dénominateurs universels pour la décomposition de polynômes

J. OPERATOR THEORY
56:2(2006), 273–290
© Copyright by THETA, 2006
DÉNOMINATEURS UNIVERSELS POUR LA
DÉCOMPOSITION DE POLYNÔMES POSITIFS
SUR UN ESPACE DE HILBERT
O. DEMANZE and A. MOUZE
Communicated by ¸Serban Str˘atil˘a
ABSTRACT. In this work, we prove that, under natural conditions, one can
give representations of positive polynomials defined on a Hilbert space H
where appear squares of rational fractions with specified denominators and
the norm of powers of S(where Sis the unilateral shift on H). We generalize
some recent results using functional analysis methods in finite dimensional
case.
KEYWORDS:Polynomial representation, semialgebraic sets, positive polynomials,
sums of squares.
MSC (2000): 26C05, 26C15, 47A13, 14P10.
INTRODUCTION
À la fin du XIXème siècle, Hilbert prouve l’existence de polynômes stricte-
ment positifs qui ne peuvent s’écrire comme somme de carrés de polynômes (ceci
dès que le nombre de variables est supérieur ou égal à 2). Des exemples ex-
plicites seront donnés dans la seconde moitié du XXème siècle par T.S. Motzkin,
R.M. Robinson ou K. Schmüdgen (voir respectivement [12], [19] et [20]). Le poly-
nôme P(x,y) = x2y2(x2+y21) + 1 [12] en est une illustration. En 1900, Hilbert
pose alors la question suivante : tout polynôme de R[x1, . . . , xn]positif sur tout Rn
peut-il s’écrire comme somme de carrés de fractions rationnelles ? C’est le 17ème
problème de Hilbert. En 1927, E. Artin [2] répond par l’affirmative en n’imposant
aucune condition sur la forme des dénominateurs. On peut aussi consulter [4] sur
le sujet. Plus récemment, par des méthodes d’analyse fonctionnelle, G. Cassier [6]
s’est intéressé à la représentation polynomiale (mais non sous la forme de somme
de carrés) de polynômes strictement positifs sur un compact d’intérieur non vide
(on peut également consulter [22] pour le cas des compacts semi-algébriques, et
[14] pour des idées similaires). La représentation des polynômes strictement posi-
tifs sur des compacts semi-algébriques, en somme de carrés de polynômes, a été
274 O. DEMANZE AND A. MOUZE
étudiée par M. Putinar et F.-H. Vasilescu ([13] ou [15]) et aussi par K. Schmüd-
gen [21]. Dans [16], les auteurs montrent aussi que les polynômes positifs sur
des ensembles non bornés de Rnse décomposent, sous de bonnes conditions, en
somme de carrés de fractions rationnelles avec des dénominateurs de la forme
(1+x2
1+· · · +x2
n)m. Il s’agit ici d’une particularisation du résultat d’Artin. La
méthode utilisée, basée sur la transformation de Gelfand et Naimark, a permis
d’obtenir des décompositions avec d’autres types de dénominateurs [7] ou des
résultats analogues dans le cas opératoriel [1]. On peut aussi consulter [8].
Dans cet article, on considère Hun espace de Hilbert séparable muni d’une
base orthonormale (ei)i>1. On note k ∗ k sa norme hilbertienne. Pour tout élément
xde H, on note (xi)i>1ses coordonnées dans la base (ei)i>1. On définit aussi des
normes de Hölder k ∗ kjsur cet espace, pour tout entier j=2p,
x∈ H,kxkj=+
i=1
x2j
i1/2j
<+.
On a donc, pour p=0, k∗k1=k∗k. Le but est d’étudier le cas où les polynômes
sont définis sur l’espace H, c’est-à-dire les polynômes en une infinité de variables.
On reporte le lecteur à la section 1 pour la définition et les propriétés essentielles.
De manière analogue à [16], on cherche des représentations des polynômes posi-
tifs Psous formes de carrés de fractions rationnelles ayant des dénominateurs uni-
versels de la forme
(1+kxk2j
j)k,kZ+.
