Article original Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014 ; 12 (3) : 331-8 Influence de la durée d’évolution de la maladie et de l’âge sur les troubles cognitifs de patients âgés atteints d’une sclérose en plaques de forme rémittente (SEP-RR) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. The influence of age and illness duration on cognitive impairment in aging patients with relapsing-remitting multiple sclerosis (RR-MS) EugÉnie Leclercq1,2 Maryline Cabaret3 Alma Guilbert1 Caroline Jougleux3 Patrick Vermersch3 Christine Moroni1 1 Laboratoire de neurosciences fonctionnelles et pathologiques (LNFP – EA 4559, Equipe NCA), Université Lille Nord de France, Villeneuve d’Ascq cedex, France <[email protected]> 2 Service de neurologie, Centre hospitalier de Dunkerque, France 3 Service de neurologie D, Clinique neurologique (EA 2686), CHRU Lille, France Tirés à part : C. Moroni Résumé. L’objectif de cette étude était de dissocier l’effet de l’âge de celui de la durée d’évolution de la maladie sur les capacités cognitives de patients SEP-RR. Pour cela, nous avons mené parallèlement deux études à l’aide d’épreuves issues de la Batterie courte d’évaluation des fonctions cognitives adaptée aux patients souffrants de la SEP (BCcogSEP). Les patients âgés de plus de 50 ans dont la durée de la maladie excédait 20 ans présentaient plus de troubles cognitifs que les patients du même âge dont la durée de la maladie était de moins de 10 ans et que des participants témoins appariés en âge. Les capacités cognitives affectées par la durée d’évolution de la maladie étaient la vitesse de traitement, la mémoire épisodique, les fluences verbales et l’attention. En revanche, à durée d’évolution égale (8 ans), il ne semble pas exister d’effet de l’âge sur les capacités cognitives dans la SEP-RR puisque les patients âgés et jeunes obtenaient des performances équivalentes. Les patients âgés obtenaient même de meilleures performances lors des tâches de fluence verbale ce qui est expliqué en partie par le concept de réserve cognitive. Mots clés : vieillissement cognitif, sclérose en plaques de forme rémittente, durée d’évolution de la maladie, réserve cognitive Abstract. The aim of this study was to dissociate age and duration of illness effects on cognitive impairment of patients with relapsing-remitting multiple sclerosis. Cognitive impairment among patients with multiple sclerosis (MS) is well known. However, few studies were devoted to assess the respective role of disease duration and age on cognitive functions in MS patients. Therefore, two studies were carried out on relapsing-remitting MS (RR-MS) patients using some tests of the BCcogSEP – a French test battery evaluating cognitive functions in MS. The cognitive deficits of RR-MS patients aged 50 years and over and whose symptoms had been present for more than 20 years were more severe than those of MS patients with a shorter illness duration (less than 10 years) or matched-age control participants. The more impaired cognitive functions were information-processing speed, episodic memory, verbal fluency and attention. On the other hand, cognitive performances of young RR-MS patients were similar to those of older RR-MS patients when all patients had the same illness duration (8 years in this study). Older patients even achieved better performance than younger ones on verbal fluency. This can be partly explained by the theory of cognitive reserve, as reported in previous cognitive aging studies. In RR-MS patients, the influence of illness duration seems to be a predominant factor in the development of cognitive impairment. doi:10.1684/pnv.2014.0482 Key words: cognitive aging, relapsing-remitting multiple sclerosis, duration of illness, cognitive reserve L es modifications cognitives associées à la sclérose en plaques (SEP) sont observées chez 40 à 60 % des patients [1]. Différents profils cognitifs ont été décrits en fonction de la forme clinique de SEP [2-4]. Les patients souffrant d’une forme progressive pré- sentent des troubles cognitifs touchant essentiellement les fonctions exécutives (altérations majeures des capacités de manipulation de concepts verbaux, production d’erreurs persévératives, lenteur d’exécution), alors que le profil cognitif des patients ayant une forme rémittente est caractérisé Pour citer cet article : Leclercq E, Cabaret M, Guilbert A, Jougleux C, Vermersch P, Moroni C. Influence de la durée d’évolution de la maladie et de l’âge sur les troubles cognitifs de patients âgés atteints d’une sclérose en plaques de forme rémittente (SEP-RR). Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2014; 12(3) :331-8 doi:10.1684/pnv.2014.0482 331 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. E. Leclercq, et al. par un dysfonctionnement mnésique de type exécutif (déficit de la mise en œuvre de stratégies de récupération en mémoire épisodique des informations nouvelles) [2, 3]. Cette différence s’expliquerait notamment par une plus grande concentration des plaques de démyélinisation aux niveaux des structures frontales dans les formes progressives de SEP [2]. L’influence de la durée d’évolution de la maladie est un facteur dont l’impact est plus controversé dans la littérature puisqu’il est plus rarement décrit comme contributif au déclin cognitif [5, 6]. À handicap physique égal [6], les difficultés mnésiques sont d’autant plus fréquentes que la SEP évolue depuis longtemps [5]. Plusieurs études longitudinales ont montré qu’à long terme, des troubles cognitifs sont susceptibles d’émerger et/ou de s’aggraver chez une majorité de patients [4, 7-9]. Ces modifications apparaissent d’autant plus que le patient a un handicap physique qui s’aggrave, un âge avancé et une SEP de forme progressive [7]. En revanche, une aggravation à court terme est peu probable lors de la première évaluation, notamment chez des patients sans détérioration cognitive [4, 7-9]. D’ailleurs, à handicap physique égal, une atteinte cognitive observée précocement est prédictive d’un déclin cognitif futur [4, 8, 9]. L’âge semble également participer aux modifications cognitives [4, 7, 10] puisque, dans une étude longitudinale, Bergendal et al. [4] ont montré que le déclin cognitif était d’autant plus prononcé que les patients étaient âgés. les performances cognitives de ces patients SEP seraient d’autant plus altérées que leur maladie évoluait depuis plus longtemps. Lors de la seconde étude, nous nous sommes intéressés à l’influence de l’âge sur les performances cognitives de patients SEP-RR. Pour cela, nous avons comparé les capacités cognitives de patients jeunes à celles de patients plus âgés dont la durée d’évolution de la SEP était identique dans les deux groupes. Nous supposions que l’atteinte cognitive des patients âgés serait plus importante que celle des patients jeunes. En contrôlant la durée d’évolution de la maladie, nous nous assurons que si une différence était observée entre patients âgés et patients jeunes, celle-ci était bien la conséquence d’un effet de l’âge plutôt que de celui de la durée d’évolution de la SEP. Étude 1 : Influence de la durée de la maladie sur les capacités cognitives de patients âgés atteints de SEP-RR Participants Toutefois, plusieurs biais méthodologiques ont été rencontrés dans ces différentes études. L’élaboration du profil cognitif observé selon la forme de la SEP se base le plus souvent sur les performances cognitives de participants jeunes, autour de 40 ans. Les études longitudinales sont généralement conduites indépendamment de la forme clinique de SEP [2]. L’influence de l’âge et celle de la durée de la maladie sont deux facteurs souvent confondus. Or, bien que dans 70 % des cas les premières manifestations de la maladie surviennent entre 20 et 40 ans, il arrive que ces manifestations ne surviennent qu’après l’âge de 40 ans (dans 20 % des cas, les 10 % des cas restants présentent des symptômes avant l’âge de 20 ans). Dès lors, il apparaît possible de dissocier l’effet de l’âge de celui de l’évolution de la maladie sur les capacités cognitives de patients SEP tout en tenant compte de la forme clinique de la SEP. Avec cet objectif, nous avons mené deux études chez des patients âgés présentant une SEP de forme rémittente (SEP-RR). Nous avons choisi cette population d’étude puisqu’elle est la plus fréquemment rencontrée [3]. Au cours de la première étude, notre objectif était de vérifier l’influence de la durée d’évolution de la SEP sur les performances cognitives de patients âgés avec l’hypothèse que Cette première étude comprenait deux groupes de patients atteints de SEP-RR et un groupe de participants témoins. Ces trois groupes de participants étaient équivalents en termes d’âge, de sexe et de niveau d’étude (tableau 1). Toutefois, compte tenu du sexe-ratio spécifique à la SEP qui est d’un homme pour deux femmes [11], les