DOSSIER THÉMATIQUE La SEP ces dix dernières années Pathogénie de la SEP Pathogenesis of multiple sclerosis David Brassat* 10 ans de nouveautés : génétique, virus d’Epstein-Barr, lymphocytes B et biologics 2007 : l’été de la génétique de la SEP Le rôle de HLA-DR2, connu depuis 30 ans, est important mais ne représente que 40 % de l’effet génétique. Il en restait donc 60 % à découvrir, et l’on en sait plus depuis l’été 2007 grâce à une approche par criblage anonyme du génome par association (1). Tous les nouveaux gènes décrits ont la particularité d’avoir un effet faible, puisque les porteurs voient leur risque de développer une SEP augmenter par un facteur de 1,3 seulement. Mais le risque d’erreur est proche de 0, les valeurs de p (qui évaluent ce risque de faux résultat) étant extrêmement élevées (10-82 pour le récepteur de l’IL-7). Il reste encore beaucoup de gènes à trouver, ce qui nécessite des études incluant près de 10 000 patients. Cet effort est en cours grâce à la constitution d’un consortium international. Ainsi, la susceptibilité est liée à un gène du locus HLA qui constitue un poids lourd, représentant à lui seul 40 % de l’effet, et à une multitude de gènes non HLA (20, voire plus) ayant un effet faible. * Service de neurologie, hôpital Purpan, Toulouse. Les perspectives qui s’ouvrent grâce à la description de ces gènes semblent immenses et nous concernent tous (même les cliniciens). En effet, on peut espérer, en comprenant mieux les mécanismes de la SEP, parvenir à développer de nouvelles approches thérapeutiques. À quand une molécule ciblant la voie de l’IL-7 ? 294 | La Lettre du Neurologue • Vol. XII - n° 9 - novembre 2008 Le virus d’Epstein-Barr (EBV) Au cours de cette décennie, les articles amenant à suspecter ce virus d’être un facteur environnemental jouant un rôle majeur se sont multipliés. Une exposition précoce (avant 6 ans) pourrait être protectrice, à l’inverse d’une exposition tardive. Un article récent (2) propose une explication convaincante et polémique. Le virus EBV serait latent dans le système nerveux central (SNC) sous la forme de follicules germinaux ectopiques dans les espaces interméningés (un peu comme si un ganglion lymphatique existait dans le cerveau). Sa réactivation régulière provoquerait la réaction inflammatoire. Lymphocytes B (LB) Depuis que l’on connaît l’importance du profil oligoclonal pour le diagnostic, le rôle des LB a toujours été discuté (il s’agit en effet d’un profil d’immuno­ globuline G, produite par les LB). Au cours de la dernière décennie, ce rôle s’est précisé, grâce tout d’abord à des études anatomopathologiques réalisées chez l’homme, puis grâce à des études menées sur l’animal. Mais le plus évident est le rôle potentiel des molécules qui visent à dépléter les LB pour traiter la SEP (3). Il est désormais évident que la déplétion des LB n’agit pas uniquement sur l’immunité humorale, mais qu’elle agit aussi sur l’immunité cellulaire. Cibler les LB, c’est donc avoir un rôle central dans la pathogénie de la SEP. La première molécule testée est le rituximab (anti-CD20), mais il existe de nombreuses autres molécules possibles (antiBlys, anti-CD22, etc.). Points forts »» En une décennie, la compréhension des mécanismes pathogéniques de la SEP a progressé. »» Ce n’est pas un plaisir pour immunologistes, mais réellement le moyen pour que les patients voient de nouveaux traitements mis à leur disposition. »» Il faut saluer cette transversalité entre recherche fondamentale et mise au point de thérapeutiques. »» Nous donnerons l’exemple de quatre traitements. Par ailleurs, nous étudierons les pistes pour le futur : faudra-t-il cibler le virus d’Epstein-Barr ? La génétique nous permettra probablement d’ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques. Les 4 biologics : natalizumab, rituximab, alemtuzumab, daclizumab tent durablement LB et LT, et pour le daclizumab (récepteur de l’IL-2) [6]. Toutes ces molécules ont en commun de présenter des risques d’événements indésirables obligeant à bien définir le rapport bénéfice/risque pour chaque patient. De plus, leur mode d’action, qui est ciblé, devrait mener à déterminer les sous-groupes de patients susceptibles d’être les meilleurs répondeurs. À l’image de ce qui a été observé avec les traitements déplétant les LB, une meilleure connaissance de la pathogénie de la SEP a permis de développer des traitements ciblés. Le premier à obtenir l’AMM a été le natalizumab (4). Cette molécule cible une molécule d’adhésion importante pour le passage des