300 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIII - n° 10 - novembre 2009
ÉDITORIAL
Références bibliographiques
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4. Jilek S, Schluep M, Meylan P et al. Strong EBV-specific CD8+ T-cell response
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5. Lang HL, Jacobsen H, Ikemizu S et al. A functional and structural basis for
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characteristic feature of multiple sclerosis brain. Brain 2009 (epub ahead of print).
L’herpès virus humain 6 (HHV6), de la famille des
β-herpèsvirus, existe sous la forme de HHV6B, cause de la
roséole infantile, et de HHV6A, neurotropique. Ce dernier est
responsable d’encéphalites limbiques chez certains patients
immunosupprimés. Une réactivation contre HHV6 dans le
sang et le liquide céphalo-rachidien (LCR) de patients atteints
de SEP a été mise en évidence dans plusieurs études. Par
ailleurs, bien que toutes les études ne soient pas univoques,
la présence de matériel génétique et de protéines de HHV6B
dans les plaques de patients souffrant de SEP a été montrée
par certains auteurs (1).
Un virus intrigant est le endogenous Multiple Sclerosis-asso-
ciated Retrovirus (MSRV). Les rétrovirus sont des virus à ARN
qui ont la capacité d’utiliser une rétrotranscriptase pour
synthétiser de l’ADN viral, ADN qui va alors s’intégrer dans
le génome de l’hôte. Le virus d’immunodéficience humain
(VIH) est l’exemple le plus connu de rétrovirus exogène. Les
rétrovirus endogènes, eux, se sont intégrés dans le génome
humain il y a des centaines de milliers d’années, faisant main-
tenant partie de son code génétique. Et ce n’est que dans des
circonstances exceptionnelles que les gènes viraux pourraient
être transcrits et donner naissance à des particules virales. Le
MSRV appartient à cette catégorie. In vitro, on observe une
augmentation de la transcription du matériel génétique rétro-
viral en présence d’autres virus, en particulier les herpèsvirus.
Le sang et le LCR de patients atteints de SEP contiennent un
nombre augmenté d’anticorps spécifiques pour le MSRV par
rapport à des sujets contrôles. L’ARN messager codant pour
certaines protéines rétrovirales est présent, soit en plus grand
nombre, soit exclusivement dans le cerveau de patients avec
SEP. Enfin, parmi les patients souffrant de SEP, la détection,
dans le LCR, du gène codant pour la protéine Pol du rétrovirus
est un facteur de mauvais pronostic (2).
Le virus d’Epstein-Barr (EBV), de la famille des γ-herpèsvirus,
est le virus le plus souvent évoqué pour son implication possible
dans la pathogenèse de la SEP. Il infecte plus de 90 % de la
population. La plupart du temps, la primo-infection, asympto-
matique, a lieu dans la petite enfance. Cependant, l’infection
à EBV peut être plus tardive, survenant dans l’adolescence,
caractérisée alors par une mononucléose infectieuse (MI). Une
méta-analyse a démontré que le risque relatif de développer
une SEP pour un individu ayant souffert de MI était 2,3 fois
plus élevé que chez un sujet EBV+ n’ayant pas présenté de MI,
et 20 fois plus élevé que chez une personne non infectée par
l’EBV. On sait aussi que le taux d’anticorps dirigés contre EBV
est significativement augmenté dans le sang des personnes qui
vont développer une SEP au cours des années suivantes (3).
La réponse immune cellulaire contre EBV paraît elle aussi
dérégulée, en particulier au début de la SEP. Ainsi, nous avons
observé une forte réponse des lymphocytes T cytotoxiques
(CD8+) chez les patients avec un syndrome clinique isolé, mais
pas chez ceux avec une SEP de plus longue évolution ou chez
des patients avec d’autres maladies neurologiques (4). Reste à
expliquer par quel(s) mécanisme(s) l’EBV pourrait être impliqué
dans la pathogenèse de la SEP. Une hypothèse fréquemment
évoquée est le fait que des leucocytes ou des anticorps dirigés
initialement contre des antigènes viraux, reconnaîtraient aussi
des antigènes de protéines présentes dans le système nerveux
central, phénomène dit de “mimique moléculaire” (5). Enfin,
une étude a suggéré qu’une réactivation d’EBV se déroulait
dans des néo-follicules lymphoïdes situés dans les méninges
de patients atteints de SEP (6). Cette observation intéressante
n’a toutefois pas été confirmée dans un travail récent (7).
En conclusion, il est vraisemblable que certains virus partici-
pent au déclenchement de la SEP chez des individus suscep-
tibles. Il est aussi possible que ces virus se potentialisent
(voir l’augmentation de production de particules virales de
rétrovirus par les herpèsvirus). Cependant, un modèle animal
serait crucial afin de pouvoir mieux étudier le rôle des virus
dans la SEP, mais un tel modèle est particulièrement ardu à
établir : l’EBV, par exemple, n’infecte que les humains. Ces
considérations ne sont pourtant pas triviales puisque le déve-
loppement de nouvelles thérapies antivirales et/ou de vaccins
pourraient peut-être apporter un soulagement aux patients
souffrant de SEP. ◾