groupes de patients comportaient plus de femmes que d’hommes. Les patients de cette étude ont été suivis dans le service de neurologie de l’hôpital Roger Salengro à Lille. Le diagnostic de SEP a été établi selon les critères de McDonald et al. [12] sur la base de l’examen neurologique, de l’IRM et de l’analyse du liquide céphalo-rachidien. Les patients pour lesquels il a pu être démontré, à la lecture du dossier médical, soit que leur SEP avait évolué en une forme secondairement progressive soit que la forme de leur SEP n’était plus clairement rémittente au moment de l’évaluation cognitive ont été exclus. Enfin, les patients étaient tous âgés d’au moins de 50 ans et d’au plus 60 ans. Ainsi, en sélectionnant des participants quinquagénaires, nous souhaitions réduire les risques de comorbidité cognitive avec d’autres affections neurodégénératives et nous nous assurions que les effets observés seraient surtout liés à l’impact de la durée d’évolution de la SEP. Compte tenu, d’une part, de ces critères stricts de recrutement et, d’autre part, que nous souhaitions avoir deux groupes de patients appariés 332 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 3, septembre 2014 Troubles cognitifs de patients âgés atteints d’une sclérose en plaques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Tableau 1. Principales caractéristiques démographiques et cliniques des patients de l’étude 1. Table 1. Demographic and clinical characteristics of the participants, study 1. Groupes SEP-RR Durée courte SEP-RR Durée longue Témoins Statistiques Effectif 9 8 17 Âge (années) 53,78 (2,38) 53,25 (2,8) 53,35 (3) F(2,33) = 0,08, p = 0,91 Sexe (F/H) 7/2 6/2 13/4 2 (2) = 3,30, p = 0,19 NSC (%) 55 38 47 2 (2) = 3,10, p = 0,21 Durée d’évolution (années) 9 (4,18) 22,63 (4,4) t(15) = - 6,53, p < 0,01** Score EDSS 3,06 (1,28) 3,81 (1,1) t(15) =- 1,29, p = 0,21 F : femme ; H : homme ; Âge : en années ; NSC : pourcentage de sujets ayant moins de 12 années de scolarité à partir du cours préparatoire (CP) ; Durée d’évolution : délai en années séparant le diagnostic de l’évaluation cognitive ; Score EDSS : de 0 (examen neurologique normal) à 10 (décès lié à la SEP) ; ** : différence significative. F: female; H: male; Age: in years; NSC: percentage of subjects with less of 12 years of school from year 2 of primary; Duration of illness: delay in years between diagnostic and cognitive assessment; EDSS score: from 0 (normal neurological exam) to 10 (death from multiple sclerosis); **: relevant difference. L’évaluation neuropsychologique a été réalisée à l’aide d’épreuves issues de la Batterie courte d’évaluation des fonctions cognitives adaptée aux patients souffrants de SEP (BCcogSEP, [14]). Parmi les épreuves de cette batterie, nous avons choisi d’inclure dans cette étude seulement celles qui testaient spécifiquement les capacités cognitives altérées dans la SEP, à savoir la vitesse de traitement, l’attention, les fonctions exécutives et la mémoire épisodique [1]. Les épreuves choisies étaient : – le test de codage de signes dans lequel le sujet devait compléter une grille, le plus rapidement possible et sans faire d’erreur. Cette tâche permet d’évaluer la vitesse de traitement de l’information et les capacités d’attention soutenue ; – le test des additions en série (Paced auditory serial addition task ou Pasat 3 secondes [15]) au cours duquel le nombre d’additions correctement réalisées à partir de 60 nombres présentés successivement toutes les 3 secondes était recueilli. Cette tâche renseigne sur la vitesse de traite- ment de l’information, les capacités d’attention soutenue et de mémoire de travail ; – les épreuves de fluence verbale phonémique (lettre P), d’une part, et sémantique (animaux), d’autre part. Ces épreuves permettent de recueillir le nombre de mots différents cités à partir d’un critère. Elles évaluent notamment les capacités de flexibilité mentale spontanée, d’initiation et d’inhibition pour les items non pertinents ; – l’épreuve de répétition de chiffres en ordre direct, puis en ordre inverse, avec relevé du nombre de séries correctement rappelées sur les 14 essais de chacune des parties. Ce test évalue la mémoire de travail, et plus particulièrement l’administrateur central pour la passation en ordre inverse ; – le test d’apprentissage et de rappel d’une liste de 15 mots courts (le Selective reminding test ou SRT), selon la méthode proposée par Buschke et Fuld [16]. Cette épreuve permet de mesurer le nombre moyen de mots rappelés sur 10 essais et le nombre de mots systématiquement rappelés à chaque rappel libre, ainsi le rapport entre ces deux mesures donnait un indice de l’efficacité de l’apprentissage. Après 20 minutes, occupées par des tâches non verbales, un rappel différé était demandé au sujet ainsi qu’une phase de reconnaissance des mots oubliés. Ce test permet donc une évaluation des capacités de récupération (rappels libres), de stockage (rappel différé) ainsi que la force de la consolidation (indice d’efficacité de l’apprentissage) des informations en mémoire épisodique verbale ; – le test d’apprentissage et de rappel de 10 localisations spatiales parmi 36 (le 10/36 spatial recall test) permet, à partir du nombre de localisations correctement rappelées au cours des trois essais d’apprentissage, puis, après 7 minutes, lors du rappel différé, d’étudier les capacités d’apprentissage et de consolidation de l’information en mémoire épisodique, pour un matériel visuo-spatial. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 3, septembre 2014 333 en âge, en genre, en niveau de scolarisation et en score EDSS [13] (tableau 1), il n’a été possible de sélectionner que 17 patients SEP-RR pour cette étude. Le caractère long ou court de la durée d’évolution de la maladie a été défini a posteriori en fonction de la médiane des durées d’évolution de la maladie (médiane = 14 ans) observée chez les patients de cette étude. Ainsi, nous obtenions deux groupes de patients, un premier composé de patients dont la durée d’évolution de la maladie était courte (durée d’évolution moyenne = 9 ans) et un second dont la durée d’évolution était longue (durée d’évolution moyenne = 23 ans). Ces deux groupes de patients étaient équivalents en termes de score à l’EDSS. Matériel E. Leclercq, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Procédure L’évaluation cognitive commence par un entretien semidirectif dans lequel l’expérimentateur recueille des informations démographiques (âge, sexe, durée de scolarisation, etc.) et cliniques (âge début de la maladie, durée d’évolution de la maladie, dernière poussée, traitement, etc.) ainsi que d’éventuelles plaintes cognitives rapportées par le participant (difficultés attentionnelles, problèmes mnésiques, ralentissement, etc.). L’expérimentateur note ses impressions cliniques concernant l’état somatique du patient (fatigue, moral, appétit, sommeil, etc.), et ce à partir du ressenti subjectif exprimé par ce dernier. Cet entretien semidirectif est suivi de la passation de la BCcogSEP qui dure environ une heure. Les épreuves de la BCcogSEP suivent un ordre chronologique précis : le Selective reminding test, l’épreuve du 10/36 spatial recall test, l’épreuve de répétition de chiffres en ordre direct et en ordre inverse, les fluences verbales phonémique et sémantique et le Pasat 3 secondes. Analyse statistique Afin d’étudier la persistance de l’effet de la durée d’évolution de la maladie chez des patients âgés atteints d’une SEP-RR, nous avons choisi de réaliser des comparaisons deux à deux à l’aide de statistiques non paramétriques menées à l’aide du logiciel SPSS (version 18). De plus, la taille des effets pour chaque comparaison a été calculée à l’aide du d de Cohen. L’effet est jugé de petite taille si le d est compris entre 0,20 et 0,49 ; de taille moyenne s’il est compris en 0,5 et 0,79 et de grande taille s’il est supérieur à 0,80. Résultats Lors de nos analyses, aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les performances cognitives des patients âgés dont la SEP évoluait depuis peu de temps et celles des participants témoins. En revanche, lorsque la SEP évoluait depuis longtemps, nos observations vont dans le sens de nos hypothèses puisque les patients SEP se différenciaient significativement des participants témoins, mais uniquement dans certaines épreuves cognitives. En effet, les performances obtenues par les patients étaient significativement inférieures à celles obtenues par les participants contrôles aux épreuves de codage de signes (U = 23,5, Z = - 2.59, p = 0,01, d de Cohen = 1,27 – taille de l’effet : r = 0,53), Pasat 3 secondes (U = 25,5, Z = - 2,04, p = 0,02, d de Cohen = 0,93 – taille de l’effet : r = 0,42) et fluence verbale sémantique (U = 37,5, Z = - 1,78, p = 0,03, d de Cohen = 0,85 – taille de l’effet : r = 0,39) (tableau 2). 