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avril – Mai 2013
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Québec Pharmacie
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Troubles d’éjaculation associés à la prise de silodosine
(RapaoMD)
OBJECTIFS D’APPRENTISSAGE :
1. Expliquer les mécanismes d’action possibles selon lesquels la silodosine engendre un dysfonctionnement de l’éjaculation.
2.
Connaître la diérence de risque de troubles d’éjaculation entre les diérents antagonistes des récepteurs α-1A-adrénergiques.
Discussion
L’hypertrophie bénigne de la prostate pose sou-
vent un problème de ot urinaire que le patient
ressent comme une envie d’uriner plus fré-
quente ou nocturne, avec un débit urinaire fai-
ble et une sensation de vidange incomplète. Ce
problème est causé par une obstruction méca-
nique de l’urètre, en raison d’une hyperplasie
de la prostate ainsi que d’une obstruction fonc-
tionnelle découlant d’une contraction des
muscles lisses et augmentant la résistance au
passage de l’urine dans l’urètre1. Les antagonis-
tes des récepteurs α-1–adrénergiques sont les
médicaments de premier recours pour réduire
les symptômes de ot urinaire liés à l’hypertro-
phie bénigne de la prostate1,2.
La silodosine a été approuvée par Santé
Canada en janvier 2011. Commercialisée sous
le nom de Rapao, elle est indiquée pour le trai-
tement de l’hypertrophie bénigne de la pros-
tate. C’est un antagoniste sélectif des récepteurs
α-1A–adrénergiques de la prostate et de la ves-
sie. Le blocage de ces récepteurs engendre une
relaxation des bres musculaires lisses du col
vésical et de l’urètre prostatique. L’avantage de
la silodosine est qu’elle a peu d’anité pour les
récepteurs vasculaires de type α-1B–adréner-
giques et est considérée comme 40 fois plus
sélective pour les récepteurs α-1A–adrénergi-
ques que la tamsulosine (FlomaxMD). Par consé-
quent, elle cause moins d’hypotension que les
autres molécules de la même famille. C’est un
substrat important de l’isoenzyme CYP3A4 et
de la glycoprotéine-P. Les principaux effets
indésirables sont les suivants : éjaculation
rétrograde (28,1 %), vertiges (3,2 %) et hypoten-
sion orthostatique (2,6 %)3.
Le mécanisme d’éjaculation normal est
enclenché par la stimulation du système ner-
veux sympathique. Cela se traduit par la
contraction de l’épididyme, des canaux défé-
rents, des vésicules séminales et de la prostate,
et mène à l’entrée du uide séminal dans l’urè-
tre. Il s’ensuit l’expulsion du sperme par des
contractions saccadées de la base de l’urètre
vers le méat urétral aboutissant à l’éjaculation.
Jusqu’à présent, le mécanisme d’action exact
par lequel la silodosine engendre un dysfonc-
tionnement de l’éjaculation n’a pas été claire-
ment élucidé. L’opinion conventionnelle pen-
che en faveur de l’éjaculation rétrograde, plus
précisément l’afflux rétrograde du liquide
séminal. En eet, au lieu de sortir par le méat
urétral, le sperme prend un chemin rétrograde
et est envoyé en arrière, vers la vessie, probable-
ment en raison d’une mauvaise contraction du
sphincter du col vésical4. Dans l’autre hypo-
thèse, les récepteurs α-1A-adrénergiques sont
prédominants dans les vésicules séminales
(75 %). Ainsi, en se liant à ces récepteurs, la silo-
dosine induit une diminution des contractions
au niveau des vésicules séminales. Cela entraîne
une réduction du liquide séminal dans le
conduit éjaculatoire. Par conséquent, il n’y pas
d’éjaculation rétrograde, mais plutôt une
réduction de l’émission du liquide séminal2.
Plusieurs études ont démontré que les blo-
queurs des récepteurs α-1A–adrénergiques
peuvent induire des désordres éjaculatoires.
Cela est étroitement lié à l’anité que peuvent
avoir ces antagonistes vis-à-vis des récepteurs
α-1A-adrénergiques. De ce fait, la silodosine
présente un haut risque de troubles éjaculatoi-
res (environ de 20 % à 30 %), comparativement
à la tamsulosine CR (environ 2 %). Cet effet
n’est pas observé avec l’alfuzosine1,3.
Texte rédigé par Amina Bouaita,
étudiante en 4
e
année du Pharm. D.,
Université de Montréal, et
François P. Turgeon, B. Pharm., M. Sc.,
Pharmacie François P. Turgeon.
Texte original soumis
le 26 décembre 2012.
Texte nal soumis
le 4 février 2013.
Révision : Sophie Grondin, B. Pharm., M. Sc.,
Pharmacie Félice Saulnier.
Présentation du patient
Monsieur M.F., 75 ans, se présente à la phar-
macie pour des troubles éjaculatoires, carac-
térisés par un volume de sperme plus faible
et/ou une anéjaculation. Ce problème le
gêne excessivement. Il est apparu il y a deux
semaines, coïncidant avec l’instauration de
la silodosine. Le patient prenait de l’ alfuzo-
sine (XatralMD) depuis deux ans, mais son
médecin l’a remplacée par de la silodosine
sans raison spécique.
à vos soins
Les auteurs et la réviseure scientique ne déclarent aucun conit d’intérêts lié à la rédaction de cet article.
Le patient se plaint d’éjaculations
anormales et/ou insusantes
depuis la prise de Rapao
8 mg die, débuté le
27 octobre 2012.
Patient de 75 ans.
Pas d’allergie connue.
Médication actuelle :
amlodipine 5 mg die AM.
Rapao 8 mg die hs.
Médication récemment
cessée : Xatral 10 mg die hs.
La silodosine a démontré
qu’elle pouvait causer une
éjaculation rétrograde, chez
28,1 % des patients. Cela est
étroitement lié à sa grande
anité pour les récepteurs
α-1A–adrénergiques. Sachant
que les symptômes du patient
étaient bien maîtrisés avec
l’alfuzosine et que celle-ci ne
lui a pas causé de trouble
éjaculatoire, il est raisonnable
de réinstaurer ce médicament
et de cesser le silodosine.
Prendre contact avec le
médecin an de lui suggérer
de remplacer la silodosine par
l’alfuzosine 10 mg die hs.
Rédiger une opinion
pharmaceutique. Faire le suivi
avec le patient dans quatre à
sept jours pour réévaluer la
présence de troubles
éjaculatoires.
S
O
A
P