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à vos soins
Texte rédigé par Amina Bouaita,
étudiante en 4e année du Pharm. D.,
Université de Montréal, et
François P. Turgeon, B. Pharm., M. Sc.,
Pharmacie François P. Turgeon.
Texte original soumis
le 26 décembre 2012.
Révision : Sophie Grondin, B. Pharm., M. Sc.,
Pharmacie Félice Saulnier.
Texte final soumis
le 4 février 2013.
Les auteurs et la réviseure scientifique ne déclarent aucun conflit d’intérêts lié à la rédaction de cet article.
Troubles d’éjaculation associés à la prise de silodosine
(RapafloMD)
Objectifs d’apprentissage :
1. Expliquer les mécanismes d’action possibles selon lesquels la silodosine engendre un dysfonctionnement de l’éjaculation.
2. Connaître la différence de risque de troubles d’éjaculation entre les différents antagonistes des récepteurs α-1A-adrénergiques.
Présentation du patient
Monsieur M.F., 75 ans, se présente à la pharmacie pour des troubles éjaculatoires, caractérisés par un volume de sperme plus faible
et/ou une anéjaculation. Ce problème le
gêne excessivement. Il est apparu il y a deux
semaines, coïncidant avec l’instauration de
la silodosine. Le patient prenait de l’ alfuzosine (XatralMD) depuis deux ans, mais son
médecin l’a remplacée par de la silodosine
sans raison spécifique.
Discussion
L’hypertrophie bénigne de la prostate pose souvent un problème de flot urinaire que le patient
ressent comme une envie d’uriner plus fréquente ou nocturne, avec un débit urinaire faible et une sensation de vidange incomplète. Ce
problème est causé par une obstruction mécanique de l’urètre, en raison d’une hyperplasie
de la prostate ainsi que d’une obstruction fonctionnelle découlant d’une contraction des
muscles lisses et augmentant la résistance au
passage de l’urine dans l’urètre1. Les antagonistes des récepteurs α-1–adrénergiques sont les
médicaments de premier recours pour réduire
les symptômes de flot urinaire liés à l’hypertrophie bénigne de la prostate1,2.
La silodosine a été approuvée par Santé
Canada en janvier 2011. Commercialisée sous
le nom de Rapaflo, elle est indiquée pour le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate. C’est un antagoniste sélectif des récepteurs
α-1A–adrénergiques de la prostate et de la vessie. Le blocage de ces récepteurs engendre une
relaxation des fibres musculaires lisses du col
vésical et de l’urètre prostatique. L’avantage de
la silodosine est qu’elle a peu d’affinité pour les
récepteurs vasculaires de type α-1B–adrénergiques et est considérée comme 40 fois plus
sélective pour les récepteurs α-1A–adrénergiques que la tamsulosine (Flomax MD). Par consé-
quent, elle cause moins d’hypotension que les
autres molécules de la même famille. C’est un
substrat important de l’isoenzyme CYP3A4 et
de la glycoprotéine-P. Les principaux effets
indésirables sont les suivants : éjaculation
rétrograde (28,1 %), vertiges (3,2 %) et hypotension orthostatique (2,6 %)3.
Le mécanisme d’éjaculation normal est
enclenché par la stimulation du système nerveux sympathique. Cela se traduit par la
contraction de l’épididyme, des canaux déférents, des vésicules séminales et de la prostate,
et mène à l’entrée du fluide séminal dans l’urètre. Il s’ensuit l’expulsion du sperme par des
contractions saccadées de la base de l’urètre
vers le méat urétral aboutissant à l’éjaculation.
Jusqu’à présent, le mécanisme d’action exact
par lequel la silodosine engendre un dysfonctionnement de l’éjaculation n’a pas été clairement élucidé. L’opinion conventionnelle penche en faveur de l’éjaculation rétrograde, plus
précisément l’aff lux rétrograde du liquide
séminal. En effet, au lieu de sortir par le méat
urétral, le sperme prend un chemin rétrograde
et est envoyé en arrière, vers la vessie, probablement en raison d’une mauvaise contraction du
sphincter du col vésical4. Dans l’autre hypothèse, les récepteurs α-1A-adrénergiques sont
prédominants dans les vésicules séminales
(75 %). Ainsi, en se liant à ces récepteurs, la silodosine induit une diminution des contractions
au niveau des vésicules séminales. Cela entraîne
une réduction du liquide séminal dans le
conduit éjaculatoire. Par conséquent, il n’y pas
d’éjaculation rétrograde, mais plutôt une
réduction de l’émission du liquide séminal2.
Plusieurs études ont démontré que les bloqueurs des récepteurs α-1A–adrénergiques
peuvent induire des désordres éjaculatoires.
Cela est étroitement lié à l’affinité que peuvent
avoir ces antagonistes vis-à-vis des récepteurs
α-1A-adrénergiques. De ce fait, la silodosine
présente un haut risque de troubles éjaculatoires (environ de 20 % à 30 %), comparativement
à la tamsulosine CR (environ 2 %). Cet effet
n’est pas observé avec l’alfuzosine1,3.
S
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A
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Le patient se plaint d’éjaculations
anormales et/ou insuffisantes
depuis la prise de Rapaflo
8 mg die, débuté le
27 octobre 2012.
Patient de 75 ans.
Pas d’allergie connue.
Médication actuelle :
amlodipine 5 mg die AM.
Rapaflo 8 mg die hs.
Médication récemment
cessée : Xatral 10 mg die hs.
