§13 : Dimension finie
1. Notions de base, de coordonnées et de dimension
1.1 Sous-espace engendré par un famille de vecteurs
Notation 1.Dans tout le chapitre, Kdésigne Rou C,net psont des entiers naturels non nuls.
Définition 1 (rappel).Soit Eun K-espace vectoriel, et (u1, . . . , un)une famille de vecteurs de K.
On dit que (u1, . . . , un)engendre E, ou encore que (u1, . . . , un)est une famille génératrice ou un système
générateur de E, si et seulement si
vE, (λ1, . . . , λn)Kn:v=λ1u1+··· +λnun
ce qui revient à dire : E=Vect(u1, . . . , un) = {λ1u1+··· +λnun: (λ1, . . . , λn)Kn}.
Notation 2.Par convention, si n=0, Vect() = {0E}.
On note également Ku=Vect(u). (l’espace engendré par un vecteur est formé de ses multiples).
Exemple 1.Donner une famille génératrice de F={(a, b, a +b) : (a, b)R2}.
Soit G=Vect(cos2,sin2,cos ×sin}. Les fonctions x72,x7cos(x)}, et x7cos(2x)}appartiennent-elles à G?
1.2 Famille libre de vecteurs
Définition 2.Soit F= (u1, . . . , un)une famille de nvecteurs d’un K-espace vectoriel E. La famille est
libre si et seulement si toute combinaison linéaire nulle de ses vecteurs a des coefficients tous nuls :
(λ1, . . . , λn)Kn, λ1u1+··· +λnun=0E=λ1=··· =λn=0
Cela signifie que l’équation d’inconnues λ1, . . . , λn:λ1u1+··· +λnun=0Ea pour seule solution (0, . . . , 0).
Une famille qui non libre est dite liée. Deux vecteurs liés sont colinéaires, trois vecteurs liés sont coplanaires.
Exemple 2 (Espace).Lesquelles des familles suivantes sont libres dans R3? Interpréter.
1
1
0
0
,
0
1
0
,
0
0
1
2
1
2
3
,
4
5
6
,
7
8
9
3
1
2
8
,
2
2
4
4
1
2
3
,
0
0
0
5
1
2
3
Exemple 3 (Fonctions).Montrer que la famille (cos2,sin2,cos sin)est une famille libre de l’espace vectoriel
des fonctions définies sur Ret à valeurs réelles.
1.3 Bases et coordonnées
Définition 3.Soit B= (u1, . . . , un)une famille ordonnée de nvecteurs d’un K-espace vectoriel E. La
famille Best une base de Esi et seulement si elle est à la fois libre et génératrice.
Lorsqu’un espace vectoriel possède une base finie, il est dit de dimension finie.(1)
Exemple 4.On considère le K-espace vectoriel Kn. La famille B= (e1, . . . , en)composée des vecteurs eidont
toutes les composantes sont nulles, sauf la composante iqui vaut 1, est une base de Kn, appelée base canonique
de Kn.
Par exemple, la base canonique de R3est formée des vecteurs e1=
1
0
0
, e2=
0
1
0
, e3=
0
0
1
(1). Une famille infinie est libre lorsque toute ses sous-familles finies sont libres. Elle est génératrice lorsque tout vecteur est
combinaison linéaire finie de ses membres. C’est une base lorsqu’elle est libre et génératrice.
www.yann-angeli.fr [23 janvier 2016] ATS 2015-2016, § 13 : Dimension finie 1/6
Exemple 5 (Plan).Parmi ces familles de vecteurs, lesquelles sont libres ? Génératrices ? Forment une base ?
1 1
1,1
2 21
4,0
0 31
2,3
4,5
6 41
1
La famille B= (u1, . . . , un)est une base d’un K-espace vectoriel Esi et seulement
yE, !(λ1, . . . , λn)Kn, y =λ1u1+··· +λnun.
Cela signifie que chaque vecteur de Eest s’écrit de manière unique comme une combinaison linéaire de
vecteurs de la base. Les coefficients (λ1, . . . , λn)sont les coordonnées du vecteur ydans la base B.
La matrice colonne formée des coordonnées (λ1, . . . , λn)du vecteur ydans la base Best notée MatB(y).