334 Enfin, en comparant les scores obtenus par les patients âgés dont la SEP évoluait depuis une durée plus courte à ceux des patients dont la maladie évoluait depuis plus longtemps, nous observons des différences significatives. Ces différences valident nos hypothèses puisque les patients dont la durée d’évolution de la SEP-RR est longue obtiennent des performances plus faibles que ceux dont la durée d’évolution est courte. Cet effet de la durée d’évolution de la maladie n’est visible que sur certaines épreuves cognitives, à savoir le rappel total immédiat (U = 18,5, Z = -1,69, p = 0,04, d de Cohen = 0,93 – taille de l’effet : r = 0,42) et différé (U = 11,5, Z = - 2.39, p = 0.007, d de Cohen = 1,39 – taille de l’effet : r = 0,57) du 10/36 Spatial recall test, l’épreuve de fluence verbale sémantique (U = 12,5, Z = - 2,27, p = 0.01, d de Cohen = 1,32 – taille de l’effet : r = 0,55) et le Pasat 3 secondes (U = 8, Z = - 2.11, p < 0,02, d de Cohen = 1,10 – taille de l’effet : r = 0,48) (tableau 2). Étude 2 : Influence de l’âge sur les capacités cognitives de patients SEP-RR dont la durée d’évolution de la maladie est courte Participants La seconde étude a porté sur 16 patients SEP-RR répartis en deux groupes. Ces deux groupes se distinguaient selon leur âge moyen car, pour l’ensemble des patients, la durée moyenne d’évolution de la maladie était courte (moyenne = 8 ans). Le premier groupe était constitué de patients jeunes (n = 8) dont l’âge moyen était de 26 ans tandis que le second groupe comprenait des patients plus âgés (n = 8) dont l’âge moyen était de 53 ans. Les deux groupes étaient appariés en termes de niveau de scolarisation, de durée d’évolution de la maladie et du score EDSS (tableau 3). Cependant, comme dans l’étude 1, la proportion de femmes était plus importante que celle d’hommes. Matériel Le matériel utilisé était le même que dans la première étude. Procédure La procédure était également la même que celle utilisée lors de la première étude. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 3, septembre 2014 Troubles cognitifs de patients âgés atteints d’une sclérose en plaques Tableau 2. Performances cognitives obtenues par les participants de l’étude 1. Table 2. Cognitive performance of participants, study 1. Groupes Codage de signes Pasat 3 sec Patients SEP-RR Durée longue Patients SEP-RR Durée courte Participants témoins 40,62 (11,50)* 48,44 (8,53) 53,79 (9,04) 38,57 (7,32)* 47,14 (8,23) 46,38 (9,35) Phonémique 12,75 (5,70) 16,11 (4,56) 15,53 (3,95) Sémantique 17,50 (5,47)* 23,78 (3,89) 21,88 (4,78) Ordre direct 5,50 (2,33) 6,56 (1,81) 7,29 (2,41) Ordre inverse 4,88 (1,64) 5,33 (1) 6,24 (2,13) RM 9,22 (2,42) 10,68 (1,12) 10,36 (0,84) RD 10,25 (4,58) 13,11 (1,69) 12,35 (2,57) RT 14,75 (5,17) 19,11 (4,10) 18,35 (5,53) RD 5,38 (1,76) 7,44 (1,13) 6,65 (2,10) Fluences verbales Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Répétition de chiffres SRT 10/36 spatial recall test Codage de signes : nombre de réponses correctes ; Répétition de chiffres : direct : nombre de séries de chiffres de tailles croissantes correctement rappelées à l’endroit (/14), inverse : nombre de séries de chiffres de tailles croissantes correctement rappelées dans l’ordre inverse (/14) ; Pasat 3 sec. : Paced auditory serial addition test 3 sec. : nombre d’additions correctement réalisées ; Fluences : phonémique : nombre de mots cités commençant par la lettre P, sémantique : nombre de mots cités appartenant à la catégorie des animaux ; SRT : Selective reminding test, RM : nombre moyen de mots rappelés sur l’ensemble des rappels libres (/15), RD : nombre de mots restitués en rappel différé après un délai de 20 minutes (/15) ; 10/36 Spatial recall test : RT : total des localisations correctement placées sur les trois essais (/30), RD : nombre de localisations correctement placées en rappel différé après un délai de 7 minutes (/10) ; * : : différence significative comparativement aux patients SEP-RR durée courte. différence significative comparativement aux participants témoins ; Digit symbol coding test: number of correct answers; Digit span test: forward: number of items recall in the correct order (/14), backward: number of items recall in the reverse order (/14); PASAT 3 sec.: Paced auditory serial addition test 3 sec.: number of correct additions; Verbal fluency task: phonemic: number of words generated starting with P letter, semantic: numbers of words generated owned to animals category; SRT: