ARTICLE Progrès en Urologie (1998), 8, 507-510 ORIGINAL Le traitement des fistules colo-vésicales en un seul temps opératoire Rabi TIGUERT, Edward L. GHEILER, Marcos V. TEFILLI, David P. WOOD Jr., José EDSON PONTES Département d’Urologie, Wayne State University, Detroit, Michigan, USA dérivation t emporaire, rétablissement de la continuité) a été adopté. Depuis le début des années 1950, pl usieurs auteurs rapportent les excellents résul tats obtenus en une seul e intervention pour traiter les FCV (colectomie, anastomose colo-colique i mmédi ate sans colostomie de décharge). Puisque les FCV ne sont pas une urgence chirurgicale, le patient peut être opéré à froid. Le contrôle de l’état septique par les anti biotiques, le drainage per-cutané des abcès intra-abdominaux sous contrôle tomodensitométrique ou échographique, la préparation colique, les progrès de la chirurgie et la modernisation des servi ces de réanimation permettent de nos jours de traiter les FCV en un temps opératoire chez des patients sélectionnés. Le but de cette étude est d’évaluer les indications et les résultats de cette technique, ainsi que les paramètres qui permet tent de réduire les délais de diagnosti c. RESUME Buts : Evaluer les résultats des fistules colo-vésicales traitées en un seul temps opératoire. Matériels et Méthodes : 24 patients dont 16 hommes et 8 femmes ont été traités pour fistule colo-vésicale en un seul temps opératoire. La maladie diverticulaire du sigmoïde représentait l’étiologie la plus fréquente. Dans notre étude la cystoscopie fut le moyen le plus utile pour diagnostiquer la fistule Résultats : Aucun décès n’est survenu et aucune fistule n’a récidivé. Néanmoins une péritonite secondaire à la désunion de l’anastomose colo-colique chez un patient atteint de la maladie de Crohn et deux abcès de paroi chez des patients diabétiques sont apparus. MATERIEL ET METHODES Conclusion : Le taux de morbidité et de mortalité après traitement des fistules colo-vésicales en un seul temps est peu élevé. Cette méthode non seulement donne une meilleure qualité de vie au patient, mais permet aussi une économie d’argent en évitant une deuxième hospitalisation. Elle peut être proposée de première intention. Patients Les dossiers de 24 patients opérés en un temps au Centre Médical de Détroit pour FCV entre juillet 1986 et décembre 1996, ont été sélectionnés pour étudier les données cliniques, radiologiques et anatomo-pathologiques. Mots clés : Fistule colo-vésicale, diverticulose colique, traite ment chirurgical. Examen tomodensitométrique Un scanner abdomino-pelvien était prat iqué chez 20 patients. L’examen consistait à administrer 720 ml d’Hypaque® (3% Meglumine diatrizoate) per os 2 heures avant et 150 ml en intra-rectal au début de l’examen pour mieux opacifier le côlon sigmoïde. L’injecti on intra-veineuse de produit de contraste était proscrite car son excrétion opacifierait la vessie et ainsi donnerait de faux résultat s. L’examen doit précéder toute manoeuvre instrumentale sur l a vessie pour ne pas introduire de l ’air. Les signes tomodensitométriques de FCV sont soit directs en opacifiant le traj et, soit indirects t els que la présence d’air dans la vessie, l’épaississement des parois vésicale et colique. Progrès en Urologie (1998), 8, 507-510. Les fistules colo-vésicales (FCV) sont souvent secondaires aux maladies inflammatoires et tumorales du côlon et/ou de la vessie. La diverticulose sigmoïdienne en est la cause la plus fréquente et représente 40 à 78% des étiologies de la FCV [10, 15]. Une FCV constituée ne guérit pas spontanément ni avec un trait ement médical. L’indication du traitement chirurgical est formelle, mais rarement urgente. L’un des premiers traitements, preconisé par BORRIER de M ELLE en 1843 pour la FCV, consistait à effectuer une colostomi e de décharge (K IRSH, [9]). Le traitement classique en trois temps (colostomie, colectomie, fermeture de la colostomie) a été popularisé dans les années 1930 [11]. Puisque la colost omie seule ne met pas à l ’abri des complications infectieuses, le traitement en 2 temps (colectomie avec Manuscrit reçu : janvier 1998, accepté : mars 1998. Adresse pour correspondance : Pr. J. Edson Pontes, Department of Urology, Wayne State University, 4160 John R, suite 1017, Detroit MI 48201, USA. 507 R. Tiguert et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 507-510 Technique chirurgicale Tableau 1. Symptômes cliniques présentés par les 24 patients. Toutes les FCV ont été opérées à froid. En cas de diverticulite avec septicémie, l’antibiothérapie a permis d’obtenir une pyrexie et une évolution clinique favorable. La FCV a été traitée ultérieurement après résolution des phénomènes septiques. Les