Chapitre 5
Séries Entières
Étant données une suite (an)nNet un complexe z, on peut s’intéresser à la série ((anzn))nN.
Ceci définit un type particulier de série de fonctions, qu’on appelle série entière. Ce chapitre s’in-
téresse aux propriétés élémentaires de ces séries.
Dans tout ce qui suit, on adopte la notation suivante : si nN?, on note Xnla fonction
Xn:CC
z7−zn
et X0est la fonction constante égale à 1 sur C. Autrement dit, Xnest la fonction polynomiale asso-
ciée au polynôme Xndans C[X].
Implicitement, Cest normé par le module et si r>0 et aC, on note
D(a,r) la boule ouverte de centre aet de rayon r;
D(a,r) la boule fermée de centre aet de rayon r;
C(a,r) le cercle de centre aet de rayon r.
D(a,r)={zC| |za|<r}D(a,r)={zC| |za|6r}C(a,r)={zC| |za|=r}
5.1 Rayon de convergence
Tout commence par un lemme.
Lemme 5.1.1 (Lemme d’Abel)
Soient (an)nNune suite de nombres complexes et R>0tels que la suite (anRn)nNest bornée. Alors
pour tout r ]0; R[, la série ((anXn))nNconverge normalement dans D(0,r).
Preuve : La suite (anRn)nNest bornée donc il existe M >0 tel que
nN|an|Rn6M
Alors zD(a,r)|anzn|6|an|rn=|an|Rn³r
R´n6M³r
R´n
Comme 0 <r
R<1, la série ¡¡rn
Rn¢¢nNconverge et on a convergence normale de ((anXn))nNdans
le disque D(a,r).
1
Mathématiques Spéciales SÉRIES ENTIÈRES
Corollaire 5.1.2
Soit (an)nNune suite de nombres complexes. On pose
Ac={r>0|((anrn))nNconverge absolument} A0={r>0|lim
n→∞anrn=0}
et Ab={r>0|(anrn)nNest bornée}
Alors SupAc=SupA0=SupAb.
On rappelle que, par convention, l’ensemble vide a un supremum, qui est −∞; et un en-
semble non majoré a pour supremum +∞.
Preuve : Il est clair que AcA0Abet que 0 Ac. On note Rc, R0et Rbles suprema respectifs de
ces ensembles ; on a d’ores-et-déjà 0 6Rc6R06Rb.
Du coup, si Ab={0}, les deux autres ensembles sont aussi {0}. Réciproquement, si Ab6= {0},
il contient un R >0 et le lemme d’Abel assure que ]0; R[Ac. Donc Acet Abne sont pas {0}. Donc
Ab={0} A0={0} Ac={0}
En particulier, si Ac={0}, alors Rb=R0=Rc=0.
Supposons maintenant que Ac6= {0}. Les deux autres ensembles ne sont pas {0} et l’on a alors
0<Rc6R06Rb6+∞. Considérons deux cas :
Si Abn’est pas majoré : Soit M >0 ; il existe R Abtel que R >M. D’après le lemme d’Abel,
MAc. Donc Ac=R?
+et il s’ensuit que A0et Absont aussi égaux à R?
+d’où Rc=R0=Rb=+∞.
Si Abest majoré : Alors Rc, R0et Rbsont des réels positifs. On fixe ε>0 ; il existe R Abtel que
Rbε<R6Rb. D’après le lemme d’Abel, Rbεse trouve dans Ac, ce qui assure Rc>Rbε.
Comme εétait quelconque, on a bien Rb=Rc. Et il s’ensuit que Rb=Rc=R0.
Il ne faut pas faire dire n’importe quoi à ce théorème : il ne dit certainement pas que les
ensembles Ab, Acet A0sont égaux. Seuls leurs suprema sont égaux, ce qui n’est pas du tout
la même chose.
Par exemple, prenons pour (an)nNla suite constante égale à 1. Alors
Ab=[0; 1] A0=[0; 1[ Ac=[0; 1[
Définition 5.1.3 (Rayon de convergence)
Soit (an)nNune suite à valeurs dans C. On appelle rayon de convergence de la série entière
((anXn))nNle réel
Rc=Sup{r>0|((anrn))nNconverge absolument}
On appelle disque ouvert de convergence de la série entière ((anXn))nNle disque D(0,Rc).
