trois mois à partir des premiers symptômes, aboutit aux retards
diagnostique et thérapeutique, risque de provoquer des dégâts
irréversibles et peut même grever la réponse au traitement. Le but
de cette étude est de tenter de mettre en relief les raisons pour
lesquelles le patient rhumatisant tarde sa consultation spécialisée
auprès du rhumatologue.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Nous avons réalisé une étude transversale sur un échantillon
accidentel de 1000 patients rhumatisants colligés au niveau des
consultations de rhumatologie publique et privée de la région
de Marrakech, sur une période de six mois allant de Avril à
Septembre 2010. Le recueil des informations a été réalisé par
le médecin, en arabe dialectal, à l’issue de l’interrogatoire des
patients rhumatisants selon une fiche d’exploitation préétablie.
Les résultats ont été analysés par un logiciel de statistiques SPSS
version 10.
RÉSULTATS
Mille patients ont été colligés. L’âge moyen de nos patients était
de 49 ans avec une prédominance féminine (73,8 %). Sept cent
quatre-vingt-dix sept (soit 79,7 %) des patients étaient citadins.
Prés de la moitié (soit 49 %) des patients n’avaient aucun niveau
d’instruction. Six cent vingt et un (soit 62,1 %) des patients
étaient sans profession. Près de 58,4 % des malades n’avaient
pas de couverture sanitaire. Concernant la symptomatologie
clinique des nouveaux patients, elle était dominée par la douleur,
essentiellement sous forme de polyarthralgies et de lombalgies.
L’arthrose était le chef de fil des pathologies (23,8 %), suivie de la
polyarthrite rhumatoïde (4,9 %) et de l’ostéoporose (3,2%). Avant
de s’adresser au rhumatologue, sept cent soixante trois patients
(soit 76,3 %) avaient déjà opté pour d’autres modes de traitements,
soit un traitement traditionnel dans 40,2 %, soit la phytothérapie
dans 17,9%, soit le recours à la médecine moderne. Le médecin
est le premier orientateur du patient vers le rhumatologue (45,5
%). Vingt neuf pour cent des patients ont été envoyé par un patient
de leur entourage et 12,4 % des patients ont été adressé par un
personnel de santé. En ce qui concerne le médecin orientateur, le
généraliste vient en premier (71,7 %) suivi du traumatologue (2,9
%). Le retard à la consultation est défini par un délai entre la date
des premiers symptômes et la date de la première consultation
chez le rhumatologue dépassant 3 mois. Seulement 21 % des
patients avaient consulté un rhumatologue durant le premier mois.
Alors que sept cent dix patients (soit 71 %) étaient retardataires
à la consultation en rhumatologie (Fig. 1)
. Ces patients avaient
expliqué leurs retards par la négligence des médecins consultés
en premier lieu dans 23,8 % des cas, ainsi qu’à la pauvreté
dans 19,1 % des cas (tableau I). L’analyse bivariée avait révélé
une corrélation significative entre le retard à la consultation et
les paramètres suivants : l’âge, le sexe, le niveau d’instruction, la
profession et le recours à un traitement antérieur. Par ailleurs, la
corrélation entre la résidence, la couverture sociale et le secteur
de consultation avec le retard n’a pas été significative.
DISCUSSION
Les pathologies de l’appareil locomoteur sont fréquentes
et constituent l’un des principaux motifs de consultation en
médecine générale. Elles sont caractérisées d’une part par leur
caractère chronique et d’autre part par leur nombre grandissant,
notamment en raison de l’allongement de l’espérance de vie. En
cas de complications rhumatismales causées par le retard à la
consultation, les handicaps intrinsèque (de la santé) et extrinsèque
(socio-économique) seraient plus importants, et variables selon la
pathologie. En effet, au cours de la polyarthrite rhumatoïde par
exemple , tout retard thérapeutique peut avoir un retentissement
fonctionnel ainsi que vital. Dans notre enquête, la prédominance
féminine retrouvée n’a pu être expliquée que par la fréquence
de la pathologie rhumatismale chez la femme en général.
La majorité citadine pourrait être expliquée par les difficultés
d’accès géographique. La moitié des patients était analphabète.
Ceci rejoint le taux d’analphabétisme du pays retrouvé lors
du recensement de 2007 puisqu’il a été noté que le taux
d’alphabétisation des adultes était de 55,6 % de la population
générale [1]. Plus que les deux tiers des patients (62,1 %) étaient
sans profession. Ceci pourrait être dû à la fréquence plus élevée
des femmes au foyer dans notre population à l’étude, et pourrait
expliquer la plus grande part de dépendance sur le plan financier
de nos patients. Cela pourrait être considéré comme un facteur
principal du retard à la consultation si l’on tient compte des
difficultés économiques de cette catégorie de la population. La
douleur était, dans notre étude, le principal motif de consultation.
L’arthrose, chef de fil de cette enquête, essentiellement sous forme
de gonarthrose, de cervicarthrose et de lombarthrose. Viennent
ensuite par ordre décroissant de fréquence, la polyarthrite
rhumatoïde, l’ostéoporose, la spondylarthrite ankylosante, la
goutte et l’ostéomalacie. Les tendinopathies, les déformations
osseuses, les paresthésies et les tuméfactions articulaires ne
constituaient que des motifs secondaires dans cette enquête. Les
patients avaient déjà opté pour d’autres modes de traitements
avant de s’adresser au rhumatologue : un traitement traditionnel,
la phytothérapie, ou le recours à la médecine moderne. Une
thérapie traditionnelle fournie par un guérisseur traditionnel,
peut très bien être la première rencontre de la personne avec
les services médicaux. On peut également se tourner vers ces
thérapies non conventionnelles pour une variété de raisons : Le
bas niveau d’instruction des patients, désir d’éviter toxicités et
traitements invasifs, préférence pour les médicaments naturels
plutôt que synthétiques, insatisfaction avec les professionnels de
la médecine moderne, techniques des guérisseurs traditionnels
font partie de l’héritage culturel du patient. Dans notre étude, le
Le retard au diagnostic et au traitement du patient rhumatisant : Quels déterminants ?
Enquête transversale aux secteurs publique et privé à Marrakech
Figure 1 : Répartition de l’échantillon en fonction du délai entre les premiers
symptômes et la première consultation en rhumatologie