préparatifs du patient pour l’opération comprenaient d’une part une préparation colique à base de 4 litres de Colopeg® à prendre par la bouche la veille de l’intervention et d’autre part une triple antibiothérapie de couverture pendant 48 heures comportant : céphalosporine de 3ème génération, un aminoside et Flagyl®. Symptômes Nombre de cas Pourcentage Pneumaturie Fécalurie 19 13 79% 54% Dysurie Cystite à répétition 12 10 50% 42% Douleurs abdominales Hématurie macroscopique 7 6 29% 25% Septicémie Masse abodminale 4 3 17% 12,5% Perte d’urine par l’anus 3 12,5% L’abord chirurgical se faisait par une médiane. L’intervention commençait par la libération du côlon malade qui était réséqué. La présence d’abcès intrapéritonéaux n’était pas une contre-indication pour effectuer une anastomose colo-colique immédiate tant que le patient était sous couverture antibiotique. Pour obtenir une anastomose colo-colique satisfaisante certains critères devaient être réunis : les 2 extrémités coliques devaient être bien vascularisées, indemnes de toute affection inflammatoire ou tumorale et venir au contact sans la moindre tension. Le trajet fistuleux était réséqué chaque fois qu’il était visible, sinon l’ouverture de la vessie permettait de repérer l’orifice fistuleux siégeant le plus souvent dans une zone inflammatoire et de faire une résection complète de la zone inflammatoire. La cystotomie était fermée en 2 plans. Une sonde vésicale était laissée en place pendant une semaine. Une cystographie de contrôle était pratiquée pour s’assurer de l’étanchéité de la vessie avant l’ablation de la sonde vésicale. Tableau 2. Résultats des examens complémentaires. Examens complémentaires Contributifs/Réalisés Pourcentage Cystoscopie Positive Suspecte 13/24 21/24 54% 87% Scanner Positif Suspect 5/20 18/20 20% 90% Lavement baryté 8/21 38% Colonoscopie 1/16 6% Cystographie 8/16 50% ASP 3/24 12,5% UIV 0/3 Les complications survenues étaient limitées à 2 abcès de paroi chez des patients diabétiques et une péritonite secondaire à une fuite de l’anastomose colo-colique chez un patient atteint de la maladie de Crohn. Par ailleurs, aucun décès n’est survenu et aucune fistule n’a récidivé. Les abcès de paroi ont été traités symptomatiquement par irrigation et lavage à la bétadine. Quant à la fuite anastomotique, une reprise opératoire avec colostomie de décharge a été nécessaire avec rétablissement secondaire de la continuité colique. RESULTATS L’étude comprend 16 hommes et 8 femmes (sex ratio : 2/1). L’âge moyen, au moment de l’intervention, était pour les hommes de 59,6 ans (extrêmes 31-74 ans) et pour les femmes de 70,1 ans (extrêmes 35-84 ans). La pneumaturie était présente chez 19 (79%) et la fécalurie chez 13 (54%) patients. La cystite récidivante et la dysurie ont été retrouvées respectivement chez 10 (42%) et 12 (50%) patients. Le Tableau 1 résume les signes cliniques présentés par nos patients. La durée moyenne d’hospitalisation était 13,2 jours (extrêmes 6-24 jours). La FCV était secondaire à une diverticulose colique chez 17 (72%) patients, à un cancer colique chez 2 (8%), à la maladie de Crohn chez 2 (8%), à des lésions uro-génitales chez 2 (8%) et à la suite d’une radiothérapie externe chez 1 (4%). DISCUSSION Les fistules internes secondaires à maladie diverticulaire du côlon sont présentes dans 17 à 27% des diverticuloses coliques opérées. Les FCV représentent 50 à 65% de ces fistules internes [1, 4, 20]. Dans notre étude, la maladie diverticulaire du côlon était la cause de FCV dans plus de 70% des cas, ce qui correspond aux taux rapportés dans la littérature (40 à 78%) [10, 15]. La FCV était confirmée par cystoscopie 13 fois sur 24 (54%) et était suspectée dans 87% des cas en présence d’un érythème bulleux ou d’une cystite localisée. Les autres examens ayant permis le diagnostic de FCV sont énumérés dans le Tableau 2. Les signes cliniques à type de pneumaturie et fécalurie 508 R. Tiguert et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 507-510 Tableau 3. Résultats du traitement chirurgical après traitement en un temps. Références Nombre de cas Complications (%) Reprise opératoire (%) Récidive Durée moyenne d’hospitalisation (en jours) Décès Carpenter [2] 8 0 0 0 11 (7-23) 0 Dencker [5] 7 0 0 0 NS 0 Kirsh [9] 29 8 (27,5%) 5 (17%) 0 18 0 McBeath [11] 45 7 (15%) 0 0 NS 0 Mileski [12] 14 1 (7%) 0 0 21 (10-38) 0 Pennington [14] 22 10 (45%) NS NS 38 (7-110) 2 Pontari [15] 12 5 (41%) NS 22 (14-30) 0 Woods [21] 52 20 (38%) 1 (1%) 13 (8-18) 0 Etude actuelle 24 3 (12,5%) 1 (4%) 13,2 (6-24) 0 sont pathognomoniques de la FCV. La pneumaturie est rapportée dans 18 à 90% et la fécalurie dans 18 à 90% des cas [8, 11, 18]. Les signes urinaires irritatifs à type de dysurie et de cystite à répétition sont présents dans 55 à 94% des cas [3, 4, 15]. 