LES COULEURS DES ATOMES La structure atomique La lumière émise par des atomes est constituée de raies de couleurs distinctes : à partir de cette observation orsqu’on envoie la lumière du jour à travers un prisme, on obtient un éventail continu de couleurs, un «spectre», dont l’arc-en-ciel est un exemple. Un tel spectre continu est caractéristique d’un objet chaud, tel que le Soleil, le filament incandescent d’une lampe ou encore un métal «chauffé à blanc». Au contraire, quand on enregistre le spectre de la lumière émise par un gaz pur raréfié (excité, par exemple, par une décharge de courant électrique), on observe une série de raies lumineuses sur fond noir, chaque raie possédant une longueur d’onde précise (voir la figure). Quand on fait passer de la lumière blanche à travers le gaz, les mêmes longueurs d’onde discrètes sont absorbées. Des éléments atomiques distincts produisent des spectres différents, si bien que le spectre atomique caractérise un élément. Ainsi, c’est en observant le spectre d’émission d’une étoile que l’on détermine, à distance, sa composition chimique. Le plus simple des atomes est l’hydrogène, car il est fait d’un électron unique et d’un noyau qui ne comprend qu’un pro- L 400 nm 500 nm FONDA ITE M RB E TAL EN O s’est érigée la mécanique quantique. NOYAU ton. La raie la plus évidente (dénommée Balmer-alpha) OR de l’hydrogène ÉE BIT E E X CIT atomique fut détectée en 1853 par Anders Jonas Angström. En 1881, Sir William Huggins, travaillant sur les premières photographies de spectres stellaires, identifia dix raies d’émission de l’hydrogène atomique. Ces raies sont situées entre la région rouge et le proche ultraviolet. Les deux premières raies sont loin l’une de l’autre, mais les suivantes sont plus rapprochées. En étudiant ces résultats astronomiques, Johann Balmer découvrit, en 1885, qu’il pouvait représenter la position de toutes les raies connues par une formule empirique simple, faisant intervenir des nombres entiers. Depuis, l’ensemble de ces raies est dénommé série de Balmer. Un autre groupe de raies, la série Lyman, est situé dans l’ultraviolet lointain, et il existe d’autres séries de raies à des longueurs d’onde plus grandes. 600 nm 700 nm 1 δ γ β α 2 3 4 Le spectre de la lumière blanche (1) contient toutes les longueurs d’onde visibles. Les spectres d’émission de l’atome d’hydrogène (un électron, en 2) et de l’atome d’hélium (deux électrons, en 3) sont des séries de raies colorées sur un fond noir correspondant à une absence de lumière : ces raies sont émises par les électrons lorsque ceux-ci passent d’une orbite excitée à une orbite d’énergie inférieure, et leur longueur d’onde dépend de la différence d’énergie de ces deux orbites. Pour l’hydrogène, on a représenté la série de Balmer : alpha, bêta, gamma et delta. Pour le spectre d’absorption de l’hydrogène (4), les longueurs d’onde absorbées (raies noires) sont égales aux longueurs d’onde émises : cette fois, les électrons absorbent l’énergie lumineuse pour passer d’un état à un autre, d’énergie supérieure. 42 Que nous apprennent les spectres atomiques? Ils prouvent que la quantité d’énergie nécessaire à l’excitation d’un atome ne peut pas prendre des valeurs quelconques : elle est quantifiée. Cette idée, qui est à la base de la mécanique quantique, ne s’est pas imposée d’un coup. En 1910, Ernest Rutherford démontre que l’atome n’est pas un corps solide, mais se compose d’un noyau chargé positivement, petit et dense, et d’un certain nombre d’électrons, chargés négativement, qui «gravitent» autour du premier. Toutefois un tel modèle «planétaire» de l’atome ne peut fonctionner : contrairement aux planètes, les électrons possèdent une charge électrique et, s’ils sont en mouvement, ils doivent perdre leur énergie en émettant un rayonnement et tomber sur le noyau. Pour éviter ce paradoxe, en 1911, Niels Bohr propose de nouvelles lois physiques valables à l’intérieur de l’atome : les électrons voyagent sur des orbites stationnaires, de rayons bien définis ; l’énergie de l’électron est donc quantifiée. La lumière n’est émise ou absorbée que lorsqu’un électron passe d’une orbite stationnaire à une autre, et la longueur d’onde de la lumière est déterminée par la différence d’énergie entre les deux orbites. Pour l’atome d’hydrogène, Bohr a ainsi retrouvé la formule de Balmer, en exprimant le rayon de l’orbite fondamentale en fonction des grandeurs caractéristiques de l’électron : sa masse et sa charge. L’atome de Bohr (voir la figure ci-dessus) constitue un grand progrès par rapport aux théories antérieures, mais il faut bientôt l’améliorer pour expliquer la structure fine du spectre de l’atome d’hydrogène ; en particulier, la raie Balmer-alpha se dédouble en deux composantes. Bohr a d’abord proposé que l’orbite de l’électron soit non pas circulaire, mais elliptique. Puis, indépendamment, Erwin Schrödinger et Werner Heisenberg ont établi qu’on ne peut pas définir avec précision de mouvement de l’électron : il faut le décrire en termes de probabilités, et les orbites deviennent des «densité de probabilité de présence». Au fil des années, la résolution des spectres atomiques a augmenté, et il a fallu améliorer la théorie quantique pour rendre compte de nouvelles raies. C’est ainsi que l’on a introduit le spin de l’électron – un moment angulaire intrinsèque –, des effets relativistes et des effets de «fluctuation du vide» du champ électromagnétique ; cette dernière idée a engendré l’électrodynamique quantique. La couleur des spectres atomiques est riche d’enseignements… ■ © POUR LA SCIENCE