En particulier, l’application CBde Edans Kn, qui à un vecteur uassocie MatB(u)
Proposition 1. Coordonnées
Démonstration. L’existence d’une solution (λ1, . . . , λn)Knà l’équation y=λ1u1+··· +λnunvient du fait
que Best génératrice. Si (µ1, . . . , µn)vérifie également y=µ1u1+···+µnun, la différence des deux équations
0E= (λ1µ1)u1+···+ (λnµn)unimplique λ1µ1=0, . . . , λnµn=0par liberté de B. Ainsi la solution
est unique.
Exemple 6.u=1
7. Préciser la matrice MatB(u)des coordonnées de udans la base Bde l’exemple 51.
Exemple 7.Soit B={cos2,sin2,cos ×sin}et G=Vect(B). Pourquoi Best–elle une base de G?
Calculer MatB(1), MatB(x7cos(2x)) et MatB(x7sin(2x)).
Exemple 8.Montrer que L∈ L(E, F)est un isomorphisme si et seulement si l’image d’une base est une base.
1.4 Matrice d’une application linéaire
Définition 4.Soient :
Eun K-espace vectoriel de dimension p, muni d’une base B= (e1, . . . , ep).
Fun K-espace vectoriel de dimension n, muni d’une base B= (e
1, . . . , e
n).
La matrice dans la base Bau départ et Bà l’arrivée d’une application linéaire fde Edans F, est la matrice
(aij)∈ Mnp(K), dont la j-ème colonne est le vecteur [f(ej)]Bdes composantes de f(ej)dans la base B:
jJ1;pK, f(ej) = a1j e
1+··· +anj e
n
On notera cette matrice MatB,B(f)ou simplement MatB(f)lorsque fest un endomorphisme et B=B.
Remarque 1.La matrice de fdans la base Bau départ et Bà l’arrivée se présente ainsi :
f(e1)f(e2). . . f(ej). . . f(ep)
e
1a11 a12 . . . a1j . . . a1p
e
2a21 a22 . . . a2j . . . a2p
.
.
..
.
..
.
..
.
..
.
.
e
iai1 ai2 . . . aij . . . aip
.
.
..
.
..
.
..
.
..
.
.
e
nan1 an2 . . . anj . . . anp
Proposition 2.Soit Eet Fdeux K-espaces vectoriels de dimensions finies.
Soit fune application linéaire de Edans Fet uun vecteur de E.
On note Bune base de Eet Bune base de F.
Alors MatB(f(u)) = MatB,B(f)×MatB(u).
KpKn
E F
MatB,B(f)×
f
CBC1
B
www.yann-angeli.fr [23 janvier 2016] ATS 2015-2016, § 13 : Dimension finie 2/6
Démonstration. On adopte les notations de la remarque 1Soit uE.
f(u) = f
p
j=1
ujej
=
p
j=1
ujf(ej) =
p
j=1
uj
n
i=1
aije
j=
n
i=1
p
j=1
aijuj
e
j.
Le coefficient de e
jdans la décomposition de f(u)dans la base Best bien MatB,B(f)MatB(u)j.
Exemple 9..Soit un C-espace vectoriel Emuni d’une base B= (e1, e2).
On définit l’endomorphisme fpar f(e1) = e1+2e2et f(e2) = e1. Soit ule vecteur u=e1+e2
Déterminer la Mmatrice de fdans la base Bet le vecteur colonne Xdes coordonnées de udans cette base.
Comment interpréter le produit MX ?
Exemple 10 (Fonctions)..Soit, comme dans l’exemple 7, la famille B={cos2,sin2,cos sin}et G=Vect(B).
On définit l’application Dsur Gpar fG, D(g) = g.
1Calculer l’image par Dde la base Bde Get en déduire que Dest un endomorphisme de G.
2Donner la matrice de Mde l’endomorphisme Ddans la base B.
3Étudier le noyau et l’image de cette matrice. En déduire le noyau et l’image de D.
1.5 Dimension
Soit B= (u1, . . . , un)une base d’un K-espace vectoriel E. Alors :
il n’existe pas de famille libre à plus de néléments.
il n’existe pas de famille génératrice de moins de néléments
toute base a exactement néléments.