Selective reminding test, immediate recall (RM): average number of words in the free recall task (/15), delayed recall (RD): number of words recalled after a 20-minute interval (/15); 10/36 Spatial recall test: total recall (RT): total number of correct locations recall in the three trials (/30), delayed recall (RD): number of correct locations recalled after a 7-minute relevant difference compared to RR-MS patients with short disease duration. interval (/10); * relevant difference compared to healthy participants; Tableau 3. Principales caractéristiques démographiques et cliniques des patients de l’étude 2. Table 3. Demographic and clinical characteristics of participants, study 2. Groupes Jeunes Âgés Effectif 8 8 Statistiques Âge (années) 26,38 (2,87) 53,38 (2,2) Sexe (F/H) 5/3 7/1 NSC (%) 50 62 t(9) = - 1,40, p = 0,19 Durée d’évolution (années) 8,13 (3,64) 8,38 (3,99) t(14) = 0,13, p = 0,89 Score EDSS 2,75 (0,92) 2,75 (0,96) t(14) = 0, p = 1 t(14) = 21,09, p < 0,001** F : femme ; H : homme ; Âge en années ; NSC : pourcentage de sujets ayant moins de 12 années de scolarité à partir du cours préparatoire (CP) ; Durée d’évolution : délai en années séparant le diagnostic et l’évaluation cognitive ; Score EDSS : de 0 (examen neurologique normal) à 10 (décès lié à la SEP) ; ** : différence significative. F: female; H: male; Age: in years; NSC: percentage of subject with less of 12 years of school from year 2 of primary. Duration of illness: delay between diagnostic and cognitive assessment; EDSS score: from 0 (normal neurological exam) to 10 (death from multiple sclerosis); **: relevant difference. Analyse statistique Résultats Afin d’étudier l’influence de l’âge sur les performances cognitives de patients atteints d’une SEP-RR, la procédure était identique à celle de l’étude 1. En contrôlant la durée d’évolution de la maladie, nous nous assurons que si une différence est observée entre patients âgés et patients jeunes alors celle-ci est bien la conséquence d’un effet de l’âge plutôt que de celui de la durée d’évolution de la SEP. Aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les performances cognitives des patients âgés et celles des patients jeunes atteints d’une SEP-RR dans une majorité des épreuves de la BCcogSEP (codage de signes, SRT, 10/36 spatial recall test, Pasat à 3 secondes, répétition de chiffres en ordre direct et inverse). Seules les performances aux épreuves de fluences verbales phonémique Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 3, septembre 2014 335 E. Leclercq, et al. (U = 12,5, Z = - 1,84, p = 0,032, d de Cohen = 0,85 – taille de l’effet : r = 0,39) et sémantique (U = 12,5, Z = - 1,85, p = 0,032, d de Cohen = 0,98 – taille de l’effet : r = 0,44) diffèrent significativement, et ce, en défaveur des patients les plus jeunes (tableau 4). Toutefois, ces deux effets sont de petites tailles. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Discussion L’effet de la durée d’évolution de la maladie semble être un facteur déterminant dans l’expression des troubles cognitifs des patients ayant une SEP-RR. En effet, comparativement aux performances des participants témoins, les patients SEP-RR dont la durée de la maladie était courte avaient peu de troubles cognitifs. Les troubles cognitifs apparaissaient surtout chez les patients dont la durée de la maladie était longue. Ce résultat est cohérent avec celui rapporté par Achiron et al. [17] qui, à partir de l’analyse rétrospective des performances cognitives de 1 500 patients SEP, montrait que la durée de la maladie était le facteur le plus contributif à l’apparition des troubles cognitifs. En ce qui concerne le type de troubles cognitifs observés, les performances obtenues par les patients de notre étude qui avaient la durée de maladie la plus longue montraient une atteinte de la vitesse de traitement de l’information, des capacités attentionnelles, de la mémoire épisodique visuelle et des capacités de fluence verbale, ce qui est habituellement observé dans la SEPRR chez des patients plus jeunes dont la moyenne d’âge est inférieure à 40 ans (pour une méta-analyse cf. [2, 3]). La vitesse de traitement de l’information et les capacités attentionnelles sont parmi les fonctions les plus précocement altérées dans la SEP [18]. Chez les patients ayant une SEP-RR qui évolue depuis plus de 15 ans, le déclin cognitif débuterait notamment par un dysfonctionnement des capacités