Proposition 5.1.4 (Propriété fondamentale du rayon de convergence)
Soit ((anXn))nNune série entière de rayon de convergence Rcnon nul. Elle converge normalement
dans tout compact inclus dans D(0,Rc).
Preuve : C’est une conséquence immédiate du lemme d’Abel. En effet, si K D(0,Rc) est un com-
pact, il est non vide et borné. Notons
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Mathématiques Spéciales SÉRIES ENTIÈRES
r=Sup{|z| | zK}
Comme K est compact et le module est continu sur K, on sait que ce sup est en fait un max.
Donc il existe z0K tel que |z0|=r. Mais K D(0,Rc) donc r<Rc.
D’après la définition du rayon de convergence, il existe R Actel que r<R<Rcet l’on a :
zKnN|anzn|6|an|rn6|an|Rn
Or, la série ((anRn))nNconverge absolument, donc ((anXn))nNconverge normalement dans K.
Définition 5.1.5 (Somme d’une série entière)
Soit (an)nNune suite à valeurs complexes, telle que la série entière associée a un rayon de conver-
gence Rcnon nul. On appelle somme de la série entière ((anXn))nNla fonction définie par
zD(0,Rc)f(z)=
P
n=0anzn
La proposition 1.4 assure que cette définition est bien posée, puisque la série entière ((anXn))nN
converge (normalement) dans le compact D(0,R) pour tout R <Rc. On en déduit aussi immédia-
tement le
Théorème 5.1.6 (Continuité de la somme d’une série entière)
La somme d’une série entière de rayon de convergence Rc>0est continue dans son disque ouvert de
convergence.
Ainsi, si ((anXn))nNest une série entière de rayon de convergence Rc>0, de somme f,
aD(0,Rc) lim
zaf(z)=f(a)
ou encore aD(0,Rc) lim
zalim
N→∞
N
P
n=0anzn=lim
N→∞
N
P
n=0anan
Exemple 5.1.7
Observons aussi qu’on n’a en général aucune information sur ce qu’il se passe au bord du disque ouvert de
convergence. Plus précisément, on a
D(0,Rc){zC|((anzn))nNconverge}
Il peut y avoir égalité ; l’inclusion peut être stricte. Tout peut arriver.
1. On reprend l’exemple de la suite définie par
nNan=1
On sait que son rayon est égal à 1. Mais que pour tout zC(0,1), la série ((zn))nNdiverge, puisque
son terme général ne tend pas vers 0.
2. En revanche, considérons la suite
nNan=1
n+1
Soit r>0 ; la suite ((anrn))nNest bornée si, et seulement si r61. Donc le rayon de convergence de
la série entière ((anXn))nNest 1 et le disque de convergence est D(0,1). Essayons d’étudier ce qui se
passe au bord.
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Mathématiques Spéciales SÉRIES ENTIÈRES
On sait que la série harmonique ((an))nNdiverge, ce qui correspond au cas z=1.
Maintenant, si zCavec |z|=1 et z6=1, posons
nNSn=
n
P
k=0zk=1zn+1
1z
de sorte que nN|Sn|62
|1z|
On fait une transformation d’Abel : si net psont deux entiers,
n+p
P
k=n+1akzk=
n+p
P
k=n+1ak(SkSk1)=
n+p
P
k=n+1akSk
n+p
P
k=n+1akSk1=
n+p
P
k=n+1akSk
n+p1
P
k=n
ak+1Sk
=
n+p1
P
k=n+1(akak+1)Sk+an+pSn+pan+1Sn
d’où ¯
¯
¯
n+p
P
k=n+1akzk¯
¯
¯62
|1z|³n+p1
P
k=n+1|akak+1|+|an+p|+|an+1|´
Tous calculs faits, en remplaçant les (ak)kNpar leurs valeurs,
¯
¯
¯
n+p
P
k=n+1akzk¯
¯
¯64
|1z|
1
n+2
Le critère de Cauchy assure alors que ((anzn))nNconverge.
Ainsi, la série entière ((anXn))nNconverge sur D(0,1) \ {1} ; mais son disque de convergence est
D(0,1).
