-
naux.
Résultats
Référentiel de compétences
Notre référentiel d’éducation thérapeutique comprend
cinq compétences à acquérir par le patient au terme de
son apprentissage. Ces compétences, centrées sur le
patient, constituent les objectifs pédagogiques du pro-
gramme d’éducation. Ce référentiel ne constitue en
aucune manière une liste figée imposée au patient, mais
un ensemble de points d’échange possibles, négociés
entre le soignant et le patient, lors de leur rencontre. Ces
compétences sont formulées de la façon suivante : verbe
d’action (à l’infinitif) + contenu sur lequel porte l’action
éducative.
1) Le patient est capable de s’expliquer les mécanismes
physiopathologiques de la polyarthrite rhumatoïde
Si certains auteurs pensent que les patients n’ont pas
besoin d’obtenir des notions de physiopathologie [19],
les patients estiment cet aspect très important [20, 21].
Dans nos entretiens, un seul patient (sur 13) aborde
spontanément l’information reçue auparavant sur sa mala-
die. Ces connaissances sont souvent parcellaires voire
erronées. L’analyse faite avec le patient des mécanismes
d’évolution de la PR et des représentations qu’il exprime,
participe au processus d’intégration de la maladie [22].
Le patient est alors plus à même de comprendre les
mécanismes d’action de ses différents traitements [6].
2) Le patient est capable de différencier les caractéristi-
ques du traitement de fond et du traitement symptomati-
que
La plupart des patients entrevus n’ont pas la notion de
traitement de fond, traitement symptomatique ou traite-
ment correcteur. Le but essentiel pour ces patients est de
soulager les douleurs : « Il faut bien les prendre (les
médicaments) si on veut pas avoir mal, avoir trop mal »,
« Heureusement qu’il y a les médicaments pour nous
soulager », « Les médicaments ils sont là pour calmer.. ».
Une seule personne évoque le rôle des médicaments dans
le ralentissement de la maladie : « Il faut soulager et aussi
ralentir la maladie ». De fait, les patients ne font pas le lien
entre la physiopathologie de l’atteinte et les médicaments.
Ainsi, l’efficacité et la tolérance du traitement sont mises
en jeu : arrêt intempestif d’un traitement de fond qui ne fait
pas d’effet au bout d’une semaine ; prise d’AINS au long
cours hors de périodes de douleurs. Mettant en applica-
tion les connaissances théoriques acquises à l’étape pré-
cédente, le patient est amené à classer ses médicaments
en fonction de leur appartenance : traitement de fond
J. Roos, et al.
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(sulfasalazine, méthotrexate, léflunomide, biothérapies..),
traitement symptomatique (antalgiques, anti-inflam-
matoires non stéroïdiens (AINS), corticoïdes), traitement
correcteur (biphosphonates pour lutter contre l’ostéopo-
rose induite par les corticoïdes, acide folique pour dimi-
nuer les effets indésirables du méthotrexate, inhibiteur de
la pompe à protons pour lutter contre la toxicité digestive
des AINS...). Le patient appréhende les caractéristiques
principales de ses différents médicaments en lien avec
l’évolution de la maladie et des symptômes (objectif,
durée d’action, possibilité ou non de modifier les doses en
fonction des symptômes).
3) Le patient est capable d’adapter son traitement sympto-
matique
Nos entretiens mettent en lumière une utilisation sub-
optimale voire dangereuse des traitements symptomati-
ques par les patients : concernant les antalgiques, l’asso-
ciation de palier I et II contenant tous les deux du
paracétamol ou la consommation supplémentaire d’antal-
giques non prescrits, risquant ainsi de potentialiser les
effets secondaires voire d’induire un surdosage (prise de
paracétamol dépassant la posologie maximale) ; concer-
nant les AINS, certains patients continuent le traitement
même lorsqu’ils ne ressentent plus de douleurs. Pour trai-
ter une crise douloureuse sans risque iatrogène, il est
nécessaire que le patient connaisse les posologies maxi-
males qu’il peut utiliser et les risques encourus en cas de
surdosage (toxicité hépatique avec le paracétamol, toxi-
cité gastro-intestinale avec les AINS, toxicité neurologique
avec les morphiniques faibles). De même, il doit pouvoir
adapter la posologie en cas d’amélioration.