d’auto-génération verbale [17]. Une perturbation de l’apprentissage d’un matériel visuo-spatial est couramment rapportée dans la SEP [19]. Cependant, cette altération épargnerait les patients SEP-RR dont la maladie est peu évoluée [18]. Néanmoins, en l’absence d’un contrôle systématique des troubles visuels, l’interprétation des résultats observés dans des tâches engageant des habilités visuo-spatiales est souvent compliquée. À durée égale d’évolution de la maladie, il ne semble pas exister d’effet de l’âge sur les capacités cognitives dans la SEP-RR. En effet, nos résultats montrent que les patients atteints d’une SEP-RR avaient le même profil cognitif, qu’ils soient âgés ou jeunes. Les patients SEP âgés se montraient même plus performants que les patients Tableau 4. Performances cognitives obtenues par les participants de l’étude 2. Table 4. Cognitive performance of participants, study 2. Groupes Codage de signes Pasat 3 sec. Phonémique Fluences verbales Patients SEP-RR âgés Patients SEP-RR jeunes 49,75 (8,10) 58,25 (10,92) 44,50 (8,81) 50,91 (11,06) 16,50 (4,72)* 12,13 (5,51) Sémantique 24,13(4,01)* 19,88 (4,58) Ordre direct 6,63 (1,92) 7,25 (1,83) Répétition de chiffres Ordre inverse 5,25 (1,03) 6,50 (1,73) Rappel immédiat 10,51 (1,06) 11,48 (2,06) SRT 10/36 Rappel différé 13 (1,77) 12,63 (2,26) Rappel immédiat 19,13 (4,39) 22,63 (5,87) Rappel différé 7,38 (1,18) 8,50 (2) Codage de signes : nombre de réponses correctes ; Répétition de chiffres : direct : nombre de séries de chiffres de tailles croissantes correctement rappelées à l’endroit (/14), inverse : nombre de séries de chiffres de tailles croissantes correctement rappelées dans l’ordre inverse (/14) ; Pasat 3 sec. : Paced auditory serial addition test 3 sec. : nombre d’additions correctement réalisées ; Fluences : phonémique : nombre de mots cités commençant par la lettre P, sémantique : nombre de mots cités appartenant à la catégorie des animaux ; SRT : Selective reminding test, RM : nombre moyen de mots rappelés sur l’ensemble des rappels libres (/15), RD : nombre de mots restitués en rappel différé après un délai de 20 minutes ; 10/36 Spatial recall test : RT : total des localisations correctement placées sur les trois essais (/30), RD : nombre de localisation correctement placées en rappel différé après un délai de 7 minutes (/10) ; * différence significative. Digit symbol coding test: number of correct answers; Digit span test: forward: number of items recall in the correct order (/14), backward: number of items recall in the reverse order (/14); Pasat 3 sec: Paced auditory serial addition test 3 sec.: number of correct additions; Verbal fluency task: phonemic: number of words generated starting with P letter, semantic: numbers of words generated owned to animals category; SRT: Selective reminding test, immediate recall (RM): average number of words in the free recall task (/15), delayed recall (RD): number of words recalled after a 20-minute interval (/15); 10/36 Spatial recall test: total recall (RT): total number of correct locations recall in the three trials (/30), delayed recall (RD): number of correct locations recalled after a 7-minute interval (/10); * relevant difference. 336 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 3, septembre 2014 Troubles cognitifs de patients âgés atteints d’une sclérose en plaques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Points clés • La durée d’évolution de la maladie est un facteur déterminant dans la survenue de troubles cognitifs chez les patients ayant une forme rémittente de sclérose en plaques (SEP-RR). • À durée égale d’évolution de la maladie, il n’existe pas d’effet de l’âge sur les capacités cognitives chez des patients ayant une SEP-RR âgés de 50 à 60 ans. • Le profil cognitif des patients SEP-RR âgés se caractérise par un ralentissement du traitement de l’information, des troubles attentionnels et un dysfonctionnement des capacités d’évocation lexicale. • Le concept de réserve cognitive est applicable aux patients SEP-RR âgés si la durée de leur maladie est courte. expériences de vie évitent l’entrée précoce dans un processus démentiel [24]. Récemment, des études ont tenté d’étendre ces notions à la SEP puisque certains patients ont d’importants troubles cognitifs tandis que d’autres n’en présentent pas malgré une charge lésionnelle importante [25, 26]. Plusieurs auteurs émettent l’hypothèse qu’un enrichissement intellectuel