K. GOLDSTEIN. — ANALYSE DE L'APHASIE ET ESSENCE DU LANGAGE 431
des phénomènes normaux : ce qui est arrivé plus d'une fois ; je rappellerai
seulement l'exemple des « schémas du langage » : cette conception fondée sur
des données pathologiques, a contribué très notablement à renforcer
l'associationnisme en psychologie et à étayer la théorie qui fait de la vie
psychique une somme de fonctions isolées se caractérisant à la manière des
représentations ; on sait que ces vues ont été reconnues comme erronées dans
une large mesure. Mais l'influence funeste de la pathologie sur l'étude des faits
normaux tient moins à l'emploi même d'observations pathologiques qu'à
l'analyse incomplète de ces faits et à l'erreur de méthode qui consiste à
transférer des conceptions d'un domaine dans l'autre sans égard aux
particularités des deux. Si l'on tient compte de ces particularités, on pourra
sans aucun danger tirer parti de leur étude comparée1. S'il est vrai que les
phénomènes pathologiques sont des modifications régulières de faits normaux
—et personne n'en doute plus guère de nos jours —, on ne pourra tirer des
premiers des conclusions relatives aux seconds que si l'on a découvert les lois
de ces modifications. Il sera pour cela nécessaire tout d'abord de ne pas partir
de faits détachés, interprétés isolément, comme on- l'a fait trop souvent, mais
de commencer par observer et par comprendre le phénomène pathologique lui-
même comme un symptôme révélateur de la structure modifiée de la
personnalité du malade. Même chez le sujet normal, le moindre phénomène
particulier — un mot prononcé, un geste de la main, une manifestation du
sentiment--n'est intelligible que si l'on peut l'intégrer dans la
personnalité totale de l'individu. Mais là on peut à la rigueur appliquer dans
l'observation une sorte de norme moyenne. Il en est tout autrement dès qu'il
s'agit d'un malade, ou du moins il ne faut alors user de cette norme que dans de
strictes limites. Bien que l'on puisse observer certaines modifications
génériques du comportement, reconnaissables chez tous les hommes, ou du
moins chez les hommes d'une même sorte. d'une même couche sociale, etc., il
sera nécessaire, si l'on veut comprendre sans équivoque possible le phénomène
pathologique, de
1. Cf Goldstein. Lokalisation in der Grosshirnrinde. In : Handbuch der nor-malen n.
pathologischen Physiologie. Berlin. Springer. t. X, p. 626 sq., et Beo-bacht über d. Veränderungen
bei Gehirnschadigung, Mon. f. Psychiatrie u. Neurologie, 1928, t. LXVIII : A. GELB, Bericht über d.
IX. Psycholog. Congr., 1925, léna, Fischer, 1926, p. 24.