4) Le patient est capable de gérer son traitement de fond
En raison des contraintes liées à l’utilisation de ce type de
médicaments (modalités de prise, voies d’administration,
effets indésirables, suivi biologique), le patient est souvent
amené à diminuer voire arrêter le traitement lors d’une
amélioration. En cas d’association, ce type de gestion est
fréquent : si le nouveau traitement de fond introduit en-
traîne une amélioration, le patient peut être tenté d’arrêter
son autre traitement de fond puisqu’il a l’impression que
l’amélioration qu’il ressent est consécutive à l’introduction
du nouveau traitement. De l’adaptation du traitement de
fond et son suivi scrupuleux par le patient dépend l’évolu-
tion de la maladie. Il est donc capital que le patient
comprenne l’intérêt et accepte les contraintes du traite-
ment de fond, qu’il n’adaptera jamais sans l’avis de son
médecin.
5) Le patient est capable d’interpréter les effets indésira-
bles liés aux médicaments
Toute méconnaissance de potentiels effets indésirables
liés au traitement peut mettre en jeu l’observance du
patient. Une information est proposée au patient sur les
effets indésirables principaux évitables afin qu’il puisse les
prévenir : avaler son biphosphonate assis pour éviter une
toxicité œsophagienne ; éviter l’absorption importante
d’alcool pendant le traitement par méthotrexate pour
éviter une toxicité hépatique... S’agissant de certains ef-
fets indésirables graves, le patient doit être capable d’en
identifier les signes avant-coureurs, et, le cas échéant,
alerter rapidement son médecin (par exemple, en cas
d’infection).
Choix didactiques
À chaque séquence de notre séance éducative, nous
avons développé des outils pour favoriser l’acquisition
des compétences. Les méthodes utilisées doivent être
interactives pour capter l’intérêt du patient. L’expérience
montre que le mode « exposé », à l’instar du cours
magistral, apporte des résultats limités [23]. Aussi nous
avons réduit l’utilisation de cette démarche autant que
possible. Afin de favoriser les échanges dans le groupe,
nous avons opté pour les questions ouvertes : « Pouvez-
vous me raconter comment vous gérez votre traitement
lorsque vous êtes en poussée ? » plutôt que des questions
fermées : « Quelle est la posologie maximale de paracé-
tamol ? ». Alors que les questions fermées font appel à la
connaissance du répondant (je sais / je ne sais pas) et
peuvent le placer en situation difficile (je ne sais pas), les
questions ouvertes sont non stigmatisantes et favorisent
l’expression. Les patients peuvent réussir à exprimer non
seulement des connaissances mais aussi certaines élé-
ments de leur histoire, de leur personnalité, de leur res-
senti [22]. Concernant la stratégie explicative à appliquer
aux patients, nous avons opté le plus fréquemment possi-
ble pour les explications métaphoriques [24]. Ainsi, pour
expliquer le terme auto-immun : « Dans notre corps, nous
hébergeons une armée dont le rôle est de nous défendre
lorsque nous sommes agressés par des microbes. C’est ce
que l’on appelle en terme médical le système immuni-
taire... ».
Outils
Nous avons choisi d’utiliser le terme d’animateur pour
désigner la personne (un pharmacien) réalisant la séance
d’éducation. Les outils utilisés sont les suivants.
Le classeur imagier
Il correspond à un ensemble de supports papiers permet-
tant d’expliquer des notions théoriques. L’interaction avec
le patient est réalisée en le questionnant à partir des
images. Ainsi sont abordés les mécanismes physiopatho-
logiques de la polyarthrite rhumatoïde au niveau de
l’articulation, le terme auto-immun, la différence entre
l’inflammation et l’érosion osseuse, traitement symptomati-
que et traitement de fond, forme à libération prolongée
(LP) et forme à libération immédiate. Un exemple de
planche est proposé en (Annexe 1).
La reconstitution d'un puzzle
L’éducateur distribue à chaque patient deux parties de
puzzle : une représentant l’articulation enflammée, l’autre
l’articulation érodée. Il distribue ensuite différentes pièces
de puzzle représentant chacune une caractéristique du
traitement : traitement symptomatique (pièce 1), traite-
ment de fond (pièce 1bis) ; action rapide (pièce 2), action
retardée (pièce 2bis), arrêt si amélioration (pièce 3),
persistance si amélioration (pièce 3bis). Le patient doit
reconstituer le puzzle. L’animateur ouvre alors la discus-
sion sur base des résultats de chacun des participants
(Annexe 2).