Ce nombre nest appelé la dimension de Eet noté dim(E).
Proposition 3. Dimension
Démonstration. Soient n+1vecteurs de E:v1, . . . , vn+1. En considérant les coordonnées suivant chaque uide
l’équation λ1v1+··· +λn+1vn+1=0E, on obtient un système de n+1équations à ninconnues, qui contient
au maximum npivots, donc un paramètre au moins : il n’y pas unicité des solutions, la famille n’est pas libre.
De même, avec n1vecteurs de E:v1, . . . , vn1: les composantes suivant les uide l’équation y=λ1v1+···+
λn1vn1, donnent un système de néquations à n1inconnues, qui contient au maximum n1pivots, donc
au moins une ligne de zéros : les yne satisfaisant pas l’équation associée ne peuvent se décomposer suivant les
vi, la famille n’est donc pas génératrice.
Une famille libre n’a pas plus de néléments, une famille génératrice pas moins de n, donc une base en a n.
Notation 3.Par convention, la dimension de l’espace vectoriel nul est nulle : dim({0}) = 0.
Un espace vectoriel Eest une droite vectorielle si dim E=1, un plan vectoriel si dim E=2.
En cas d’ambiguïté, on précise le corps de référence en indice de dim : dimCC=1et dimRC=2.
Exemple 11.Dimension de Kn,M3,2(R),Rn[X] = Vect(1, X, . . . , Xn), et Gdéfini dans l’exemple 7?
2. Propriétés des bases
2.1 Caractérisation d’une base
Soit Bune famille d’un espace vectoriel de dimension n. Les propositions suivantes sont équivalentes :
Best une base.
Best une famille libre à néléments.
Best une famille génératrice à néléments.
Proposition 4. Reconnaître une base
www.yann-angeli.fr [23 janvier 2016] ATS 2015-2016, § 13 : Dimension finie 3/6
Démonstration. Soit Bune base de E. On note B= (u1, . . . , un). Les composantes suivant Bde l’équation
y=λ1u1+···+λnunmènent à un système de néquations à ninconnues. Dans les deux dernières situations,
ce système admet npivots exactement (car l’équation 0=λ1u1+···+λnunadmet une solution unique si B
libre, et l’équation initiale admet au moins une solution si Bgénératrice). Ainsi, le système admet une unique
solution : Best une base. La réciproque est vraie d’après la proposition 3
Exemple 12.Justifier rapidement (sans pivot) que la base Bde l’exemple 51est une base de R2.
2.2 Théorème de sélection - complétion d’une base
Proposition 5 (Sélection - complétion).
De toute famille génératrice d’un espace vectoriel de dimension finie E, on peut extraire une base.
Toute famille libre d’un espace vectoriel de dimension finie Epeut être complétée en une base.
Démonstration. Soit (u1, . . . , un)une famille génératrice de E: pour tout yEl’équation admet au moins
une solution. On résout λ1u1+··· +λnun=ypar la méthode du pivot : la famille Pconstituée des vecteurs
correspondants aux colonnes à pivot est une base (génératrice : en choisissant les paramètres égaux à 0on
obtient yVect(P)et libre : le système admet une unique solution : autant de pivots que de colonnes).
Si Eest de dimension finie pet (u1, . . . , un)est une famille libre, soit n=pet c’est une base, soit n < p et en
prenant un+1E\Vect(u1, . . . , un)on complète la famille en une famille libre de n+1vecteurs. En répétant
l’opération npfois on obtient une famille libre à péléments, donc une base.
Remarque 2.Cela implique en particulier que tout espace vectoriel de dimension finie possède une base.
Pour compléter une famille libre (u1, . . . , uk)en une base de Ede dimension finie, on considère une base
(e1, . . . , en)de Eet on résout α1u1+··· +αkuk+λ1e1+··· +λnen=0en commençant par prendre les
kpremiers pivots dans les kpremières colonnes. Les colonnes à pivot forment une base contenant la famille
initiale.
3. Utilisation de la dimension
3.1 Dimension et sous-espaces vectoriels
Soit Fun sous-espace vectoriel d’un K-espace vectoriel E.
dim(F)dim(E)
si dim F=dim Ealors F=E
Proposition 6.
