“ L Un élan nouveau dans la recherche

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ÉDITORIAL
Un élan nouveau dans la recherche
génétique de la sclérose en plaques
A new impulse in multiple sclerosis genetics research
B. Fontaine,
I. Rebeix
Département des maladies du
système nerveux, et CNRS Inserm
UPMC, UMR 975-7225, institut du
cerveau et de la moelle, hôpital de
la Pitié-Salpêtrière, Paris.
“
L
a sclérose en plaques (SEP) n’est pas une maladie héréditaire.
C’est une affection dont l’origine est multifactorielle, liée à
­l’interaction de facteurs environnementaux − aujourd’hui inconnus −
et d’une prédisposition génétique. Cette dernière peut se définir comme
une combinaison de gènes qui confère une plus grande probabilité
de développer la maladie. On considère qu’elle n’est pas suffisante à elle
seule pour que la maladie apparaisse, mais qu’elle constitue un terrain
favorable à son développement.
La détermination des facteurs génétiques de prédisposition à la SEP
est importante pour comprendre sa physiopathologie et la diversité de
son phénotype, ainsi que pour définir de nouvelles cibles thérapeutiques
et étudier l’action des médicaments déjà existants. C’est un enjeu
de recherche fondamental dont les retombées attendues ne relèvent ni
du domaine diagnostique ni de celui de la prédiction, mais d’une
­meilleure ­connaissance de la maladie. Les recherches génétiques dans
la SEP portent sur de larges populations de patients et leurs résultats ne
peuvent être transposés au niveau individuel. Elles n’ont pas aujourd’hui
vocation à modifier la prise en charge individuelle de la maladie.
À moyen terme, on peut espérer qu’elles contribuent à l’émergence
d’une approche personnalisée de la maladie.
En France, les recherches génétiques dans la SEP ont été possibles
grâce à l’effort collectif des patients et des neurologues. Elles nécessitent
la collecte d’échantillons sanguins de plusieurs milliers de patients et de
sujets témoins, à partir desquels on prépare l’ADN qui permet l’étude
des gènes. À chaque échantillon est attribué un numéro qui permet
de préserver l’anonymat des donneurs. Les échantillons sont conservés
dans un centre de ressources biologiques, le CRB REFGENSEP, dont les
procédures ont été certifiées par la norme NFS S 96-900. La collecte a été
réalisée grâce au réseau national REFGENSEP, qui s’amplifie aujourd’hui
grâce à son intégration dans l’Observatoire français de la SEP (OFSEP),
récemment créé par le Pr Christian Confavreux dans le cadre des
­investissements d’avenir. Le réseau national REFGENSEP-OFSEP
permettra non seulement d’augmenter le nombre d’échantillons,
mais aussi d’améliorer la qualité des données recueillies concernant
les différents phénotypes de la maladie, ses aspects IRM et la réponse aux
traitements.
224 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - no 8 - octobre 2013
ÉDITORIAL
En juin dernier, l’Institut du cerveau et de la moelle (ICM) a accueilli à Paris
le réseau international d’étude génétique de la SEP (International Multiple Sclerosis
Genetics Consortium [IMSGC]), qui regroupe les États-Unis, l’Australie
et une ­trentaine de pays européens dont la France. Cette réunion internationale
annuelle a été organisée grâce au soutien financier de l’IMSGC, de la fondation
ICM, de la Fondation ARSEP et du laboratoire Biogen-Idec. Elle a permis
la rencontre des différentes équipes de l’IMSGC pour définir les futurs axes de
recherche du consortium. C’est grâce à ce regroupement d’équipes internationales
dans un projet commun que des progrès considérables dans l’identification
des facteurs génétiques de la prédisposition à la SEP ont été réalisés.
Hommage au
Pr Christian Confavreux
Christian Confavreux nous a quittés, à seulement
64 ans. La peine de ses élèves et de ses amis est profonde.
Il était passionné, brillant et profondément humain.
Passionné : la neurologie le fascinait, bien au-delà de la sclérose
en plaques. Il était un extraordinaire enseignant, en particulier de la sémiologie,
marque des grands pédagogues. Il aimait voir les malades “en situation, sans filet”,
sans information préalable, pour raisonner devant les étudiants internes et assistants
(qui connaissaient le diagnostic…) au risque de s’enferrer sur une mauvaise piste…
Brillant : il était le neurologue français, de ces 20 dernières années, le plus connu et le plus
productif scientifiquement. Son intelligence hors du commun, sa capacité de réflexion basée
sur l’expérience et l’observation, lui ont permis de décrire, pas à pas, l’histoire naturelle de la
sclérose en plaques. Tous ses travaux ont été confirmés dans toutes les séries internationales
depuis. L’Observatoire français de la sclérose en plaques fut l’aboutissement de sa vie professionnelle, reconnaissance de plus de 30 ans de travail sur la recherche de la sclérose en plaques.