Le tri de boites de médicament
C’est une méthode permettant de sensibiliser le patient à
la diversité des médicaments utilisables dans le traitement
Éducation thérapeutique dans la polyarthrite rhumatoïde
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de la PR et aux caractéristiques communes et différences
de ses traitements. Sont disposés sur une table tous les
produits médicamenteux disponibles sur le marché. Le
patient doit choisir les médicaments qu’il utilise et expli-
quer leur usage respectif (Annexe 3).
L'escalier de la douleur
Il correspond à un dispositif analogique à trois marches
permettant de visualiser les différents paliers des antalgi-
ques (I, II, III). L’objectif est : 1) sensibiliser le patient aux
différentes appellations d’un médicament contenant le
même principe actif (comparaison avec des bouteilles de
lait : le nom sur l’étiquette change mais à l’intérieur le lait
est le même) ; 2) apprendre aux patients les dangers
résultant d’un mauvais usage de ces médicaments. L’ani-
mateur va placer chaque boite de médicament antalgique
sur la marche représentant son palier antalgique. Cela
permet au patient de visualiser les similitudes entre diffé-
rents médicaments. Il explique ensuite au patient le risque
qui peut survenir lors du recours simultané à deux antalgi-
ques contenant du paracétamol (ex : Efferlagan
®
et Di-
Antalvic
®
) ou deux antalgiques de palier II (Annexe 4).
L'animation d'une table ronde
C’est une méthode qui permet de confronter les expérien-
ces et les attitudes de différents patients pour en faire
ressortir les points positifs et les points négatifs. L’éduca-
teur demande aux patients de décrire une situation vécue
(Comment gérez-vous votre douleur au quotidien, en cas
de crise / lors d’une amélioration ?), ou fictive (Vous
partez en vacances. Vous ressentez une amélioration de
vos douleurs. Comment allez-vous modifier vos habitudes
par rapport à votre traitement ?). À partir des similitudes
et des différences mises en évidence dans le discours des
différents patients, l’animateur synthétise l’attitude à adop-
ter la plus favorable.
Le tableau 1 synthétise la séance d’éducation, ses objec-
tifs, ses étapes et les supports pédagogiques correspon-
dants.
Discussion
Le service de rhumatologie du CHU de Grenoble a mis en
place depuis de nombreuses années des écoles destinées
aux patients, dont une école de la PR. Cette formation se
déroule sur trois jours à l’hôpital de jour de rhumatologie.
Les rhumatologues libéraux de la région grenobloise
peuvent y envoyer leurs patients. Chaque formation ras-
semble2à4patients autour de différents professionnels
de santé impliqués dans la prise en charge de cette
pathologie. Chaque journée est fractionnée en séances.
Les patients rencontrent tour à tour rhumatologue, diététi-
cienne, ergothérapeute, kinésithérapeute, pharmacien.
La séance MédiPR, animée par le pharmacien, s’insère
dans cette école. En début de séance, une fiche est remise
à chaque patient ; celle-ci propose un ensemble de thè-
mes (correspondant à nos 5 objectifs) et chaque patient
coche ceux qui l’intéressent le plus. La séance se déroule
ensuite sur une heure environ, selon la séquence mise en
place, en modulant les thèmes abordés en fonction des
objectifs négociés avec les patients.
Une quinzaine de séances ont déjà été animées sur base
du programme MédiPR. Nous avons pu tester les différen-
tes composantes du programme et les outils associés et
approfondir notre compréhension du patient face à son
traitement.
Tableau 1.Séquence pédagogique du programme MédiPR.
Objectifs à atteindre Déroulement Supports pédagogiques
S’expliquer les mécanismes de la PR « Connaissez-vous la physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde ? » Classeur Imagier
Différencier les caractéristiques entre traitement
de fond et traitement symptomatique « Quel est le but de votre traitement médicamenteux ;
quelles sont les différences entre les différents traitements ? » Classeur Imagier Puzzle
« Pouvez-vous retrouver vos médicaments parmi l’ensemble
des médicaments placés sur une table ? » Tri de boites de médicaments
Traiter une crise douloureuse par un traitement
de fond et l’adapter à son état « Pouvez-vous me décrire comment vous opérez quand vous avez mal ?