au cours de la vie atténuerait les effets de l’évolution de la SEP sur la cognition [27-29]. Selon Sumowski et al., la réserve cognitive parerait à une altération mnésique dans la SEP [30]. Les meilleures performances aux épreuves de fluence verbale des patients âgés de notre étude peuvent également être en partie expliquées par un autre facteur, à savoir le fait que notre groupe de patients âgés se compose majoritairement de femmes (7 femmes/8 patients âgés vs 5 femmes/8 patients jeunes). Or, les femmes obtiennent, en général, de meilleures performances aux épreuves de fluence que les hommes [20, 31, 32]. Toutefois, cette hypothèse ne peut être retenue car une analyse qualitative des données de l’étude 2, réalisée a posteriori, montre que les femmes obtenaient des performances inférieures à celles des hommes et cela qu’elles soient jeunes ou âgées et quelle que soit la tâche : fluence verbale phonémique ou sémantique. La méthodologie employée au cours de nos deux études avait pour objectif de dissocier l’influence de l’âge et de la durée d’évolution de la maladie sur les performances cognitives des patients présentant une SEP-RR. Le facteur le plus délétère pour les capacités cognitives de ces patients semble être, non pas l’âge, mais la durée d’évolution de la maladie. Les difficultés cognitives mises en évidence chez les patients SEP-RR âgés de plus de 50 ans ayant participé à ces deux études correspondaient à celles décrites dans la littérature auprès de patients SEP-RR plus jeunes et dont la durée d’évolution est de plus de 15 ans [17]. Malgré le faible effectif des groupes de patients de notre étude, les effets observés étendent à une tranche d’âge plus élevée les résultats précédemment décrits dans la littérature. Ces faibles effectifs s’expliquent essentiellement par les critères très stricts de sélection de nos participants et par le fait que la proportion de patients SEP-RR de plus de 50 ans est encore faible. Toutefois, il serait indispensable de confirmer ces résultats préliminaires auprès d’un effectif plus large de patients. jeunes dans les épreuves de fluence verbale phonémique et sémantique. Ce résultat peut, dans un premier temps, sembler contre-intuitif puisqu’au cours du vieillissement physiologique un effet négatif de l’âge a été montré sur les performances aux épreuves de fluences catégorielles et littérales [20]. Toutefois, Capitani et al. ont rapporté que les expériences individuelles ont une influence majeure sur les performances obtenues au cours d’une tâche de fluence verbale [21]. Les connaissances verbales acquises par l’intermédiaire des contacts professionnels et sociaux diversifient les expériences de vie et donc le vocabulaire d’un individu favorisant ainsi la production d’un plus grand nombre de mots lors d’une tâche de fluence verbale [22]. La survenue d’une SEP tôt dans la vie d’un individu jeune modifie ses habitudes professionnelles, sociales et de loisir. Dans la plupart des cas, les premiers symptômes de la maladie ainsi qu’une fatigue diurne excessive amène les patients jeunes à réduire leur temps de travail voire à cesser leur activité professionnelle [23]. Ainsi, ce remaniement quotidien réduit sérieusement leurs expériences individuelles et freine l’étendue de leur lexique mental. Cette hypothèse expliquerait pourquoi l’impact de la SEP sur les tâches de fluence verbale serait moindre dans notre groupe de patients âgés puisque leur maladie dont la durée d’évolution est courte s’est déclenchée plus tardivement dans leur vie. L’interprétation de ce résultat est en accord avec le concept de réserve cognitive initialement décrit dans le cadre d’études portant sur la maladie d’Alzheimer. Derrière cette notion de réserve cognitive, il est stipulé que les Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 12, n ◦ 3, septembre 2014 337 E. Leclercq, et al. Références 1. Rao SM, Leo GJ, Bernardin L, Unverzagt F. Cognitive dysfunction in multiple sclerosis. I. Frequency, patterns, and prediction. Neurology 1991 ; 41 : 685-91. 2. Zakzanis KK. Distinct neurocognitive profiles in multiple sclerosis subtypes. Arch Clin Neuropsychol 2000 ; 15 : 115-36. 3. Prakash R, Snook E, Lewis J, Motl R, Kramer A. Cognitive impairments in relapsing-remitting multiple sclerosis : a meta-analysis. Mult Scler 2008 ; 14 : 1250-61. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 4. 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