lymphocytes dans le SNC. Des essais de phase III sont en cours pour les anti-CD20 (rituximab, ocrélizumab), pour les anti-CD52 (alemtuzumab) [5], qui déplè- En conclusion, des progrès ont été réalisés dans la connaissance de la pathogénie, et donc dans les traitements. Une décennie bien remplie. ■ Mots-clés Criblage du génome Virus d’Epstein-Barr Biothérapie Sclérose en plaques Pathogénie Highlights Over the last 10 years, biologics new treatments have been labeled or are in phase III trials. This is a remarkable bench to beside process. Immunologists by better describing multiple sclerosis pathogenesis allowed new treatments development. For the future, it may be of interest to target EBV or the new biological pathways described because of genetics progress. Références bibliographiques 1. Hafler DA, Compston A, Sawcer S et al., International Multiple Sclerosis Genetics Consortium. Risk alleles for multiple sclerosis identified by a genome-wide study. N Engl J Med 2007;357(9): 851-62. 2. Serafini B, Rosicarelli B, Franciotta D et al. Dysregulated EpsteinBarr virus infection in the multiple sclerosis brain. J Exp Med 2007;204(12):2899-912. 3. Hauser SL, Waubant E, Arnold DL et al., HERMES Trial Group. B-cell depletion with rituximab in relapsing-remitting multiple sclerosis. N Engl J Med 2008;358(7):676-88. 4. Coles AJ, Compston DA, Selmaj KW et al. CAMMS223 Trial Investigators. Alemtuzumab vs. Interferon beta-1a in early multiple sclerosis. N Engl J Med 2008;359(17):1786-801. 5. Polman CH, O’Connor PW, Havrdova E et al., AFFIRM Investigators. A randomized, placebo-controlled trial of natalizumab for relapsing multiple sclerosis. N Engl J Med 2006;354(9):899-910. 6. Bielekova B, Richert N, Howard T et al. Humanized anti-CD25 (daclizumab) inhibits disease activity in multiple sclerosis patients failing to respond to interferon beta. Proc Natl Acad Sci USA 2004;101(50):17565. Keywords Genome wide EBV Biologics Multiple sclerosis Pathogenesis image commentée Sur Internet, Une démence suivant une dépression D. Galanaud Département de neuroradiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. U n patient de 50 ans est hospitalisé pour un syndrome démentiel d’installation rapide précédé d’une dépression. Une IRM en séquence Flair et de diffusion est réalisée. On retrouve des hypersignaux des pulvinars, étendus aux noyaux dorso-médians des thalamus, présents en séquence Flair (image 1) et en séquence de diffusion (image 2). Il existe également un hypersignal moins marqué des noyaux lenticulaires (à noter en particulier l’atteinte de la partie antérieure du noyau lenticulaire gauche). Cet aspect est caractéristique de la forme variante de la maladie de CreutzfeldtJakob (vCJD). Cette maladie à prions, connue également sous le nom de “nouveau variant”, a été associée épidémiologiquement à la consommation de viande bovine contaminée (maladie de la “vache folle”). Elle touche des sujets plus jeunes (âge moyen : 28 ans) que la forme sporadique de la maladie (sCJD), avec une présentation clinique un peu différente : le tableau commence souvent par un syndrome dépressif, parfois associé à des douleurs des membres inférieurs, suivi au bout de quelques mois par un syndrome démentiel. La durée totale d’évolution est de l’ordre de un an. L’IRM retrouve dans plus de 90 % des cas des hypersignaux des pulvinars en séquence Flair et en séquence de diffusion, souvent étendus aux noyaux dorsomédians du thalamus (signe de la crosse de hockey ou hockey stick sign). Ces hypersignaux sont généralement associés à une baisse du coefficient apparent de diffusion. On peut également observer dans certains cas une atteinte du cortex ou des autres noyaux gris, mais beaucoup plus rarement que dans le sCJD. L’atrophie est absente au début de la maladie. Les hypersignaux thalamiques peuvent également s’observer dans le sCJD mais, dans ce cas, ils sont associés à des hypersignaux plus marqués du striatum. Le principal diagnostic différentiel en imagerie est l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke, que l’on distinguera facilement par le contexte clinique (alcoolique ou sujet dénutri, installation beaucoup plus rapide) et la réversibilité sous vitaminothérapie. ■ i m a g e s la galerie de la plus consultée est “Une démence suivant une dépression” D. Galanaud (Département de neuroradiologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) Image 1 Image 2 Vol. XII - n° 4 - avril 2008 • La Lettre du Neurologue | 103 r le s it e u s s u o v Rendez mark.fr i d e . w w w