1-au quotidien, 2-en cas de crise, 3-en cas d’amélioration ? » À partir des
réponses vont être abordés les trois types de traitement médicamenteux
symptomatiques utilisables :
- Concernant les antalgiques purs : à l’aide d’un dispositif analogique,
l’éducateur explique les 3 paliers de la douleur et les problèmes possibles ,
principalement l’emploi excessif de paracétamol.
L’escalier de la douleur
Exposé
- Concernant les anti-inflammatoires : sont abordés :
1-leur rôle par rapport aux antalgiques purs,
2-comment gérer leur prise par rapport à celle des antalgiques purs, en
cas de douleurs, et en cas d’amélioration,
3-les précautions d’emploi. La notion de forme LP est abordée grâce au
classeur imagier.
Exposé
Classeur imagier
- Concernant les corticoïdes : sont abordés le rôle des corticoïdes dans
l’organisme et les particularités liées à leur administration. Exposé
Gérer son traitement de fond « Vous partez en vacances. Vous ressentez une amélioration de vos
douleurs. Comment allez-vous modifier vos habitudes par rapport
à votre traitement ? »
Table ronde
Identifier les effets indésirables d’un traitement,
d’un événement extérieur « Avez-vous déjà ressenti des effets indésirables ? Qu’avez-vous fait ? »
L’intervenant demande au patient s’il connaît d’autres effets indésirables
possibles et la conduite à tenir le cas échéant. Par exemple pour un patient
prenant du MTX : « Vous ressentez une toux accompagnée de fièvre et
d’essoufflement. Que faites-vous ? ».
Table ronde
J. Roos, et al.
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Concernant la capacité du patient à s’expliquer les méca-
nismes physiopathologiques de la maladie (objectif 1),
l’utilisation de l’imagier et des explications métaphoriques
permettent au patient d’appréhender simplement des no-
tions sans doute déjà entendues, mais dans un langage
médical parfois trop obscur. La reprise par le patient de
concepts scientifiques avec ses propres mots montre qu’il
a compris [22].
La capacité du patient à différencier les caractéristiques
entre traitement symptomatique et traitement de fond
(objectif 2) représente une donnée clé de son comporte-
ment d’observance [25]. Concernant cette compétence,
l’utilisation d’un puzzle a permis de mettre en évidence
l’hétérogénéité des connaissances, certains patients res-
tant bloqués face à cet exercice. Le terme traitement
« symptomatique » s’est révélé trop abstrait et a du être
explicité à chaque fois, avant le début du jeu du puzzle.
Les patients identifient généralement facilement leurs médi-
caments parmi l’ensemble des médicaments disponibles.
Certains patients confondent un médicament avec un
autre, en raison de la ressemblance des boites d’un même
laboratoire (Efferalgan
®
et Aspirine Upsa
®
). Il arrivait
souvent qu’un médicament soit étiqueté « traitement de
fond » alors qu’il relevait d’un traitement symptomatique
(l’inverse étant plus rare). Les difficultés d’observance sont
spontanément abordées par les patients. Les causes expo-
sées sont la contrainte des prises, l’absence de connais-
sance du rôle du médicament, ainsi que des difficultés
liées à la présentation du médicament (par exemple,
cachet de Salazopyrine
®
trop gros à avaler).
Lorsqu’est abordé le thème du traitement d’une crise
douloureuse par un traitement symptomatique (objectif 3),
quelques problèmes sont mis en évidence :
problème de connaissance (confusion entre AINS et
antalgiques purs) ;
problème de comportement (erreur de prise avec le
Contramal
®
LP : 3 fois par jour au lieu de 2 ; erreur de
prise avec Skenan
®
LP et Actiskenan
®
, association antal-
gique palier I et II contenant tous deux du paracétamol,
prise d’AINS en continu même en absence de dou-
leurs...).
