¶ 6-0430 Vertiges E. Vitte Le vertige est une illusion sensorielle de rotation de la scène visuelle alors que le trouble de l’équilibre se manifeste par des sensations ébrieuses ou encore par l’impression de tituber. Il est important de caractériser ce trouble par un interrogatoire précis et un examen clinique avec étude des paires crâniennes, au terme desquels il est souvent possible de porter un diagnostic. Les atteintes de l’oreille interne induisent en général des vertiges rotatoires et peuvent être accompagnées de signes auditifs. Toutefois, certains accidents vasculaires de la fosse postérieure peuvent débuter par un vertige, d’où la nécessité de rechercher systématiquement les facteurs de risque vasculaires. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Vertige ; Trouble de l’équilibre ; Nystagmus ; Examen cochléovestibulaire Plan ¶ Introduction 1 ¶ Conduite à tenir Interrogatoire Examen clinique Explorations fonctionnelles de l’appareil cochléovestibulaire 1 1 1 2 ¶ Diagnostic étiologique Causes périphériques Troubles de l’équilibre du sujet âgé Migraines Causes métaboliques Causes centrales 2 2 3 3 3 3 ¶ Conclusion 4 ■ Introduction Le vertige est l’un des motifs les plus fréquents de consultation chez le médecin généraliste. Si les patients consultent pour des vertiges, le médecin doit distinguer, par un interrogatoire bien conduit, le vertige du trouble de l’équilibre. Le vertige est une illusion sensorielle de rotation de la scène visuelle et il est le plus souvent dû à une lésion de l’oreille interne. Le trouble de l’équilibre se manifeste par une impression d’ivresse, d’être instable, de marcher en titubant ou sur un sol inégal et évoque une atteinte des voies centrales de l’équilibre. À la fin de cet interrogatoire long et minutieux, on peut souvent porter un diagnostic précis. L’équilibre est une fonction impliquant trois types d’informations : vestibulaires (envoyées par les récepteurs de l’oreille interne, crêtes ampullaires et macules otolithiques), visuelles (avec les voies visuelles et l’oculomotricité) et sensitives (propriocepteurs articulaires et extérocepteurs de la sole plantaire). Si les informations arrivant aux centres sont concordantes, le sujet n’a pas conscience de son équilibre, ce qui correspond à la plupart des situations de la vie courante. Si les informations sont discordantes, le sujet est dans un état de « conflit sensoriel » ; c’est le cas, par exemple, du mal des transports. Si l’une des informations fait défaut comme dans le cas d’une atteinte aiguë de l’oreille interne, le patient va ressentir un vertige. Puis, le patient va « compenser » ce déficit. Si la compensation est parfaite, le sujet n’a plus de trouble de l’équilibre sauf en cas de situation extrême. Cette physiologie explique qu’un vertige est le plus souvent périphérique (oreille interne) et qu’un trouble de l’équilibre peut être dû soit à un conflit sensoriel, soit à une non-utilisation d’un capteur (vieillissement), soit encore à une atteinte centrale. ■ Conduite à tenir Interrogatoire L’interrogatoire est une étape fondamentale du diagnostic. Il doit préciser : les caractéristiques du symptôme (cela tourne ou pas) ; ses circonstances d’apparition (dans une position déterminée, quelle que soit la position ; après un traumatisme, une infection, une chirurgie de l’oreille, la prise de médicaments ou de drogues) ; sa durée (secondes, minutes ou heures), son évolution (vertige unique ou survenant par crises) ainsi que les signes d’accompagnement (otologiques : surdité et/ou acouphènes ; neurovégétatifs : nausées, vomissements ou encore neurologiques : atteinte d’un autre nerf crânien, faiblesse d’un membre, paresthésies). Enfin, on note les antécédents du patient (otologiques, traumatiques : crâne ou cou), ses maladies intercurrentes, ses facteurs de risque vasculaires et surtout ses traitements (il faut exiger toutes les ordonnances). Examen clinique Paires crâniennes On pratique l’examen de toutes les paires crâniennes : nerfs III, IV et VI impliqués dans l’oculomotricité (le patient a la tête 1 Traité de Médecine Akos þÿDocument téléchargé de ClinicalKey.fr par HFR hopital fribourgeois freiburger spital octobre 29, 2016. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2016. Elsevier Inc. Tous droits réservés. 