0 permettra une meilleure qualité de vie au patient. Il n’existe pas de schéma thérapeutique standard pour le traitement chirurgical des FCV. Dans la littérature, la présence d’abcès abdominal ne constitue pas une contre-indication au traitement en un temps, l’évacuation trans-cutanée de collections purulentes et l’administration d’antibiotiques permettent de programmer l’opération dans de meilleures conditions, avec un taux de mortalité et de morbidité plus bas que celui rencontré chez des patients opérés en urgence [16]. Le traitement en un seul temps opératoire est soutenu par plusieurs auteurs qui en ont rapporté de très bons résultats. Le traitement en un temps des diverticuloses coliques est adopté par les chirurgiens digestifs [13]. Le Tableau 3 résume les résultats de la littérature concernant les FCV traitées en un temps. Le traitement en un seul temps opératoire est une option viable et est lié à des taux de mortalité et de morbidité très bas. Le diagnostic de FCV est confirmé par la mise en évidence du trajet fistuleux. La cystoscopie joue un rôle important dans le bilan des FCV. Elle permet de visualiser l’orifice de la fistule dans 30 à 96% des cas et de vérifier l’absence de pathologie sous-jacente. Le scanner est de grande valeur dans le diagnostic des FCV : il permet le diagnostic de FCV par opacification du trajet et/ou la mise en évidence de bulles gazeuses dans la vessie. En plus, il renseigne sur l’état du côlon ainsi que sur la présence d’abcès intra-abdominaux qui pourraient être ponctionnés par voie trans-cutanée [7, 8]. Cependant une chirurgie à froid peut être réalisée dans de meilleures conditions [6, 8]. La cystoscopie et le scanner sont complémentaires, mais ne peuvent se substituer l’un à l’autre. CONCLUSION L’UIV a peu d’intérêt dans le diagnostic des FCV mais garde son importance dans l’évaluation du haut appareil. Le lavement baryté et la coloscopie sont importants dans le bilan d’une FCV pour écarter une malignité recto-colique sous-jacente. En effet, 14% des diverticuloses sont associées à un cancer du côlon [19]. Le traitement des FCV en un temps opératoire est la méthode de choix si l’état du patient le permet. Le drainage par ponction sous scanner de toute collection abdominale purulente, la préparation colique et le traitement antibiotique prophylaxique permettent de pratiquer une chirurgie de contrôle dans de meilleures conditions. Le taux de mortalité et de morbidité liés à la fermeture secondaire de la colostomie ne sont pas négligeables et peuvent être prévenus. Cette méthode permet une meilleure qualité de vie au patient en lui évitant une colostomie temporaire ou définitive et de participer aux efforts d’économie de santé en évitant une deuxième hospitalisation. Le traitement en 2 temps nécessite une hospitalisation pour la fermeture secondaire de la colostomie. Le rétablissement de la continuité colique est liée à un taux de mortalité de 2% et un taux de morbidité de 10 à 49% [6, 17]. La colostomie est un handicap physique et social pour le patient. Le traitement en un seul temps évitera non seulement le taux de mortalité et la morbidité liée à la fermeture secondaire de la colostomie, mais aussi 509 R. Tiguert et coll., Progrès en Urologie (1998), 8, 507-510 17. ROE A.M., PRABHU S., ALI A., BROWN C., BRODRIBB A.J.M. Reversal of Hartmann’s procedure : timing and operative technique. Br. J. Surg., 1991, 78, 1167-1170. REFERENCES 1. BACON H.E., SHINDO K. Surgical management of peridiverticulitis of the colon. Surg. Gynecol. 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Material and Methods : 24 patients (16 males and 8 females) were treated for colo-vesical fistula by this technique. Sigmoid diverticulosis repre sented the commonest aetiology. In our study, cystoscopy was the most useful modality for the diagnosis of fistula. 10. KRCO M.J., JACOBS S.C., MALANGONI M.A., LAWSON R.K. Colovesical fistulas. Urology, 1984, 23, 340-342. 11. McBEATH R.B., SCHIFF M. Jr., ALLEN V., BOTTACINI M.R., MILLER J.I., EHRETH J.T. A 12-year experience with enterovesical fistulas. Urology, 1994, 44, 661-665. Results : No deaths and no recurrent fistulas were observed. However, one case of peritonitis secondary to dehiscence of the colo-colonic anastomosis in a patient suffering from Crohn’s disease and two wall abscesses in diabetic patients were obser ved. 12. MILESKI W.J., RAYMOND J.J., REGE R.V., NARHWOLD D.L. One-stage resection and anastomosis in the management of colovesical fistula. Am. J. Surg., 1987, 153, 75-79. 13. MOREAUX J., VONS C. 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