La silodosine a démontré
qu’elle pouvait causer une
éjaculation rétrograde, chez
28,1 % des patients. Cela est
étroitement lié à sa grande
affinité pour les récepteurs
α-1A–adrénergiques. Sachant
que les symptômes du patient
étaient bien maîtrisés avec
l’alfuzosine et que celle-ci ne
lui a pas causé de trouble
éjaculatoire, il est raisonnable
de réinstaurer ce médicament
et de cesser le silodosine.
Prendre contact avec le
médecin afin de lui suggérer
de remplacer la silodosine par
l’alfuzosine 10 mg die hs.
Rédiger une opinion
pharmaceutique. Faire le suivi
avec le patient dans quatre à
sept jours pour réévaluer la
présence de troubles
éjaculatoires.
avril – MAi 2013
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Québec Pharmacie
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réinstaurer ce médicament. L’autre option de
traitement acceptable est la substitution par
un α-1A–adrénergique moins spécifique, tel
que la tamsulosine CR. ■
à vos soins
Acte pharmaceutique facturable
Opinion pharmaceutique facturable : remplacer un produit par un autre pour cause d’effet
indésirable (DIN 023616710).
Opinion pharmaceutique
Le patient est très incommodé par ce trouble. Par conséquent, il est recommandé de cesser immédiatement le médicament puisque le
problème est réversible à l’arrêt 2. À noter que
dans une étude, bien que 22,3 % des patients
aient rapporté des troubles éjaculatoires, seulement 2,9 % d’entre eux ont cessé le traitement, toutes causes confondues1. Sachant que
le temps de demi-vie de la silodosine est de
13 heures, il faut prévoir environ quatre jours
pour un retour à la normale. Puisque l’état du
patient était bien maîtrisé avec l’alfuzosine et
que ce dernier ne cause pas de dysfonctionnements éjaculatoires, il est raisonnable de
Bonjour Docteur,
Monsieur M.F., 75 ans, utilisait l’alfuzosine 10 mg une fois par jour pour des symptômes urinaires
découlant d’une hypertrophie bénigne de la prostate. Il y a deux semaines, ce médicament a été remplacé par de la silodosine 8 mg une fois par jour. Depuis cette modification, le patient rapporte des
troubles éjaculatoires (réduction de la quantité de sperme ou absence d’éjaculat), tout en conservant
une bonne maîtrise de ses symptômes urinaires. La silodosine a été liée à un plus grand risque de
troubles éjaculatoires que les autres bloqueurs des récepteurs α-1A–adrénergiques (tamsulosine et
alfuzosine), probablement à cause de sa plus grande affinité pour ces récepteurs. Étant donné que le
patient ne présentait pas ce problème avec l’alfuzosine, je vous suggère de cesser la silodosine et de
réinstaurer l’alfuzosine à raison de 10 mg une fois par jour. Le problème éjaculatoire devrait disparaître en une semaine, ce que je pourrai vérifier auprès du patient, tout comme le contrôle des problèmes urinaires qui devrait se maintenir avec le changement de molécule.
Le pharmacien
Références : 1. Kawabe K. et coll. Silodosin, a new α-1A-adrenoceptor-sélective antagonist for treating benign hyperplasia: Results of phase III randomized, placebocontrolled, double-blind study in Japanese men. Journal of Urology 2006; 98: 1019-24. 2. Hisasue SI, et coll. Ejaculatory disorder caused by alpha-1 adrenoceptor antagonists
is not retrograde ejaculation but a loss of seminal emission. International Journal of Urology 2006; 13: 1311-6. 3. Talbert RL, DiPiro JT, Matzke GR, Posey LM, Wells BG, Yee GC. Chapter 93.
Benign Prostatic Hyperplasia. Dans : Talbert RL, DiPiro JT, Matzke GR, Posey LM, Wells BG, Yee GC, eds. Pharmacotherapy: A Pathophysiologic Approach. 8e edition. New York: McGrawHill; 2011. [Consulté le 28 novembre 2012.] www.accesspharmacy.com/content.aspx?aID=7994823. 4. Nagai A, et coll. Ejaculatory dysfunction caused by the new a1-blocker Silodosin:
A preliminary study to analyze human ejaculation using color Doppler ultrasonography. International Journal of Urology 2008; 15: 915-8.
Les références portant un code de couleur indiquent au lecteur qu’il s’agit des références principales de l’article telles que choisies par les auteurs et/ou les réviseurs scientifiques.
FC
Question de
Répondez en ligne sur www.professionsante.ca,
section Ma FC en ligne; rechercher Québec Pharmacie, avril-mai 2013.
Date limite : 22 avril 2014. Donne 4 UFC.
1. Quel énoncé est vrai ?
A La tamsulosine est plus sélective pour les récepteurs α-1A–adrénergiques que la silodosine et l’alfuzosine; d’où la présence de troubles
éjaculatoires.
B La silodosine est plus sélective pour les récepteurs α-1B–adrénergiques
que la tamsulosine et l’alfuzosine; d’où l’apparition d’hypotension
orthostatique.
Québec
Pharmacie
C La silodosine est plus sélective pour les récepteurs α-1A–adrénergiques
et moins sélective pour les récepteurs α-1B–adrénergiques que la
tamsulosine et l’alfuzosine; d’où la présence de troubles éjaculatoires
et le faible risque d’hypotension orthostatique.
D Les troubles éjaculatoires secondaires à la silodosine sont irréversibles.
Avril - mai 2013 vol. 60 n˚ 2
Québec
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Infarctus
du myocarde
avec élévation
du segment ST
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de Québec Pharmacie …
21
Troubles d’éjaculation
associés à la silodosine
(RapafloMD)
7
Le liraglutide
(VictozaMD)
13
Loi 41 :
où en sommes-nous ?
31
4 UFC DE L’OPQ
PP 40070230
1200, avenue McGill College, bureau 800, Montréal (QC) H3B 4G7
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