Concernant la gestion du traitement de fond (objectif 4),
nous avons mis en évidence chez la majorité des patients
un désir de diminuer voire d’arrêter le traitement, lors
d’une amélioration. Par exemple, une patiente prenant du
méthotrexate et de l’infliximab, oubliait souvent son métho-
trexate dont elle trouvait la prise contraignante. Son état
s’étant amélioré depuis qu’elle prenait de l’infliximab, elle
ne voyait plus l’utilité de continuer le traitement par
méthotrexate et pensait donc que cet oubli était bénin.
Dans ce cas, il s’agit pour l’animateur d’expliquer cette
association, puis d’élaborer avec le patient une stratégie
pour faire face à cette difficulté (choix d’un jour plus
approprié pour cette administration qui est hebdoma-
daire, utilisation de pense- bête...).
Concernant enfin la gestion des effets indésirables (objec-
tif 5), les expériences d’effets indésirables vécues et racon-
tées par les patients permettent des échanges fructueux et
concrets. L’animateur explique les effets indésirables non
abordés spontanément, en face desquels le patient doit
savoir réagir (symptômes d’une pneumopathie sous mé-
thotrexate, infections sous biothérapies...).
En définitive, notre dispositif présente plusieurs limites.
Les compétences visées par notre référentiel sont d’ordre
cognitif. Le domaine du « savoir-faire » n’est pas abordé.
Or, certains patients bénéficient d’une biothérapie admi-
nistrée par voie sous-cutanée. Une enquête préalable
auprès de patients sous biothérapie a mis en évidence
que 40 % d’entre eux auraient désiré une formation à la
pratique des injections [26]. La technique d’injection est
abordable par un grand nombre de patients, après une
éducation préalable adaptée. Cet aspect doit être intégré
à notre référentiel de formation.
Concernant le déroulement de la formation, la séquence
s’insère dans une démarche de groupe, lors d’une séance
unique. Deux écueils : l’impossibilité de développer un
diagnostic éducatif [6] ; l’impossibilité d’inscrire la démar-
che éducative dans le temps.
En début de séance, les patients se déterminent sur les
thèmes qu’ils aimeraient voir abordés. Les attentes expri-
mées par les différents patients ne sont pas homogènes ;
ces attentes ne peuvent être approfondies, comme dans
une séance en face-à-face dédiée au diagnostic éducatif.
Selon Girard et al., toute difficulté particulière identifiée
nécessite une reformulation par l’animateur, une analyse
puis l’élaboration avec le patient d’une stratégie correc-
tive, qui devra être réévaluée lors d’une prochaine consul-
tation [27]. Ceci est impossible dans l’état actuel de notre
dispositif : il est peu aisé voire impossible de proposer une
stratégie pour un cas particulier lors d’une séance de
groupe ; de plus, les patients ne seront plus revus (sauf à
de rares exceptions).
Une réflexion est en cours avec les autres professionnels
de l’école de la PR, afin de remodeler l’ensemble du
dispositif. Il s’agit tout d’abord de programmer une séance
initiale en face-à-face afin de développer un diagnostic
éducatif complet, permettant de définir les besoins du
patient et de programmer à la carte les séances qui lui
sont nécessaires (par exemple la séance MédiPR concer-
nant les médicaments) ; ensuite, en aval des séances
thématiques de groupe, les patients seraient revus en
face-à-face pour faire un bilan éducatif.
Conclusion
MédiPR est un programme d’information et d’éducation
thérapeutique centré sur les médicaments de la PR. Ce
programme est structuré autour d’une démarche de ges-
tion partagée entre patient et soignant, sur base d’un
référentiel de compétences à atteindre pour le patient et
d’un ensemble d’outils originaux. La prochaine étape vise
à la mise en place de séances individuelles, complémen-
taires des séances de groupes. Ainsi, ce programme sera
en phase avec les récentes recommandations d’experts
rhumatologues concernant l’information et l’éducation du
patient dans la PR [28]. Enfin, nous réfléchissons à l’éva-
luation du processus d’éducation et de son impact sur
l’évolution des patients, afin de pouvoir pérenniser cette
action exigeante au plan organisationnel et, peut-être,
évoluer vers d’autres supports plus accessibles aux pa-
tients (suivi téléphonique ou par internet).
Éducation thérapeutique dans la polyarthrite rhumatoïde
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