6-0430 ¶ Vertiges Tableau 1. Signes et symptômes d’un syndrome vestibulaire périphérique ou central. Signes et symptômes Syndrome vestibulaire périphérique Syndrome vestibulaire central Nystagmus Horizontorotatoire, unidirectionnel Vertical, horizontal, multidirectionnel Inhibé par la fixation Non inhibé par la fixation Végétatifs Végétatifs Cochléaires Neurologiques Syndrome harmonieux Syndrome non harmonieux . Signes d’accompagnement maintenue par l’examinateur et doit suivre son doigt ; attention, on doit toujours voir en entier l’iris du patient dans le regard latéral) ; nerfs V et VII (sensibilité et motricité de la face) ; nerfs IX et X (réflexe nauséeux et contraction du voile du palais), nerf XII (protraction de la langue) et nerf XI (en demandant au patient de tourner la tête et de hausser les épaules). Recherche de signes vestibulaires : nystagmus et déviations segmentaires . . Le nystagmus est un mouvement des yeux composé d’une phase lente (réflexe vestibulo-oculaire) et d’une phase rapide (saccade de retour) qui détermine le sens du nystagmus. Si la phase rapide est dirigée vers la droite du patient, on dit que le nystagmus « bat » à droite. Le nystagmus doit être recherché avec fixation (lors de l’examen de l’oculomotricité) et sans fixation en utilisant des lunettes de type « Bartels » ou « Frenzel » (inhibant la fixation oculaire) ou mieux des lunettes vidéo (le patient est alors dans le noir). Le nystagmus est dit « spontané » quand il apparaît dans le regard direct. Le nystagmus positionnel est recherché en demandant au patient de s’asseoir face à l’examinateur ; puis, de se coucher sur un côté, de se redresser et enfin de se coucher sur le côté opposé. En cas de vertige positionnel paroxystique bénin, le nystagmus n’apparaît que d’un côté (celui du vertige), bat vers l’oreille la plus basse et s’inverse lors du retour à l’orthostatisme. Il n’est pas utile de faire pendre la tête du patient en dehors de la table d’examen comme dans la manœuvre de Dix et Hallpike. Les déviations segmentaires impliquent la déviation des index, le signe de Romberg ou encore la marche en « étoile ». En pratique, on demande au patient de se tenir debout, les yeux fermés et les bras tendus vers l’avant comme s’il voulait attraper l’examinateur. Lors d’une atteinte périphérique, le syndrome vestibulaire est dit « harmonieux » car la phase lente du nystagmus et les déviations segmentaires ont lieu dans le même sens et du côté de la lésion. Lors d’une atteinte centrale, le syndrome vestibulaire est dit « dysharmonieux ». Recherche de signes cérébelleux On recherche une dysmétrie et une adiadococinésie et au moindre doute, on pratique un examen neurologique. Tension artérielle La tension artérielle est prise aux deux bras, après repos en position assise et en demandant au patient de se lever rapidement (recherche d’hypotension orthostatique). Au terme de cet examen, plusieurs explorations fonctionnelles de l’appareil cochléovestibulaire sont réalisées (Tableau 1). Explorations fonctionnelles de l’appareil cochléovestibulaire . • Examen audiométrique tonal (mesure du seuil auditif en conduction aérienne et osseuse), vocal (mesure de la compréhension du patient) et impédancemétrie (mesure de la compliance du tympan et du réflexe stapédien). • Examen vestibulaire calorique : après avoir vérifié l’état des tympans (il ne doit pas y avoir de perforation), on introduit de l’eau chaude (44 °C) et de l’eau froide (30 °C) dans le méat acoustique externe du patient et l’on analyse les nystagmus produits. L’eau chaude stimule et l’eau froide inhibe le vestibule. Les résultats sont reportés sur le diagramme du professeur Freyss. Un vestibule « malade » donne moins de réponses qu’un vestibule « sain », c’est l’hypovalence vestibulaire. • Potentiels évoqués auditifs précoces : ils mesurent le seuil auditif objectif et confirment le caractère endocochléaire (atteinte de l’oreille interne) ou rétrocochléaire (atteinte des voies centrales) d’une surdité de perception (Fig. 1). “ Point fort Après ces différents examens, il est possible de classer les symptômes des patients en « périphériques » du ressort de l’ORL et en « centraux » du ressort du neurologue. Devant une atteinte cochléovestibulaire unilatérale et surtout si elle est rétrocochléaire, une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale avec injection de gadolinium est demandée. ■ Diagnostic étiologique Causes périphériques Vertige positionnel paroxystique bénin C’est l’une des premières causes de vertige se manifestant le plus souvent le matin au réveil. Le patient en se retournant dans son lit ressent un violent vertige durant quelques