On obtient ainsi, sous de bonnes conditions, l’existence d’un entier naturel itel
que l’on ait la décomposition
(0.1) P(x) =
l
k=1Qk(x)
(1+kxk2j
j)mk2+kSixk2j
j
u
k=1Rk(x)
(1+kxk2j
j)nk2,
mket nksont des entiers, Qket Rkdes polynômes sur Het Sl’adjoint du
shift unilatéral sur H. C’est le théorème 4.3. On peut comparer ce résultat à la dé-
composition des polynômes positifs en un nombre fini de variables obtenue dans
[16]. La méthode employée est d’ailleurs similaire. Elle est explicitée dans la sec-
tion 2. Comme conséquence, on prouve, en particulier, la densité de l’ensemble
des polynômes qui peuvent se décomposer comme dans (0.1) dans l’ensemble
des polynômes positifs sur H. On reporte le lecteur à la section 5. Des corol-
laires sur la décomposition de polynômes positifs sur des ensembles de type
semi-algébriques sont également donnés dans la section 6. On précise d’abord
la notion de polynômes sur un espace vectoriel.
DÉCOMPOSITION DE POLYNÔMES POSITIFS 275
1. POLYNÔMES SUR UN ESPACE VECTORIEL NORMÉ
On rappelle dans ce paragraphe des outils essentiels pour la suite. Dans
tout ce travail, on identifie polynôme et fonction polynomiale. On renvoie à [5]
ou [17] pour une étude plus précise. On dit que Pest un polynôme homogène de
degré nsur Hs’il existe une forme n-linéaire symétrique φsur Hntelle que l’on
ait
P(x) = φ(x,x, . . . , x),x∈ H.
Dans ces conditions, φest unique et se calcule par
φ(x1, . . . , xn) = 1
n!xn· · · x1P,
où l’on a posé, pour x,y∈ H,
xP(y) = 1
2(P(y+x)P(yx)).
Tout polynôme Ps’écrit donc
P=P0+P1+· · · +Pn,
où, pour tout i=0, . . . , n,Piest un polynôme homogène de degré iet nest le
degré de P(que l’on note deg(P)). On note φiles formes multilinéaires associées
àPi. On a alors les équivalences suivantes.
PROPOSITION 1.1. ([5]) Les conditions suivantes sont équivalentes:
(i) φ0, . . . , φnsont des applications continues;
(ii) le polynôme P est une application continue;
(iii) P est continue à l’origine;
(iv) pour tout r >0, kP(x)kest bornée sur la boule kxk6r.
Dans toute la suite, on s’intéresse aux polynômes continus sur H. Tout
polynôme P(x) = φ(x, . . . , x)homogène de degré jse décompose formellement
de la manière suivante
P(x) =
I=(i1,...,ij),ikN
cIxI,
en notant xI=xi1· · · xijet cI=φ(ei1, . . . , eij).
LEMME 1.2. Soit P(x) = φ(x, . . . , x)un polynôme continu homogène de degré j
sur H.Alors on a
sup
(i1,...,ij)
|φ(ei1, . . . , eij)|<+.
Preuve. Il est bien connu [5] qu’il existe une constante A>0 telle que, pour
tout polynôme homogène Q(t) =
INnqItIde degré jen la variable tCn, on ait
(1.1) Ajsup
INn
|qI|6sup
|t|=1
|Q(t)|.
276 O. DEMANZE AND A. MOUZE
Comme Pest continu, on a, d’après la proposition 1.1, sup
kxk=1
|P(x)|<+. Si on
suppose sup
(i1,...,ij)
|φ(ei1, . . . , eij)|non fini, on peut donc trouver une suite de coeffi-
cients φ(ei1, . . . , eij)qui tend vers l’infini. Quitte alors à faire des projections sur j
variables choisies en fonction des termes de la suite, on obtient alors, en utilisant
l’inégalité (1.1), des polynômes homogènes de degré jen jvariables qui satisfont,
pour tous les coefficients φ(ei1, . . . , eij)de la suite extraite, l’inégalité
|φ(ei1, . . . , eij)|6Ajsup
kxk=1
|P(x)|,
ce qui donne une contradiction.