Humain : il était très attentif aux autres, du plus puissant au plus humble, des malades aux
membres de son équipe, et surtout de sa famille et de ses amis. Il détestait les honneurs de
“carton pâte”, les fourbes et les opportunistes. Son dévouement et son respect pour les malades
furent un exemple pour tous ses élèves.
Christian Confavreux était un inestimable “honnête homme”, d’une grande élégance d’esprit
et d’une profonde humanité.
Comme pour tous ses élèves attristés, la nostalgie est déjà profonde, mais la vie de neurologue
continue…, même groggy.
Son héritage est immense. Puissent nos volontés de travailler ensemble et nos enthousiasmes
poursuivre son œuvre !
Merci et au revoir Monsieur.
Thibault Moreau, rédacteur en chef
La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - no 8 - octobre 2013 | 225
ÉDITORIAL
1. Jersild C, Svejgaard A,
Fog T. HL-A antigens and
multiple sclerosis. Lancet
1972;1(7762):1240-1.
2. International Multiple
Sclerosis Genetics Consortium
(IMSGC). Refining genetic
associations in multiple
sclerosis. Lancet Neurol
2008;7(7):567-9.
3. International Multiple
Sclerosis Genetics Consortium;
Wellcome Trust Case Control
Consortium 2, Sawcer S,
Hellenthal G, Pirinen M et al.
Genetic risk and a primary
role for cell-mediated
immune mechanisms in
multiple sclerosis. Nature
2011;476(7359):214-9.
4. International Multiple
Sclerosis Genetics Consortium.
Network-based multiple
sclerosis pathway analysis with
GWAS data from 15,000 cases
and 30,000 controls. Am J
Hum Genet 2013 (Epub ahead
of print).
5. Depaz R, Granger B, CournuRebeix I et al. Genetics for
understanding and predicting
clinical progression in multiple
sclerosis. Rev Neurol (Paris)
2011;167(11):791-801.
6. Couturier N, Bucciarelli F,
Nurtdinov RN et al. Tyrosine
kinase 2 variant influences T
lymphocyte polarization and
multiple sclerosis susceptibility. Brain 2011;134(Pt 3):
693-703.
B. Fontaine déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts.
La première mise en évidence du rôle d’un gène dans la prédisposition à la SEP
remonte à 1972 et est l’œuvre d’équipes d’Europe du Nord, publiée dans la revue
britannique The Lancet (1). Il s’agit des gènes du complexe HLA, qui contrôlent
la réponse immunitaire, et dont on sait aujourd’hui que certaines formes ­prédisposent
à la maladie ou protègent contre elle. Il a fallu attendre 2007 pour que 2 nouveaux
gènes soient identifiés et qu’une nouvelle méthode soit proposée pour l’identification
d’un plus grand nombre de gènes. C’est dans ce contexte que le consortium IMSGC
s’est constitué dans sa forme actuelle, permettant un effort collectif facilité par le
développement, en Angleterre, de plateformes d’études ­génétiques de très haut niveau
par le Wellcome Trust (2). Les premiers résultats ont été publiés en 2011 dans la revue
britannique Nature, permettant la caractérisation d’une cinquantaine de gènes (3).
Ces travaux ont été affinés, et l’on connaît aujourd’hui environ une centaine de gènes
responsables de la prédisposition à la maladie (4). Fait remarquable, la très grande
majorité de ces gènes codent pour des protéines du système immunitaire. Cela incite
à penser que le système immunitaire joue un rôle de premier plan dans la maladie et
qu’il est important d’y chercher de nouvelles cibles thérapeutiques.
Malgré ces découvertes et ces efforts considérables, les gènes identifiés ne constituent globalement que 25 à 30 % de la prédisposition génétique à la SEP. La recherche
génétique sur la SEP s’oriente vers la recherche des gènes manquants, mais aussi sur la
corrélation des gènes identifiés avec la variabilité phénotypique de la maladie, tant
clinique qu’IRM, et la réponse aux traitements (5). Des travaux portant sur le rôle des
gènes identifiés dans le dysfonctionnement immunitaire ou les lésions de la myéline
propres à la maladie sont également en cours (6).
”
La recherche génétique dans la SEP est au début d’un nouvel élan porteur d’espoirs
dans l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. Elle a un coût élevé, mais les
retombées seront, nous le pensons, à la hauteur des espérances de ceux qui sauront
allier bonne science et moyens financiers compétitifs au niveau international.
Remerciements
Ce travail est promu par l’Inserm et soutenu financièrement par l’Inserm, l’Association française contre
les myopathies (AFM) [Généthon], la Fondation ARSEP, la Fondation ICM (OCIRP), les investissements d’avenir (ANR-10-IAIHU-06, ANR-10-COHO-002, Biobanques) et l’association Biocollections.
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