secondes. Ce vertige disparaît s’il ne bouge pas la tête et réapparaît dès qu’il reprend la position déclenchante. Il peut être accompagné de nausées, voire de vomissements. L’interrogatoire est caractéristique et l’examen clinique est normal ainsi que les explorations fonctionnelles. Seule la manœuvre consistant à coucher le patient sur le côté de son vertige induit un nystagmus qui s’inverse au retour à l’orthostatisme. Si et uniquement si ces critères sont respectés, on peut parler de vertige positionnel paroxystique bénin et effectuer une manœuvre libératoire (Sémont ou Epley). Névrite vestibulaire C’est une perte brutale de la fonction vestibulaire, le plus souvent d’origine virale, entraînant un grand vertige rotatoire pouvant empêcher le patient de se lever. Ce vertige est isolé, sans signe auditif ni neurologique mais est accompagné de signes neurovégétatifs tels que nausées et vomissements. À l’examen, le patient présente un violent nystagmus spontané battant du côté opposé à sa lésion et inhibé ou fortement diminué par la fixation. Une IRM cérébrale est systématiquement demandée, surtout en présence de facteurs de risque vasculaires. Il faut soulager le patient avec des antivertigineux par voie veineuse et le lever le plus rapidement possible pour favoriser sa compensation. Il peut aussi bénéficier de séances de rééducation vestibulaire. Maladie de « Ménière » La crise de « Ménière » se caractérise par une triade comprenant une surdité avec acouphènes et/ou sensation d’oreille pleine associée à des vertiges vrais. Entre les crises, le patient peut être asymptomatique ou parfois instable. Au cours de l’évolution de la maladie, le patient devient de plus en plus sourd et peut présenter des acouphènes. Enfin, la maladie peut atteindre l’autre oreille ; toutefois, c’est une maladie rare ne touchant que 10 % des patients consultant pour vertige. Le 2 Traité de Médecine Akos þÿDocument téléchargé de ClinicalKey.fr par HFR hopital fribourgeois freiburger spital octobre 29, 2016. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2016. Elsevier Inc. Tous droits réservés. Vertiges ¶ 6-0430 Vertige et/ou trouble de l'équilibre Interrogatoire Examen clinique Examen cochléovestibulaire Signes neurologiques Syndrome vestibulaire dysharmonieux Syndrome vestibulaire harmonieux Avis neurologique Examen cochléovestibulaire Endocochléaire Signes cochléaires Pas de signes cochléaires Maladie de Ménière Névrite Rétrocochléaire Normal IRM VPPB Figure 1. Arbre décisionnel. Stratégie diagnostique devant un vertige et/ou un trouble de l’équilibre. IRM : imagerie par résonance magnétique ; VPPB : vertige paroxystique positionnel bénin. diagnostic est facile et se caractérise par une atteinte cochléovestibulaire unilatérale endocochléaire. Le traitement associe celui de la crise et un traitement de fond (antivertigineux, régime peu salé, rééducation vestibulaire). Si la maladie est trop invalidante, il faut recourir à la gentamicine en intratympanique ou encore à la neurotomie vestibulaire. Causes purement otologiques Otospongiose Maladie génétique se caractérisant par une surdité à tympan normal, elle peut donner des troubles de l’équilibre et des acouphènes, rarement des vertiges vrais. Le traitement est chirurgical. demander systématiquement une IRM avec injection de gadolinium devant une surdité de perception unilatérale, un acouphène unilatéral ou encore une atteinte vestibulaire unilatérale. Troubles de l’équilibre du sujet âgé Ils sont souvent plurifactoriels mais il faut penser à l’« omission vestibulaire ». Il s’agit d’un patient qui se plaint de troubles de l’équilibre surtout dans les situations où sa vue est perturbée. Il n’a pas d’atteinte vestibulaire mais il ne se sert plus de ses informations vestibulaires. Le traitement reste la rééducation vestibulaire. Fractures du rocher Migraines Elles peuvent entraîner une atteinte cochléaire et une atteinte vestibulaire associées à une paralysie faciale. La tomodensitométrie (TDM) des rochers en coupes millimétriques montre la fracture. Le traitement est symptomatique, sauf pour l’atteinte faciale qui peut nécessiter une intervention chirurgicale. Les migraines avec « aura » ou migraines accompagnées peuvent s’associer à des troubles de l’équilibre et/ou à des vertiges de position qu’il ne faut pas confondre avec un vertige paroxystique positionnel bénin. La céphalée est souvent postérieure de type nucalgie. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination et le traitement est celui de la migraine (en évitant les tryptans) mais en y associant des antivertigineux. Labyrinthites L’inflammation ou l’atteinte infectieuse du labyrinthe peut survenir au cours d’une otite aiguë ou chronique, notamment cholestéatomateuse, et donner des vertiges et/ou des troubles de l’équilibre. Ceci impose d’une part une TDM des rochers et d’autre part un traitement médical urgent. Le traitement du cholestéatome est chirurgical. Causes métaboliques Le diabète, l’hypertension artérielle peuvent donner des troubles de l’équilibre, plus rarement des vertiges. Causes toxiques Causes centrales Il faut toujours penser aux atteintes toxiques dues aux aminoglycosides qui donnent une aréflexie vestibulaire bilatérale et dont le seul traitement est la rééducation vestibulaire. Accidents vasculaires Petites tumeurs de l’angle pontocérébelleux Les neurinomes stade I ou II et les méningiomes se manifestent le plus souvent par des troubles de l’équilibre associés à une surdité et à des acouphènes. Il est donc important de Ce sont des urgences qui peuvent commencer par un vertige et/ou un trouble de l’équilibre d’où l’importance d’un bon examen clinique et de la prise de tension artérielle. Dans les premières heures, seule l’IRM cérébrale avec séquence de diffusion peut faire le diagnostic, la TDM est inutile et surtout sa normalité n’élimine pas un accident vasculaire cérébral. 3 Traité de Médecine Akos þÿDocument téléchargé de ClinicalKey.fr par HFR hopital fribourgeois freiburger spital octobre 29, 2016. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2016. Elsevier Inc. Tous droits réservés. 6-0430 ¶ Vertiges “ ■ Conclusion Point fort Si un vertige vrai est le plus souvent dû à une atteinte périphérique, un accident vasculaire tel qu’un syndrome de Wallenberg ou touchant le cervelet peut débuter par un grand vertige évoquant une névrite vestibulaire ; de même une dissection vertébrale peut se manifester par un vertige pouvant faire évoquer un VPPB. Sclérose en plaques . Elle peut débuter par un trouble de l’équilibre mais le syndrome vestibulaire est souvent dysharmonieux et là encore l’IRM contribue au diagnostic. Hydrocéphalie L’hydrocéphalie peut donner des troubles de l’équilibre. Il s’agit le plus souvent d’un sujet âgé avec des troubles cognitifs mais les troubles de l’équilibre ne sont pas d’origine vestibulaire. Causes rares Parmi les causes plus rares, citons la neurosarcoïdose, le neuro-Behçet et les atteintes héréditaires et dégénératives. Si un vertige vrai évoque une atteinte périphérique : • le diagnostic de vertige positionnel paroxystique bénin ne peut être porté que s’il remplit les caractéristiques données et il ne faut pas faire de manœuvre si le nystagmus ne s’inverse pas au retour à l’orthostatisme ; • le diagnostic de névrite vestibulaire implique une atteinte vestibulaire isolée avec un syndrome vestibulaire harmonieux et si le patient présente des facteurs de risque vasculaires, il faut avant tout éliminer un accident vasculaire cérébral ; • le diagnostic de maladie de « Ménière » est rare et il faut, au cours de l’évolution, vérifier la fosse postérieure du patient par une IRM. Pour en savoir plus Brandt T. Vertigo: its multisensory syndromes. London: Springer-Verlag; 1999. Chays A, Florant A, Ulmer E. Les vertiges. Paris: Masson; 2004. Sauvage JP, Chays A, Gentine A. Vertiges positionnels. Rapport de la Société française d’ORL et de chirurgie de la face et du cou. Paris: L’Européenne d’Édition; 2007. Sémont A, Freyss G, Vitte E. Curing the BPPV with a liberatory maneuver. Adv Otorhinolaryngol 1988;42:290-3. Tran Ba Huy P, de Waele C. Les vertiges et le praticien. Paris: John Libbey Eurotext; 1996. E. Vitte, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier ([email protected]). Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervicofaciale du professeur Lamas, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 52, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Vitte E. Vertiges. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 6-0430, 2009. Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels Iconographies supplémentaires Vidéos / Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires 4 Autoévaluations Traité de Médecine Akos þÿDocument téléchargé de ClinicalKey.fr par HFR hopital fribourgeois freiburger spital octobre 29, 2016. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. 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