2. PRÉSENTATION DU PROBLÈME
2.1. DÉFINITIONS. (i) On définit Fjcomme le cône positif engendré par les carrés
de fractions rationnelles ayant des dénominateurs de la forme (1+kxk2j
j)k,(k
Z+). On introduit alors les ensembles Cjdéfinis de la manière suivante
Cj={f(x) + kxk2j
jg(x);f,g∈ Fj}.
Il est facile de voir que les ensembles Cjsont également des cônes positifs. Il faut
aussi remarquer que les kxk2j
jsont bien des polynômes positifs sur H, mais ils
ne peuvent s’écrire comme somme (finie) de carrés de polynômes. On le justifie
pour j=1. Sinon, on a la décomposition
(2.1) kxk2=
n
k=1
P2
k(x),
où, pour k=1, . . . , n, le terme Pkest, par identification, un polynôme homogène
de degré 1. Le polynôme Pkest donc, par définition, une forme linéaire continue
sur H. On a donc, pour tout k=1, . . . , n,
Pk(x) =
+
j=1
Pk(ej)xj,
avec, par dualité, (Pk(ej))j>1élément de H. On en déduit
+
j=1
P2
k(ej)<+.
En utilisant la relation (2.1), on a aussi
n
k=1
P2
k(ej) = 1,
ce qui donne une contradiction (via Fubini) avec l’inégalité précédente.
DÉCOMPOSITION DE POLYNÔMES POSITIFS 277
Cela constitue une différence majeure entre la dimension finie et le cadre
hilbertien. Dans le cas d’un nombre fini de variables, Cjn’est autre que Fj.
(ii) On introduit l’espace Ecomme l’ensemble des fractions rationnelles bor-
nées et on pose
Cj,+=Cj∩ E,Fj,+=Fj∩ E,
et E+comme étant la C-algèbre engendrée par les éléments de (Fj,+− Fj,+). Dans
toute la suite, on impose x0=1. On note itout multi-indice (i1, . . . , i2j)de Z2j
+. On
note alors Ψ(j)((Cj,+− Cj,+)N2j)l’application de l’espace Hdans RN2jdéfinie
par
Ψ(j)(x) = xi1· · · xi2j
1+kxk2j
ji1,...,i2jZ+
= (Ψ(j)
i(x))i1,...,i2jZ+.
C’est-à-dire, E+est la C-algèbre générée par les (Ψ(j)
i).
(iii) On rappelle aussi la transformation due à I.M. Gelfand et M.A. Naimark
sur des formes semi-définies positives (voir [11], [10] et [16]).
Soit Aune algèbre, sur C, de fonctions à valeurs complexes définies sur un espace
vectoriel X, vérifiant les propriétés suivantes
1∈ A;
si f∈ A, alors f∈ A.
Soit ϕune forme linéaire semi-définie positive sur Adans C, c’est à dire vérifiant
ϕ(f f )>0, f∈ A.
Si la forme ϕn’est pas identiquement nulle, on a nécessairement ϕ(1)>0 et on
peut associer à la paire (A,ϕ)un espace préhilbertien. Il suffit en effet de poser
N={f∈ A :ϕ(f f ) = 0}.
Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, Nest un idéal bilatère. Par conséquent, on
peut définir le quotient A/Nqui est un A-module. En fait, on attache à ce quo-
tient A/Nun produit scalaire en posant
hf+N,g+N iϕ=ϕ(f g),(f,g)∈ A2.
On définit alors k ∗ kϕla norme associée au produit scalaire précédent. Pour plus
de détails, on peut consulter [9], [10]. Dans toute la suite, on note Hϕle complété
de A/N.Hϕest donc un espace de Hilbert.
(iv) Soit ϕune forme linéaire sur E+, semi-définie positive. Soit Hϕl’espace de
Hilbert associé à ϕpar la transformation de Gelfand-Naimark. Pour tout multi-
indice ade Z2j
+, on définit les opérateurs Vjet Tade multiplication sur E+/Npar,
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