Terminons par donner quelques méthodes de calcul du rayon de convergence, à l’aide des
résultats élémentaires qui viennent d’être établis. On se donne une série entière ((anXn))nNde
rayon de convergence Rcqu’on cherche à estimer. Les trois remarques suivantes sont des consé-
quences immédiates de la définition :
Si on trouve un z0Ctel que la suite (anzn
0)nNest bornée, alors Rc>|z0|.
Si on trouve un z0Ctel que la suite (anzn
0)nNtend vers 0, alors Rc>|z0|.
Si on trouve un z0Ctel que la série ((anzn
0))nNconverge, alors Rc>|z0|.
La règle de d’Alembert peut être aussi utilisée pour calculer un rayon de convergence :
Proposition 5.1.8
Soit (an)nNune suite complexe qui ne s’annule pas à partir d’un certain rang. On note Rcle rayon
de convergence de la série entière ((anXn))nN. Si la suite ¡¯
¯an+1
an¯
¯¢nNconverge vers une limite RR,
alors Rc=1
R.
Preuve : Soit rR?
+; soit N N, tel que (an)n>Nne s’annule pas. On a
n>N¯
¯
¯
an+1rn+1
anrn¯
¯
¯=¯
¯
¯
an+1
an¯
¯
¯r
n→∞ Rr
Si R = +∞, alors la série ((anrn))nNne converge pas absolument ; l’ensemble Acest réduit
à {0} et Rc=0=1
.
Si R =0+, la série ((anrn))nNconverge absolument ; rétait quelconque strictement positif,
donc Ac=R+et Rc=+∞= 1
0+.
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Mathématiques Spéciales SÉRIES ENTIÈRES
Si R est fini non nul, d’après la règle de d’Alembert, la série ((anrn))nNconverge absolument
si r<1
R. Donc [0; 1
R[Acce qui assure Rc>1
R.
Mais si r>1
R, la règle de d’Alembert assure encore que ((anrn))nNne converge pas absolu-
ment ; autrement dit, ] 1
R;+∞[Ac
c, ou encore Ac[0; 1
R]. D’où Rc61
R.
5.2 Opérations sur les séries entières
Le théorème suivant est une conséquence immédiate des résultats démontrés sur les séries
numériques.
Proposition 5.2.1
Soient (an))nNet (bn)nNdeux suites de nombres complexes. On pose
nNsn=an+bnet pn=
n
P
k=0akbnk=
n
P
k=0ankbk
On note enfin Ra
c,Rb
c,Rs
cet Rp
cles rayons de convergence des séries entières associées. Alors
1. Rs
c>Min(Ra
c,Rb
c)et
zC|z|<Min(Ra
c,Rb
c)
P
n=0snzn=
P
n=0anzn+
P
n=0bnzn
2. Rp
c>Min(Ra
c,Rb
c)et
zC|z|<Min(Ra
c,Rb
c)
P
n=0pnzn=³
P
n=0anzn´³
P
n=0bnzn´
À nouveau, il faut suivre ce théorème à la lettre. Il ne dit certainement pas que Rs
cest
le Min(Ra
c,Rb
c) ; par exemple, si l’on fixe la suite aet qu’on choisit b= −a, alors Rs
c= +∞,
indépendamment de la valeur de Ra
c.
C’est dû au fait, déjà évoqué dans le cours sur les séries numériques, que la somme de
deux suites divergentes peut parfaitement converger.
Une série entière peut se dériver terme-à-terme dans son intervalle ouvert des convergence :
Théorème 5.2.2 (Théorème de dérivation)
Soit (an)nNune suite complexe. On note f la somme de la série entière ((anXn))nNet Rcson rayon
de convergence, supposé non nul. Alors la série entière (((n+1)an+1Xn))nNa aussi pour rayon de
convergence Rc; de plus, f est dérivable sur ]Rc; Rc[et
x]Rc; Rc[f0(x)=
P
n=0(n+1)an+1xn=
P
n=1n anxn1
Preuve : On note R0
cle rayon de convergence de la série entière (((n+1)an+1Xn))nN.
Soit rR+tel que la suite ((n+1)an+1rn)nNest bornée ; soit M >0 tel que
nN?|nanrn1|6M
Alors nN?|anrn|6|nanrn|6Mr
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