Démonstration. Une base Bde Fest une famille libre à dim E, que l’on peut compléter en une base de E. Donc
dim(F)dim(E). Si une base de Fa dim(E)éléments, c’est une famille libre à dim(E)éléments, donc une base
de E. Ainsi, F=Vect(B) = E.
Soient Fet Gdeux sous espaces vectoriels d’un K-espace vectoriel E.
Alors dim(F+G) = dim(F) + dim(G) − dim(FG). En particulier, dim(FG) = dim(F) + dim(G).
Proposition 7. Formule de Grassmann
Démonstration. L’idée est de compléter une base de FGd’une part en une base de F, et d’autre part en une
base de G. On montre alors que les dim(F) + dim(G) − dim(FG)considérés forment une base de F+G.
www.yann-angeli.fr [23 janvier 2016] ATS 2015-2016, § 13 : Dimension finie 4/6
3.2 Dimension et applications linéaires
Soit L∈ L(E, F)une application linéaire entre deux Kespaces vectoriels Eet Fde dimension finie. Alors
dim(E) = dim(Ker(L)) + dim(Im(L))
La dimension rg(L) = dim(Im(L)) est appelée le rang de L.
Théorème 8. « du rang »
Démonstration. Soit Eun supplémentaire de Ker(L)dans E:E=EKer(L). On considère L:EIm(L)
la restriction de LàE. On démontre qu’il s’agit d’un isomorphisme et on utilise la formule de Grassmann.
Exemple 13.Soit L∈ L(E, F). Interpréter en terme d’injectivité, surjectivité de Lles égalités :
1dim(F) = rg(L)?2dim(E) = rg(L)?3dim(E) = dim(F) = rg(L)?
En déduire une condition nécessaire et suffisante pour qu’il existe un isomorphisme de Rndans Rm.
4. Propriétés des matrices d’une application linéaire
4.1 Composition et réciproque
Proposition 9 (Composition).E,Fet Gsont des K-espaces vectoriels
de dimensions finies.
Eest de dimension p, muni d’une base B=.
Fest de dimension n, muni d’une base B.
Gest de dimension m, muni d’une base B′′.
Soient f∈ L(E, F),g∈ L(F, G)et uE. On a alors :
MatB,B′′ (gf) = MatB,B(g)MatB,B′′ (f)
KpKnKm
E F G
MatB,B(f)×MatB,B′′ (g)×
fg
gf
MatB,B′′ (g)MatB,B(f)×
CBC1
B′′
Proposition 10.Eet Fsont deux espaces vectoriels de dimensions finies.
Eest muni d’une base B.
Fest muni d’une base B.
Soit Lun isomorphisme de Edans F. Alors MatB,B(L1) = MatB,B(L)1
Démonstration. Le produit des deux matrices, en utilisant la proposition précédente,
donne l’identité.
KpKn
E F
(MatB,B (f))1×
f1
C1
BCB
4.2 Changement de base
Tous les résultats de cette section viennent de la proposition 9.
Définition 5.Soient Eun K-espace-vectoriel de dimension finie n.
Eest muni de deux bases B= (e1, . . . , en)et B= (e
1, . . . , e
n)
On appelle matrice de passage de la base Bvers la base Bla matrice dont
les colonnes sont les coordonnées dans la base Bdes vecteurs de la base B.
On a encore P=MatB,B(Id)1.
e
1e
2. . . e
n
e1a11 a12 . . . a1n
e2a21 a22 . . . a2n
.
.
..
.
..
.
..
.
.
enan1 an2 . . . ann
Soit Eun K-espace vectoriel de dimension p, et B= (e1, . . . , ep),B= (e
1, . . . , e
p)deux bases de E.
Soit Pla matrice de passage de la base Bvers la base B. Alors :
1uE, Mat(u)B=MatB,B(Id)MatB(u) = P1MatB(u)
2Mat(Id)B,B=MatB,B(Id)1:P1est la matrice de passage de Bvers B
3Si fest un endomorphisme de E: MatB(f) = P1MatB(f)P.
Proposition 11. Formules de passage
www.yann-angeli.fr [23 janvier 2016] ATS 2015-2016, § 13 : Dimension finie 5/6
1 / 8 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !